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Date : 19990326


Dossier : T-1663-97

ENTRE :


MERCK FROSST CANADA INC.

- et -

MERCK & CO., INC.,

demanderesses,

ET :


LE MINISTRE DE LA SANTÉ

- et -

PRO DOC LIMITED,

défendeurs,


T-1258-97

ENTRE :


MERCK FROSST CANADA INC.

- et -

MERCK & CO., INC.,

demanderesses,

ET :

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

- et -

NU-PHARM INC.,

défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[1]      Il s'agit en l'espèce de demandes de contrôle judiciaire déposées dans deux dossiers différents, T-1258-97 et T-1663-97, qui soulèvent des questions presque identiques. Dans les deux dossiers, les demanderesses, Merck Frosst Canada Inc. (Merck Frosst) et Merck & Co., Inc. (Merck & Co.) ont déposé une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 55.2 de la Loi sur les brevets, de l'article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement), de la règle 1600_(telle qu'elle était rédigée à l'époque) et des règles suivantes concernant les demandes de contrôle judiciaire dans les Règles de la Cour fédérale. Les demanderesses sollicitent une ordonnance interdisant au ministre de la Santé intimé (le ministre) de délivrer un avis de conformité (ADC) pour le médicament lovastatine à la défenderesse Nu-Pharm Inc. (Nu-Pharm), dans l'affaire T-1258-97, et à la défenderesse Pro Doc Limited (Pro Doc), dans l'affaire T-1663-97, avant l'expiration du brevet canadien no 1,161,380.

LES FAITS

[2]      La demanderesse Merck & Co. est titulaire du brevet canadien no 1 161 380 (le brevet 380) accordé le 1er janvier 1994 pour la lovastatine. Le médicament lovastatine, connu également sous les noms de Mevinolin et de Monacolin K, est une drogue hypocholestérolémique qui est efficace dans le traitement de l'hypercholestérolémie. Merck Frosst est le seul titulaire du brevet 380 et a commercialisé la lovastatine au Canada sous forme de comprimés, sous la marque de commerce MEVACOR, en conformité avec l'ADC obtenu le 30 juin 1998 pour les comprimés de 10 mg, 20 mg et 40 mg de lovastatine. Aux environs du 6 avril 1993, Merck Frosst, une première personne aux fins du Règlement, a déposé, conformément au Règlement, des listes de brevets pour la lovastatine dans lesquelles était mentionné le brevet 380.

[3]      Les défenderesses Pro Doc et Nu-Pharm sont des fabricants canadiens de médicaments génériques. Merck Frosst a reçu l'avis d'allégation de Pro Doc daté du 17 juin 1997 et celui de Nu-Pharm daté du 23 avril 1997 pour la lovastatine, alléguant l'absence de contrefaçon du brevet 380. Selon les deux avis d'allégation, jusqu'à l'expiration dudit brevet, les comprimés seront préparés par Apotex Inc. (Apotex) qui n'utilisera que la lovastatine fabriquée par Apotex Fermentation Inc. (AFI) au moyen du microbe Coniothyrium fuckelii qui ne contrefait pas le brevet 380, procédé qui a été divulgué dans l'affaire T-1305-93.

[4]      Le brevet 380 pour la lovastatine comprend des revendications pour le médicament lui-même, de même que des revendications pour le médicament préparé par les méthodes et procédés de fabrication décrits dans le brevet. Comme en fait foi la description du brevet 380, la lovastatine est obtenue par la culture d'un micromycète de l'espèce Aspergillus, notamment le micro-organisme Aspergillus terreus. D'autres organismes comprendraient également des mutants de l'Aspergillus susceptibles de produire ces nouvelles compositions et leur utilisation est envisagée dans l'application du procédé de l'invention décrit dans le brevet 380.

[5]      Le 10 juin 1997, les demanderesses ont déposé une demande d'interdiction conformément au Règlement relativement aux ADC susmentionnés dans les affaires T-1663-97 et T-1258-97, qui, comme je l'ai déjà dit, soulèvent des questions presque identiques. Pour cette raison, la Cour a décidé d'entendre les deux affaires en même temps.

Le contexte procédural

[6]      Avant que la Cour ne soit saisie des demandes d'interdiction, les parties ont soulevé des questions préliminaires en matière de confidentialité. Par conséquent, des ordonnances ont été rendues afin de protéger la confidentialité des renseignements et des connaissances des parties respectives. Les documents suivants ont donc été soumis dans des enveloppes scellées conformément aux ordonnances de confidentialité suivantes.

Ordonnance rendue le 14 juillet 1997 par le juge Muldoon dans l'affaire T-1258-97

[7]      Conformément à l'ordonnance du juge Muldoon, Nu-Pharm a déposé son dossier de demande et son cahier des lois et règlements le 20 mai 1998 (T-1258-97) de même que l'affidavit de David Cox, fait sous serment le 27 juin 1997. En outre, Merck Frosst et Merck & Co. ont déposé le dossier du demandeur, Volume VI, de même qu'un mémoire des faits et du droit en réponse à la défenderesse Nu-Pharm Inc.

Ordonnance rendue le 8 septembre 1997 par le juge Richard dans l'affaire T- 1663-97

[8]      Conformément à l'ordonnance du juge Richard, Pro Doc a déposé son dossier de demande et son cahier des lois et règlements le 20 mai 1998, de même que l'affidavit de David Cox, fait sous serment le 31 août 1997; Merck Frosst et Merck & Co. ont déposé le dossier du demandeur, Volume VI.

POSITION RESPECTIVE DES PARTIES

Position des demanderesses

[9]      Les demanderesses font valoir deux arguments principaux. Premièrement, elles prétendent que la lovastatine qui doit être fabriquée et fournie par AFI aux défenderesses Nu-Pharm et Pro Doc est préparée au moyen du micro-organisme Aspergillus terreus ou d'un autre micro-organisme, tel le Coniothyrium fuckelii ou l'Aspergillus oryzae qui a été contaminé par l'Aspergillus terreus, ce qui constitue une contrefaçon du brevet 380. Cet argument repose sur le fait que les produits du Coniothyrium fuckelii, dont il est fait mention dans la demande de brevet américain d'Apotex déposée le 6 août 1993 et dans la demande correspondante de brevet canadien déposée le 3 août 1994, ne sont pas commercialisables. Selon les demanderesses, il n'est possible de produire une quantité commercialisable de lovastatine au moyen du Coniothyrium fuckelii ou de l'Aspergillus oryzae que si le micro-organisme a été contaminé par l'Aspergillus terreus.

[10]      Les demanderesses prétendent que les éléments de preuve qu'elles ont déposés par voie d'affidavit montrent, premièrement, qu'AFI ou la société qu'elle a remplacée ont mis en oeuvre un programme de production de la lovastatine à l'aide de la souche Aspergillus terreus dont Merck & Co. détenait le brevet, laquelle souche fait toujours partie de la collection de souches d'AFI. Le programme comprenait la sélection des mutants de l'Aspergillus terreus pour la fabrication de la lovastatine. Deuxièmement, elles affirment que le microbe Aspergillus terreus peut facilement contaminer l'air, les récipients, l'équipement, les salles et les installations qui servent à la fermentation de l'Aspergillus terreus. Troisièmement, elles soutiennent que les procédés de fermentation utilisés par AFI et plus particulièrement, les procédés de stérilisation, sont insuffisants pour empêcher la contamination. Quatrièmement, les demanderesses font valoir que les procédures normales d'exploitation d'AFI et ses méthodes d'essai sont insuffisantes pour détecter et empêcher la contamination.

[11]      Deuxièmement, les demanderesses soulèvent une question d'observation de la loi. Elles prétendent qu'il faut interdire au ministre de délivrer un ADC à Pro Doc et à Nu-Pharm parce que ces dernières ne se sont pas conformées à l'article 5 du Règlement qui exige qu'une seconde personne soumette au ministre une présentation de drogue nouvelle (PDN), un avis d'allégation et une preuve de signification ainsi qu'un énoncé détaillé.

[12]      Il me semble que pendant l'audience, les demanderesses ont reconnu que cet argument ne pouvait être retenu à cause des décisions déjà rendues par la Cour. Cette question est néanmoins abordée plus loin dans la présente décision.

[13]      Il est allégué, dans l'argumentation écrite, que rien dans la preuve ne permet d'affirmer que Pro Doc ou Nu-Pharm a déposé une PDN auprès du ministre, et l'avocat de Pro Doc et de Nu-Pharm a refusé de permettre au président de Pro Doc et au vice-président de Nu-Pharm de répondre aux questions posées à cet égard. Si une PDN a été déposée, rien dans la preuve n'indique qu'elle était examinée par le ministre au moment où les avis d'allégation respectifs ont été envoyés comme l'exige l'article 5 du Règlement. Qui plus est, rien dans la preuve ne permet de conclure que Pro Doc ou Nu-Pharm ont remis un avis d'allégation au ministre ou une preuve de la signification de l'avis d'allégation à Merck Frosst comme l'exige l'article 5 du Règlement. Le fait que les demanderesses n'ont pas produit les éléments de preuve dont elles disposent ou dont elles ont connaissance afin d'établir que l'article 5 du Règlement a été respecté devrait donner lieu à une présomption à l'effet contraire.

Position des défenderesses

[14]      Les défenderesses Nu-Pharm et Pro Doc sont représentées par le même avocat et elles soumettent des arguments presqu'identiques dans leur argumentation écrite et orale. Elles affirment que la position de Merck Frosst repose uniquement sur l'hypothèse que les produits du Coniothyrium fuckelii sont les mêmes qu'ils étaient en août 1993, au moment où Apotex a déposé sa demande de brevet aux États-Unis. Cette hypothèse est sans fondement.

[15]      Premièrement, les défenderesses soutiennent que la preuve montre qu'une courte période s'est écoulée entre la découverte à l'automne 1992 du microbe Coniothyrium fuckelii et la présentation, en août 1993, de la demande de brevet américain par Apotex, ce qui explique pourquoi le rendement était si faible en août 1993. Elles prétendent en outre que selon la preuve, le programme d'expérimentation intensif qui a été mis en oeuvre au printemps 1993 a entraîné une augmentation considérable du rendement du Coniothyrium fuckelii, permettant ainsi de produire des quantités commercialisables de lovastatine.

[16]      Deuxièmement, en réponse à l'argument des demanderesses selon lequel le Coniothyrium fuckelii a été contaminé par l'Aspergillus terreus, il est allégué que la preuve permet d'affirmer que la seule fois où l'un des fermenteurs de production (14 000 litres) a été utilisé pour produire la lovastatine au moyen de l'Aspergillus terreus, c'était en septembre 1994 et que la production suivante de lovastatine au moyen du Coniothyrium fuckelii avait eu lieu à l'automne 1996. La preuve indique également que depuis 1994, AFI a effectué de nombreuses fermentations avec d'autres produits et les fermenteurs ont été soumis à de nombreux lavages caustiques et cycles de stérilisation par la chaleur. Rien dans la preuve ne permet d'affirmer que le Coniothyrium fuckelii est un microbe contrefait et les éléments de preuve produits par les demanderesses pour confirmer la contamination qu'elles allèguent sont purement hypothétiques et réfutés par les témoins des défenderesses.

[17]      Pour ce qui est du Règlement, les défenderesses font valoir que la position de Merck Frosst est mal fondée en droit et dénuée de mérite. Premièrement, elles prétendent que, contrairement à l'avis d'allégation, la PDN ne fait pas partie du dossier judiciaire et n'est pas pertinente à une demande d'interdiction en vertu du Règlement. La PDN, qui doit être présentée au ministre avant la délivrance d'un ADC, ne concerne que les exigences de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur les aliments et drogues. En outre, c'est l'avis d'allégation et non la PDN qui donne le droit à la première personne d'engager une procédure, et la présentation d'une PDN, son contenu et l'examen de Santé Canada ne sont pas pertinents à la demande d'interdiction qui ne concerne que le bien-fondé des allégations en cause. Il s'ensuit que la portée de l'audience en ce qui a trait à la preuve est nécessairement circonscrite par les limites de la pertinence établies par l'allégation produite devant le tribunal.

[18]      Les défenderesses soutiennent également que l'article 5 du Règlement prévoit simplement que l'allégation [TRADUCTION] "doit être jointe à une présentation de drogue nouvelle, doit être complétée par un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde et doit être signifiée au titulaire du brevet". Ces mesures n'ont pas à être prises dans l'ordre et l'avis d'allégation peut être fourni à la première personne avant le dépôt de la PDN. Il n'est pas nécessaire que la PDN ait une forme particulière ou un contenu précis. Quand l'allégation est finalement jointe à la PDN, et si la première personne a reçu un énoncé détaillé et un avis d'allégation, toutes les exigences du Règlement ont été respectées. Par conséquent, les plaintes formulées par Merck Frosst en ce qui a trait à la procédure ne sont pas fondées. Ce n'est que lorsque toutes les conditions de l'article 5 du Règlement sont remplies que le ministre peut délivrer un ADC aux défenderesses. Le contenu et le statut d'une demande d'ADC sont des questions inter partes qui relèvent uniquement du ministre et des demanderesses et elles ne sont absolument pas pertinentes pour les procédures d'interdiction.

QUESTIONS EN LITIGE

[19]      Les demanderesses soulèvent les questions suivantes dans leurs arguments :

     Absence de contrefaçon         
     i)      La lovastatine que fournira AFI à Apotex et qui sera fabriquée par Apotex sous forme de comprimés pour être remise aux intimées Nu-Pharm et Pro Doc contrefera-t-elle le brevet 380?                 
     ii)      La lovastatine préparée par AFI sera-t-elle fabriquée au moyen d'un micro-organisme contaminé par l'Aspergillus terreus?                 

     Cette dernière question est la seule véritable question sérieuse dont est saisie la Cour.

     Observation du Règlement         
     iii)      Nu-Pharm et Pro Doc se sont-elles conformées à l'article 5 du Règlement? Plus précisément,                 
         a)      Le ministre était-il saisi d'une demande d'avis de conformité pour la lovastatine de Nu-Pharm quand cette dernière a envoyé l'avis d'allégation daté du 13 avril 1997? Et Pro Doc a-t-elle déposé un avis de conformité pour la lovastatine auprès du ministre?                 
         b)      Nu-Pharm et Pro Doc ont-elles déposé leurs allégations respectives d'absence de contrefaçon auprès du ministre?                 
         c)      Nu-Pharm et Pro Doc ont-elles déposé auprès du ministre une preuve de la signification de leurs avis respectifs d'allégation à Merck Frosst?                 
     iv)      Les présentations de drogue nouvelle abrégées pour la lovastatine déposées par Nu-Pharm et Pro Doc constituent-elles des renvois valides, compte tenu de la contestation judiciaire par Merck de l'ADC délivré à Apotex?                 

ANALYSE

Fardeau de la preuve

[20]      Dans leurs arguments, les défenderesses prétendent que la seule question que la Cour doit trancher est celle de savoir si les demanderesses ont établi, comme il le leur incombait, que les allégations d'absence de contrefaçon de Pro Doc et de Nu-Pharm ne sont pas fondées. Il est allégué que, suivant le paragraphe 6(2) du Règlement, dans une demande d'interdiction, il incombe à la partie requérante d'établir, à la satisfaction de la Cour, que les allégations ne sont pas fondées. Par conséquent, la demande d'interdiction doit être rejetée si le demandeur n'est pas en mesure d'établir que les allégations d'absence de contrefaçon ou d'invalidité du fabricant de produits génériques ne sont pas fondées. Invoquant l'arrêt Hoffmann-La Roche Ltée et al. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) et al. (1996), 67 C.P.R. (3d) 484 (C.F. 1re inst.); confirmée (1996), 70 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.), les défenderesses soutiennent que s'il persiste un doute quant au bien-fondé de l'allégation, la demanderesse ne s'est pas acquittée du fardeau de la preuve et la demande doit être rejetée.

[21]      Dans leur réponse, tant orale qu'écrite, les demanderesses font valoir que l'argument des défenderesses ne tient pas compte du critère juridique applicable. Je suis d'accord avec elles. Dans l'arrêt Bayer AG et al. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) et al. (1996), 65 C.P.R. (3d) 203, le juge MacKay a rejeté l'argument des intimés en ces termes aux pages 213 à 215 :

         Après avoir examiné les éléments de preuve pertinents, il me faut trancher la question litigieuse en l'espèce. Les deux parties s'entendent sur le fait que c'est aux requérantes qu'incombe la charge ultime de convaincre la Cour que l'allégation d'Apotex n'est pas fondée, mais non sur la norme de preuve précise qui doit s'appliquer. Les requérantes font valoir que la norme à appliquer correspond au fardeau habituel en matière civile, à savoir la prépondérance des probabilités, et qu'elles on droit à la réparation demandée lorsque, suivant cette prépondérance, la Cour est convaincue que l'allégation d'Apotex n'est pas fondée. Apotex prétend que le paragraphe 6(2) du Règlement vise à permettre au titulaire d'un brevet de procéder sommairement pour protéger ses droits de brevets lorsqu'un avis d'allégation invoquant l'inexistence de contrefaçon, l'invalidité du brevet ou un autre motif visé à l'article 5, n'est pas fondé. Selon elle, faute pour les requérantes d'établir que les allégations ne sont pas fondées, la requête en prohibition devrait être rejetée. La présente demande n'aurait pas pour objet d'établir quelque contrefaçon ou invalidité. Selon Apotex, la demande par laquelle une personne peut, en invoquant l'article 6, solliciter que soit rendue une ordonnance de prohibition correspond à une procédure qui s'apparente à une requête en vue d'obtenir un jugement sommaire, où c'est à la partie à l'origine de la requête qu'incombe le fardeau d'établir qu'il n'y a pas de véritable question sérieuse à trancher.                 
         L'avocat d'Apotex reconnaît qu'une telle proposition a déjà été présentée à ma collègue, Madame le juge McGillis, dans l'affaire Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc. (1995), 91 F.T.R. 181 aux p. 188 à 189; 60 C.P.R. (3d) 206 (...)                 
                         
         À la lumière de ces commentaires de la Cour d'appel et des opinions exprimées par le juge McGillis dans l'affaire Eli Lilly, précitée, à mon avis, la norme à laquelle doivent satisfaire les requérantes consiste à établir suivant la prépondérance des probabilités, à partir des éléments de preuve produits, que l'allégation d'Apotex n'est pas fondée. La norme que propose l'avocat d'Apotex, selon laquelle les requérantes seraient tenues d'établir l'absence de fondement de l'allégation d'Apotex, ne me paraît pas acceptable. Cette norme imposerait un degré de preuve plus exigeant que celui qui s'applique généralement aux procédures civiles(...)                 

[22]      De même, dans l'affaire Hoffmann-La Roche, précitée, invoquée par les défenderesses, Madame le juge Reed a déclaré ce qui suit relativement au fardeau de la preuve, à la page 494 :

         La partie requérante a le fardeau de la preuve. Il y a eu confusion en ce qui concerne la question de savoir si ce fardeau consiste : (1) à prouver qu'il y aura contrefaçon si le médicament est commercialisé; (2) à prouver que la partie intimée n'a pas démontré qu'il n'y aura pas de contrefaçon; ou (3) à prouver que la preuve qui a été fournie par la partie intimée n'établit pas le bien-fondé de l'allégation. Le poids de la jurisprudence à laquelle on m'a renvoyée a fait pencher la balance en faveur du dernier point.                 

[23]      La question du fardeau de la preuve dans une procédure d'interdiction en vertu du Règlement a été examinée en détail dans l'affaire Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (C.F. 1re inst.) (T-1502-96, 18 décembre 1998). Le juge Campbell a souscrit aux motifs du juge Reed et a adopté le raisonnement suivant :

         C. Qu'est-ce que Merck est tenue de faire pour s'acquitter du fardeau ultime?

         Il incombe à Merck de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex n'est pas fondée, ce qui est moins exigeant que de faire la preuve de la contrefaçon.                 
         Le degré de difficulté de la preuve que Merck doit faire dépend de la valeur à accorder aux éléments de preuve présentés par Apotex à l'appui de son allégation, ainsi que de la valeur à accorder aux éléments de preuve présentés par Merck elle-même. Si les éléments de preuve présentés par Apotex sont jugés faibles, Merck n'aura peut-être pas de difficulté à se décharger du fardeau ultime qui lui incombe. Mon opinion à ce sujet va dans le même sens que celle qu'a formulée le juge Reed dans le jugement Hoffman-La Roche Ltd. et al. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) et al. suivant laquelle la charge qui incombe au demandeur est de démontrer que les éléments de preuve qui ont été produits par le défendeur ne justifient pas l'allégation. En conséquence, je n'accepte pas l'argument d'Apotex suivant lequel la charge qui incombe à Merck est de prouver que l'allégation est mal fondée.                 

Observation du Règlement

[24]      Les demanderesses prétendent que les défenderesses Nu-Pharm et Pro Doc ne se sont pas conformées aux conditions de l'article 5 du Règlement et qu'il devrait être interdit au ministre de leur délivrer un ADC jusqu'à ce qu'elles s'y conforment. Plus précisément, elles soutiennent qu'il n'y a aucune preuve en l'espèce que les défenderesses ont présenté les allégations d'absence de contrefaçon au ministre, que les demandes d'ADC des demanderesses avaient été soumises au ministre au moment où l'avis d'allégation de la défenderesse daté du 23 avril 1997 a été signifié à la demanderesse Merck Frosst, ou que les défenderesses ont fourni une preuve de la signification au ministre.

[25]      Les défenderesses prétendent que l'argument des demanderesses selon lequel elles ne se sont pas conformées au Règlement n'est pas fondé. Il n'y a aucune exigence quant à la forme ni au contenu de la PDN, qui n'a d'autre fonction que d'assurer le respect des exigences de la Loi sur les aliments et drogues et ses règlements connexes : Glaxo Canada Inc. c. Canada (1994), 53 C.P.R. (3d) 434, à la p. 436 (C.F. 1re inst.). Il est allégué que c'est l'avis d'allégation et non la PDN qui est à l'origine du droit de la première personne de déposer une demande d'interdiction. La présentation d'une PDN, son contenu et son examen par Santé Canada ne sont pas pertinents dans une procédure d'interdiction. Il est en outre allégué que la PDN ne fait pas partie du dossier judiciaire et qu'elle ne joue aucun rôle important dans le résultat d'une demande d'interdiction : Merck & Co. c. Canada (Ministre de la Santé), 31 mars 1998, T-1273-97 (C.F. 1re inst.); Hoffmann-La Roche Ltée c. Canada, précitée.

[26]      Selon les défenderesses, le ministre ne peut leur délivrer un ADC que lorsque chacune des trois conditions de l'article 5 du Règlement - PDN jointe à l'allégation et signification à la première personne d'un énoncé détaillé ainsi que d'un avis d'allégation - a été respectée, dans n'importe quel ordre : Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale) (1997), 76 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.); Smithkline Beecham Pharma Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale) (1997), 77 C.P.R. (3d) 147.

[27]      En réponse aux arguments des défenderesses, Merck Frosst prétend que la décision de la Cour d'appel dans l'arrêt Apotex, précité, que les demanderesses appellent Eli Lilly dans leurs arguments écrits, a été mal interprétée et appliquée par la Section de première instance dans l'affaire Smithkline, précitée, dont il a été interjeté appel dans le dossier A-906-97, et dans l'affaire Merck Frosst Canada Inc. c. Ministre de la Santé (31 mars 1998, T-1273-97) portée en appel dans le dossier A-276-98.

[28]      Dans l'arrêt Apotex, précité, aux pages 11 et 12, la Cour d'appel fédérale a déclaré notamment que l'ordre des trois étapes visées à l'article 5 du Règlement était indicatif et non obligatoire, et que ces conditions peuvent être respectées dans n'importe quel ordre :

         Suivant le paragraphe 5(3) du Règlement, toute allégation formulée au sujet d'un médicament breveté doit être jointe à une présentation de drogue nouvelle, doit être complétée par un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde et doit être signifiée au titulaire du brevet. Ces trois conditions ont été respectées en l'espèce, bien que dans un ordre différent de celui dans lequel elles sont énumérées dans le Règlement. De fait, l'allégation a été signifiée avant que la PDN puisse être mise à jour pour faire état de l'allégation et avant qu'un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde ne soit déposé auprès du ministre. Apotex a expliqué que, en s'abstenant de divulguer intégralement son procédé non contrefait dans l'allégation elle-même, elle se conformait simplement aux enseignements de la Cour dans l'arrêt Bayer, dans lequel la Cour a déclaré :                 
             
             On ne peut s'attendre à ce que la personne qui demande un avis de conformité et qui prétend employer un procédé différent procède à une divulgation complète sans une ordonnance de confidentialité. La confidentialité ne peut être assurée tant qu'une instance n'a pas été introduite devant le tribunal.                 
         Et en retardant de mettre sa PDN à jour, Apotex essayait d'éviter que sa présentation perde son rang dans l'ordre d'examen des présentations qui devaient être examinées sous le régime de la procédure administrative que suivait alors le ministre.                 
         Le seul point de vue qu'a adopté le ministre dans le présent appel concerne le moyen de procédure que, soit dit entre parenthèses, Eli Lilly n'avait pas invoqué comme tel devant le juge des requêtes. Suivant le ministre, la séquence en trois étapes prévue à l'article 5 est simplement indicative, et non obligatoire. Le ministre soutient que la procédure ne saurait être viciée du seul fait que les conditions prévues à l'article 5 n'ont pas été remplies dans l'ordre. J'abonde dans son sens. Le Règlement vise essentiellement à prévoir un mécanisme par lequel les brevets sont inscrits et protégés contre une éventuelle contrefaçon à la demande du titulaire du brevet. Le Règlement garantit donc qu'aucun avis de conformité n'est délivré sans que les titulaires de brevets aient eu l'occasion de défendre leurs brevets. Cette possibilité n'est pas diminuée par le fait que l'avis d'allégation est donné en premier lieu si, comme c'est le cas en l'espèce, il renferme suffisamment de renseignements pour permettre au titulaire du brevet de décider s'il y a lieu de demander une ordonnance d'interdiction, auquel cas la Cour peut immédiatement en examiner le bien-fondé. Si la séquence était jugée obligatoire, il faudrait tout simplement reprendre toute la procédure depuis le début, ce qui retarderait inutilement la mise en marché d'un médicament dans les cas où l'allégation s'avère justifiée. Il ressort du but visé par le Règlement que le non-respect de la séquence prévue à l'article 5 ne devrait pas être considérée comme un défaut suffisant pour vicier la procédure.                 

[29]      La décision a été suivie et appliquée par le juge Wetston dans l'affaire Merck Frosst, précitée, de même que dans l'affaire Smithkline, précitée, dans laquelle le juge McKeown a notamment examiné, dans une demande d'interdiction fondée sur l'article 6 du Règlement, la question de savoir si les trois conditions de l'article 5 devaient être respectées avant l'expiration du délai de 45 jours qui suit la signification d'une allégation. Dans Smithkline, aucune PDN n'avait été déposée devant le ministre. Le juge McKeown a statué qu'il n'était pas nécessaire que la PDN soit déposée avant la signification de l'avis d'allégation à la première personne ni avant l'expiration du délai de 45 jours prévu à l'article 6, et il a fait les commentaires suivants au sujet de l'objet de la PDN et de la portée d'une procédure d'interdiction, aux pages 149 et 150 :

         Les requérantes adoptent le point de vue selon lequel il est évident et manifeste que, si aucune présentation de drogue nouvelle (PDN) n'est déposée, les conditions prévues par le Règlement ne peuvent être respectées. Les requérantes soutiennent que la personne qui signifie l'allégation ne peut être la seconde personne dont il est question dans le Règlement. À défaut par la présumée seconde personne de respecter les conditions prévues par le Règlement, il n'y a rien qui donne compétence à la Cour fédérale du Canada. Les requérantes soutiennent en outre que la distinction qui existe entre la présente espèce et l'affaire Eli Lilly, précitée, est que les conditions prévues par le Règlement n'ont pas été respectées en l'espèce, alors qu'elles l'avaient été dans l'affaire Eli Lilly, dans laquelle le débat portait uniquement sur la question de savoir si elles avaient été remplies dans l'ordre. Je ne puis souscrire à la thèse des requérantes, compte tenu de l'arrêt Eli Lilly, précité. Je dois examiner la teneur de l'allégation qui se trouve dans la demande dont je suis saisi et me demander ce que la Cour est appelée à examiner dans une instance en interdiction. À mon avis, il y a lieu d'établir une distinction entre ces questions et les éléments dont le ministre doit tenir compte pour délivrer un avis de conformité.                 
         En l'espèce, l'intimée affirme qu'elle ne contrefait pas le brevet des requérantes. La question à laquelle la Cour devra répondre est celle de savoir si l'intimée se rendra coupable ou non de contrefaçon et celle de savoir si la contrefaçon est justifiée. Ce sont là des questions tout à fait différentes de celles que le ministre examine après avoir reçu une PDN. À mon avis, la communication par les intimées des détails de la non-contrefaçon permet au breveté de savoir tout ce qu'il a besoin de savoir. Le seul lien qui existe entre l'allégation de non-contrefaçon et la PDN est que l'allégation doit faire partie de la PDN. L'intimée ne prétend pas qu'il y a dans la PDN qu'elle a l'intention de soumettre quelque chose qui ne constitue pas une contrefaçon. La seule allégation que l'intimée formule est qu'elle ne contrefait pas le brevet. Or, une telle allégation peut être examinée dans le cadre d'une instance en non-contrefaçon. Aux termes du paragraphe 6(1), le breveté a 45 jours, après avoir reçu signification de l'avis d'allégation, pour demander à la Cour de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité tant que le ou les brevets visés par l'allégation ne sont pas expirés. Le paragraphe 6(2) du Règlement précise bien que la réparation demandée dépend de la question de savoir si la Cour conclut qu'"aucune de ces allégations n'était fondée ". En conséquence, le cas n'est pas hypothétique tant qu'il y a une allégation. La seule chose qu'exige l'article 6, c'est qu'une allégation soit formulée et il n'y a aucune mention de celle-ci dans la PDN. C'est l'allégation, et non la PDN, qui constitue le fondement factuel sur lequel repose toute instance ultérieure en interdiction qui est introduite en vertu du Règlement.
             

[30]      Les demanderesses prétendent que la décision du juge McKeown est erronée à la lumière de la décision de la Cour d'appel dans Apotex, précité. Les faits, contrairement à Apotex, précité, révèlent que la PDN n'avait pas été déposée à la date de l'audition dans l'affaire Smithkline, précitée. En outre, la conclusion du juge McKeown selon laquelle la PDN n'est pas pertinente dans une procédure engagée en vertu du Règlement ne se défend pas à la lumière du commentaire du juge Marceau qui affirme, dans l'arrêt Apotex, précité, que la PDN est l'une des trois conditions prévues par le Règlement. Il est de plus allégué que la décision Smithkline, précitée, est contraire à la jurisprudence antérieure selon laquelle la PDN et l'avis d'allégation, de même que l'énoncé détaillé sont "liés inextricablement". Et enfin, il est allégué que la décision Smithkline , précitée, est contraire à l'objet des procédures engagées en vertu du Règlement, tel qu'il a été défini par la Cour d'appel dans Pharmacia c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (1994), 58 C.P.R. (3d), à la page 216 :

        

         Cette décision doit être axée sur la question de savoir si la société générique fait valoir des allégations suffisamment bien fondées pour appuyer la conclusion tirée à des fins administratives (la délivrance d'un avis de conformité) que la mise en marché du produit générique ne violerait pas le brevet du requérant.

[31]      Les demanderesses contestent également la validité de la décision rendue dans Merck Frosst Canada, précitée, invoquée par les défenderesses. Elles prétendent que dans l'affaire Merck Frosst, précitée, le juge Wetston a commis une erreur en appliquant des principes qui n'apparaissaient pas dans la ratio decidendi limitée de l'arrêt Apotex, précité - savoir qu'en vertu du Règlement, l'ordre des trois étapes est indicatif plutôt qu'obligatoire - et qu'il n'a pas fait de distinction avec les faits d'Apotex, précité. Il a été allégué que dans Merck Frosst, précitée, les intimés n'avaient pas respecté les conditions de l'article 5 du Règlement. Comme en l'espèce, les requérantes avaient prétendu que la PDN, l'avis d'allégation et l'énoncé détaillé étaient inextricablement liés et elles avaient présenté des arguments concernant l'objectif législatif, l'interprétation de la loi et la nature d'une procédure d'interdiction. Dans la décision Merck Frosst, précitée, le juge Wetston a également examiné des arguments relatifs à la décision du juge Marceau dans l'arrêt Apotex, précité.

[32]      Bref, les demanderesses prétendent que la ratio decidendi de l'arrêt Apotex, précité, affirme uniquement que l'ordre des trois étapes visées à l'article 5 du Règlement est indicatif plutôt qu'obligatoire; et que les affaires Smithkline et Merck Frosst, précitées, qui portent sur des questions semblables, ont été tranchées d'une manière erronée et que la Cour ne devrait pas en tenir compte. Avec respect, je ne suis pas d'accord.

[33]      Dans ces deux décisions, Smithkline et Merck Frosst, précitées, la Cour a examiné soigneusement les faits et l'arrêt Apotex, précité, et je ne vois aucune raison de mettre en doute leur justesse. Par conséquent, je suis d'avis que ces décisions tranchent les questions concernant l'application du Règlement soulevées par les demanderesses, et je suis d'accord avec les défenderesses que l'intervention de la Cour n'est pas justifiée. Sur ce point, je voudrais également invoquer la décision Hoffman-La Roche Ltée c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (C.F. 1re inst.) (T-2730-97, 22 décembre 1998), dans laquelle le juge Muldoon a statué que le ministre était habilité à recevoir un avis d'allégation même en l'absence d'une PDN à la date de l'allégation. Le juge Muldoon a examiné les conditions de l'article 5 du Règlement et a tenu le raisonnement suivant :

         Les demanderesses soutiennent que le ministre n'a de pouvoir en vertu du Règlement que pour examiner les allégations concernant un médicament décrit dans une PDN déposée par la société fabriquant des médicaments génériques. S'il n'existe pas de PDN à la date d'allégation, Genpharm ne peut donner, et le ministre n'a pas le pouvoir de recevoir, un avis d'allégation.                 

         [...]

         Toutefois, la Cour d'appel fédérale a déjà établi que l'avis d'allégation n'entame pas une procédure judiciaire; il ne fait qu'exposer sur quoi se fonde une seconde personne (Nu-Pharm) pour prétendre qu'aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites à la délivrance d'un avis de conformité. Une fois la procédure d'interdiction engagée, l'allégation sert à définir et à limiter la portée de l'enquête (Pharmacia Inc. c. David Bull Laboratories (Canada) Inc. (1994), 58 C.P.R. (3d) 207 (C.A.F.); Hoffman-La Roche Ltée c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1996), 70 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.).                 
         Contrairement à l'avis d'allégation, la PDN ne fait pas partie du dossier de demande d'interdiction. Cette présentation est adressée au ministre et elle engage le processus d'examen administratif prévu par la Loi sur les aliments et drogues comme condition préalable à la délivrance de l'ADC à l'égard de cette présentation. La PDN n'est pas présentée à la Cour et ne joue pas de rôle important lorsqu'il s'agit de décider du sort d'une procédure d'interdiction.                 
         L'argument des demanderesses a déjà été traité dans l'arrêt Eli Lilly and Company v. Apotex Inc. (A-339-97, 29 septembre 1997), autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada refusée le 8 janvier 1998, où le juge Marceau a fait des observations judicieuses, qu'il convient de lire attentivement.                 
         Dans cet arrêt, la Cour d'appel statue que le paragraphe 5(3) du Règlement définit trois conditions auxquelles doit satisfaire l'allégation : 1) l'allégation doit être jointe à une PDN, 2) elle doit être complétée par un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde, et 3) elle doit être signifiée au titulaire du brevet. L'ordre n'importe pas, pour autant que les trois conditions soient remplies.                 
         En l'espèce, l'avis d'allégation et la présentation de drogue nouvelle de la défenderesse étaient tous deux datés du 3 novembre 1997, et l'avis d'allégation a été signifié le lendemain. En outre, bien que les demanderesses, dans leur mémoire supplémentaire, contestent le fait que la PDN ait été déposée le 3 novembre 1997, elles admettent qu'elle a été déposée le 28 novembre 1997. En conséquence, la défenderesse a satisfait à la première et à la troisième condition, bien que dans un ordre différent de celui qui est suivi par le Règlement.                 

[34]      À mon avis, le Règlement prévoit que les conditions doivent être remplies avant que le ministre puisse délivrer un ADC. Toutefois, le respect des conditions est une question qui doit être déterminée par le ministre dans le cadre du processus administratif menant à la délivrance de l'ADC. Le ministre peut délivrer un ADC lorsqu'une PDN a été jointe à une allégation et que l'avis d'allégation et l'énoncé détaillé ont été signifiés à la première personne. Le Règlement ne prescrit ni la forme ni le contenu d'une PDN qui n'a aucune pertinence dans une procédure d'interdiction. Dans une telle procédure, la Cour doit uniquement se préoccuper des allégations d'absence de contrefaçon contestées. En outre, que la preuve de la signification de l'avis d'allégation à la première personne ait été ou non remise au ministre ne devrait pas vicier le processus puisque celle-ci est destinée à informer le ministre que la première personne a été avisée de l'allégation au soutien de l'ADC et est en mesure de le contester au moyen d'une procédure d'interdiction. Lorsqu'il est clair que cette étape a été franchie, l'omission de produire une preuve de la signification, comme cela a pu être le cas en l'espèce, ne devrait pas vicier l'ensemble du processus.

[35]      Cette interprétation est conforme à l'intention du législateur en adoptant le Règlement dans le cadre du nouveau régime applicable aux brevets, savoir veiller à ce que le ministre de la Santé puisse répondre de la santé, de l'innocuité et de l'efficacité des drogues avant la délivrance d'un ADC et protéger les droits de propriété des premières personnes en leur permettant de contester les allégations d'absence de contrefaçon des fabricants de produits génériques.

Allégations d'absence de contrefaçon

[36]      Les demanderesses prétendent que la production de la lovastatine d'AFI, à laquelle les défenderesses ont l'intention de s'adresser pour obtenir ce produit, contrefait le brevet 380 qui porte sur la fabrication de la lovastatine au moyen de la culture d'un micromycète de l'espèce Aspergillus terreus. Les demanderesses affirment que le microbe Coniothyrium fuckelii utilisé par AFI ne peut produire des quantités commercialisables de la lovastatine que s'il est contaminé par le microbe Aspergillus terreus.

[37]      Cette prétention est fondée sur les arguments suivants : la production de la lovastatine à l'aide du microbe Coniothyrium fuckelii n'est pas commercialisable à moins d'être contaminée par l'Aspergillus terreus; AFI ou la société remplacée a utilisé la souche brevetée de l'Aspergillus terreus pour produire la lovastatine à des fins commerciales, laquelle souche a été conservée par AFI; les procédés de fermentation et de stérilisation d'AFI sont inadéquats et ne peuvent empêcher la contamination qu'il est impossible de détecter.

La viabilité commerciale de la lovastatine fabriquée au moyen du Coniothyrium fuckelii

[38]      Les demanderesses ont produit une preuve par affidavit, savoir l'affidavit de Richard L. Monaghan, pour démontrer que la lovastatine préparée à l'aide du Coniothyrium fuckelii n'est pas rentable. À la mi-1992, AFI a commencé à produire de la lovastatine au moyen du microbe Coniothyrium fuckelii, ce qui a entraîné la demande de brevet américain déposée en août 1993. Une demande équivalente de brevet a été déposée au Canada en août 1994. Il est allégué que, selon M. Monaghan, le faible niveau de rendement du Coniothyrium fuckelii révélé dans le brevet américain et dans la demande de brevet canadien équivalente indique que la production commerciale de la lovastatine à l'aide du microbe Coniothyrium fuckelii n'est pas rentable. Le procédé et l'exemple de rendement supérieur décrits dans la demande de brevet américain révèlent que la composition nécessaire comprend la L-isoleucine et l'acide L-aspartique qui sont très chers. Ce support de croissance serait donc moins viable d'un point de vue commercial. En outre, le procédé divulgué dans le brevet américain qui produit le plus grand titre de lovastatine à partir du Coniothyrium fuckelii n'indique pas la période de croissance requise, contrairement aux autres exemples. Compte tenu de la demande de brevet d'Apotex dans laquelle la meilleure façon de préparer l'invention présumée est décrite, la production de la lovastatine à des fins commerciales à partir du Coniothyrium fuckelii n'est pas viable.

[39]      Les défenderesses prétendent que cet argument n'est pas fondé puisqu'il repose uniquement sur l'hypothèse que les niveaux de production du Coniothyrium fuckelii sont demeurés les mêmes qu'en août 1993, lorsque Apotex a déposé sa demande. Il faut examiner à la lumière du contre-interrogatoire des défenderesses le témoignage de M. Monaghan qui a affirmé qu'on pouvait obtenir un rendement bien supérieur dans une période de temps relativement courte. Les défenderesses affirment que les éléments de preuve non-contredits produits devant la Cour révèlent qu'AFI avait découvert le Coniothyrium fuckelii après s'être engagée dans des activités relatives à des souches non contrefaites dans la production de la lovastatine. Des essais ont eu lieu de l'automne 1992 jusqu'au printemps 1993 avant la préparation de la demande de brevet. La demande de brevet révèle que l'un de ces essais effectués au moyen du Coniothyrium fuckelii avait donné un rendement de 430 mg par litre. Comme l'a affirmé David Cox, président d'AFI, un programme intensif d'essais qui visait l'amélioration des souches, le développement de graines appropriées et des composantes des milieux de croissance de même que la détermination des conditions optimales de fermentation et du procédé en aval a été mis en oeuvre au printemps 1993 et fonctionne toujours. M. Cox a également confirmé qu'en décembre 1995, le programme de développement avait entraîné une augmentation importante du titre du Coniothyrium fuckelii de sorte que des titres de 3,6 g/l avaient été obtenus pour une quantité maximale de 1 500 litres.

[40]      Les défenderesses prétendent également que le témoignage de M. Monaghan relativement au point de référence acceptable en matière de production commerciale appuie leur conclusion que les résultats atteints à l'aide du Coniothyrium fuckelii démontrent que la lovastatine peut être produite en quantités rentables sur le plan commercial au moyen du Coniothyrium fuckelii. M. Monaghan a déclaré qu'un rendement d'environ 1,5 à 2 g/l de lovastatine à partir de la fermentation d'un micro-organisme indiquerait que le micro-organisme a le potentiel nécessaire à des fins d'exploitation commerciale. Le rendement de 3,6 g/l obtenu en décembre 1995 est presque deux fois plus élevé que la norme minimale qu'il a établie comme point de référence à l'égard du "potentiel d'exploitation commerciale". Par conséquent, les défenderesses prétendent que les déclarations de M. Monaghan de même que l'affidavit de M. Cox indiquent que la production de la lovastatine au moyen du Coniothyrium fuckelii est rentable sur le plan commercial.

Contamination

[41]      Les demanderesses soutiennent qu'AFI ou la société remplacée ont mis en oeuvre un programme de développement de la production de la lovastatine à l'aide de l'Aspergillus terreus de Merck Frosst qui a obtenu de bons résultats. Il est allégué qu'environ 40 essais ont été effectués afin de commercialiser la production de la lovastatine fabriquée au moyen de l'Aspergillus terreus et ces essais portaient notamment sur la sélection de l'Aspergillus afin de produire la lovastatine. Au cours de la même période, dans la deuxième moitié de 1992, AFI a commencé à préparer de la lovastatine au moyen du Coniothyrium fuckelii, ce qui a entraîné le brevet américain dont Apotex est titulaire. M. Monaghan a déclaré que l'Aspergillus terreus peut, en raison de sa nature, contaminer très facilement l'air, les récipients, l'équipement, les salles et les installations dans lesquels les fermentations d'Aspergillus terreus sont effectuées. D'après la déclaration de l'auteur de l'affidavit des défenderesses, M. Pavagadhi, chef de production d'AFI, le fermenteur de production d'AFI (14 000 l) a été utilisé le 8 septembre 1994 et leurs fermenteurs de semences ont été utilisés jusqu'en septembre 1994 afin de produire la lovastatine à l'aide de l'Aspergillus terreus.

[42]      Les défenderesses affirment, conformément à l'affidavit de M. Pavagadhi, que la fermentation effectuée au moyen de l'Aspergillus terreus n'a eu lieu qu'une seule fois, soit le 8 septembre 1994, et que les fermentations effectuées au moyen du Coniothyrium fuckelii n'ont pas commencé avant octobre 1996. En outre, M. Pavagadhi a dit dans son affidavit que les fermenteurs de semences de la zone de production n'avaient été utilisés qu'une seule fois pour produire la lovastatine à partir de l'Aspergillus terreus, soit en septembre 1994.

Méthodes de stérilisation

[43]      Les demanderesses se fondent sur l'opinion de M. Monaghan pour faire valoir que les méthodes de stérilisation d'AFI qui visent à empêcher la contamination de même que les mesures qui permettent de vérifier la contamination du micro-organisme Coniothyrium fuckelii ne sont pas efficaces pour les motifs suivants :

         (i)      la durée de la stérilisation et la température à laquelle elle est faite ne sont pas suffisantes pour assurer une stérilisation complète;                 
         (ii)      le fermenteur de production (14 000 litres) n'est pas soumis à un cycle de stérilisation entre les diverses fermentations puisque cela augmenterait le temps non productif du fermenteur;                 
         (iii)      le fermenteur ne subi pas de lavage caustique après chaque fermentation, sauf s'il y a un changement de produit;                 
         (iv)      AFI a reconnu avoir effectué au moins 50 fermentations successives à grande échelle au moyen du Coniothyrium fuckelii et du même équipement;                 
         (v)      diverses petites pièces du fermenteur, auxquelles les déchets de la fermentation effectuée au moyen de l'Aspergillus terreus peuvent s'agglutiner ou qui peuvent être contaminées par ces déchets, ne sont pas changées entre les fermentations sauf s'il y a un changement de produit.                 

[44]      Les défenderesses font valoir qu'il ne faut pas accorder trop de poids, sinon aucun, à l'opinion de M. Monaghan puisqu'il a reconnu pendant le contre-interrogatoire qu'il n'avait aucune expérience pratique des fermentations à grande échelle et de la contamination éventuelle. M. Monaghan travaille avec des fioles et ses opinions reposent sur ce que les autres lui ont dit.

[45]      Les défenderesses prétendent que M. Pavagadhi répond à toutes les spéculations de M. Monaghan :

         a)      Toutes les dix fermentations, tous les fermenteurs subissent un lavage caustique au cours duquel 0,2% de poids volume de soude caustique est ajouté et le contenu est stérilisé à 121,5 C pendant au moins trente minutes.                 
         b)      Lorsqu'il y a un changement de produit qui exige l'usage d'un micro-organisme différent, un lavage caustique est effectué avant la fermentation du nouveau produit, en plus d'une stérilisation complète et globale par la chaleur et un remplacement de tous les joints d'étanchéité et des joints statiques des fermenteurs.                 
         c)      Dans son affidavit, M. Pavagadhi insiste sur le fait que le fermenteur (14 000 l) n'a été utilisé qu'une seule fois le 8 septembre 1994 afin de produire de la lovastatine au moyen de l'Aspergillus terreus pour vérifier le nouveau fermenteur et produire une biomasse à des fins de recherche et de développement. Il ajoute que les fermenteurs n'ont été utilisés qu'une seule fois afin de produire de la lovastatine au moyen de l'Aspergillus terreus en septembre 1994.                 
         d)      En réponse aux allégations de contamination de M. Monaghan, M. Pavagadhi a affirmé que depuis la fermentation en cause en 1994, AFI a effectué de nombreuses fermentations avec d'autres produits et que les fermenteurs ont subi divers nettoyages caustiques et cycles de stérilisation par la chaleur. La contamination par la fermentation qui a eu lieu en 1994 n'est pas possible. Même si elle l'était, et que le micro-organisme Coniothyrium fuckelii avait été contaminé, deux années se sont écoulées entre les fermentations à l'aide de l'Aspergillus terreus en septembre 1994 et la production suivante au moyen du Coniothyrium fuckelii à l'automne 1996. Après septembre 1994, le fermenteur n'a jamais été utilisé pour l'Aspergillus terreus.                 

[46]      Les demanderesses prétendent également que les méthodes d'essais d'AFI pour vérifier la contamination sont inadéquates. AFI n'a jamais effectué de vérification de l'axenicité pour déterminer la présence d'une culture contaminée. En réponse, les défenderesses déclarent que M. Zarow a confirmé qu'un protocole d'essai était en place chez AFI en juin 1993.

[47]      J'ai examiné les affidavits soumis par les parties respectives et j'ai tenté d'évaluer la crédibilité des témoins experts compte tenu de leur expérience ou de leur expertise. Étant donné la nature de la présente procédure, il n'appartient pas à la Cour d'examiner à la loupe chacun des éléments de preuve pour déterminer s'il y a eu contrefaçon. La nature d'une procédure d'interdiction exige de déterminer, suivant la prépondérance des probabilités, si les allégations d'absence de contrefaçon sont fondées. À mon avis, la contestation par les demanderesses des allégations d'absence de contrefaçon repose sur une théorie spéculative de contamination. C'est ce qui est ressorti clairement de l'affidavit de M. Monaghan lorsqu'il a été contre-interrogé. La preuve par affidavit ne permet pas de conclure que la contamination est plus probable que non. À cet égard, il m'est impossible de conclure que les demanderesses ont démontré que, suivant la prépondérance des probabilités, les allégations d'absence de contrefaçon des défenderesses relatives à l'usage prévu de la lovastatine produite par AFI ne sont pas fondées.

CONCLUSION

[48]      Suivant la prépondérance des probabilités, la preuve produite par les parties respectives tend à démontrer que l'allégation d'absence de contrefaçon des défenderesses est fondée. À mon avis, l'opposition des demanderesses à l'allégation d'absence de contrefaçon repose en grande partie sur une théorie de contamination qui m'apparaît hypothétique. Les éléments de preuve produits par voie d'affidavit ne permettent pas d'affirmer qu'il est plus probable qu'autrement qu'il y a eu contamination. À cet égard, je ne puis affirmer que les demanderesses ont démontré que les allégations d'absence de contrefaçon des défenderesses relatives à l'usage de la lovastatine produite par AFI ne sont pas fondées.

[49]      La présentation au ministre d'une PDN ou de la preuve de la signification d'un avis d'allégation à la première personne est une question qui relève du processus administratif qui mène à la délivrance de l'ADC par le ministre et n'est pas pertinente dans une procédure d'interdiction. Dans ce type de procédure, la Cour doit examiner les allégations et la première personne peut les contester lorsqu'un avis d'allégation et un énoncé détaillé lui ont été signifiés. Cet argument ne justifie pas l'intervention de la Cour.

[50]      Je rejette les deux demandes avec dépens en faveur des défenderesses. Comme il n'y a eu qu'une seule audience, les frais d'une seule audience seront inclus dans les dépens.

                     " Max M. Teitelbaum "                              J. C.F.

Ottawa (Ontario)

26 mars 1999

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


Date : 19990326


Dossier : T-1663-97

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 26 MARS 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :


MERCK FROSST CANADA INC.

- et -

MERCK & CO., INC.,

demanderesses,

ET :


LE MINISTRE DE LA SANTÉ

- et -

PRO DOC LIMITED,

défenderesses.


Dossier : T-1258-97

ENTRE :


MERCK FROSST CANADA INC.

- et -

MERCK & CO., INC.,

Demanderesses,

ET :


LE MINISTRE DE LA SANTÉ

- et -

NU-PHARM INC.,

défenderesses.


ORDONNANCE

     Pour les motifs rendus dans l"ordonnance, les deux demandes sont rejetées avec dépens en faveur des défenderesses. Comme il n"y a eu qu"une seule audience, les frais d"une seule audience seront inclus dans les dépens.

                         " Max M. Teitelbaum "

                             J.C.F.

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-1258-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          MERCK FROSST CANADA INC. ET AL. c. LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET AL.
LIEU DE L"AUDIENCE :              Montréal (Québec)

                    

DATE DE L"AUDIENCE :          le mercredi 17 mars 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE TEITELBAUM en date du 26 mars 1999

ONT COMPARU :

Me Judith Robinson

Me J. Nelson Landry              pour les demanderesses

Me Harry B. Radomski

Me John A. Myers                  pour la défenderesse (Nu-Pharm Inc.)
Aucune comparution                  pour le défendeur (ministre de la Santé)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy Renault

Montréal (Québec)                  pour les demanderesses

Goodman Philips & Vineberg

Toronto (Ontario)                  pour la défenderesse (Nu-Pharm Inc.)

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                  pour le défendeur (ministre de la Santé)

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                  T-1663-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          MERCK FROSST CANADA INC. ET AL. c. LE MINISTRE DE SANTÉ ET AL.
LIEU DE L"AUDIENCE :              Montréal (Québec)

                    

DATE DE L"AUDIENCE :          le mercredi 17 mars 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE TEITELBAUM en date du 26 mars 1999

ONT COMPARU :

Me Judith Robinson

Me J. Nelson Landry              pour les demanderesses

Me Harry B. Radomski

Me John A. Myers                  pour la défenderesse (Pro Doc Limited.)
Aucune comparution                  pour le défendeur (ministre de la Santé)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy Renault

Montréal (Québec)                  pour les demanderesses

Goodman Philips & Vineberg

Toronto (Ontario)                  pour la défenderesse (Pro Doc Limited.)

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                  pour le défendeur (ministre de la Santé)

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