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Date : 20040722

Dossier :T-937-03

Référence : 2004 CF 1027

ENTRE :

                                       LES ENGRAIS NATURELS McINNES INC. /

McINNES NATURAL FERTILIZERS INC.

                                                                                                                                   Demanderesse

                                                                          - et -

BIO-LAWNCARE SERVICES INC.

et

MRL HORTICULTURAL SERVICES

et

MITCHELL LEVINE

                                                                             

                                                                                                                                         Défendeurs

LE JUGE MARTINEAU

                                                        MOTIFS DE JUGEMENT

[1]                Il s'agit d'une requête de la demanderesse, Les Engrais Naturels McInnes Inc. / McInnes Natural Fertilizers Inc., visant l'obtention d'un jugement par défaut contre les défendeurs Mitchell Levine, Bio-Lawncare Services Inc. et MRL Horticultural Services.

[2]                La règle 210 des Règles de la Cour fédérale, 1998, D.O.R.S./98-106 prévoit ce qui suit :


210. (1) Lorsqu'un défendeur ne signifie ni ne dépose sa défense dans le délai prévu à la règle 204 ou dans tout autre délai fixé par ordonnance de la Cour, le demandeur peut, par voie de requête, demander un jugement contre le défendeur à l'égard de sa déclaration.

(2) Sous réserve de l'article 25 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, la requête visée au paragraphe (1) peut être présentée ex parte et selon la règle 369.

(3) La preuve fournie à l'appui de la requête visée au paragraphe (1) est établie par affidavit.

(4) Sur réception de la requête visée au paragraphe (1), la Cour peut :

a) accorder le jugement demandé;

b) rejeter l'action;

c) ordonner que l'action soit instruite et que le demandeur présente sa preuve comme elle l'indique.                                

210. (1) Where a defendant fails to serve and file a statement of defence within the time set out in rule 204 or any other time fixed by an order of the Court, the plaintiff may bring a motion for judgment against the defendant on the statement of claim.

(2) Subject to section 25 of the Crown Liability and Proceedings Act, a motion under subsection (1) may be brought ex parte and in accordance with rule 369.

(3) A motion under subsection (1) shall be supported by affidavit evidence.

(4) On a motion under subsection (1), the Court may

(a) grant judgment;

(b) dismiss the action; or

(c) order that the action proceed to trial and that the plaintiff prove its case in such a manner as the Court may direct.



[3]                Contrairement à certains régimes procéduraux, les allégations qui ne sont pas admises devant cette Cour sont réputées êtres niées (règle 184). Un jugement par défaut ne peut pas être obtenu simplement « compte tenu des actes de procédure » . Les allégations qui sont énoncées dans une déclaration, si elles ne sont pas admises, restent telles, à savoir des allégations, et il n'existe aucune preuve de leur véracité ou de leur exactitude si aucun affidavit n'est déposé (Chase Manhattan Corp. c. 3133559 Canada Inc., [2001] A.C.F. no 1626 (C.F. 1re inst.) (QL), 2001 CFPI 895). Selon la règle 210, deux étapes doivent être franchies : 1) d'une part, le demandeur doit établir que le défendeur est « en défaut » (ce qui est le cas s'il n'a pas déposé sa défense dans le délai prévu à la règle 204 ou dans tout autre délai fixé par ordonnance de la Cour); et 2) d'autre part, il est nécessaire de déterminer si la preuve à l'appui de la requête permet d'accorder le jugement demandé (dans la négative, l'action pourra être rejetée ou certaines conclusions pourront être refusées par la Cour).

[4]                La première condition de la règle 210 est remplie. En l'espèce, la preuve au dossier révèle que trois copies de la déclaration et de la déclaration amendée de la demanderesse furent signifiées personnellement au défendeur Mitchell Levine, en son nom personnel, de même qu'à titre de directeur et officier de MRL Horticultural Services et de Bio-Lawncare Services Ltd. Suite à la signification de ces actes de procédure, les défendeurs ont omis de déposer une défense dans le délai prévu à la règle 204. Par conséquent, les défendeurs sont donc en défaut de produire leur défense à l'action. D'autre part, la preuve par affidavits produite à l'appui de la requête démontre qu'en l'espèce, il y a eu une violation, continue et intentionnelle, du droit de la demanderesse dans la marque de commerce BIO-LAWN.


[5]                En vertu de l'article 3 de Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi), une marque de commerce est réputée avoir été adoptée par une personne, lorsque cette personne ou son prédécesseur en titre a commencé à l'employer au Canada ou à l'y faire connaître, ou, si la personne ou le prédécesseur en question ne l'avait pas antérieurement ainsi employée ou fait connaître, lorsque l'un d'eux a produit une demande d'enregistrement de cette marque au Canada. En l'espèce, selon la preuve au dossier, la demanderesse est propriétaire de la marque de commerce BIO-LAWN enregistrée le 27 août 2002 sous le numéro TMA566,511. Par ailleurs, la demanderesse et ses prédécesseurs en titre ont également employé la marque de commerce BIO-LAWN depuis juillet 1988 relativement aux marchandises et services suivants :

a) Marchandises :         engrais et amendements de source naturelle pour le gazon et les arbres;

b) Services :                 épandage à contrat de ces marchandises (engrais et amendements de source naturelle pour le gazon et les arbres)

[6]                Mentionnons également que les produits de la demanderesse sont vendues au Canada dans différents marchés. En particulier, depuis 1993, la demanderesse vend ses produits en Ontario sous la marque de commerce BIO-LAWN et ce, entre autres dans les municipalités de Bolton, Timmins, Burgessville, London, St-Catharines, Cumberland, Richmond Hill et la grande région de Toronto. Par ailleurs, les défendeurs offrent en Ontario, notamment dans la région de Toronto, le même type de services et marchandises que la demanderesse soit des services d'entretien et de traitement de gazon et de vente au détail d'engrais pour gazon.


[7]                En vertu de l'article 20 de la Loi une marque de commerce est réputée être violée lorsqu'une personne non autorisée à l'employer, vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en liaison avec la marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion. Dans le cas présent, selon la preuve au dossier, entre le 17 août 2001 et le 2 janvier 2002, le défendeur Mitchell Levine a fait affaire à titre de propriétaire unique sous la dénomination sociale BIO-LAWN tel qu'il appert d'une copie certifiée de l'enregistrement no 110872330 en vertu de la Loi sur les noms commerciaux, L.R.O. (1990), ch. B-17. Par la suite, le 2 janvier 2002, le défendeur, Mitchell Levine, a incorporé son entreprise en vertu de la Loi sur les sociétés par actions, L.R.O. (1990), ch. B-16; la dénomination sociale de l'entreprise étant ainsi Bio-Lawn Ltd. tel qu'il appert du « Corporation Profile Report » . En octobre 2002, la demanderesse, par ses procureurs, a mis cette dernière en demeure de changer sa dénomination sociale. Une nouvelle mise en demeure a été transmise aux défendeurs en mars 2003 aux fins de les enjoindre de cesser d'utiliser la marque de commerce BIO-LAWN ainsi que toute autre marque créant de la confusion avec celle-ci. En effet, l'utilisation de la marque de commerce BIO-LAWN en liaison avec la vente d'engrais s'est par ailleurs fait sur le site internet de la défenderesse ainsi que sur le véhicule de celle-ci et des panneaux publicitaires. Le 20 juin 2003, après signification de la présente action, la défenderesse Bio-Lawn Ltd. a changé sa dénomination sociale pour celle de Bio-Lawncare Services Inc. Par ailleurs, selon la preuve au dossier, la défenderesse Bio-Lawncare Services Inc. se présente auprès du public sur le site internet comme une division de MRL Horticultural Services, d'où l'ajout de cette dernière à titre de défenderesse.


[8]                Dans le cas présent, selon la preuve au dossier, l'utilisation faite par les défendeurs, sans le consentement de la demanderesse, de la marque BIO-LAWN et le logo est de nature à causer confusion avec la marque enregistrée de la demanderesse suivant les critères établis aux paragraphes 6(2) et 6(5) de la Loi et tels que ceux-ci sont appliqués par la jurisprudence (Miss Universe, Inc. c. Bohna (1994), 176 N.R. 35 (C.A.F.), (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.) à la page 387). L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées ou vendues par la même personne. C'est le cas en l'espèce en Ontario, et plus particulièrement dans la région de Toronto.

[9]                Il est vrai que la défenderesse Bio-Lawn Ltd. a modifié son nom commercial de façon à y rajouter en caractères beaucoup plus petits, les mots « care Services Inc. » pour en arriver à Bio-Lawncare Services Inc., laissant ainsi bien en évidence, la marque BIO-LAWN. Je suis néanmoins d'avis que cette modification est insuffisante pour éviter que celle-ci porte à confusion avec la marque déposée, BIO-LAWN, de la demanderesse. Je suis également d'avis que la distinction au niveau du logo utilisé par la partie défenderesse ( « o » qui est remplacé par un globe terrestre) n'est pas suffisante pour distinguer les deux marques principalement en raison du fait que les deux marques sont identiques phonétiquement et dans les idées qu'elle suggère.


[10]            Considérant que la Cour est devant une violation, continue et intentionnelle, du droit de la demanderesse dans la marque BIO-LAWN, la délivrance d'une ordonnance d'injonction paraît indiquée dans les circonstances. D'autre part, il n'existe aucune preuve de dommages ou de perte de profits au dossier. La demanderesse n'a pas non plus établi à la satisfaction de la Cour que des clients ont cessé de faire affaire avec elle en raison de la confusion des marques de commerce ou des noms commerciaux, ni que cela a entraîné un perte de marché quelconque. De plus, considérant les critères établis par la jurisprudence (notamment Vorvis c. Insurance Corporation of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 1085 au para. 27 (C.S.C.), (1989), 58 D.L.R. (4th) 193, il ne s'agit pas d'un cas où l'imposition de dommages punitifs s'avère nécessaire. D'autre part, considérant l'ensemble des facteurs indiqués à la règle 400, dont la conduite des défendeurs avant et après la signification des procédures ainsi que les pièces au dossier, la Cour est disposée à accorder une partie des dépens à la demanderesse sur une base avocat-client. L'allocation d'une somme globale apparaît appropriée dans les circonstances. En conséquence, dans l'exercice de sa discrétion et ayant considéré les pièces au dossier, la Cour fixe et adjuge en faveur de la demanderesse la somme de 6 000,00 $ à titre de dépens, lesquels seront payables par les défendeurs en sus des frais de Cour et autres débours taxables.

                   « Luc Martineau »                  

                                                                                                                                                     Juge                                 

OTTAWA (ONTARIO)

LE 22 JUILLET 2004


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                             

DOSSIER :                                        T-937-03

INTITULÉ :                                       LES ENGRAIS NATURELS McINNES INC./

McINNES NATURAL FERTILIZERS INC. c. BIO-LAWNCARE SERVICES INC. et MRL HORTICULTURAL SERVICES et MITCHELL LEVINE

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFSDU JUGEMENT DE L'HONORABLE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                     Le 22 juillet 2004

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR:

Fontaine Désy                                                                           POUR LE DEMANDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Fontaine Désy                                                                           POUR LE DEMANDEUR

Sherbrooke (Québec)


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