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Date : 20020402

Dossier : IMM-1341-02

Référence neutre : 2002 CFPI 365

Ottawa (Ontario), le 2 avril 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                                          DENISE VERONICA JOHN

et ALANA JOHN, représentée par sa tutrice à l'instance,

DENISE VERONICA JOHN

                                                                                                                                            demanderesses

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                 Voici les motifs de l'ordonnance par laquelle j'ai fait droit à la demande de sursis d'exécution d'une mesure de renvoi déposée par Denise Veronica John. Elle priait la Cour de surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi prononcée par le ministre, mesure selon laquelle elle devait être, le 25 mars 2002, renvoyée du Canada vers Saint-Vincent, où elle est née. J'ai fait droit le 24 mars 2002 à sa requête en sursis d'exécution de l'ordonnance de renvoi la concernant.


[2]                 La demanderesse est arrivée au Canada en juin 1992 à la faveur d'un visa de visiteur. Elle a donné naissance à une fille le 1er février 1996 alors qu'elle se trouvait au Canada. L'enfant est née avec une hyperplasie adrénale congénitale. En février 2000, la demanderesse a déposé depuis le Canada une demande de résidence permanente fondée sur des raisons humanitaires et cette demande a été rejetée en septembre 2000. Lors du dépôt de la demande fondée sur des considérations humanitaires, la fille de la demanderesse était âgée de quatre ans et souffrait encore de son mal. La demande fondée sur des considérations humanitaires a néanmoins été rejetée.

[3]                 La demanderesse a alors revendiqué le statut de réfugiée, mais elle n'a pu la mettre en état à l'intérieur du délai réglementaire et fut réputée avoir abandonné sa revendication du statut de réfugiée. Les pièces que j'ai devant moi ne précisent pas quel était le statut de la demanderesse au Canada entre l'expiration de son visa de visiteur et sa première demande présentée en 2000 fondée sur des considérations humanitaires.


[4]                 Le 3 décembre 2001, la demanderesse a rencontré une agente d'immigration chargée des renvois, afin de prendre les dispositions requises pour son renvoi imminent du Canada. En janvier 2002, Elvis Bristol, un résident permanent du Canada, déposa une demande de parrainage au nom de la demanderesse, en tant que conjoint de fait de celle-ci. Ils sont ensemble depuis octobre 2000. Le 5 février 2002, la demanderesse et l'agente chargée des renvois se sont de nouveau rencontrées. Le 12 mars 2002, la demanderesse fut informée que la date de son renvoi était le 25 mars 2002. Le 21 mars 2002, l'avocat de la demanderesse envoyait une lettre dans laquelle il sollicitait le report de la date du renvoi. Le 22 mars 2002, l'agente chargée des renvois informait la demanderesse que la date du renvoi ne serait pas reportée.

[5]                 Le 22 mars 2002, la demanderesse déposait une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de l'agente chargée des renvois de ne pas reporter la date du renvoi. Également le 22 mars 2002, la demanderesse déposait auprès de la Cour sa demande sollicitant une ordonnance de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi jusqu'à l'instruction de sa demande de contrôle judiciaire. Comme je l'ai indiqué plus haut, j'ai fait droit à sa demande de sursis d'exécution.

[6]                 Lorsque la demande de sursis d'exécution et la demande sous-jacente de contrôle judiciaire visent au même redressement, c'est-à-dire au report d'une mesure de renvoi, le critère traditionnel à trois volets qui est appliqué pour les demandes de sursis d'exécution est le critère exposé dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 123 (C.A.F.) et modifié à juste titre par le juge Pelletier (aujourd'hui à la Section d'appel) dans l'affaire Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 3 C.F. 682.


QUESTION SÉRIEUSE

[7]                 Dans une affaire où le redressement auquel vise la demande sous-jacente de contrôle judiciaire est identique au redressement qui est recherché dans la demande de sursis d'exécution, alors, quand vient le moment de dire s'il y a une question sérieuse à trancher, il ne suffit pas, selon la décision rendue par le juge Pelletier dans l'affaire Wang, précitée, d'affirmer que la demande n'est pas frivole ou vexatoire, répondant ainsi au critère de la question sérieuse, mais il faut aussi déterminer si le demandeur a de bonnes chances de succès dans sa demande de contrôle judiciaire. Je dois donc, avant d'accorder le sursis d'exécution demandé, décider si la demanderesse a de bonnes chances de succès dans sa demande sous-jacente de contrôle judiciaire.

[8]                 La demanderesse affirme que, bien que l'état de santé de sa fille ait connu une amélioration et une stabilisation et qu'il soit actuellement pris en charge par une médication, elle craint de ne pas être en mesure d'assumer financièrement la médication de sa fille à leur retour à Saint-Vincent. La demanderesse a indiqué dans son affidavit, au paragraphe 12, qu'elle n'a plus aucun parent à Saint-Vincent, qu'elle n'a nulle part où aller ni personne pour l'aider à son arrivée. La demanderesse affirme que, lorsque l'agente chargée du renvoi a décidé de ne pas reporter la date de renvoi de la demanderesse, elle aurait dû tenir compte de l'intérêt supérieur de la fille de la demanderesse : voir l'arrêt Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817.

[9]                 Je ne suis pas convaincu que l'agente chargée du renvoi a fait porter son attention sur l'intérêt supérieur de l'enfant lorsqu'elle a décidé de ne pas reporter la date de renvoi du Canada de la mère de l'enfant, surtout compte tenu de l'état de santé de la fille.

PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[10]            Puisque la fille de la demanderesse souffre d'une affection grave et puisque l'impossibilité d'obtenir la médication à Saint-Vincent aurait pour résultat une détérioration de sa santé, je suis persuadé que la demanderesse subira un préjudice irréparable si la médication n'est pas administrée à son enfant.

PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

[11]            Vu les motifs exposés ci-haut concernant les deux premières questions, je crois que la prépondérance des inconvénients milite en faveur de la demanderesse. Ainsi que je l'ai ordonné antérieurement, le sursis d'exécution sera accordé.

           « Michel Beaudry »           

Juge

   

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


  

                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                            IMM-1341-02

  

INTITULÉ :                                                    DENISE VERONICA JOHN ET AUTRE c. M.C.I.

  

REQUÊTE INSTRUITE PAR TÉLÉCONFÉRENCE VIA OTTAWA ET TORONTO

  

DATE DE L'AUDIENCE :                           le 24 mars 2002

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :            Monsieur le juge Beaudry

DATE DES MOTIFS :                                  le 2 avril 2002

  

ONT COMPARU :

M. Lorne Waldman                                                                POUR LES DEMANDERESSES

Mme Kareena Wilding                                                             POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman et associés                                              POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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