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Date : 20020507

Dossier : IMM-230-01

Référence neutre : 2002 CFPI 516

Ottawa (Ontario), le mardi 7 mai 2002

EN PRÉSENCE DE Madame le juge Dawson

ENTRE :

                                                COLIN WAGOMBE KABURIA

NICHOLAS MUTHUI KABURIA

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                         - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]                 Colin et Nicholas Kaburia, les demandeurs, sont des frères et des citoyens du Kenya. Ils demandent le contrôle judiciaire de la décision datée du 14 décembre 2000 par laquelle la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié leur a refusé le statut de réfugié au sens de la Convention.


LES FAITS

[2]                 Les demandeurs sont venus au Canada à titre d'étudiants en 1991 et en 1992, respectivement. Le 12 janvier 2000, ils ont revendiqué sur place le statut de réfugié au sens de la Convention à cause des problèmes qu'ils craignaient d'avoir s'ils retournaient au Kenya. Leurs revendications étaient fondées sur deux motifs : leur appartenance à un groupe social, à savoir les citoyens d'origine kikuyu venant de la Rift Valley qui, en raison de leur prétendu soutien au parti de l'opposition lors des élections de 1992, ont fait l'objet d'agressions de la part de la tribu kalenjin du président Moi du Kenya, et les opinions politiques qui leur sont imputées en raison du soutien de leur père à un parti d'opposition, de leur lien avec un chef kikuyu connu et du fait qu'ils ont étudié à l'étranger.

[3]                 Dans leurs témoignages devant la SSR, les demandeurs ont indiqué qu'ils avaient revendiqué le statut de réfugié après avoir reçu un appel téléphonique de leur tante vivant à Nairobi, à la fin de 1999. Celle-ci leur conseillait de ne pas retourner au Kenya parce que leur cousin avait été tué. La SSR a reconnu que leur père et leur mère avaient été tués brutalement en février 2000, après que les demandeurs eurent entrepris les démarches afin de se voir reconnaître le statut de réfugié.


DÉCISION DE LA SSR

[4]                 La SSR a convenu que les demandeurs sont des frères et des citoyens du Kenya d'origine kikuyu. À ses yeux cependant, ils n'étaient pas des témoins crédibles ou dignes de foi. Plus particulièrement, la SSR n'a pas accepté les raisons qu'ils ont données pour expliquer pourquoi ils avaient revendiqué le statut de réfugié au moment où ils l'ont fait. La SSR a considéré que les demandeurs étaient au courant des ennuis de leur père dans la Rift Valley depuis le début des années 1990 et qu'ils savaient que ceux-ci continuaient. La SSR n'a pas cru que c'est un appel de leur tante, au cours duquel celle-ci leur a appris la mort de leur cousin Dedan Kimathi, le petit-fils d'un combattant de la liberté bien connu et un parent de leur père, et leur a conseillé de ne pas retourner au Kenya, qui les a incités à revendiquer le statut de réfugié le 12 janvier 2000. La SSR a dit :

Les deux revendicateurs ont reconnu le fait qu'au moment où ils ont présenté leurs revendications, leurs visas d'étudiant étaient expirés et ils travaillaient tous les deux illégalement (même si, présumément, ils ne savaient pas au début qu'ils avaient besoin d'un permis de travail). Le deuxième revendicateur a dû subir une enquête en matière d'immigration le 29 décembre 1999 pour avoir indûment et considérablement prolongé son séjour au Canada et y avoir travaillé illégalement. À notre avis, un homme raisonnable conclurait que le fait que lui et, par ricochet, le revendicateur principal, faisaient face à un renvoi constitue, à tout le moins, une motivation aussi importante pour revendiquer le statut de réfugié qu'un appel téléphonique présumé de leur tante. Et pourtant, les deux revendicateurs maintiennent que l'appel téléphonique de leur tante a été le seul élément déclencheur de leurs revendications du statut de réfugié au sens de la Convention. Selon le deuxième revendicateur, ils ont reçu cet appel le 31 décembre 1999. Les revendicateurs vivaient au Canada depuis environ sept et huit ans, respectivement. Qu'ils auraient soudainement reçu le premier appel téléphonique les avertissant de demeurer au Canada deux jours après l'enquête constituerait une coïncidence trop forte pour que nous l'acceptions selon une prépondérance des probabilités. Nous ne les croyons pas. [Renvoi omis]


[5]                 La SSR n'a accordé aucun poids à une lettre du 3 mars 2000, envoyée par une femme désignée comme étant la tante des demandeurs, parce qu'elle contredisait le témoignage de ces derniers, en particulier en ce qui concerne leur connaissance du soutien donné par leur père au Parti démocratique, un parti d'opposition. La SSR a conclu que la lettre, en particulier l'allégation qu'elle renferme selon laquelle le père des demandeurs était un activiste d'un parti de l'opposition, avait été sollicitée par les demandeurs pour ajouter du poids à leurs revendications et les embellir.

[6]                 La SSR a cependant reconnu que des membres de la famille des demandeurs avaient été persécutés - certains même tués - dans la Rift Valley à cause des affrontements ethniques. Elle a aussi considéré que les demandeurs craignaient avec raison d'être persécutés s'ils devaient retourner dans la Rift Valley au Kenya. Elle a toutefois conclu qu'ils avaient une possibilité de refuge intérieur à Nairobi.

QUESTIONS EN LITIGE

[7]                 Les principales questions soulevées par les demandeurs en l'espèce, qui ont été précisées davantage dans la plaidoirie, sont les suivantes :

1.          La SSR a-t-elle commis une erreur en considérant que le témoignage des demandeurs n'était pas crédible ou digne de foi?

2.          La SSR a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a décidé que les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur?


ANALYSE

[8]                 Comme les deux questions soulevées par les demandeurs sont inextricablement liées, j'examinerai la question de la crédibilité en même temps que celle concernant la possibilité de refuge intérieur.

[9]                 La définition de réfugié au sens de la Convention exige qu'un revendicateur ait une crainte fondée de persécution à cause de laquelle il ne peut pas ou ne veut pas retourner dans son pays d'origine. Si un revendicateur peut trouver un refuge sûr dans son pays d'origine, on ne peut pas conclure qu'il ne peut pas ou ne veut pas se réclamer de la protection de ce pays. C'est ce genre de situation que vise la notion de possibilité de refuge intérieur. Voir Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A).

[10]            Dans l'arrêt Rasaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.), la Cour a statué que, pour conclure à l'existence d'une possibilité de refuge intérieur, la SSR doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, premièrement que le revendicateur ne risque pas sérieusement d'être persécuté dans la partie du pays où, selon elle, il existe une possibilité de refuge et deuxièmement que, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles qui sont particulières au revendicateur, il ne serait pas déraisonnable pour lui d'y chercher refuge.


[11]            En l'espèce, la SSR s'est fondée sur les faits suivants pour conclure, eu égard au premier élément du critère établi dans l'arrêt Rasaratnam, que les demandeurs ne risquaient pas sérieusement d'être persécutés s'ils retournaient à Nairobi :

i)           Les allégations faites par la tante dans sa lettre au sujet du soutien que le père des demandeurs aurait donné au Parti démocratique n'étaient pas crédibles. Par conséquent, il n'y avait pas de preuve que les demandeurs risquaient d'être persécutés en raison de leur lien avec leur père.

ii)          La preuve documentaire n'indiquait pas que les étudiants retournant au Kenya après avoir fait de longues études à l'étranger couraient des risques.

iii)          Le cousin des demandeurs a été tué dans la Rift Valley, et non à Nairobi, et il s'est fait tuer en raison de son franc-parler.

iv)         Aucun document fiable déposé en preuve n'indiquait que des agents du gouvernement s'en prenaient à des Kikuyus vivant ailleurs au Kenya et dont des parents avaient été tués dans la Rift Valley.

v)          Les incidents de persécution dont des membres de la famille des demandeurs ont été victimes se sont produits dans la Rift Valley.

vi)         Il ressortait de la preuve documentaire que la violence interethnique de 1998 est survenue dans des lieux spécifiques, là où le Parti démocratique avait gagné des sièges au Parlement.


vii)         Le père des demandeurs avait vécu à Nairobi pendant 11 ans, de 1988 à août 1999. Rien n'indiquait qu'il avait éprouvé des problèmes à Nairobi à cette époque.

viii)        Les Kikuyus forment le principal groupe ethnique du Kenya, représentant 22 p. 100 de la population. Rien dans la preuve n'indiquait que les demandeurs seraient persécutés à Nairobi en raison de leur origine kikuyu.

[12]            À mon avis, la conclusion de la SSR concernant l'existence d'une possibilité de refuge intérieur aurait été inattaquable si les revendicateurs avaient fondé leurs revendications uniquement sur le fait qu'ils sont des citoyens kenyans d'origine kikuyu de la Rift Valley, vu que la preuve documentaire indiquait que la violence interethnique était survenue dans des lieux spécifiques, là où le Parti démocratique avait gagné des sièges au Parlement, que les Kikuyus forment le principal groupe ethnique du Kenya et qu'il n'y avait pas de preuve de persécution fondée sur l'origine kikuyu à Nairobi, et que rien dans la preuve n'indiquait que des agents du gouvernement s'en prenaient à des personnes dont des parents avaient été tués dans la Rift Valley.

[13]            Il faut, à mon avis, déterminer si la SSR a tenu compte de manière appropriée de la situation particulière des demandeurs pour décider si ceux-ci craignent avec raison d'être persécutés du fait de l'appui de leur père à un parti d'opposition, de leur lien avec un chef kikuyu connu et de leurs études à l'étranger.


[14]            Examinant ces prétentions dans l'ordre inverse, la SSR a conclu que les demandeurs ne risquaient pas sérieusement d'être persécutés à Nairobi parce qu'ils ont étudié à l'étranger. La SSR en est arrivée à cette conclusion parce qu'aucun document produit en preuve n'indiquait que les étudiants qui revenaient au Kenya couraient un risque et parce que les demandeurs avaient déclaré dans leurs témoignages que leur cousin, qui avait été tué au Kenya en 1998 après avoir étudié en Inde, s'était fait tuer parce qu'il exprimait ouvertement ses opinions politiques. La SSR pouvait raisonnablement tirer une telle conclusion compte tenu de la preuve dont elle disposait.

[15]            En ce qui concerne le risque de persécution que courent les demandeurs à Nairobi à cause de leur lien avec un chef kikuyu connu, la preuve relative à ce lien était loin d'être claire. Le chef en question était Dedan Kimathi, qui a été décrit dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP) de chacun des demandeurs comme le mari de la tante de leur père. À l'audience devant la SSR, le conseil des demandeurs a parlé de cet homme comme du grand-père des demandeurs. Le petit-fils de ce chef, aussi appelé Dedan Kimathi, était le cousin des demandeurs, et il a été tué à son retour de l'Inde. Dans leurs FRP, les deux demandeurs ont imputé ce meurtre au franc-parler de leur cousin et au lien de celui-ci avec son grand-père.


[16]            Compte tenu de la description faite dans les FRP des demandeurs du lien de chacun avec Dedan Kimathi père, la SSR pouvait conclure que les demandeurs ne se trouvaient pas dans une situation similaire à celle de leur cousin maintenant décédé. Par conséquent, et vu qu'à l'audience les demandeurs avaient imputé la mort de leur cousin à son franc-parler seulement, la SSR pouvait raisonnablement en arriver à la conclusion qu'il n'existait pas de possibilité sérieuse que les demandeurs soient persécutés à Nairobi à cause de leur lien avec Dedan Kimathi père.

[17]            Il reste donc à examiner le risque de persécution couru par les demandeurs à Nairobi en raison des activités politiques de leur père au sein du Parti démocratique, un parti d'opposition. La SSR a considéré qu'il n'existait pas une possibilité sérieuse que les demandeurs soient persécutés parce qu'elle a rejeté la preuve concernant les activités politiques de leur père, que tous les incidents de persécution ayant touché les membres de leur famille étaient survenus dans la Rift Valley et que leur père avait vécu en toute tranquillité à Nairobi de 1988 à août 1999.

[18]            Les motifs de la SSR posent cependant problème à certains égards.

[19]            D'abord, la preuve n'étayait pas la conclusion selon laquelle tous les membres de la famille des demandeurs avaient été tués dans la Rift Valley. La SSR a indiqué que le cousin était mort dans cette région sans disposer d'aucune preuve à cet effet.


[20]            Ensuite, la décision de la SSR sur ce point repose essentiellement sur son rejet de la preuve des activités politiques du père des demandeurs. Cette preuve provenait d'une lettre du 3 mars 2000, qui avait été envoyée aux demandeurs par leur tante pour les avertir qu'ils couraient un risque à cause des activités politiques de leur père.

[21]            La SSR a rejeté cette lettre et a indiqué qu'elle ne lui accordait aucun poids parce qu'elle contredisait le témoignage des demandeurs. Ces derniers prétendaient qu'ils n'étaient pas au courant des activités de leur père au sein du Parti démocratique avant de recevoir cette lettre, laquelle mentionnait cependant : [traduction] « Comme vous le savez, votre père avait adhéré au Parti démocratique et a soutenu avec force la démocratie en appuyant le candidat de l'opposition [...], qui est devenu le député de la circonscription. » Aux yeux de la SSR, il était invraisemblable que les demandeurs n'aient rien su des activités politiques de leur père.


[22]            À mon avis, la contradiction entre la lettre et la connaissance des demandeurs des activités politiques de leur père ne justifiait pas que l'on n'accorde aucun poids à cette lettre. Les demandeurs ont expliqué pourquoi ils ne savaient rien des activités politiques de leur père : ils étaient trop jeunes pour être au courant de celles-ci quand ils ont quitté le Kenya et, lorsqu'ils ont parlé à leur père par la suite, ce dernier les a rassurés en leur disant que les problèmes ne dureraient pas et que les choses s'arrangeraient. La SSR n'a pas tenu compte de ces explications, et elle aurait dû expliquer pourquoi elle les rejetait.

[23]            En outre, bien qu'elle ait estimé que les demandeurs n'étaient pas parfaitement crédibles à cause du moment où ils ont revendiqué le statut de réfugié, la SSR s'est fondée sur leurs témoignages selon lesquels ils ne savaient rien des activités politiques de leur père pour écarter la lettre envoyée par leur tante du Kenya. Il est vrai que la SSR avait le droit de considérer, en expliquant pourquoi, qu'il était invraisemblable que les demandeurs n'aient rien su des activités politiques de leur père, mais elle n'avait pas le droit de s'appuyer sur cette invraisemblance pour mettre en doute la valeur de la lettre faisant état de ses activités politiques. La conclusion d'invraisemblance initiale défavorable aux fils était elle-même fondée sur l'idée que le père menait des activités politiques telles que ses fils auraient dû être au courant. La SSR ne pouvait pas se servir des activités politiques du père pour discréditer les fils, et se servir ensuite du fait que ces derniers ne savaient rien de ces activités pour mettre en doute la preuve relative à celles-ci.

[24]            La SSR a aussi mis en doute le contenu de la lettre de la tante parce que, d'après elle, cette lettre avait été sollicitée. Elle en est arrivée à cette conclusion pour les raisons suivantes :


i)           les revendicateurs ont parlé à leur tante au téléphone en décembre 1999;

ii)          la lettre, qui était datée du 3 mars 2000, n'a été transmise à la SSR que le 20 juin 2000;

iii)          Nicholas a indiqué dans son témoignage qu'il avait reparlé à sa tante au téléphone en juin 2000;

iv)         la lettre renfermait des renseignements qui semblaient injustifiés, que les demandeurs ne pouvaient pas expliquer de manière satisfaisante;

v)          l'auteure de la lettre était une parente des demandeurs et non une source d'information objective.

[25]            D'abord, le fait qu'une lettre a été sollicitée ou qu'elle a été écrite par un parent n'est pas suffisant en soi pour en invalider le contenu.


[26]            Par ailleurs, les renseignements suivants, entre autres, étaient injustifiés aux yeux de la SSR : le nom de la tribu du président, le fait que le candidat local avait été élu député, le fait que le père des demandeurs s'était joint au Parti démocratique et avait soutenu avec force la démocratie en appuyant le candidat de l'opposition, et le fait qu'il avait été continuellement harcelé dans son entreprise immobilière. Lorsque la SSR leur a fait remarquer qu'il était étrange que la tante ait donné ces renseignements dans sa lettre, les demandeurs ont répondu qu'ils avaient quitté le Kenya au milieu de leur adolescence et que leur tante avait jugé qu'ils ne savaient pas tout. La SSR n'a pas fait de commentaire sur cette explication. À mon avis, le seul élément de la lettre de la tante qui semble injustifié est le nom de la tribu du président. Or, cela n'est pas suffisant en soi pour mettre en doute la validité de la lettre. La SSR a donc commis une erreur en le faisant.

[27]            Il appartenait cependant aux demandeurs de démontrer qu'ils ne pouvaient pas se réclamer d'une possibilité de refuge intérieur à Nairobi. Malgré le fait que la SSR a eu tort de rejeter la lettre de la tante pour les motifs qu'elle a donnés, et même si elle avait fait remarquer à juste titre qu'on ignorait où la mort du cousin était survenue, il reste qu'elle ne disposait pas de preuve démontrant que le père ou la tante des demandeurs avaient déjà été en danger à Nairobi. Par ailleurs, malgré les propos de la tante au sujet des activités politiques du père, sa lettre indiquait clairement que ce dernier avait commencé à avoir des problèmes seulement après avoir quitté Nairobi.

[28]            La SSR pouvait donc, compte tenu de la preuve dont elle disposait, conclure suivant la prépondérance des probabilités qu'il n'existait pas de possibilité sérieuse que les demandeurs soient persécutés à Nairobi.


[29]            La SSR a indiqué également que les deux demandeurs connaissaient bien Nairobi, que leur tante y vivait, qu'ils étaient tous les deux jeunes, en bonne santé et relativement instruits, et qu'ils avaient fait preuve d'esprit d'initiative. En conséquence, elle a conclu que les demandeurs avaient produit des éléments de preuve insuffisants pour démontrer que leur déménagement à Nairobi n'était pas une solution raisonnable pour eux.

[30]            La SSR pouvait en arriver à cette conclusion compte tenu des éléments de preuve dont elle disposait. Par conséquent, elle a eu raison de statuer que les demandeurs ne subiraient pas de difficultés indues s'ils déménageaient à Nairobi. Le deuxième élément du critère de l'arrêt Rasaratnam était donc rempli.

[31]            Je suis donc d'avis que la SSR n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle lorsqu'elle a conclu que les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur à Nairobi.


[32]            J'ai examiné la prétention des demandeurs selon laquelle la SSR a omis d'appliquer ou de tenir compte du principe établi dans l'arrêt Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Sharbdeen (1994), 23 Imm. L.R. (2d) 300. La Cour d'appel fédérale a statué dans cette affaire qu'une fois établi le bien-fondé de la crainte du revendicateur d'être persécuté par un agent de persécution, il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce que ce revendicateur cherche refuge dans une autre partie du pays contrôlée par le même agent de persécution. Les demandeurs ont soutenu que, comme la violence ethnique est sanctionnée par l'État au Kenya, leur crainte fondée de persécution s'étend à tout le territoire contrôlé par le gouvernement, c'est-à-dire à tout le Kenya.

[33]            À mon avis cependant, le fait que la tribu kalenjin constitue le groupe ethnique auquel le président du Kenya appartient, le fait qu'un grand nombre de membres de ce groupe occupent des postes clés au sein du gouvernement et le fait que la preuve indique que le gouvernement a parrainé la violence interethnique doivent être mis dans la balance avec les faits que la violence interethnique n'est survenue que dans des lieux spécifiques et qu'aucun document fiable produit en preuve devant la SSR ne démontrait que les Kikuyus vivant ailleurs au Kenya et dont des membres de la famille avaient été tués dans la Rift Valley étaient la cible des agents du gouvernement. Par conséquent, la conclusion de la SSR selon laquelle les demandeurs ne craignaient pas avec raison d'être persécutés par les agents du gouvernement n'était pas déraisonnable. Cette conclusion était étayée par les éléments de preuve qui avaient été produits devant la SSR.

[34]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


[35]            Les demandeurs ont proposé un certain nombre de questions à des fins de certification. Je suis toutefois convaincue que la présente affaire porte sur l'application de faits à des principes de droit bien établis. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.

ORDONNANCE

[36]            LA COUR ORDONNE QUE :

La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« Eleanor R. Dawson »

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                                                                                                                                                    Juge                             

  

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

   

DOSSIER :                                            IMM-230-01

INTITULÉ :                                           Colin Wagombe Kaburia et al. c. M.C.I.

   

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 6 décembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        Madame le juge Dawson

DATE DES MOTIFS :                        Le 7 mai 2002

  

COMPARUTIONS :

Micheal CranePOUR LES DEMANDEURS

Rhonda MarquisPOUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal CranePOUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

Morris RosenbergPOUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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