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Date : 20010705

Dossier : IMM-3018-00

Référence neutre : 2001 CFPI 763

ENTRE :

QUANYI LI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Teitelbaum

[1]              Le demandeur cherche à obtenir le contrôle judiciaire d'une décision de l'agent des visas de l'ambassade canadienne à Beijing, en Chine, datée du 4 mai 2000, qui a rejeté sa demande d'autorisation d'étude au Canada. Le demandeur n'a pas convaincu l'agent des visas qu'il avait l'intention d'effectuer un séjour au Canada de bonne foi et de manière temporaire.


Le contexte

[2]              Le demandeur, Quanyi Li, est un citoyen de la République populaire de Chine âgé de dix-huit ans. En janvier 2000, il a présenté une demande d'autorisation d'étude à l'ambassade canadienne à Beijing. À cette date, il était étudiant au cours secondaire supérieur, l'équivalent de la 11e année dans une école secondaire canadienne.

[3]              Dans son dossier de demande, le demandeur a inclus une lettre d'acceptation du conseil d'administration du district scolaire n º 48. La lettre mentionnait que le demandeur avait été accepté à l'école secondaire Howe Sound et serait inscrit en 12e année pour la période du 25 avril 2000 au 25 décembre 2000 (dossier authentique du tribunal, page 14). Le programme d'études du demandeur, qui figurait également dans son dossier de demande, indiquait qu'il prévoyait suivre un programme d'anglais langue seconde à Howe Sound pendant un an, puis terminer ses études secondaires dans cet établissement. Par la suite, il avait l'intention d'effectuer trois années d'études en gestion des affaires dans une université ou un collège canadien (dossier authentique du tribunal, page 15). La durée totale de son séjour au Canada serait de cinq ans et demi.

[4]              Le demandeur n'a pas été convoqué à une entrevue.


[5]              Une lettre de refus, datée du 4 mai 2000, a été transmise au demandeur, lui indiquant que sa demande avait été rejetée au motif qu'il n'avait pas convaincu l'agent des visas que ses intentions étaient de bonne foi et que son séjour au Canada serait temporaire. Les préoccupations soulevées par l'agent des visas, résumées dans les notes du STIDI, sont formulées comme suit :

[traduction] DEMANDEUR SORT DÉFINITIVEMENT DU SYSTÈME D'ÉDUCATION CHINOIS. N'OBTIENDRA AUCUN CRÉDIT POUR SES ÉTUDES À L'ÉTRANGER, LUI SERA EXTRÊMEMENT DIFFICILE DE REVENIR À LA LANGUE ÉCRITE À BASE DE CARACTÈRES AU NIVEAU POST-SECONDAIRE. N'AURA D'AUTRE CHOIX QUE DE POURSUIVRE SES ÉTUDES À L'ÉTRANGER, CE QUI EXIGE UN SOUTIEN FINANCIER TRÈS IMPORTANT QUE LA FAMILLE DU DEMANDEUR NE SEMBLE PAS EN MESURE D'ASSURER (TRÈS PEU DE FAMILLES CHINOISES LE PEUVENT). MÊME AVEC SUFFISAMMENT DE RESSOURCES FINANCIÈRES, JE NE SUIS PAS CONVAINCU QUE LE DEMANDEUR ENVISAGERAIT DE RENTRER EN RPC POUR SE TROUVER UN EMPLOI SANS MÊME AVOIR TERMINÉ DES ÉTUDES DE COURS SECONDAIRE SUPÉRIEUR EN RPC - SES PERSPECTIVES D'EMPLOI SERAIENT EXTRÊMEMENT LIMITÉES.

      

      (Dossier authentique du tribunal, page 16)

La position du demandeur

[6]              Le demandeur fait valoir que l'agent des visas a tiré une conclusion de fait de façon absurde ou arbitraire en décidant que le demandeur sortirait définitivement du système d'éducation chinois en ne terminant pas son cours secondaire supérieur dans ce pays et qu'il n'obtiendrait aucun crédit pour ses études à l'étranger. Le demandeur soutient que ces conclusions ont été faites sans aucun élément de preuve pour les étayer.

[7]              Le demandeur prétend que l'agent des visas a commis une erreur en concluant que ses perspectives d'emploi en Chine seraient extrêmement limitées. Encore ici, aucun élément de preuve n'a été présenté pour établir qu'une personne comme le demandeur devait avoir terminé son cours secondaire supérieur pour trouver de l'emploi.


[8]              Enfin, le demandeur soutient que l'agent des visas a manqué à l'obligation d'équité en ne lui donnant pas la possibilité de répondre à ses préoccupations.

La position du défendeur

[9]              La défendeur fait valoir dans les observations écrites qu'il a déposées que la norme de contrôle appropriée à ce type de décision est celle de la décision manifestement déraisonnable. Je ne suis pas de cet avis.

[10]            S'agissant de la décision, le défendeur soutient que c'est en grande partie une question de fait et que les conclusions de l'agent des visas, qui figurent dans les notes du STIDI, pouvaient être raisonnablement tirées sur le fondement de la preuve présentée dans le dossier de la demande.

[11]            Le défendeur affirme que l'agent des visas n'a pas manqué à l'obligation d'équité parce que ses préoccupations s'inspiraient directement de la Loi sur l'immigration et du Règlement, et ne s'appuyaient pas sur des éléments de preuve extrinsèques. Il soutient que l'agent des visas n'était pas tenu d'informer le demandeur des doutes qu'il avait au sujet de la bonne foi du demandeur ou de la suffisance de ses ressources financières.

L'analyse


[12]            Pour faire des études au Canada, la personne qui n'est ni citoyen canadien ni résident permanent doit obtenir une autorisation d'étude valide et non périmée. Aux termes du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration, sauf cas prévus, tout immigrant et tout visiteur doit demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d'entrée. Le paragraphe 9(1.2) prévoit qu'il incombe à la personne qui présente la demande de convaincre l'agent des visas qu'elle n'est pas un immigrant. C'est donc la personne qui présente la demande qui assume la charge d'établir que sa demande de séjour temporaire au Canada à titre d'étudiant est faite de bonne foi.

[13]            L'alinéa 15(1)b) du Règlement prévoit que les demandes d'autorisation d'étude doivent être accompagnées, notamment, d'une lettre d'acceptation de l'établissement où le requérant souhaite étudier et des documents voulus pour convaincre l'agent des visas que le requérant possède des ressources financières suffisantes pour payer ses dépenses pendant son séjour au Canada. Ces pièces ont été déposées par le demandeur au moment où il a présenté sa demande.

[14]            La décision de délivrer une autorisation d'étude est de nature discrétionnaire. Dans la décision De La Cruz c. Canada (M.E.I.) (1989), 26 F.T.R. 285 à la page (C.F.1re inst.), la Cour a jugé : « Le devoir de l'agent des visas est d'examiner toute demande de façon appropriée, mais il n'est tenu de délivrer un visa de visiteur que s'il est convaincu que le requérant respecte les exigences législatives. » . S'agissant de la portée du contrôle judiciaire de ce type de décision, la Cour a indiqué :


Pour obtenir gain de cause, les requérants ne peuvent se contenter de démontrer que j'aurais pu en venir à une conclusion différente de celle de l'agent des visas. Il doit y avoir soit une erreur de droit manifeste au vu du dossier, soit un manquement au devoir d'équité approprié à cette décision essentiellement administrative.

[15]            La norme de contrôle appropriée pour ce genre de décision, relevant du pouvoir discrétionnaire d'un agent des visas, est celle qu'a formulée le juge McIntyre dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2 :

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

[16]            Dans la décision Wang c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. n º 95 (IMM-2813-00, 25 janvier 2001), le juge Rouleau, se référant à l'extrait cité ci-dessus ainsi qu'à la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, a conclu que la norme de contrôle appropriée devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter.

[17]            Il est bien établi que l'obligation d'équité que requiert ce type d'affaire est limitée. Le demandeur a la charge de convaincre l'agent des visas de la bonne foi de sa demande. En l'espèce, l'agent des visas n'a pas été persuadé que le séjour du demandeur au Canada serait de nature temporaire, mais sans indiquer le fondement de sa décision.


[18]            Au vu des documents du dossier du tribunal et des notes du STIDI de l'agent des visas, il ressort que le motif de refus de la demande d'un visa d'étude est que le demandeur [traduction] « sort définitivement du système d'éducation chinois » et qu'il [traduction] « n'obtiendra aucun crédit pour ses études à l'étranger » comme il lui sera [traduction] « extrêmement difficile de revenir à la langue écrite à base de caractères au niveau post-secondaire » . Par conséquent, l'agent des visas déclare, dans les notes du STIDI, que le demandeur [traduction] « n'aura d'autre choix que de poursuivre ses études à l'étranger, ce qui exige un soutien financier très important que la famille du demandeur ne semble pas en mesure d'assurer (très peu de familles chinoises le peuvent) » .

[19]            Premièrement, la question qui se pose n'est pas de savoir ce que peuvent ou ne peuvent pas payer les autres familles chinoises. La question que doit trancher l'agent des visas est de savoir, au vu de la documentation présentée par le demandeur, si le demandeur ou sa famille disposait des ressources financières pour subvenir au besoins du demandeur pendant ses études.

[20]            Je ne comprends pas ce que veut dire [traduction] « ce qui exige un soutien financier très important » . Devrais-je comprendre que la somme de 152 000 dollars canadiens n'est pas [traduction] « un soutien financier très important » ?

[21]            De plus, je ne vois aucune preuve dans le dossier sur lequel l'agent des visas a fondé sa conclusion que le demandeur sortait définitivement du système d'éducation chinois en souhaitant venir faire des études au Canada.


[22]            L'agent des visas a peut-être raison de conclure ainsi, mais je ne vois aucune preuve dans ce qui lui a été présenté ou dans ce dont il disposait le justifiant d'arriver à cette conclusion.

[23]            Au vu des documents qui m'ont été présentés, je ne puis convenir que la décision de l'agent des visas était raisonnable, car il n'indique, pas comme je l'ai déjà dit, quels documents il avait en sa possession pour arriver à cette conclusion.

[24]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agent des visas du 4 mai 2000 est annulée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour que celui-ci procède à une nouvelle audition. S'il le souhaite, le demandeur peut présenter des documents mis à jour pour la nouvelle audition de sa demande.

     « Max M. Teitelbaum »                               Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 5 juillet 2001.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                             COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                IMM-3018-00

INTITULÉ :                           Quanyi Li c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :    Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE : le 4 juillet 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Monsieur le juge Teitelbaum

DATE DES MOTIFS :           le 5 juillet 2001

COMPARUTIONS :

Melvin Weigel                                        POUR LE DEMANDEUR        

Pauline Anthoine                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lu Chan                                                                POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Sous-procureur général du Canada                    POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie-Britannique)

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