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Date : 20051014

Dossier : IMM-1943-05

Référence : 2005 CF 1408

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

HARRY BEAUVAIS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]    Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la section d'appel) rejetant l'appel du demandeur, Harry Beauvais, au motif que son épouse est exclue de la catégorie de regroupement de famille en vertu de l'alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés DORS/2002-227 (le Règlement).


[2]    Le 4 mai 2000, le demandeur dépose une demande de résidence permanente à la section des visas de l'ambassade du Canada à Port-au-Prince. Le demandeur indique dans sa demande qu'il est célibataire et sans enfants. Sur l'arbre généalogique qui accompagne sa demande de résidence permanente (DRP), le demandeur déclare Mme Mardochée Galbart en tant que conjointe de fait.

[3]    Le 29 septembre 2000, le service des visas de l'ambassade du Canada à Port-au-Prince émet un visa de résidence permanente au demandeur.

[4]    Le 16 janvier 2001, dans un mariage civil, le demandeur épouse Mme Mardochée Galbart. Il attend jusqu'en 2002 pour que les formalités coutumières soient accomplies et que leurs familles respectives bénissent leur mariage. Il ne signale pas son mariage à l'ambassade et Mme Galbart ne fait pas l'objet d'un contrôle.

[5]    Le 3 mars 2001, le demandeur entre au Canada et y obtient le droit d'établissement.

[6]    Le 5 mars 2001, le demandeur dépose une demande de parrainage et d'engagement en faveur de Mme Galbart.

[7]    Le 28 juin 2002, l'alinéa 117(9)d) est entré en vigueur.


[8]    Le 28 octobre 2004, un agent de la section des visas refuse cette demande de parrainage au motif que Mme Galbart est exclue de la catégorie du regroupement familial par l'application de l'alinéa 117(9)d) du Règlement puisqu'elle n'a pas été précédemment déclarée comme étant l'épouse du demandeur et n'a jamais fait l'objet d'un contrôle.

[9]    Le demandeur fait appel de cette décision devant la section d'appel de l'immigration. Le 11 mars 2005, la section d'appel rejette l'appel du demandeur au motif que Mme Galbart n'appartient pas à la catégorie du regroupement familial en vertu de l'alinéa 117(9)d) du Règlement et que la section d'appel n'a pas compétence pour examiner les motifs d'ordre humanitaire dans ces circonstances.


[10]                        En l'espèce, il s'agit de savoir si la section d'appel a erré dans son interprétation de ces dispositions de la Loi et des Règlements et de leur application à la présente. Dans l'affaire Collier c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1445 (QL), le juge Snider a décidé que cette détermination est une question mixte de fait et de droit à laquelle la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter s'applique. Voir aussi : Dave v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2005] F.C.J. No. 686 (QL); Tauseef v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2005] F.C.J. No. 1516 (QL).

[11]                        Le demandeur a interjeté l'appel devant la section d'appel en vertu du paragraphe 63(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) qui se lit comme suit :

63. Droit d'appel : visa

(1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

63. Right to appeal - visa refusal of family class

(1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national a permanent resident visa.

[12]                        L'article 65 stipule que la section d'appel n'a pas compétence pour considérer des motifs d'ordre humanitaire si la personne parrainée ne fait pas partie de la catégorie du regroupement familial :



65. Motifs d'ordre humanitaires

Dans le cas de l'appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d'une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d'ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s'il a été statué que l'étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

65. Humanitarian and compassionate considerations

In an appeal under subsection 63(1) or (2) respecting an application based on membership in the family class, the Immigration Appeal Division may not consider humanitarian and compassionate considerations unless it has decided that the foreign national is a member of the family class and that their sponsor is a sponsor within the meaning of the regulations.

[13]                        L'alinéa 117(9)d) du Règlement prévoit ce qui suit :

117. Restrictions

(9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

[...]

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d'une demande à cet effet, l'étranger qui, à l'époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n'accompagnant pas ce dernier et n'a pas fait l'objet d'un contrôle.

117. Excluded relationships

(9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

[¼]

(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.

[14]                        Dans Natt c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 997 (QL), le juge Martineau a circonscrit l'objectif de cette disposition législative au paragraphe 14:

[¼] Cette disposition a pour but de veiller à ce que les étrangers qui demandent la résidence permanente n'omettent pas, dans leur demande, des personnes à leur charge qui ne les accompagnent pas, évitant ainsi que leur admissibilité soit déterminée à ce moment, et qu'ensuite, une fois qu'ils ont obtenu leur propre statut de résident permanent, ils cherchent à parrainer les personnes à leur charge en profitant du traitement et des formalités d'admission préférentiels qui sont réservés aux membres de la catégorie du "regroupement familial".


[15]                        Le demandeur prétend que l'expression « à l'époque où cette demande a été faite » à l'alinéa 117(9)d) du Règlement, signifie la période où il a fait sa demande de résidence permanente et que conséquemment, il n'a pas omit de déclarer Mme Galbart puisqu'elle n'était pas encore son épouse. Le défendeur soutient pour sa part que cette expression comprend la demande de résidence permanente jusqu'à ce que le demandeur obtienne le droit d'établissement au Canada.

[16]                        Il s'appuie sur l'affaire Dave v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), précitée, où ma collègue la juge Layden-Stevenson est d'avis que « à l'époque où la demande a été faite » commence avec la demande de résidence et ne se termine que lorsque le demandeur obtient le droit d'établissement au Canada[1].

[17]                        Il existe cependant, une jurisprudence récente qui donne une interprétation contraire à ces mots. Dans l'affaire dela Fuente v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2005] F.C.J. No. 1219 (QL), mon collègue le juge Harrington interprète de façon plus restrictive l'expression « à l'époque où la demande a été faite » . Il écrit aux paragraphes 30-31 :


¶ 30       I cannot agree that if the "time of application" is given its ordinary meaning any applicant could circumvent the Regulations by marrying after submitting his or her application. The answer lies in the landing form. Mrs. dela Fuente could have been removed under the old Act for misrepresentation. Likewise, section 40 of IRPA provides that a permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation relating to a relevant matter, or for having been sponsored by a person who is deemed to be inadmissible for misrepresentation. The "mischief" could have been avoided by not forgiving Mrs. dela Fuente. She could have been removed, as could her husband as being sponsored by an inadmissible person.

¶ 31       Furthermore, the English and French versions of the Regulation should, if at all possible, be read in harmony. To paraphrase the French, it deals with the case "where the sponsor has become a permanent resident following an application to this effect...". The application to become a permanent resident and the status of permanent residing on landing are separate and distinct.

[18]                        Dans l'affaire Tauseef v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), précitée, le juge Phelan a élaboré aux paragraphes 17-28 :

¶ 17       With the greatest respect to those who hold a contrary view, in my opinion the phrase means the time at which the application is submitted -- not the time during which the application is being processed.

¶ 18       As stated in Re Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., [1998] 1 S.C.R. 27, and consistent with the Interpretation Act, the Court is to interpret legislation in a manner consistent with the objects and purposes of the legislation.

¶ 19       Each of the interpretations urged addresses an objective of IRPA. The interpretation which limits the phrase to the time of filing the application is more consistent with the objective of family unification (section 3(1)(d)). The interpretation which holds that the whole period from filing to landing -- when the application is being processed -- is included is said to be directed at the protection of health, safety and security of Canadians (section 3(1)(h)).

¶ 20       The provision at issue appears in the section of the regulations designed to regulate and thus foster the objective of family unification. It is, however, contained in a section intended to exclude certain relationships from consideration as part of the family class for purposes of unification.

¶ 21       In my view neither the purpose of the Act nor the context of the provision within the Regulations materially assists in the resolution of this narrow point.


¶ 22       However, in examining the grammatical structure, it is apparent that "at the time of that application" refers to the preceding phrase "the sponsor ... made an application for permanent residence ... ." In my view there is a difference between the making of an application and the processing of an application. The phrase "made an application" is directed at the action of the sponsor in submitting the application not at the actions of government officials who process it.

¶ 23       That there is a difference between "the application" and the "processing of the application" is confirmed by subsection (8) of the same regulation. Subsection 117(8) refers to the circumstances where an officer may suspend "the processing of an application" when evidence establishes that a foreign national does not meet certain criteria of a provincial statement.

117(8) If, after the statement referred to in subsection (7) is provided to the officer, the officer receives evidence that the foreign national does not meet the applicable requirements set out in paragraph (7)(a), (b) or (c) for becoming a member of the family class, the processing of their application shall be suspended until the officer provides that evidence to the province and the province confirms or revises its statement.

* * *

117 8) Si, après avoir reçu la déclaration visée au paragraphe (7), l'agent reçoit une preuve supplémentaire établissant que l'étranger ne remplit pas les conditions visées aux alinéas (7) a), b) ou c), selon le cas, de sorte qu'il n'appartient pas à la catégorie du regroupement familial, l'examen de la demande de ce dernier est suspendu jusqu'à ce que l'agent fournisse cette preuve à la province et que celle-ci confirme ou modifie sa déclaration.

¶ 24       If the term "application" included the whole of the period between its submissions and its determination, there would have been no reason in subsection 117(8) to use the phrase "the processing of the application shall be suspended" -- the phrase would have been "the application shall be suspended".

¶ 25       Further, I cannot agree that paragraph 117(9)(d) was intended to address the concern that sponsors would make misrepresentations at the time of their landing. As the Respondent indicated in its letter to Tauseef, this alleged misrepresentation could have been reported to the Deputy Minister and Tauseef could have been removed. If he had, the sponsorship application would, by necessity, have failed. It cannot be the purpose of the provision to allow the Respondent to accomplish the same result indirectly. The power to discipline for misrepresentations is contained elsewhere in the statute.

¶ 26       The IAD also held that there was a continuing obligation on Tauseef to report any changed circumstances after the filing of his application for landing. Aside from issues of practicality in compliance from remote locations throughout the world, such an interpretation would render section 51 of the IRP Regulations redundant:

51. A foreign national who holds a permanent resident visa and is seeking to become a permanent resident at a port of entry must


(a) inform the officer if

(i) the foreign national has become a spouse or common-law partner or has ceased to be a spouse, common-law partner or conjugal partner after the visa was issued, or

(ii) material facts relevant to the issuance of the visa have changed since the visa was issued or were not divulged when it was issued ...

* * *

51. L'étranger titulaire d'un visa de résident permanent qui, à un point d'entrée, cherche à devenir un résident permanent doit :

a) le cas échéant, faire part à l'agent de ce qui suit :

(i) il est devenu un époux ou conjoint de fait ou il a cessé d'être un époux, un conjoint de fait ou un partenaire conjugal après la délivrance du visa,

(ii) tout fait important influant sur la délivrance du visa qui a changé depuis la délivrance ou n'a pas été révélé au moment de celle-ci ...

¶ 27       As to the IAD's conclusion that Tauseef failed to meet his obligations to disclose his marriage at the port-of-entry, it is important to bear in mind that Tauseef was asked whether he had any "non-accompanying dependents". There is no definition of the term "dependents" in the Act or in the Regulations; the legislation only addresses "dependent children". To ask that question on the assumption that a spouse is a dependent is inconsistent with modern terminology, invites confusion and may officially induce error in any response.

¶ 28       Therefore, in my view, the plain grammatical sense of the phrase "at the time of that application" means the time at which an applicant files the application. The interpretation accords with the purposes of the legislation and is in keeping with the context in which the provision and those words appear. The interpretation does not create any mischief of encouraging or facilitating misrepresentation -- that mischief is addressed in section 40 of IRPA. [My emphasis]


[19]                        Avec beaucoup d'égard pour l'interprétation choisie par ma collègue la juge Layden-Stevenson, j'adopte intégralement le raisonnement du juge Phelan dans Tauseef, précitée, et je conclus que la phrase « à l'époque où cette demande a été faite » signifie la période où le demandeur a déposé sa demande de résidence permanente.

[20]                        À l'époque où sa demande de résidence permanente a été faite, le demandeur était toujours célibataire. Il ne devait pas déclarer Mme Galbart puisqu'à « à l'époque où cette demande a été faite » elle n'était pas son épouse.

[21]                        Quant à l'application des articles 352 et 355, contrairement à la prétention du demandeur, ceux-ci ne trouvent aucune application en l'espèce. En effet, le Règlement prévoit que si une personne a fait une demande de résidence permanente au titre de l'ancienne Loi, parraine un conjoint de fait qui ne l'accompagne pas, l'alinéa 117(9)d) du Règlement ne s'applique pas. Or, Mme Galbart n'était plus une conjointe de fait à l'époque où le demandeur l'a parrainé. Je ne peux donc retenir cet argument.

[22]                        Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Le dossier est retourné pour redétermination devant un panel nouvellement constitué.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que

[1]         La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

[2]         Le dossier est retourné pour redétermination devant un panel nouvellement constitué.

« Danièle Tremblay-Lamer »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-1943-05

INTITULÉ :                                        Harry Beauvais c. Le Ministre de la Citoyennet et de l mmigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 12 octobre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Madame le juge Tremblay-Lamer

DATE DES MOTIFS :                       Le 14 octobre 2005

COMPARUTIONS:

Me Françis Kasenda Kabemba                                                  POUR DEMANDEUR

Me Alexandre Kaufman                                                             POUR DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Cabinet François K. Law Office                                                   POUR DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

M. John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                POUR DÉFENDEUR



[1]           Au même effet Benjelloun c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F no 1069 (QL), et, « with some hesitation » , Tallon v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2005] F.C.J. No. 1288 (QL).

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