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                                                                                                                                 Date : 20050315

                                                                                                                    Dossier : IMM-1625-05

                                                                                                                  Référence : 2005 CF 375

ENTRE :

                                                          PHILIPPE BOLOMBO

                                                                                                                                         Demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                          Défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

de MONTIGNY J.


[1]                Le requérant, M. Philippe Bolombo, s'est pourvu d'urgence devant cette Cour pour demander une ordonnance de sursis d'une mesure de renvoi vers les Etats-Unis. M. Bolombo a été informé le 8 mars dernier que sa demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR) avait été rejetée. On lui a immédiatement ordonné de quitter le Canada le 15 mars 2005, et il a été placé en détention à la prison Metro West Detention Centre à Toronto en attendant son départ. Il n'a pu prendre contact avec son avocat que le vendredi 11 mars, et ce dernier n'a pris connaissance de la décision rendue par l'agent chargé de l'ERAR que dans les heures qui ont précédé l'audition de la présente requête. La présente requête pour l'émission d'une ordonnance de sursis, jointe à une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision ERAR, a été déposée ce lundi 14 mars.

[2]                Le requérant est né au Congo belge (maintenant la République démocratique du Congo) le 14 avril 1950. Il est arrivé au Canada en l'an 2000. Conjointement avec son épouse et trois de leurs enfants, il a fait une demande d'asile fondée sur une crainte de persécution en raison de ses opinions et activités politiques. Cette demande a été rejetée par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié le 4 juin 2004, au motif qu'il aurait participé au régime du dictateur Mobutu et qu'il aurait été impliqué dans des crimes de guerre.

[3]                Sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire a été rejetée le 5 octobre 2004 parce qu'il était hors délai pour la présenter (sa demande de prorogation de délai a été rejetée par cette Cour). C'est à la suite de ce refus qu'il a présenté sa demande d'examen des risques avant renvoi.

[4]                Après avoir entendu les représentations orales des avocats des deux parties et pris connaissance des divers documents qu'ils ont soumis à l'appui de leurs prétentions, j'ai demandé à l'avocate du Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration de surseoir à la mesure de renvoi pour 24 heures (donc, jusqu'au 16 mars), de façon à ce que je puisse traiter de cette requête de sursis avec un minimum de sérénité.


[5]                Les deux parties s'entendent pour dire que le test applicable pour trancher une demande de sursis d'une ordonnance de renvoi est le test en trois étapes énoncé dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.).

[6]                L'avocat du requérant a soutenu que les allégations de participation à un régime ayant commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, qui ont été retenues par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, sont extrêmement graves et lourdes de conséquence pour M. Bolombo, qui devra vivre avec cette stigmatisation pour le reste de ses jours, et ce peu importe l'endroit où il résidera. Le requérant conteste vigoureusement avoir été associé au régime Mobutu, et prétend au contraire avoir tout fait, dans les limites alors permises, pour s'opposer au régime Mobutu et défendre les droits de la personne.


[7]                L'agent d'immigration chargé de la demande ERAR a refusé à bon droit d'évaluer les risques de retour sur la base de l'article 96 de la LIPR, puisque le requérant ne peut se prévaloir de cette disposition étant donné que la Commission avait de sérieuses raisons de croire qu'il a commis un crime contre l'humanité. Comme on l'a rappelé avec justesse, cette évaluation du risque ne peut être une révision de la décision de la CISR mais vise uniquement à évaluer les nouveaux développements face aux risques de retour dans un pays entre le moment où la décision de la CISR a été rendue et la date de renvoi. Par voie de conséquence, la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision sur la demande ERAR ne peut donner ouverture à une remise en question des conclusions de la CISR; l'on ne saurait faire indirectement devant cette Cour ce qui ne peut être fait dans le cadre d'une demande d'ERAR.

[8]                Le procureur du requérant n'ayant soulevé aucun autre argument susceptible de remettre en question le bien-fondé de la décision rendue sur la demande ERAR, force m'est de conclure que l'on n'a pas démontré l'existence d'une question sérieuse justifiant que l'on ordonne le sursis de la mesure de renvoi jusqu'à ce qu'il ait pu être disposé de la demande d'autorisation et de contrôle de cette décision.

[9]                Cette conclusion suffirait à elle seule à disposer de la présente requête de sursis. Mais il y a plus. L'avocat du requérant n'a pas non plus réussi à démontrer que son client subirait un préjudice irréparable s'il devait être renvoyé aux Etats-Unis. Et à supposer même qu'il soit par la suite expulsé dans son pays d'origine, il appert de la décision rendue par l'agent d'immigration chargé de la demande ERAR qu'il n'y a pas de motifs sérieux de croire que la vie du requérant serait menacée, ou qu'il risquerait d'être torturé ou de subir des peines ou traitements cruels et inusités. Cette conclusion n'a pas été attaquée devant moi, et rien ne me permet de croire qu'elle serait mal fondée. Quant au fait qu'il sera séparé de son épouse et de ses enfants, il s'agit là d'une conséquence inhérente de tout renvoi.


[10]            Enfin, le Ministre a intérêt à ce que la LIPR soit appliquée et à ce que les mesures de renvoi soient exécutées le plus rapidement possible, surtout lorsque le requérant a déjà fait défaut de se présenter en cour et a été reconnu coupble de diverses infractions criminelles comme c'est le cas en l'occurrence. La prépondérance des inconvénients favorise clairement l'intimé.

[11]            En conséquence, la requête en sursis de la mesure de renvoi est rejetée.

                                                                                                                        (s) "Yves de Montigny"          

Juge


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER:                                                      IMM-1625-05

INTITULÉ:                                                     PHILIPPE BOLOMBO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 14 mars 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE:                Le juge de Montigny

DATE DE L'ORDONNANCE:                     Le 15 mars 2005

COMPARUTIONS:

Me Jacques Roy                                                                                           POUR LE DEMANDEUR

Me Vanita Goela                                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Jacques Roy

Toronto (Ontario)                                                                                        POUR LE DEMANDEUR


Me John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

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