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Date : 20010706

Dossier : IMM-5279-00

Référence neutre : 2001 CFPI 773

ENTRE :

                          ADEMOLA KELVIN OYEBADE

                                                                                          demandeur

                                                     et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission), en date du 12 septembre 2000, portant que M. Ademola Kelvin Oyeba (le demandeur) n'était pas un réfugié au sens de la Convention.


[2]                Le demandeur est un citoyen du Nigéria âgé de 26 ans qui prétend craindre avec raison d'être persécuté du fait de sa religion et de son appartenance à un groupe social particulier, à savoir celui dont les membres font face aux persécutions des membres d'une secte appelée « Power of Darkness » qui bénéficient de la complicité de l'État dans leurs persécutions.

[3]                Le demandeur soutient qu'alors qu'il était étudiant en deuxième année à l'Université de Ife, au Nigéria, il a été invité par un étudiant à la réunion d'une organisation appelée « Power of Darkness » . Il ne savait pas à l'époque que cette organisation était en fait une secte composée d'étudiants criminels.

[4]                Le demandeur a assisté à la réunion et y a vu différents types d'armes et de munitions. Il a immédiatement fait savoir sa désapprobation et son absence d'intérêt à joindre le groupe mais on lui a conseillé de ne pas refuser de devenir membre car désormais il était au courant du secret. On lui a dit en particulier qu'il devait soit joindre la secte soit s'attendre à la mort.

[5]                L'initiation a consisté en un don de sang qu'ont bu tous les membres présents. Le demandeur prétend qu'après la réunion il a informé sa mère des événements, laquelle est allée en informer les autorités scolaires et la police. Il a été demandé au demandeur et à sa mère de dévoiler le nom des étudiants en cause. Le demandeur a été capable d'obtenir les noms et les surnoms de certains des membres de la secte qui, pour la plupart étaient des enfants de chefs militaires et d'officiers de police.


[6]                Le demandeur a soutenu avoir été convoqué à une réunion par les membres de la secte mais avoir refusé d'y assister. Par la suite, les membres de la secte auraient attaqué le demandeur dans sa chambre à l'université. Le chef de la secte, dont le père est le commandant divisionnaire présumé de la police, a ordonné à trois autres membres de la secte de le battre pour avoir essayé de trahir leur secret. Le demandeur soutient avoir été poignardé à plusieurs reprises et avoir dû se rendre à l'hôpital. La mère du demandeur s'est immédiatement adressée à la police, laquelle lui a assuré qu'elle réagirait mais rien ne s'est produit.

[7]                Trois jours après être retourné à l'école, quatre policiers auraient arrêté le demandeur, l'accusant d'avoir répandu des rumeurs dangereuses au sujet des enfants des officiers de police et de l'armée. Il soutient avoir été enfermé avec des criminels et battu jusqu'à ce que le sang s'écoule de sa bouche. Il est resté en détention jusqu'à ce qu'un pot-de-vin lui permette d'en sortir. Entre-temps, la soeur du demandeur aurait été violée par des gens qui lui ont dit « c'est toi ou ton frère, mais vous devrez payer » .

[8]                Ensuite le demandeur prétend qu'il a essayé d'être admis dans une autre université grâce à un vieil ami de son père, mais sans succès. Même à l'extérieur de l'école, il continuait à recevoir des menaces et à se faire harceler.


[9]                Le demandeur a quitté le Nigéria le 25 janvier 1999 pour éviter la mort aux mains des membres de la secte sur laquelle le gouvernement du Nigéria n'a aucun contrôle et avec laquelle ce même gouvernement agit en toute complicité. Le demandeur a revendiqué le statut de réfugié à son arrivée au Canada le 27 janvier 1999.

[10]            Dans sa décision en date du 12 septembre 2000, la Commission a tranché qu'il n'existait aucun lien entre la demande du demandeur et la définition de réfugié au sens de la Convention; la Commission a conclu que ce que craignait le demandeur c'était une conduite criminelle.

[11]            En tout état de cause, la Commission n'a pas trouvé que le demandeur pouvait craindre avec raison d'être persécuté au Nigéria, pour des raisons de crédibilité de la demande du demandeur, notamment les allégations selon lesquelles l'État était complice des activités criminelles des sectes et que sa protection lui était inaccessible.

[12]            Bien que l'exactitude des conclusions de la Commission concernant le lien entre les prétentions du demandeur et un motif de la Convention puisse poser problème, la Commission a néanmoins soumis des conclusions sur la crédibilité et le caractère plausible de la preuve qui découlaient de façon raisonnable du dossier.


[13]            La Commission, qui est un tribunal spécialisé, a entièrement compétence pour déterminer la crédibilité du demandeur, le caractère plausible des témoignages et le poids de la preuve (voir, par exemple, Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.); He c. M.E.I., [1994] J.C.F. no 1107 (C.A.F.)). La Commission est autorisée à tenir compte des différences entre le FRP du demandeur et les notes prises par un officier de l'immigration à l'entrée au pays. De même, elle est en droit de faire des déductions négatives s'il y a eu omission d'événements importants dans le FRP du demandeur.

[14]            En outre, contrairement aux prétentions du demandeur, la Commission n'a pas fait cas de la complicité de l'État dans les persécutions mais plutôt a rejeté les prétentions du demandeur selon lesquelles le gouvernement nigérian avait été complice dans les persécutions. Il est clair que, pour la Commission, la question était de savoir si l'État avait la volonté ou le pouvoir de protéger le demandeur des activités criminelles que celui-ci a décrites.

[15]            La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                 « Danièle Tremblay-Lamer »

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 6 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-5279-00

INTITULÉ :                                        Ademola Kelvin Oyebade c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto

DATE DE L'AUDIENCE :                le 5 juillet 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Mme LE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                       le 6 juillet 2001

COMPARUTIONS :

K. Jesuorobo                                                                POUR LE DEMANDEUR

D. Tyndale                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

K. Jesuorobo                                                                POUR LE DEMANDEUR

North York (Ontario)

M. Rosenberg                                                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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