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Date : 20050427

Dossier : IMM-3108-04

Référence : 2005 CF 562

Ottawa (Ontario), le 27 avril 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN                            

ENTRE :

MARIA MADALENA MENDES BRITO ALIAS MARIA MADALENA MENDES BRITO SANTOS, DANILO TEODORO BRITO, MURILO TEODORO BRITO

demandeurs

                                                                            et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision datée du 3 mars 2004 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger parce qu'ils peuvent obtenir une protection adéquate de l'État au Brésil. La demanderesse principale est une victime de violence conjugale.


LES FAITS

[2]                La demanderesse principale (la demanderesse), Maria Madalena Mendes Brito, est une citoyenne brésilienne âgée de 41 ans. Elle prétend craindre avec raison d'être persécutée du fait de la violence conjugale dont elle a été victime lorsqu'elle demeurait au Brésil. Elle a deux fils, âgés de 13 et 17 ans, dont les demandes d'asile dépendent de la décision rendue sur celle qu'a présentée leur mère.

[3]                La demanderesse prétend que, peu après son mariage en 1985, son mari a commencé à la maltraiter physiquement. Les mauvais traitements se sont poursuivis tout au long de leur mariage qui a duré douze ans. Après leur séparation en 1997 et leur divorce en 1999, la demanderesse a été menacée à plusieurs reprises par son ex-mari. À l'audience, elle a déclaré avoir téléphoné une fois à la police, en 1997, pour dénoncer les mauvais traitements dont elle était victime. L'agent de police lui a dit de se présenter au poste de police pour déposer une plainte officielle; elle a toutefois refusé de le faire parce qu'elle était trop embarrassée par la situation et qu'elle ne voulait pas que son mari soit arrêté par la police.


[4]                En 2003, la demanderesse a obtenu l'autorisation de son ex-mari d'amener leurs enfants au Canada pour de courtes vacances. Les demandeurs sont arrivés au Canada le 3 mars 2003 et ont demandé l'asile le 11 mars suivant. La demanderesse craint que, si elle est renvoyée au Brésil, son ex-mari ne lui fasse payer le fait d'avoir fui le pays avec leurs enfants et de l'avoir dupé.

LA DÉCISION

[5]                La Commission a rejeté la demande d'asile de la demanderesse pour le motif qu'elle n'avait pas réfuté la présomption de protection de l'État. Elle a conclu que, bien que la protection des victimes de violence conjugale ne soit pas parfaitement assurée, la preuve documentaire montre que le Brésil considère la violence conjugale comme un problème grave et a pris des mesures pour aider les victimes de violence. Par exemple, le rapport du Département d'État des États-Unis (2002) indique que la plupart des grands centres ont confié à des agents de police spéciaux les enquêtes sur les crimes commis contre des femmes et que des « postes chargés de s'occuper des femmes » ont été mis sur pied afin d'offrir à ces dernières du counseling et un abri. De même, une demande d'information de la CISR datée d'octobre 2003 et rédigée par la Direction de la recherche de la Commission indiquait que le nouveau gouvernement fédéral avait mis sur pied un plan national de lutte contre la violence conjugale en vertu duquel un plus grand nombre de membres du personnel devraient recevoir une formation, plus de centres d'hébergement seraient construits et des sanctions pénales plus sévères seraient infligées aux auteurs de délits.


[6]                S'appuyant sur la preuve documentaire, la Commission a conclu qu'il était raisonnable de s'attendre à ce que la demanderesse cherche à obtenir l'aide des autorités. Bien que la demanderesse ait téléphoné à la police à une reprise pour signaler les mauvais traitements dont elle était victime, cette démarche a été jugée insuffisante car elle n'a pas déposé de plainte officielle ni fourni d'autres détails à la police. La police avait offert d'aider la demanderesse, mais cette dernière a toutefois choisi de ne pas se prévaloir de cette aide.

ANALYSE

[7]                La seule question soulevée est celle de savoir si la Commission a commis une erreur en concluant que l'État pouvait offrir une protection adéquate à la demanderesse au Brésil. La demanderesse soutient que la preuve documentaire dont a été saisie la Commission démontre que les autorités brésiliennes omettent souvent d'intervenir dans des situations de violence conjugale et que les institutions vouées à la protection des femmes manquent de ressources. Elle prétend que cette preuve dément la conclusion selon laquelle il est possible de se prévaloir de la protection de l'État au Brésil et que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de cet élément de preuve contradictoire sans fournir d'explication.


[8]                Le défendeur allègue que la Commission n'a pas commis d'erreur en préférant la preuve documentaire indiquant l'existence d'une protection par l'État au Brésil car il s'agissait de la preuve la plus récente dont elle avait été saisie. Il affirme que la demanderesse tente de faire en sorte que la Cour apprécie de nouveau la preuve, ce qui n'est pas son rôle.

[9]                Dans l'affaire Chaves c. Canada, [2005] A.C.F. no 232, la juge Tremblay-Lamer, appliquant l'analyse pragmatique et fonctionnelle, a jugé que la norme de contrôle applicable aux questions de protection de l'État est celle de la décision raisonnable simpliciter. Par conséquent, la Cour n'interviendra à l'égard de la décision de la Commission que si les motifs ne résistent pas à un examen assez poussé.           


[10]            Après avoir examiné la décision de la Commission et la preuve versée au dossier, je conclus que l'intervention de la Cour n'est pas justifiée. Une grande partie de la preuve présentée par la demanderesse porte sur l'omission de la police d'intervenir lorsque des violations des droits de la personne sont commises par des collègues de travail. Cette information n'est pas pertinente en l'espèce parce que l'ex-mari de la demanderesse n'est pas membre d'une force de police ni d'une institution similaire. D'autres éléments de preuve sur lesquels s'est appuyée la demanderesse (par exemple, une demande d'information de la CISR en octobre 2000) sont antérieurs aux documents mentionnés par la Commission dans sa décision. À mon avis, la Commission a eu raison de s'appuyer sur la preuve la plus récente pour déterminer quelle est la situation actuelle au Brésil, et elle n'avait pas à se reporter particulièrement à la documentation antérieure. Voir Acosta c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1995] A.C.F. no 1291, au paragraphe 18.

[11]            Les autres éléments de preuve invoqués par la demanderesse montrent que, même s'il y a encore des lacunes dans la protection offerte par l'État, le Brésil a mis en place un certain nombre de mécanismes pour aider les victimes de violence conjugale. À mon avis, compte tenu de l'ensemble de la preuve, la Commission pouvait raisonnablement conclure que l'État pouvait offrir une protection adéquate à la demanderesse. Rien n'indique que la Commission a omis de tenir compte de la preuve pertinente lorsqu'elle a conclu que la protection de l'État existait. De plus, l'expérience personnelle de la demanderesse avec la police confirme l'existence d'une protection de l'État. La police était disposée à aider la demanderesse lorsqu'elle lui a téléphoné en 1997, mais celle-ci a elle-même décidé de ne pas se prévaloir de cette aide.

[12]            Pour les motifs susmentionnés, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[13]            Aucun des avocats n'a proposé de question aux fins de certification. Aucune question ne sera certifiée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                   « Michael A. Kelen »                  

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                              IMM-3108-04

INTITULÉ :                                               MARIA MADALENA MENDES BRITO ET AL.

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET                                                              DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                       TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                     LE 19 AVRIL 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                             LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                            LE MERCREDI 27 AVRIL 2005

COMPARUTIONS :                       

Jonathan Otis                                           POUR LES DEMANDEURS

John Provart                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

OTIS & KORMAN                                    POUR LES DEMANDEURS

Avocats

Toronto (Ontario)                                     

John H. Sims, c.r.                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE

Date : 20050427

Dossier : IMM-3108-04

ENTRE :

MARIA MADALENA MENDES BRITO ET AL.

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                 


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