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Date : 20051207

Dossier : IMM-10532-04

Référence : 2005 CF 1665

Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

JOSE ARNOLDO LANDAVERDE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire concernant une décision, datée du 7 décembre 2004, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n'avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention, ni celle de personne à protéger.

[2]                Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision de la Commission et renvoyant l'affaire à un tribunal différemment constitué pour qu'il statue de nouveau sur cette dernière.

Contexte

[3]                Jose Arnoldo Landaverde(le « demandeur » ) est un citoyen du Salvador qui est né dans ce pays, à Platanar. Il dit craindre d'être persécuté par des membres du crime organisé au Salvador.

[4]                Dans la partie narrative de son formulaire de renseignements personnels (le FRP), qui est daté du 12 mai 2004, le demandeur dit avoir été agressé et volé à plusieurs reprises par des membres d'une bande appelée Malasalvatrucha. Le 12 décembre 2002, il a été menacé et battu par des membres de la bande qui voulaient lui extorquer de l'argent. Le 10 février 2003, une bande a agressé le demandeur à son domicile, volé ses biens et menacé de le tuer s'il disait quoi que ce soit à la police. Le 14 février 2003, il a été attaqué de nouveau. Le 8 novembre 2003, le demandeur, son épouse de fait, leurs deux filles et une amie étaient en route vers une fête quand ils ont été attaqués par quatre hommes, qui ont poussé le demandeur contre une clôture grillagée. Le 5 juin 2001, deux membres armés d'une bande ont menacé le demandeur et lui ont volé son argent. Ce dernier a signalé certaines de ces agressions à la police, mais cette dernière a refusé de l'aider, l'accusant d'être un opposant au gouvernement.

[5]                Le 30 septembre 2004, le demandeur a produit un exposé narratif modifié, rectifiant certaines des dates des agressions. La date de l'incident du 8 novembre 2003 a été changée pour le 8 décembre 2003, et la date de l'incident du 5 juin 2001 a été changée pour le 5 juin 2003.

[6]                Le demandeur a quitté le Salvador et a traversé le Guatemala, le Mexique et les États-Unis avant d'arriver au Canada le 16 avril 2004.

[7]                La demande d'asile du demandeur a été entendue le 22 octobre 2004. La Commission a rejeté la demande par une décision datée du 7 décembre 2004, et c'est sur cette décision que porte le présent contrôle judiciaire.

Motifs de la décision de la Commission

[8]                La Commission a introduit ses motifs comme suit :

[traduction] Il s'agit des motifs de la décision de la Section de la protection des réfugiés concernant la demande d'asile de Jose Arnoldo Landeverde (le « demandeur » ), qui dit craindre avec raison de retourner au Guatemala, précisément à cause de membres du crime organisé.

Identité

Le demandeur est un citoyen guatémaltèque, âgé de 30 ans. Il est né le 15 juin 1974, à Platanar, au Guatemala.

[9]                Après avoir résumé les agressions dont le demandeur aurait été victime aux mains de diverses bandes, la Commission a déclaré ce qui suit, à la page 2 des motifs :

[traduction]

C'est à cause de ces incidents que le demandeur a censément jugé qu'il n'était pas en sécurité au Salvador.

Il ressort du dossier que le demandeur a demandé l'asile à son arrivée au Canada, le 16 avril 2004.

Décision

Je conclus que le demandeur n'a pas qualité de réfugié au sens de la Convention, car il ne craint pas avec raison d'être persécuté pour un motif visé par la Convention au Guatemala. Je conclus aussi qu'il n'a pas qualité de personne à protéger, en ce sens que son renvoi au Guatemala ne l'exposerait pas personnellement à un risque de menace à sa vie ou à un risque de peines ou de traitements cruels et inusités. En outre, il n'y a aucun motif sérieux de croire que son renvoi au Guatemala l'exposerait personnellement à un danger de torture.

[10]            Comme l'illustrent les motifs cités plus tôt, la Commission semble avoir confondu le Salvador avec le Guatemala. Elle a continué à mentionner le Guatemala (au lieu du Salvador) jusqu'à la fin de ses motifs de décision.

[11]            La Commission a ensuite relevé les incohérences qui suivent entre le FRP du demandeur et son témoignage à l'audience :

[Traduction]

            1.         Selon l'exposé narratif figurant dans le FRP initial, le demandeur a été agressé par quatre hommes le 8 novembre 2003 (cette date a été changée pour le 8 décembre 2003 dans la modification apportée à l'exposé narratif). À l'audience, le demandeur a déclaré que l'incident était survenu le 8 décembre 2003 et impliquait trois hommes. Il a déclaré aussi qu'il avait été assommé et avait subi une grave coupure au bras, mais qu'il n'avait pas cherché à faire soigner ses blessures.

            2.         Selon l'exposé narratif figurant dans le FRP initial, le demandeur a été agressé par les membres d'une bande le 5 juin 2001 (cette date a été changée pour le 5 juin 2003 dans la modification apportée à l'exposé narratif). À l'audience, le demandeur a déclaré que cet incident était survenu le 5 janvier 2003 et qu'il ne pouvait pas dire si ses présumés agresseurs étaient membres d'une bande.

[12]            La Commission a jugé que ces incohérences minaient sérieusement la crédibilité du demandeur. En outre, elle a conclu que la grave blessure que le demandeur aurait subie lors de l'agression du mois de décembre 2003 était un ajout au récit que celui-ci avait fait le jour de l'audience, et qu'il ne s'agissait que d'une façon d'enjoliver une série déjà incohérente d'allégations.

[13]            La Commission a conclu que la route indirecte que le demandeur avait suivie pour arriver au Canada et le temps qu'il avait mis avant de présenter une demande n'étayaient pas l'existence d'une crainte subjective de persécution. Le demandeur a déclaré avoir passé environ un mois aux États-Unis avant son entrée au Canada. Il a dit être entré aux États-Unis près de Phoenix (Arizona) et avoir voyagé jusqu'à Los Angeles (Californie) et, de là, jusqu'à Buffalo (New York) avant de se diriger vers le nord, au Canada. Le demandeur a déclaré qu'il avait des amis à Los Angeles et qu'il était au courant que d'autres Salvadoriens avaient présenté avec succès une demande d'asile aux États-Unis. La Commission a cité et appliqué la décision Ilie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), 88 F.T.R. 220, [1994] A.C.F. no 1758 (1re inst.) (QL), où on a conclu que le fait que le demandeur n'ait pas présenté de demande d'asile dans les pays signataires de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 où il s'était rendu ne cadrait pas avec l'existence d'une crainte fondée de persécution.

[14]            La Commission a conclu qu'en raison des contradictions relevées dans les allégations du demandeur, ainsi que de son défaut de présenter une demande aux États-Unis, même s'il savait que cela pouvait être fait et s'il avait des amis dans ce pays, le demandeur n'avait pas établi qu'il craignait avec raison d'être persécuté.

Questions en litige

[15]            Le demandeur a soulevé les questions suivantes dans son mémoire :

[traduction]

1.              Le tribunal a-t-il agi sans compétence en rendant une décision par rapport à un pays de référence erroné?

2.              Le tribunal a-t-il omis de s'acquitter de l'obligation que lui impose sa loi habilitante en ne rendant pas une décision par rapport au pays de référence exact?

3.              Le tribunal a-t-il tiré des conclusions de fait manifestement déraisonnables qui touchent au fond même de la demande?

[16]            Je reformulerais les questions en litige comme suit :

            1.          La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en faisant référence à un pays dont le demandeur n'a pas la nationalité?

            2.          La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que le récit du demandeur n'était pas digne de foi et que ce dernier n'avait pas une crainte subjective de persécution?

[17]            Si la réponse à l'une ou l'autre de ces deux questions est affirmative, il convient alors d'infirmer la décision de la Commission.

Arguments du demandeur

[18]            Le demandeur a fait valoir que la Commission a commis une erreur en le faisant passer pour un citoyen guatémaltèque né au Guatemala et disant craindre de retourner dans ce pays. Les conclusions erronées de la Commission au sujet de sa nationalité touchent au fond même de sa demande et n'ont pas été tirées par inadvertance; de ce fait, la décision doit être infirmée. En outre, la Commission ne s'est pas acquittée de son obligation et a agi sans compétence en ne rendant pas une décision au regard de la nationalité du demandeur (salvadorienne).

[19]            Pour étayer les arguments qui précèdent, le demandeur a invoqué deux arrêts : Fernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 536, et Popovic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 588. Ces deux décisions montrent que ce n'est pas la première fois qu'un tribunal de la Commission fait référence dans ses décisions au mauvais pays de nationalité.

[20]            Dans Fernandez, les revendicateurs du statut de réfugié étaient des ressortissants argentins qui disaient craindre d'être persécutés par des criminels en Argentine. La Commission a rejeté leur demande, concluant qu'ils n'avaient pas une crainte objective et fondée de persécution au Brésil parce qu'ils n'avaient pas réfuté la présomption selon laquelle les États sont capables de protéger leurs propres citoyens. La Cour fédérale a infirmé la décision de la Commission car celle-ci n'avait pas évalué adéquatement le risque auquel faisaient face les demandeurs par rapport à leur pays d'origine, et l'erreur sur le pays avait eu une incidence sur l'analyse de la Commission.

[21]            Dans Popovic, l'agente d'immigration avait refusé la demande d'exemption pour motifs d'ordre humanitaire que le demandeur avait soumise afin que sa demande de résidence permanente soit traitée au Canada. Ce dernier disait craindre de retourner dans le pays dont il avait la nationalité - la République slovaque - parce que des bandes de Tziganes le persécuteraient. L'agente d'immigration a commis l'erreur de dire du demandeur qu'il s'agissait d'un citoyen roumain qui, s'il retournait en Roumanie, ne s'exposerait à aucune difficulté injustifiable. La Cour fédérale a infirmé la décision de l'agente d'immigration parce que celle-ci n'avait pas évalué le risque auquel s'exposerait le demandeur dans le pays dont il avait la nationalité.

[22]            En l'espèce, le demandeur a fait valoir que si la Cour conclut que l'erreur commise par la Commission au sujet du pays de nationalité est sans importance, il y a d'autres motifs pour lesquels il convient d'infirmer la décision.

[23]            Premièrement, le demandeur a fait valoir que la Commission s'est trompée en concluant que les dates des présumés incidents que le demandeur avait indiquées à l'audience ne concordaient pas avec son FRP. La Commission a omis de tenir compte du fait qu'avant l'audience, il avait déposé un modificatif à son exposé narratif qui changeait les dates en question.

[24]            Deuxièmement, le demandeur a prétendu que la Commission s'est trompée en concluant qu'il y avait une incohérence dans la date de l'incident survenu le 5 juin 2001 (date modifiée pour le 5 juin 2003). Le demandeur a soutenu que, contrairement à ce qui est dit dans les motifs de la Commission, jamais il n'a déclaré que l'incident était survenu le 5 janvier 2003. La Commission a admis que l'incident était survenu le 5 juin 2003.

[25]            Troisièmement, le demandeur a soutenu que la Commission s'est trompée en attaquant sa crédibilité sur la foi de renseignements additionnels concernant les blessures qu'il avait subies lors de l'agression du mois de décembre 2003. Ces renseignements découlaient des questions précises de la Commission et, par conséquent, il n'aurait fallu tirer aucune inférence négative du fait qu'ils ne figuraient pas dans le FRP [voir Perera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1069, au par. 18].

[26]            Quatrièmement, le demandeur a fait valoir que la Commission s'est trompée en concluant que son séjour aux États-Unis dénotait une absence de crainte subjective de persécution. Il avait déclaré qu'il voyageait constamment au Canada et qu'il avait l'intention de venir au Canada pour présenter une demande d'asile. Il a fait valoir qu'un passage de courte durée dans un pays tiers ne présentant pas de danger n'est pas nécessairement considéré comme un séjour suffisamment important pour obliger le demandeur à y présenter une demande pendant qu'il se dirige vers le Canada [voir Mendez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 75, au par. 37].

[27]            Enfin, le demandeur a affirmé que la Commission a omis de motiver convenablement sa déclaration selon laquelle, après le 11 septembre 2001, une personne présente aux États-Unis n'aurait probablement pas craint d'être forcée de retourner dans son pays si elle était trouvée en situation d'illégalité aux États-Unis. La Commission ne lui a jamais parlé du contexte postérieur au 11 septembre, et cela constitue un déni d'équité et de justice naturelle.

Arguments du défendeur

[28]            Au sujet de l'indication inexacte du pays de nationalité, le défendeur a qualifié l'erreur de la Commission d'[traduction] « erreur syntaxique » et de [traduction] « simple erreur de rédaction » . Il a fait valoir que chaque fois que la Commission mentionnait le Guatemala, elle voulait dire en fait le Salvador. L'erreur syntaxique de la Commission n'a aucune incidence sur sa compréhension du récit du demandeur, pas plus que sur ses motifs pour rejeter la demande de ce dernier, à savoir que son récit n'était pas digne de foi et qu'il n'avait pas une crainte subjective. Selon le défendeur, les erreurs qui n'ont pas d'incidence sur la compréhension qu'a la Commission du récit ne peuvent pas servir de fondement pour contester la décision. Il a cité la décisionDamen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 917, où il est dit au paragraphe 18 que l'erreur commise par la Commission au sujet d'un fait qui n'est ni central ni important pour les motifs de sa décision n'est pas une erreur susceptible de contrôle au sens de l'aliéna 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7.

Dispositions législatives applicables

[29]            Aux termes de l'alinéa 95(1)b) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, une protection est conférée à toute personne à qui la Commission reconnaît la qualité de réfugié ou celle de personne à protéger.

95. (1) L'asile est la protection conférée à toute personne dès lors que, selon le cas :

. . .

b) la Commission lui reconnaît la qualité de réfugié ou celle de personne à protéger;

. . .

95. (1) Refugee protection is conferred on a person when

. . .

(b) the Board determines the person to be a Convention refugee or a person in need of protection;

. . .

[30]            L'article 96 et le paragraphe 97(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés définissent comme suit les mots « réfugié au sens de la Convention » et « personne à protéger » :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention - le réfugié - la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques:

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée:

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant:

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes - sauf celles infligées au mépris des normes internationales - et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Analyse et décision

[31]            Norme de contrôle

Les conclusions de la Commission au sujet de la crédibilité sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.

[32]            Ni l'une ni l'autre des parties ne conteste que, dans sa décision, la Commission a fait référence par erreur au Guatemala (au lieu du Salvador) comme étant le pays que le demandeur a fui en raison d'actes de persécution allégués. Elle a également tiré des conclusions défavorables précises au sujet de la crédibilité du demandeur.

[33]            Je traiterai en premier des conclusions de la Commission quant à la crédibilité. Le demandeur a établi à ma satisfaction, à l'audience, que ces conclusions sont manifestement déraisonnables. En voici quelques exemples :

            1.          La Commission a déclaré que le demandeur, dans son FRP, a dit qu'un incident avait eu lieu le 5 juin 2001, tandis que dans sa déposition orale, il a dit qu'il s'agissait du 5 janvier 2003. Un examen des notes sténographiques montre que le FRP a été modifié de façon à ce que la date indiquée soit le 5 juin 2003 et, selon la déposition du demandeur, l'incident est survenu le 5 juin 2003.

            2.          La Commission a déclaré que, dans son FRP, le demandeur a dit qu'il craignait la bande de Malasalvatrucha, mais qu'il ne pouvait pas identifier ses agresseurs présumés comme étant membres d'une bande. Le demandeur a déclaré qu'il n'était pas en mesure d'identifier ses assaillants, mais il savait qu'il s'agissait des membres d'une bande parce que, à une occasion, il avait vu les tatouages de la bande à laquelle ils appartenaient. Lors d'un autre incident, son épouse et leurs filles, qui avaient été témoins de l'agression, lui ont dit qu'il avait été victime des membres d'une bande.

            3.          La Commission a déclaré que le demandeur avait enjolivé sa demande en ajoutant des blessures physiques non mentionnées dans son FRP. Ces nouvelles blessures avaient été introduites en preuve à la suite de questions posées par la Commission. Il ne devrait pas s'agir là d'un motif pour discréditer le demandeur.

            4.          La Commission a déclaré que, dans son FRP, le demandeur a dit avoir été agressé par quatre hommes le 8 novembre 2003, alors que dans sa déposition il a dit avoir été agressé par trois hommes le 8 décembre 2003. La Commission a omis de signaler qu'avant l'audience le demandeur avait modifié son FRP, ce qui a changé les dates des agressions.

[34]            À l'audience, le défendeur a tenté de justifier les conclusions de la Commission quant à la crédibilité en faisant référence à des exemples tirés de la preuve qui illustraient divers conflits et diverses incohérences. La Commission ne s'est pas servie de ces exemples pour tirer sa conclusion de manque de crédibilité. Je n'ai donc aucun moyen de savoir si ces exemples amèneraient la Commission à conclure que le demandeur n'est pas digne de foi.

[35]            La Cour a infirmé à plusieurs reprises des décisions dans lesquelles la Commission avait fait référence à un pays de persécution erroné pour le demandeur. Dans Fernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 536, le juge Rouleau déclare ce qui suit, aux paragraphes 18 à 20 :

Il appert des motifs de la SPR qu'elle a commis une erreur en déterminant que le pays d'origine des demandeurs était le Brésil plutôt que l'Argentine. La SPR est tenue d'évaluer le risque auquel sont confrontés les demandeurs à l'égard de leur pays.

Ainsi qu'il a été dit dans la décision Popovic. c Canada, « la disponibilité de protection de l'État concerne un pays en particulier » . Même si cette affaire a été jugée dans un contexte un peu différent (motifs d'ordre humanitaire), les remarques sur un agent qui confond le pays d'origine du demandeur sont pertinentes.

Le défendeur fait valoir qu'il s'agissait d'une erreur d'inadvertance et que cela ne change rien à l'analyse. Quant à moi, j'ai pensé, lorsque j'ai lu Brésil (écrit plusieurs fois), que l'analyse des risques que courent les demandeurs en Argentine était erronée. La confusion concernant le pays a donc un impact sur l'analyse et la décision ne peut être maintenue.

[36]            En l'espèce, le résultat devrait être le même. Les seules références que l'on trouve à une quelconque crainte de persécution dans la décision de la Commission ont trait au Guatemala, pas au Salvador.

[37]            La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal de la Commission différemment constitué pour qu'il statue à nouveau sur cette dernière.

[38]            Ni l'une ni l'autre des parties n'a voulu proposer une question grave de portée générale à certifier.


ORDONNANCE

[39]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal de la Commission différemment constitué pour qu'il statue à nouveau sur cette dernière.

« John A. O'Keefe »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 7 décembre 2005

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-10532-04

INTITULÉ :                                        JOSE ARNOLDO LANDAVERDE

                                                            - et -

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 23 novembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                       Le 7 décembre 2005

COMPARUTIONS :

Belinda Bozinovski

POUR LE DEMANDEUR

Stephen Jarvis

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Belinda Bozinovski

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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