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Date : 20010808

Dossier : IMM-3102-00

Référence neutre :2001 CFPI 870

EN PRÉSENCE DE :      M. le juge McKeown

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

FELICIA IFEYINWA UGWU

défenderesse

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE MCKEOWN

[1]    Le ministre demande le contrôle judiciaire d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section d'appel), en date du 29 mai 2000, dans laquelle la Section d'appel a conclu que le conjoint de la défenderesse est admissible à titre de membre de la catégorie de la famille.


[2]    Il s'agit de savoir si la Section d'appel a erré en droit en omettant d'appliquer le bon critère et en concluant de ce fait que le conjoint de la défenderesse appartenait à la catégorie de la famille. Autrement dit, est-ce que la Section d'appel a erré quand elle a conclu que le conjoint de la défenderesse n'était pas un membre de la catégorie de personnes qui sont exclues de la catégorie de la famille, conformément au paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration de 1978?                   

Faits

[3]    La défenderesse est une citoyenne canadienne qui est née au Nigéria. Alors qu'elle était en visite au Nigéria en décembre 1994, elle a rencontré M. Ugwujaeze au cours d'un vol intérieur. Ils ont tous deux soutenu qu'ils tombés amoureux pendant le vol. Après que la défenderesse eut rencontré M. Ugwujaeze à deux reprises, elle lui a demandé de l'épouser. Il n'était pas intéressé parce qu'il disait qu'il était pauvre. Par la suite, elle a demandé à ses parents de voir s'il pouvait convenir. Ils ont jugé qu'il était pauvre mais respecté. Après quoi, il a accepté de se marier. Ils se sont mariés dans une cérémonie traditionnelle le 28 décembre 1994 et dans une cérémonie civile deux jours plus tard. Le 2 janvier (peut-être le 5 janvier) 1995, la défenderesse est revenue au Canada. Elle n'a pas vu M. Ugwujaeze jusqu'en décembre 1999 lorsqu'elle est retournée au Nigéria dans un autre voyage.


[4]                 Le 23 août 1995, la demande de parrainage de la défenderesse a été approuvée. Le 27 mars 1997, la demande de visa d'immigrant de M. Ugwujaeze a été reçue chez le Haut-commissariat du Canada au Ghana. Le 19 mars 1998, il a été rencontré par un agent des visas. L'agent des visas a demandé que la demande de visa soit appuyée par d'autres lettres échangées entre la défenderesse et M. Ugwujaeze. D'autres lettres ont été reçues de M. Ugwujaeze le 18 juillet 1998.

[5]                 Le 11 novembre 1998, l'agent des visas a conclu que M. Ugwujaeze avait épousé la défenderesse principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada et qu'il était par conséquent inadmissible, conformément au paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration de 1978 et à l'alinéa 77(1)b) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985) chap. I-2. Une lettre de refus a été envoyée à M. Ugwujaeze en date du 16 novembre 1998 et la défenderesse a, elle aussi, reçu une lettre l'informant du refus.

[6]                 La défenderesse s'est portée devant la Section d'appel. Le 29 mai 2000, la Section d'appel a autorisé l'appel et conclu que M. Ugwujaeze n'était pas une personne décrite au paragraphe 4(3) du Règlement.

Analyse

[7]                 Le paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration de 1978 porte ce qui suit :

La catégorie des parents ne comprend pas le conjoint qui s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et non dans l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.


[8]                 Le Ministre déclare que la Section d'appel n'a pas donné la considération nécessaire aux critères énoncés par M. le juge Strayer dans l'affaire Horbas c. M.E.I., [1985] 2 C.F. 359 (1re inst.), à la p. 365 :

Il faut d'abord souligner qu'il s'agit d'un critère à deux volets. Ainsi, aux termes du paragraphe 4(3), le conjoint n'est exclu que s'il s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admissibilité au Canada et non avec l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.

Ainsi, le Ministre soutient que la Section d'appel a erré en droit en n'appliquant pas le bon critère, c'est-à-dire que la Section d'appel a omis de tenir compte de l'intention du conjoint de la défenderesse, laquelle est pertinente pour décider s'il est visé ou non par le paragraphe 4(3).

[9]                 La défenderesse s'appuie sur le paragraphe suivant de la décision de la Section d'appel pour montrer que la Section d'appel a examiné la question des intentions de M. Ugwujaeze :

[TRADUCTION] L'agent des visas a douté des intentions du demandeur quand ce dernier avait rencontré son épouse, de façon fortuite, pour la première fois le 10 décembre 1994 et qu'ils se sont mariés vingt jours plus tard; le demandeur n'a pas pu produire de photographies du mariage puisqu'elles avaient été perdues; la correspondance entre l'appelante et le demandeur fait référence au processus d'immigration et non pas à des questions personnelles; rien ne prouve que les parties aient bâti une véritable relation matrimoniale au fil des années.

[10]            Il n'existe pas d'analyse des intentions de M. Ugwujaeze par la Section d'appel. La seule analyse que la Section d'appel ait pu faire est la suivante :


[TRADUCTION] L'agent des visas déclare que le sujet de l'immigration est souvent mentionné dans les lettres échangées entre les parties, ce qui soulève un doute sur le caractère authentique de la relation. Comme les parties ont été maintenues séparées par le refus de délivrer un visa au demandeur, l'immigration est une question qui occupait sans doute une place prépondérante dans leur esprit, et c'est pourquoi le sujet était mentionné fréquemment. Le fait que les parties aient correspondu depuis leur mariage et que la relation ait duré cinq ans constitue, à mon avis, une bien meilleure indication du fait que le mariage est un mariage de bonne foi que les références fréquentes à l'immigration dans leur correspondance.

[11]            La correspondance entre les parties jusqu'en septembre 1995 consiste uniquement dans des lettres de la défenderesse à M. Ugwujaeze. Ce n'est qu'en septembre 1995 qu'il lui écrit et il déclare même dans cette lettre qu'il n'y a pas eu de communications téléphoniques entre eux au cours des neuf derniers mois depuis qu'elle est partie. Il n'y a rien dans la correspondance entre les parties jusqu'en 1998 qui puisse montrer qu'il s'agit d'une relation matrimoniale habituelle. Toutefois, en 1998 et en 2000, il y a des références par M. Ugwujaeze qui pourraient être le signe de l'existence d'une véritable relation matrimoniale.

[12]            La Section d'appel a estimé que le parrain (la défenderesse) est digne de foi et que la décision de l'agent des visas était incorrecte, ce qui, d'après l'avocat de la défenderesse, est appuyé par la juge Reed dans l'affaire Rattan c. M.E.I. (1980), 73 F.T.R. 195 (1re inst.) où elle déclare au paragraphe 7 :

Le rôle de la section d'appel consiste, non pas à déterminer si la décision de l'agent d'immigration a à juste titre été prise, mais à déterminer si la personne parrainée appartient à la catégorie des personnes exclues par le paragraphe 4(3) du Règlement [...] À cette fin, elle doit examiner le témoignage du répondant et les décisions de l'agent d'immigration pour se décider. Si le répondant peut convaincre le tribunal que les conclusions de l'agent d'immigration n'étaient pas fondées, son appel est accueilli.


[13]            J'aurais certes pu trancher différemment d'après la preuve aux présentes mais je ne peux pas déclarer que la décision de la Section d'appel ait été déraisonnable. La correspondance est une preuve fournie à la fois par la défenderesse qui parraine et M. Ugwujaeze; ainsi la Section d'appel semble avoir pris en considération la preuve qui provenait de M. Ugwujaeze pour conclure sur la question de la bonne foi et il est raisonnable de dire que la Section d'appel a dû avoir l'intention des deux parties à l'esprit.

[14]            La défenderesse soutient que la norme de contrôle devrait être le caractère manifestement déraisonnable. Je n'ai pas à me prononcer à cet égard vu que, même selon la norme de la décision raisonnable simpliciter, je conclus que la décision de la Section d'appel était raisonnable et que la Section d'appel n'a pas erré en droit.

                                                                            

ORDONNANCE

1.                    La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


2.                    Puisque la décision n'est pas fondée sur la norme de contrôle judiciaire en l'espèce, je ne certifie pas de question.

« W. P. McKeown »

Juge                       

Toronto (Ontario)

Le 8 août 2001

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


                                                                            

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                                         IMM-3102-00

INTITULÉ :                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

                                                                                      

et

FELICIA IFEYINWA UGWU

défenderesse

DATE DE L'AUDIENCE :                                LE MARDI 7 AOÛT 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                              LE JUGE MCKEOWN          

DATE DES MOTIFS :                                      LE MERCREDI 8 AOÛT 2001

ONT COMPARU :                                           Michael Butterfield

pour le demandeur

Davies Bagambiire                                 

pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour le demandeur

Davies Bagambiire

Avocat

347, rue Bay, bureau 1202

National Building

Toronto (Ontario)

M5H 2R7                                                           

pour la défenderesse


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20010808

Dossier : IMM-3102-00

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION                                             

demandeur

et

FELICIA IFEYINWA UGWU

défenderesse

                                                                           

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                          

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