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Date : 20050531

Dossier : IMM-103-04

Référence : 2005 CF 751

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

ENTRE :

HE XIN LI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                Pour obtenir que des conclusions dénotant des omissions, des contradictions et des invraisemblances soient renvoyées pour nouvelle décision, un demandeur doit établir que ces conclusions sont manifestement déraisonnables à cause d'éléments de preuve non corroborés ou de la non-prise en considération de facteurs pertinents.

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés[1] (la LIPR) de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté, le 4 décembre 2003, sa demande de statut de « réfugié » en vertu de l'article 96 et de « personne à protéger » en vertu du paragraphe 97(1) de la LIPR.

CONTEXTE

[3]                Le demandeur, un citoyen chinois, M. He Xin Li, prétend craindre avec raison d'être persécuté du fait de ses croyances religieuses.

[4]                N'ayant pas obtenu une promotion au travail, M. Li était découragé. Sa mère, récemment convertie au christianisme, lui a demandé le 19 juillet 2000 de venir à l'église chrétienne clandestine qu'elle fréquentait. M. Li a été baptisé le 22 avril 2001. Le 25 mars 2002, le Bureau de la sécurité publique a fait une descente dans cette église. M. Li a réussi à s'échapper, mais sa mère a été arrêtée et le Bureau de la sécurité publique s'est lancé à sa recherche. M. Li a vécu caché jusqu'à ce que des dispositions puissent être prises en vue de son départ du pays. Il est arrivé au Canada le 8 juillet 2002.

LA DÉCISION VISÉE PAR LE CONTRÔLE JUDICIAIRE

[5]                La Commission a conclu que les relevées dans le formulaire de renseignements personnels (FRP) de M. Li, la fiche remplie au point d'entrée et sa déposition orale minaient sa crédibilité; elle a constaté que le principal incident qui aurait été la cause des graves problèmes de la famille du demandeur et aurait amené ce dernier à fuir la Chine - la descente dans l'église clandestine qu'il fréquentait - n'était pas mentionné dans la fiche remplie au point d'entrée. En outre, la Commission a relevé les incohérences suivantes : le FRP de M. Li n'indiquait pas la date exacte à laquelle la descente alléguée aurait eu lieu; M. Li a déclaré qu'après s'être enfui, il est allé se cacher au domicile d'un ami, tandis qu'il a indiqué dans son FRP s'être rendu au domicile d'un parent - il a plus tard expliqué s'être rendu au domicile de son ami pour prendre une tasse de thé et avoir ensuite appelé le parent en question pour obtenir la permission de se cacher chez lui. En outre, M. Li n'a pas indiqué les mesures sévères qui ont été prises à l'endroit de sa propre famille.

LA QUESTION EN LITIGE

[6]                La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que le paragraphe 29(4) des Règles de la Section de la protection des réfugiés[2] exige que les modifications au FRP soient faites au moins vingt jours avant l'audience?

ANALYSE

[7]                M. Li a demandé à la Cour de réévaluer deux éléments que la Commission avait appréciés quant à sa crédibilité; premièrement, le fait que son FRP n'indiquait pas la date exacte à laquelle la descente avait eu lieu dans l'église et, deuxièmement, le fait qu'après avoir échappé à la descente, il s'était arrêté pour prendre une tasse de thé. La Commission a considéré que ce geste signifiait qu'il s'était arrêté pour bavarder et elle a conclu qu'il s'agissait là d'un comportement invraisemblable de la part d'une personne qui tentait véritablement d'échapper à la persécution. En l'absence de preuves ou d'arguments justifiant une intervention de sa part à l'égard de conclusions de fait, la Cour n'interviendra pas dans l'exercice de la compétence d'un juge des faits, spécialisé en la matière.

[8]                M. Li a fait valoir que la Commission n'avait pas le droit de tirer une conclusion défavorable de son défaut d'apporter des modifications à son FRP au début de l'audience, car elle a dit à l'audience et dans ses motifs qu'elle estimait que les modifications de cette nature doivent être apportées, selon le paragraphe 29(4) des Règles, vingt jours avant l'audience. Les paragraphes 29(1) et 29(4) des Règles prévoient ce qui suit :

29.          (1) Pour utiliser un document à l'audience, la partie en transmet une copie à l'autre partie, le cas échéant, et deux copies à la Section, sauf si les présentes règles exigent un nombre différent de copies.

[...]

29.          (1) If a party wants to use a document at a hearing, the party must provide one copy to any other party and two copies to the Division, unless these Rules require a different number of copies.

...

                (4) Tout document transmis selon la présente règle doit être reçu par son destinataire au plus tard :

                (4) Documents provided under this rule must be received by the Division or a party, as the case may be, no later than

a) soit vingt jours avant l'audience;

(a) 20 days before the hearing; or

b) soit, dans le cas où il s'agit d'un document transmis en réponse à un document reçu de l'autre partie ou de la Section, cinq jours avant l'audience.

(b) five days before the hearing if the document is provided to respond to another document provided by a party or the Division.

[9]             La Cour convient avec M. Li que le paragraphe 29(4) des Règles ne s'applique pas aux FRP, car il concerne la communication de documents. Il est question de la modification des FRP au paragraphe 6(4) des Règles, qui ne comporte aucune directive quant au moment où ces modifications doivent être faites :

6.              (4) Pour modifier un renseignement fourni sur le formulaire sur les renseignements personnels, le demandeur d'asile transmet à la Section trois copies de toute page du formulaire qui doit être modifiée. Il date et signe chaque page ainsi modifiée et souligne la modification. Le présent paragraphe ne s'applique pas dans le cas d'une modification du choix de la langue des procédures ou de celle de l'interprétation.

6.              (4) If a claimant wants to change any information given in the Personal Information Form, the claimant must provide to the Division three copies of each page of the form to which changes have been made. The claimant must sign and date each new page and underline the change made. This subsection does not apply to a change in the choice of language for the proceedings or the language of interpretation.

[10]            La Cour conclut que la Commission a effectivement commis une erreur en invoquant le paragraphe 29(4) des Règles plutôt que le paragraphe 6(4). Néanmoins, il ressort du dossier que M. Li a bel et bien présenté des demandes de modifications au début de l'audience et que ces modifications ont été acceptées. M. Li n'a pas tenté de faire modifier des éléments de l'exposé circonstancié qui, comme la Commission l'a plus tard conclu, minaient sa crédibilité. On n'a donc pas empêché M. Li de présenter les éléments qu'il souhaitait soumettre à l'examen de la Commission. Pour cette raison, la demande de contrôle judiciaire ne peut pas être accueillie.

[11]            Il est établi que la Commission doit s'assurer de suivre l'article 6 des Règles et, par conséquent, accepter les modifications demandées au FRP, même si celles-ci doivent être faites au début de l'audience.

[12]            M. Li a soulevé une autre question que la Cour se contentera de commenter brièvement, car cette question n'est pas déterminante en l'espèce. Sans expliquer pourquoi il était impossible de croire que M. Li est véritablement chrétien, la Commission a dit à l'avant-dernier paragraphe de ses motifs que [Traduction] « c'est au Canada que le demandeur a appris ce qu'est le christianisme, non pas dans le but de se convertir ou de pratiquer une religion, mais pour fabriquer sa demande d'asile » . Il s'agit là d'une déclaration injustifiée, qui n'aurait donc pas dû être faite. La Commission a néanmoins fourni des motifs pour lesquels rejeter la demande, en se fondant sur le fait que le principal incident de persécution allégué par M. Li n'était pas crédible; par conséquent, la conclusion gratuite tirée au sujet de la sincérité de la foi de M. Li ne suffit pas en soi pour justifier que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie.

CONCLUSION

[13]            La Cour répond à la question par la négative, sous réserve des commentaires qui précèdent. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

            2.         Aucune question n'est certifiée.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-103-04

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         HE XIN LI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 19 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE :
                                   LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :                                   LE 31 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Shelley Levine                                                   POUR LE DEMANDEUR

Martin Anderson                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

LEVINE & ASSOCIATES                               POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

JOHN H. SIMS, c.r.                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-ministre de la Justice et
Sous-procureur général du Canada



[1] L.C. 2001, ch. 27.

[2] DORS/2002-228 (les Règles).

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