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     Date : 20000106

     Dossier : IMM-1286-99


ENTRE


     JUNG SUNG WANG, TSUI TAO WANG,

     KAI LIN WANG, CHI WEI WANG, HSIU YUN WANG

     demandeurs


     et


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE DUBÉ

[1]      Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d"une décision de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (Section d"appel) (la " Commission d"appel ") datée du 22 février 1999 rejetant l"appel interjeté par les demandeurs d"une mesure de renvoi prise contre eux le 14 mai 1997.


EXPOSÉ DES FAITS

[2]      Le demandeur principal a présenté une demande d"établissement au Canada en qualité d"entrepreneur en incluant dans cette demande sa femme et ses trois enfants. La famille a obtenu le droit d"établissement au Canada le 12 octobre 1993 et accepté les conditions reliées au droit d"établissement intitulées [TRADUCTION] " Conditions universelles reliées au droit d"établissement ", R 23.1(1)a ) à d).

OBSERVATIONS

[3]      Les demandeurs ont fait valoir devant la Commission d"appel et notre Cour que les conditions qu"on leur impose sont nulles parce qu"elles diffèrent de celles qu"on est en droit d"exiger aux termes de l"article 23.1 du Règlement sur l"immigration de 1978.

[4]      La case 43 du visa d"immigration de chacun des demandeurs énonce que les conditions imposées au droit d"établissement sont :

         [TRADUCTION] " Les conditions prévues aux alinéas 23.1(1)A) à d) du Règlement sur l"immigration de 1978 telles qu"énoncées dans le document d"accompagnement au présent formulaire "

et le document d"accompagnement lui-même s"intitule [TRADUCTION] " Conditions universelles reliées au droit d"établissement " R23.1(1)a ) à d).

[5]      Le paragraphe 23.1(1) du Règlement est libellé comme suit :

         23.1(1) Les entrepreneurs et les personnes à leur charge constituent une catégorie réglementaire d"immigrants à l"égard desquels il est obligatoire d"imposer les conditions suivantes au droit d"établissement :
             a) dans un délai d"au plus deux ans après la date à laquelle le droit d"établissement lui est accordé, l"entrepreneur établit ou achète au Canada une entreprise ou un commerce, ou y investit une somme importante, de façon à contribuer d"une manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou un résident permanent, à l"exclusion de lui-même et des personnes à sa charge, d"obtenir ou de conserver un emploi;
             b) dans un délai d"au plus deux ans après la date à laquelle le droit d"établissement lui est accordé, l"entrepreneur participe activement et régulièrement à la gestion de l"entreprise ou du commerce visé à l"alinéa a );
             c) dans un délai d"au plus deux ans après la date à laquelle le droit d"établissement lui est accordé, l"entrepreneur fournit, aux dates, heures et lieux indiqués par l"agent d"immigration, la preuve qu"il s"est efforcé de se conformer aux conditions imposées aux termes des alinéas a ) à b);
             d) dans un délai d"au plus deux ans après la date à laquelle le droit d"établissement lui est accordé, l"entrepreneur fournit, à la date, à l"heure et au lieu indiqués par l"agent d"immigration, la preuve qu"il s"est conformé aux conditions imposées aux termes des alinéas a ) et b).

[6]      Les Conditions universelles reliées au droit d"établissement, R 23.1(1), s"énoncent ainsi :

         [TRADUCTION] Dans un délai d"au plus deux ans après la date à laquelle le droit d"établissement lui est accordé,
             a) l"entrepreneur doit établir ou acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou y investir une somme importante, de façon à contribuer d"une manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou un résident permanent, à l"exclusion de lui-même et des personnes à sa charge, d"obtenir ou de conserver un emploi;
             b) l"entrepreneur doit participer activement et régulièrement à la gestion de l"entreprise ou du commerce visé à l"alinéa a );
             c) l"entrepreneur doit fournir la preuve qu"il s"est efforcé de se conformer aux conditions imposées en :
             (i)      envoyant sa fiche de rapport au coordonnateur régional de l"immigration des gens d"affaires d"Emploi et Immigration Canada de la province ou territoire où il demeure à l"intérieur de la période entre la date à laquelle le droit d"établissement a été accordé à l"entrepreneur et six mois après cette date; et
             (ii)      se présentant au Centre d"immigration du Canada (CIC) le plus près ou à n"importe quel autre endroit ou aux endroits indiqués par écrit par un agent d"immigration, au moins une fois à l"intérieur de chacune des périodes suivantes :
                 -      entre six et douze mois après la date à laquelle le droit d"établissement a été accordé à l"entrepreneur;
                 -      entre douze et dix-huit mois après la date à laquelle le droit d"établissement a été accordé à l"entrepreneur;
                 -      entre dix-huit et vingt-quatre mois après la date à laquelle le droit d"établissement a été accordé à l"entrepreneur;
             d) l"entrepreneur doit, dans un délai d"au plus deux ans après la date à laquelle le droit d"établissement lui a été accordé, se présenter au CIC le plus proche pour fournir la preuve qu"il s"est conformé aux conditions imposées.

[7]      Les demandeurs allèguent que lesdites conditions qui leur sont imposées ne sont pas celles que prescrit le paragraphe 23.1(1) du Règlement sur l"immigration de 1978 et qu"elles en diffèrent sensiblement à trois égards.

[8]      En premier lieu, le paragraphe 23.1(1)d) du Règlement exige que l"entrepreneur fournisse aux date et lieu indiqués par l"agent d"immigration, la preuve qu"il s"est conformé aux conditions imposées aux termes des alinéas a ) et b). L"alinéa d ) du document d"accompagnement dit que l"entrepreneur doit, dans un délai d"au plus deux ans après la date à laquelle le droit d"établissement lui a été accordé, se présenter au CIC le plus proche pour fournir la preuve qu"il s"est conformé aux conditions imposées. Par conséquent, l"alinéa 23.1(1)d ) énonce, comme condition, que l"entrepreneur fournisse la preuve qu"il s"est conformé aux alinéas a ) et b), mais non à l"alinéa c ), alors que l"alinéa d ) du document d"accompagnement exige que l"entrepreneur fournisse la preuve qu"il s"est conformé aux conditions imposées aux alinéas a ), b) et c).

[9]      En deuxième lieu, l"alinéa 23.1(1)c ) du Règlement autorise l"agent d"immigration à indiquer les heures, dates et lieux auxquels l"entrepreneur doit fournir la preuve qu"il s"est efforcé de se conformer aux conditions imposées aux termes des alinéas a ) et b). Il ne l"autorise pas à préciser le moyen par lequel l"entrepreneur fournira cette preuve. L"alinéa c ) du document d"accompagnement prescrit le moyen par lequel l"entrepreneur fournira la preuve de ses efforts. Le sous-alinéa c )(i) du document d"accompagnement exige que l"entrepreneur envoie sa fiche de rapport au coordonnateur régional de l"immigration des gens d"affaires d"Emploi et Immigration Canada de la province ou territoire où il demeure et ce dans les six mois suivant la date à laquelle le droit d"établissement lui a été accordé. De plus, la fiche de rapport ne contient qu"une seule question concernant les efforts déployés par l"entrepreneur en vue de se conformer aux conditions. Le reste de la fiche concerne les informations destinées à permettre le suivi de l"entrepreneur.

[10]      Troisièmement, les alinéas 23.1(1)c) et d) du Règlement accordent à l"agent d"immigration le pouvoir d"indiquer les dates, heures et lieux auxquels l"entrepreneur doit fournir la preuve qu"il s"est efforcé de se conformer aux conditions imposées et, respectivement, la preuve qu"il s"y est conformé. L"alinéa c ) du document d"accompagnement donne à l"agent d"immigration le pouvoir d"indiquer l"endroit où l"entrepreneur doit se présenter alors que les moments où il doit le faire sont précisément établis et, par conséquent, déterminés. L"agent d"immigration n"a nullement le droit d"indiquer des moments différents. L"alinéa d ) du document d"accompagnement indique aussi bien le moment que l"endroit auquel l"entrepreneur doit fournir la preuve de conformité. L"agent d"immigration ne possède aucun pouvoir à cet égard.

[11]      La Commission d"appel a entendu la même allégation disant que [TRADUCTION] " les agents d"immigration ont outrepassé leur pouvoir en modifiant fondamentalement le sens de l"article 23 du Règlement ". La Commission d"appel, tout en convenant [TRADUCTION] " avec les appelants que c"est apparemment ce qui en ressort ", a néanmoins conclu que ceux-ci [TRADUCTION] " n"ont fourni aucune preuve satisfaisante du préjudice que cela leur a causé ". La Commission a également conclu que [TRADUCTION] " en tout état de cause, aucune preuve n"a été produite indiquant que les conditions reliées à leur droit d"établissement n"étaient pas claires pour les appelants ou qu"ils ne les comprenaient pas bien ". La Commission d"appel a noté, en outre, que [TRADUCTION] " les appelants n"avaient pas contesté avant la présente audition, la légalité de l"obligation faite à l"entrepreneur de se présenter à un agent d"immigration. De plus, ils n"ont pu expliquer de façon satisfaisante comment cette méthode de contrôle leur a causé un préjudice ". La Commission d"appel en a conclu que les mesures d"interdiction de séjour étaient légalement valides.

ANALYSE

[12]      Je ne peux pas conclure que la Commission d"appel a commis une erreur de droit. Le document des Conditions universelles ne modifie pas sensiblement celles qu"énonce le paragraphe 23.1(1) du Règlement sur l"immigration de 1978. Il ne fait que résumer la teneur de ce règlement. Les alinéas 23.1(1)c) et d) donnent à l"agent d"immigration le pouvoir de déterminer la façon dont l"entrepreneur fournira la preuve de conformité avec les alinéas a ) et b) du Règlement. Ils diffèrent des Conditions universelles R.23.1(1)a) à d) seulement par les précisions qu"on y trouve sur la façon dont l"entrepreneur doit prouver qu"il s"est conformé aux conditions, c"est-à-dire en envoyant sa fiche de rapport au coordonnateur régional de l"immigration des gens d"affaires d"Emploi et Immigration Canada et en se présentant au Centre d"immigration du Canada le plus proche dans des délais prescrits.

[13]      Les faits prouvent clairement que les demandeurs ont sciemment enfreint les conditions imposées par le Règlement. Faisant l"historique de l"affaire, l"arbitre G.S. Wojtowicz a conclu que le demandeur principal, se présentant comme entrepreneur, n"a effectué aucun investissement au chapitre de l"immobilier, de l"équipement ou d"un procédé quelconque : [TRADUCTION] " il n"y a eu aucune espèce d"investissement ". L"arbitre a conclu que prétendre que le demandeur principal a rempli les conditions reliées au droit d"établissement [TRADUCTION] " équivaudrait à bafouer le programme d"immigration des entrepreneurs ". Il est évident que les demandeurs n"ont respecté ni les conditions que leur impose le Règlement ni celles qu"ils ont acceptées aux termes des Conditions universelles.

[14]      Les Conditions universelles reliées au droit d"établissement ne visent pas à modifier le paragraphe 23.1(1) du Règlement sur l"immigration ni à accroître non plus les attributions et pouvoirs des agents d"immigration, mais simplement à faire en sorte que le Règlement en question soit facilement compris et à établir le moyen par lequel l"entrepreneur s"efforce de se conformer aux conditions du Règlement , plus particulièrement en envoyant sa fiche de rapport au coordonnateur régional de l"immigration des gens d"affaires d"Emploi et Immigration Canada et en se présentant au Centre d"immigration du Canada le plus proche à des moments précis. L"entrepreneur doit satisfaire aux exigences dans un délai de deux ans. Il est dans l"intérêt de tous de pouvoir faire le suivi.

[15]      Par conséquent, cette première ligne d"attaque ne justifie pas un contrôle judiciaire de la décision de la Commission d"appel.

LE DEMANDEUR CHIH WEI WANG

[16]      Le 30 novembre 1997, Chih Wei Wang, un des fils du demandeur principal, a épousé Racqel Desiree Albert, citoyenne canadienne, dont il a eu un enfant, Jacob Lee Wang, né le 6 novembre 1998, qui est également citoyen canadien.

[17]      La Commission d"appel a noté que, d"après les explications qu"il a fournies, Chih Wei Wang fréquente actuellement l"école en attendant de suivre plus tard des cours universitaires en sciences informatiques. Il vit actuellement chez ses beaux-parents et dépend largement, sur le plan financier, du demandeur principal. Il a expliqué à la Commission que son renvoi éventuel lui causerait un grave préjudice puisqu"il devrait alors laisser derrière lui sa femme et son fils et mettre fin à ses aspirations.

[18]      La Commission d"appel a observé que [TRADUCTION] " le cas de Chi Wei Wang est plus délicat " que celui des autres membres de sa famille du fait qu"il s"est, sans nul doute, plus fermement établi au Canada par suite de son mariage et de la naissance subséquente de son enfant. La Commission a tout de même souligné qu"il fréquente l"école secondaire et dépend largement de son père pour survivre. Ces observations semblent concorder avec les faits de l"espèce et n"être pas déraisonnables.

[19]      Il est bien établi que la Commission d"appel doit examiner toutes les circonstances d"une affaire pour déterminer s"il faut ou non renvoyer une personne du Canada. Ce pouvoir discrétionnaire est exercé à bon escient s"il est exercé de bonne foi, à l"abri de considérations hors de cause et de façon non arbitraire ou illégale.

[20]      Il appert, en l"espèce, que Chih Wei Wang est un élève au cycle d"études secondaires qui dépend largement de son père pour survivre, qu"il habite déjà chez ses beaux-parents et que sa femme est une citoyenne canadienne qui peut le parrainer si elle le juge à propos.

[21]      Par conséquent, il ne m"est pas possible de conclure, en ce qui concerne Chih Wei Wang, que la décision de la Commission d"appel n"est pas raisonnable.

DISPOSITIF

[22]      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale n"est à certifier.


     (Signé) " J. E. Dubé "

     Juge

Le 6 janvier 2000

Vancouver (Colombie-Britannique)


Traduction certifiée conforme



Jacques Deschênes

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No :              IMM-1286-99


INTITULÉ DE LA CAUSE :      Jung Sung Wang et autres

                     c.

                     MCI


LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)


DATE DE L'AUDIENCE :      5 janvier 2000



MOTIFS DE L"ORDONNANCE par le juge Dubé

EN DATE DU              6 janvier 2000



ONT COMPARU :

Peter A. Chapman              pour les demandeurs

Garth Smith                  pour le défendeur


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Chapman & Company

Law Corporation

Vancouver (C.-B)              pour les demandeurs

Morris Rosenberg

Sous-procureur général

du Canada                  pour le défendeur
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