Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050601

Dossier : T-1035-04

Référence : 2005 CF 786

Ottawa (Ontario), le 1er juin 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

MICHELLE DOUCET

demanderesse

et

BYERS TRANSPORTATION SYSTEM INC.

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision rendue par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission), le 27 mai 2004, qui a rejeté la plainte de Michelle Doucet (la demanderesse) portée contre Byers Transportation System Inc. (la défenderesse).

[2]                La demanderesse demande :


1.          une ordonnance cassant la décision rendue par la Commission le 27 avril 2004 et enjoignant à un tribunal des droits de la personne d'entendre la plainte et la demande d'indemnisation pour perte de salaire, perte de prestations de maternité et frais juridiques déposées par la demanderesse;

2.          les dépens en l'espèce.

Contexte

[3]                La demanderesse a été engagée en novembre 2000 comme préposée responsable des images par la défenderesse, Byers. Elle a pris un congé de maternité du 24 mai 2001 au 19 novembre 2001. La demanderesse a allégué qu'elle avait eu par la suite des problèmes personnels, y compris une fausse-couche, et qu'en février 2002, elle avait été impliquée dans un accident de voiture.

[4]                Le 1er avril 2002, la demanderesse a rencontré sa superviseure, Dawn Brandstrom (Mme Brandstrom), et lui a demandé un congé afin de trouver une autre gardienne pour sa fille. Le congé lui a été accordé.

[5]                La défenderesse a allégué que la demanderesse devait être de retour au travail le 5 avril 2002, mais la demanderesse a soutenu que Mme Brandstrom avait accepté de lui donner une semaine de congé (y compris le 5). La demanderesse a allégué que le 6 avril 2002 sa fille était tombée malade et que le médecin lui (la demanderesse) avait recommandé de rester à la maison pendant une semaine. Elle avait donc laissé un message à Mme Brandstrom et lui avait parlé le 8 avril 2002.

[6]                La demanderesse a soutenu que Mme Brandstrom l'avait informée qu'elle pouvait prendre une semaine de congé supplémentaire, mais devait retourner au travail le 15 avril 2002. En outre, la demanderesse souffrait de maux de dos et était soumise à beaucoup de stress, et son médecin lui avait recommandé de prendre congé.

[7]                La demanderesse a allégué que lorsqu'elle était retournée au travail le 15 avril 2002, elle avait reçu une réprimande pour ne pas s'être rendue au travail du 8 au 12 avril 2002, et avait été mise en probation. La demanderesse avait informé Mme Brandstrom de sa situation personnelle et lui avait demandé si elle pouvait prendre un congé de maladie.

[8]                La demanderesse a soutenu qu'elle avait le choix de démissionner ou de fournir des renseignements médicaux pour que son congé de maladie soit approuvé. Comme la demanderesse avait rendez-vous chez son médecin le 18 avril 2002, elle avait informé Mme Brandstrom qu'elle demanderait un billet de médecin à ce moment-là.

[9]                La demanderesse a obtenu un billet de son médecin le 18 avril 2002, mentionnant qu'elle était incapable de travailler, à partir du 15 avril 2002, jusqu'à nouvel ordre. La belle-mère de la demanderesse a remis le billet à Mme Brandstrom le 19 avril 2002. Plus tard cette journée-là, la demanderesse a reçu une lettre de congédiement envoyée par un service de messagerie, datée du 18 avril 2002, mentionnant que la demanderesse avait abandonné son poste.

[10]            La défenderesse soutient toutefois qu'au moment de la décision de congédier la demanderesse pour abandon de son poste, (i) la demanderesse était absente du travail sans autorisation depuis le 5 avril 2002; (ii) la défenderesse avait demandé au moins six fois qu'elle présente une demande de congé et un billet du médecin confirmant la nécessité du congé, conformément à la convention collective et au manuel des employés; (iii) la demanderesse a promis au moins cinq fois qu'elle présenterait l'information demandée, mais elle ne l'a pas fait; (iv) la demanderesse a mentionné qu'elle avait télécopié les renseignements deux fois, bien qu'aucun document n'ait été reçu; (v) la demanderesse a présenté un billet du médecin antidaté, le bracelet d'hôpital de sa fille, qui ne comportait aucun renseignement pertinent concernant la maladie présumée de sa fille en avril 2002, ainsi que deux formulaires non datés de demande de services médicaux qui, encore une fois, ne comportaient aucun renseignement justifiant les absence précédentes de la demanderesse.

[11]            La demanderesse a déposé une plainte auprès de la Commissions le 2 janvier 2003, alléguant que la défenderesse faisait de la discrimination à son égard pour des motifs de situation de famille et de déficience, en refusant de satisfaire à ses besoins et en la congédiant en violation de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi).

[12]            Une médiation a eu lieu relativement à la plainte le 11 mars 2003, mais sans succès.

[13]            Le rapport d'enquête (le Rapport) du 22 janvier 2004 recommandait que, en vertu de l'alinéa 44(3)a) de la Loi, la Commission demande la nomination d'un tribunal des droits de la personne pour examiner la plainte parce que [traduction] « les éléments de preuve recueillis pendant l'enquête confirment l'allégation voulant que la défenderesse n'ait pas satisfait aux besoins de la demanderesse » .

[14]            Les parties ont reçu un exemplaire du Rapport et ont eu l'occasion de formuler des observations en réponse à celui-ci. La Commission a rendu sa décision rejetant la plainte de la demanderesse et en a informé les parties par lettre le 27 avril 2004.

[15]            Il s'agit du contrôle judiciaire de cette décision.

Décision de la Commission

[16]            Par la voie d'une lettre en date du 27 avril 2004, la Commission a rendu sa décision par la quelle elle rejette la plainte de la demanderesse. La lettre est libellée en partie comme suit :

        [traduction]

        [...]

        Avant de rendre leur décision, les membres de la Commission ont examiné le rapport qui vous avait déjà été remis ainsi que les observations qui avaient été présentées en réponse au rapport. Après avoir examiné ces renseignements, la Commission a décidé de rejeter la plainte conformément à l'alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne parce que:

Les éléments de preuve ne confirment pas l'allégation voulant que la défenderesse n'ait pas satisfait aux besoins de la demanderesse.

[...]

        La Commission se rend compte que tel n'est pas le résultat que vous souhaitiez obtenir. Toutefois, je puis vous assurer que les commissaires ont examiné votre plainte fort attentivement avant d'arriver à cette décision.

Questions en litige

[17]            Les questions en litige, formulées par la demanderesse, sont les suivantes :

            1.         La décision de la Commission était-elle raisonnable lorsque celle-ci a conclu que les éléments de preuve ne confirmaient pas l'allégation voulant que la défenderesse n'ait pas satisfait aux besoins de la demanderesse en ce qui concerne ses demandes liées à sa situation de famille et à sa déficience, et qu'elle a refusé par la suite de soumettre la question à un tribunal?

            2.          La Commission a-t-elle omis d'observer les principes de la justice fondamentale et de l'équité procédurale en ne motivant pas suffisamment la modification de la recommandation initiale de l'enquêteur de nommer un tribunal des droits de la personne pour examiner la décision finale de la Commission consistant à rejeter la plainte parce que [traduction] « les éléments de preuve ne confirment pas l'allégation voulant que la défenderesse n'ait pas satisfait aux besoins de la demanderesse » ?

            3.          La Commission a-t-elle enfreint son mandat conféré par la loi et les principes de la justice naturelle et de l'équité procédurale en omettant de tenir compte de tous les éléments de preuve et de toutes les circonstances de la plainte présentée par la demanderesse, des incohérences dans les observations de la défenderesse et même des observations finales de la demanderesse datées du 31 mars 2004?

[18]            Les questions en litige, formulées par la défenderesse, sont les suivantes :

            1.          Quelle est la norme de contrôle appropriée de la décision de la Commission selon laquelle les éléments de preuve n'ont pas confirmé l'allégation voulant que la défenderesse n'ait pas satisfait aux besoins de la demanderesse en ce qui concerne ses demandes liées à sa situation de famille et à sa déficience?

            2.          La décision de la Commission était-elle :

a)          manifestement déraisonnable ou, à titre subsidiaire,

b)          raisonnable lorsqu'elle a conclu que les éléments de preuve ne confirmaient pas l'allégation voulant que la défenderesse n'ait pas satisfait aux besoins de la demanderesse en ce qui concerne ses demandes liées à sa situation de famille et à sa déficience?

            3.          La Commission a-t-elle omis d'observer les principes de la justice fondamentale et de l'équité procédurale en ne donnant pas de raisons suffisantes de ne pas adopter la recommandation de l'enquêteur visant la nomination d'un tribunal des droits de la personne?

            4.          La Commission a-t-elle enfreint son mandat conféré par la loi et les principes de la justice naturelle et de l'équité procédurale en omettant de tenir compte de tous les éléments de preuve et de toutes les circonstances de la plainte déposée par la demanderesse, des incohérences dans les observations de la défenderesse et même des observations finales de la demanderesse du 30 mars 2004?


Observations de la demanderesse

[19]            Norme de contrôle

            La demanderesse a soutenu que la norme de contrôle s'appliquant à la décision discrétionnaire de la Commission de ne pas renvoyer une plainte à un tribunal des droits de la personne est la norme de la décision raisonnable simpliciter (voir Cormier c. Canada (Commission des droits de la personne), [1999] A.C.F. no 543 (1re inst.)).

[20]            Première question

            La demanderesse a soutenu que les observations présentées par la défenderesse à la Commission contiennent des incohérences et que, par conséquent, la preuve produite par la demanderesse aurait dû être privilégiée. Les exemples mentionnés par la demanderesse comprennent la question de savoir si un représentant syndical était présent aux moments allégués par la défenderesse, et l'omission par la défenderesse de fournir à la demanderesse la documentation décrivant la procédure et les politiques que la demanderesse aurait violées selon la défenderesse.

[21]            La demanderesse a soutenu que la défenderesse a clairement agi de façon discriminatoire à son égard en ne satisfaisant pas aux besoins liés à sa situation de famille et à sa déficience, et la décision de la Commission était donc déraisonnable et devrait être infirmée.

[22]            Deuxième question

La demanderesse a soutenu que la Commission a commis une erreur en infirmant la recommandation de l'enquêteur sans expliquer quelles allégations en particulier ont été acceptées par la Commission.

[23]            La demanderesse a soutenu que dans certaines circonstances où la décision en question revêt une signification importante pour l'individu, comme c'était le cas en l'espèce, il faut motiver la décision (voir Gardner c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 616).

[24]            La demanderesse a ajouté que, conformément aux motifs énoncés par la Cour dans la décision Gardner, précitée, deux demandes ont été présentées par écrit à la Commission, les 21 mai 2004 et 16 juin 2004, mais qu'aucun motif n'a été donné par écrit. La demanderesse a soutenu que la Commission avait donc manqué à l'obligation d'équité en omettant de donner des motifs suffisants.

[25]            Troisième question

            La demanderesse a soutenu que le certificat lié à l'article 318 des Règles accompagnant le dossier certifié soumis à la Cour, indiquant que les observations finales de la demanderesse, datées du 30 mars 2004 et télécopiées le 31 mars 2004, ont été communiquées aux commissaires avant qu'ils rendent leur décision. Toutefois, le document intitulé « Chronology » mentionnait que l'affaire avait été adressée au service responsable des réunions de la Commission le 25 mars 2004, et la demanderesse a soutenu qu'elle avait été informée [traduction] « par un représentant de la Commission » qu'il était peu probable que ses dernières observations aient été examinées avant la décision du 27 avril 2004.

[26]            La demanderesse a prétendu que la Commission ne semblait donc pas avoir examiné les observations finales. La Commission a donc omis de tenir compte de tous les éléments de preuve et a commis une erreur susceptible de révision.


Observations de la défenderesse

[27]            Norme de contrôle judiciaire

            La défenderesse a soutenu que la norme de la décision manifestement déraisonnable est la norme de contrôle appropriée de la décision discrétionnaire de la Commission (voir McConnell c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [2004] A.C.F. no 1005 et Price c. Concord Transportation Inc., [2003] A.C.F. no 1202 (1re inst.)). La défenderesse a soutenu qu'à titre subsidiaire, la norme de la décision raisonnable simpliciter est la norme appropriée(voir Lindo c. Banque Royale du Canada, [2000] A.C.F. no 1101 (1re inst.)).

[28]            Première question

            La défenderesse a soutenu que l'observation de la demanderesse selon laquelle la preuve produite par la demanderesse devait être privilégiée en raison des incohérences présumées dans les observations que la défenderesse avait formulées devant la Commission équivaut à une demande de décision arbitrale auprès de la Commission, ce qui n'est pas le rôle approprié de la Commission (voir Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854).

[29]            La défenderesse a prétendu que la Commission était saisie d'éléments de preuve suffisants pour lui permettre de conclure que la défenderesse avait satisfait aux besoins de la demanderesse en ce qui concerne sa situation de famille et sa déficience. Par exemple, la défenderesse a accepté la première demande de congé de la demanderesse pour qu'elle trouve une nouvelle gardienne. Malgré le fait que la demanderesse ne soit pas retournée au travail et qu'elle n'ait pas suivi les étapes qu'on lui avait demandé plusieurs fois de suivre pour obtenir un congé, la défenderesse a tout de même permis son absence non autorisée, alors qu'elle demandait à la demanderesse de lui fournir les renseignements requis.

[30]            La défenderesse a ajouté qu'un employé qui demande que des dispositions soient prises à son égard concernant un motif interdit par la Loi doit produire des éléments de preuve à l'appui du besoin exprimé. En aucun temps, la demanderesse n'a fourni la documentation demandée pour justifier son absence pour les différents motifs qu'elle a allégués.

[31]            La défenderesse a soutenu que tous les éléments de preuve, y compris une lettre de la représentante syndicale elle-même, relatifs à la présence ou à l'absence présumée de celle-ci durant les réunions, ont été produits devant la Commission, éléments de preuve qui suggèrent clairement que la défenderesse a fait mention à plusieurs reprises de la procédure exigée pour demander un congé et pour fournir les documents justifiant cette demande. Par conséquent, une évaluation de la preuve a établi que celle-ci était plus que suffisante pour que la Commission puisse fonder sa décision.

[32]            Deuxième question

            La défenderesse a ajouté qu'en l'espèce, des motifs ont été donnés par la Commission et que ces motifs devraient être jugés suffisants dans les circonstances. La défenderesse a soutenu qu'en l'espèce, affaire semblable à Maclean c. Marine Atlantic Inc., [2003] A.C.F. no 1854 (1re inst.), les motifs sont brefs et directs, mais qu'ils portent sur la question centrale. En l'espèce, il s'agit de déterminer si la défenderesse a satisfait ou non aux besoins de la demanderesse.

[33]       De même, dans la décision Maclean, précitée, la Commission a conclu que la pratique faisant l'objet de la plainte n'était pas discriminatoire. La Commission n'est pas allée jusqu'à indiquer les éléments de preuve précis qui l'ont amenée à cette conclusion. La Cour a plutôt conclu qu'elle n'y était pas tenue. D'autres tribunaux ont également conclu que les motifs succincts fournis par la Commission étaient suffisants pour démontrer que celle-ci respecte son mandat (voir également Lee c. BC Hydro, [2004] B.C.C.A. 457). En l'espèce, la décision de la Commission contenait les motifs pour lesquels la plainte avait été rejetée. La Commission n'était pas tenue de détailler la preuve sur laquelle elle s'était fondée pour arriver à cette conclusion.

[34]      La défenderesse a soutenu que, à titre subsidiaire, la Commission n'est tenue ni par la loi ni en common law de motiver ses décisions.

[35]     La défenderesse a allégué que les faits de l'espèce ressemblent plus à ceux de la décision Kallio c. Canadian Airlines International Ltd., [1996] A.C.F. no 725 (1re inst.) qu'à ceux de Gardner, précitée, mentionnée par la demanderesse. Dans Kallio, précitée, la Cour a conclu qu'il n'y avait aucun déni de la justice naturelle du fait qu'il n'y avait aucune preuve que la défenderesse avait produit de nouveaux documents sur lesquels la Commission avait fondé sa décision. La Commission n'était donc pas tenue de motiver sa décision. La défenderesse a soutenu que, conformément au raisonnement de la Cour dans Kallio,précitée, il ne s'agit pas d'un des cas extrêmement rares où la Commission aurait dû motiver, ou motiver davantage sa décision.

[36]      Troisième question

            La défenderesse a soutenu que, selon la preuve, il n'y avait aucune incohérence dans les observations formulées devant la Commission, comme le prétendait la demanderesse. À titre subsidiaire, s'il y avait eu incohérence, il revenait à la Commission d'évaluer la totalité de la preuve et de décider si la plainte justifiait une autre enquête à l'échelon du tribunal (voir Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne, [1994] 2 C.F. 574 (1re inst.), confirmée par [1996] A.C.F. no 385 (C.A.F.)).

[37]       La défenderesse a ajouté que la preuve établissait que les observations finales de la demanderesse étaient incluses dans les documents produits devant la Commission, car elles faisaient partie du dossier certifié.

[38]     À titre subsidiaire, la demanderesse a dépassé de douze jours l'échéance du 18 mars 2004 pour présenter les observations. Par conséquent, si la Commission n'a pas eu la possibilité d'examiner les observations de la demanderesse, ce n'est qu'en raison de l'inaction de cette dernière.

[39]    À titre subsidiaire, la défenderesse a soutenu que les observations ne contenaient aucun nouveau fait important et que toute omission d'examiner les observations n'avait pas entraîné une violation de l'équité procédurale. Toutes les questions discutées par la demanderesse dans les observations du 30 mars 2004 avaient déjà été discutées dans d'autres observations et avaient été simplement reformulées dans les observations du 30 mars 2004.

[40]      La demanderesse sollicite une ordonnance rejetant la demande et le paiement des dépens.

Dispositions légales pertinentes

[41]      Les articles 3, 7 et 44 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, précitée, sont libellés en partie comme suit :


3. (1) Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

(2) Une distinction fondée sur la grossesse ou l'accouchement est réputée être fondée sur le sexe.

7. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects:

a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d'emploi.

44. (1) L'enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l'enquête.

(2) La Commission renvoie le plaignant à l'autorité compétente dans les cas où, sur réception du rapport, elle est convaincue, selon le cas:

a) que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

b) que la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale.

(3) Sur réception du rapport d'enquête prévu au paragraphe (1), la Commission:

a) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l'article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue :

(i) d'une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci est justifié,

(ii) d'autre part, qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

b) rejette la plainte, si elle est convaincue:

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci n'est pas justifié,

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l'un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

(4) Après réception du rapport, la Commission:

a) informe par écrit les parties à la plainte de la décision qu'elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3);

b) peut informer toute autre personne, de la manière qu'elle juge indiquée, de la décision qu'elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3).

3. (1) For all purposes of this Act, the prohibited grounds of discrimination are race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, marital status, family status, disability and conviction for which a pardon has been granted.

(2) Where the ground of discrimination is pregnancy or child-birth, the discrimination shall be deemed to be on the ground of sex.

7. It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

(a) to refuse to employ or continue to employ any individual, or

(b) in the course of employment, to differentiate adversely in relation to an employee,

on a prohibited ground of discrimination.

44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

(2) If, on receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission is satisfied

(a) that the complainant ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available, or

(b) that the complaint could more appropriately be dealt with, initially or completely, by means of a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act,

it shall refer the complainant to the appropriate authority.

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

(a) may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and

(ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e); or

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

(4) After receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

(a) shall notify in writing the complainant and the person against whom the complaint was made of its action under subsection (2) or (3); and

(b) may, in such manner as it sees fit, notify any other person whom it considers necessary to notify of its action under subsection (2) or (3).

Analyse et décision

[42]    J'ai déjà conclu que la norme de contrôle qui s'applique à la décision de la Commission consistant à rejeter une plainte est la norme de la décision raisonnable simpliciter (voir MacLean, précitée). Pour ce qui est des questions de l'équité procédurale ou de l'obligation d'équité, y compris l'énonciation ou le caractère suffisant des motifs, la question de la norme de contrôle ne s'applique pas.

[43]     Je propose de commencer par la deuxième question.

[44]    La Cour d'appel fédérale a commenté la contestation des décideurs administratifs dans la décision Marine Atlantic Inc. c. Guilde de la marine marchande du Canada, [2000] A.C.F. no 1217, paragraphes 5, 6 et 7 :

Dans le jugement Liang c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, (1999) A.C.F. no 1301, le juge Evans a déclaré, au paragraphe 31 :

Toutefois, à mon avis, l'obligation d'équité exige simplement que des motifs soient fournis à la demande de la personne à laquelle cette obligation est due et, en l'absence d'une telle demande, il n'y a aucun manquement à l'obligation d'équité.

Nous sommes d'accord avec le juge Evans. Avant de demander le contrôle judiciaire d'une ordonnance rendue par un tribunal administratif au motif que celui-ci n'a pas motivé sa décision, l'intéressé doit d'abord demander au tribunal en question de motiver sa décision. Si le tribunal administratif refuse de motiver sa décision ou fournit des motifs insuffisants, la personne visée peut recourir à notre Cour. On compliquerait toutefois inutilement l'administration de la justice si l'on permettait à l'intéressé de s'adresser à la Cour pour obtenir l'annulation d'une ordonnance rendue par un tribunal administratif au motif que celui-ci n'a pas motivé sa décision, sans avoir d'abord demandé à celui-ci de motiver sa décision.

Le Conseil peut répondre à cette demande en motivant sa décision ou en exposant les raisons pour lesquelles il estime qu'il n'est pas nécessaire de le faire, compte tenu des circonstances de l'espèce. À notre avis, le fait d'obliger une partie à demander au tribunal administratif de motiver sa décision avant d'introduire une instance en contrôle judiciaire devant notre Cour ne la lèse aucunement.

Nous tenons à préciser que, bien qu'habituellement, la partie visée doive d'abord demander au tribunal administratif de motiver sa décision, il peut exister des situations dans lesquelles l'obligation du tribunal administratif de motiver sa décision est tellement évidente que l'intéressé peut recourir à la Cour sans devoir d'abord demander au tribunal administratif de motiver sa décision. Il existe peut-être aussi des circonstances dans lesquelles une partie se trouve dans l'impossibilité de demander au Conseil de motiver sa décision. Ces circonstances seraient, à notre avis, extrêmement rares.

[45]      En l'espèce, la demanderesse a demandé à la Commission, dans des lettres en date du 21 mai 2004 et du 16 juin 2004, de donner des motifs de fond. Aucune des deux lettres n'a reçu de réponse. La demanderesse a respecté l'exigence liée à la demande de motifs.

[46]      La défenderesse a soutenu que la lettre de la Commission du 27 avril 2004, dans laquelle elle rejette la plainte de la demanderesse, contenait les motifs de sa décision, et que ces motifs étaient suffisants. La demanderesse a allégué que la lettre ne contient pas des motifs suffisants ou que la Commission a omis de fournir des motifs valables.

[47]      En l'espèce, la décision de la Commission était contraire aux recommandations de l'enquêteur, selon lesquelles un tribunal des droits de la personne devait être nommé pour examiner la plainte.

[48]      Dans la décision Gardner, précitée, le juge Gibson a mentionné aux paragraphes 32, 33 et 34 :

En outre, la demanderesse soutient au sujet de la citation de Marine Atlantic Inc. que les circonstances de la présente affaire montrent qu'il est clair et manifeste que la Commission aurait dû fournir des motifs plus étoffés qu'elle ne l'a fait, même si je devais conclure que la demanderesse n'a pas présenté en temps utile une demande de motifs plus étoffés que ceux qui avaient été fournis. La demanderesse soutient que par rapport au passage cité de Marine Atlantic Inc., il s'agit là d'une des situations « tout à fait inhabituelles » dans laquelle le décideur aurait dû fournir des motifs plus élaborés.

La Cour est très sensible aux arguments avancés par la demanderesse. La Cour est convaincue que les « motifs » fournis par la Commission à la demanderesse étaient tout à fait insuffisants. Celle-ci a donc été obligée, sans l'aide d'un avocat, d'essayer d'extraire du dossier du tribunal, le mieux qu'elle pouvait, une explication rationnelle de la décision de la Commission de rejeter ses plaintes plutôt que de les renvoyer à la conciliation comme l'enquêteur le recommandait à la Commission dans son rapport succinct mais raisonnablement détaillé. Les explications qu'elle pourrait trouver dans le dossier du tribunal ne seraient qu'hypothétiques.

Par conséquent, il demeure toujours une question à laquelle ne répond pas la lettre longuement citée ci-dessus et qui contenait la décision contestée, une question qui n'a toujours pas reçu de réponse : pourquoi? Cette question repose sur une préoccupation qui a été solidement formulée et qui est demeurée sans réponse.

[49]      Dans la décision Gardner, précitée, les plaintes ont été rejetées :

[...] compte tenu de toutes les circonstances relatives à la plainte, un autre examen n'est pas justifié.

[50]      En l'espèce, la plainte de la demanderesse a été rejetée parce que :

[traduction] « [...] les éléments de preuve ne confirment pas l'allégation voulant que la défenderesse n'ait pas satisfait aux besoins de la demanderesse » .

[51]      La défenderesse a fait valoir la décision MacLean, précitée, dans laquelle j'ai jugé que les motifs étaient suffisants. Dans MacLean, précitée, la plainte a été rejetée parce que :

[traduction] [...] la distinction était justifiable compte tenu des circonstances; le fait de prévoir différentes catégories d'avantages selon que certains employés risquent plus que d'autres employés d'être touchés ne constitue pas un acte discriminatoire.

[52]      Je ne suis pas d'accord pour dire que les motifs énoncés par la Commission en l'espèce sont les mêmes que dans la décision MacLean, précitée. Les motifs de la Commission dans la décision MacLean, précitée, expliquent à la demanderesse pourquoi le fait de prévoir des catégories de prestations différentes pour des employés différents ne constituait pas un traitement discriminatoire. En l'espèce, la décision précise simplement que les éléments de preuve ne confirment pas l'allégation voulant que la défenderesse n'ait pas satisfait aux besoins de la demanderesse.

[53]      Comme l'a mentionné le juge Gibson dans la décision Gardner, précitée, dans laquelle le tribunal n'a pas suivi la recommandation de l'enquêteur visant la nomination d'un tribunal, pourquoi la Commission n'a-t-elle pas suivi cette décision? La même question peut se poser en l'espèce : pourquoi la Commission n'a-t-elle pas suivi la recommandation de l'enquêteur?

[54]      Comme je l'ai mentionné dans la décision MacLean, précitée, au paragraphe 47 :

Les motifs que la Commission a prononcés en l'espèce sont brefs, mais ils informent de fait le demandeur de la raison pour laquelle la Commission a décidé de rejeter sa plainte. La Commission a clairement dit que le fait de prévoir différentes catégories d'avantages selon que certains employés risquent plus que d'autres employés d'être touchés par la fermeture du service de transport par traversier de Marine Atlantic sur le parcours Borden-Cape Tormentine ne constitue pas un acte discriminatoire. Je suis d'avis que les motifs fournis par la Commission étaient suffisants.

[55]      En l'espèce, la demanderesse ne peut que deviner les motifs pour lesquels la Commission n'a pas suivi la recommandation de l'enquêteur visant la nomination d'un tribunal. J'ajouterais que la Commission n'est pas tenue de suivre la recommandation de l'enquêteur, mais au moins, elle devrait expliquer pourquoi elle est arrivée à une conclusion différente. Les motifs n'ont pas à être très élaborés, mais ils devraient permettre de comprendre le « pourquoi » , comme les motifs donnés par la Commission dans la décision MacLean, précitée.

[56]      Par conséquent, je suis d'avis que les motifs donnés par la Commission en l'espèce ne sont pas suffisants, et la demande de contrôle judiciaire est donc accueillie, la décision de la Commission est infirmée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différent de la Commission pour un nouvel examen.

[57]      Je n'ai pas à traiter les autres questions soulevées par la demanderesse.

[58]      La demanderesse a droit à ses dépens liés à la demande.

ORDONNANCE

[59]      LA COUR ORDONNE que :

            1.          La demande de contrôle judiciaire soit accueillie, la décision de la Commission soit infirmée et l'affaire soit renvoyée à un tribunal différent de la Commission pour un nouvel examen.

            2.          La demanderesse ait droit à ses dépens liés à la demande.

« John A. O'Keefe »

           Juge

Ottawa (Ontario)

Le 1er juin 2005

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-1035-04

INTITULÉ :                                        MICHELLE DOUCET

et

BYERS TRANSPORTION SYSTEM INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :                  EDMONTON

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 2 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                       LE 1ER JUIN 2005

COMPARUTIONS :

TERRYL ROSTAD                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

JOYCE MITCHELL                                                                 POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INCRITS AU DOSSIER :

Odishaw & Odishaw                                                                 POUR LA DEMANDERESSE

2200, place Sun Life

10123, 99e Rue

Edmonton (Alberta)      T5H 1T8

Fasken Martineau DuMoulin LLP                                              POUR LA DÉFENDERESSE

3400 First Canadian Centre

350 - 7e Avenue S-O

Calgary (Alberta)         T2P 3N9

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.