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Date : 20050211

Dossier : IMM-9144-03

Référence : 2005 CF 232

Ottawa (Ontario), le 11 février 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH                                    

ENTRE :

                                               VICTOR UCHENNA EKECHUKWU

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Victor Uchenna Ekechukwu est un citoyen du Nigéria et il est catholique pratiquant. Il allègue avoir une crainte bien fondée de persécution de la part des membres de la société secrète Ogboni (SSO).


[2]                La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de M. Ekechukwu car elle a conclu que les éléments essentiels de son récit n'étaient pas crédibles. M. Ekechukwu demande l'annulation de cette décision, prétendant que plusieurs des conclusions d'invraisemblance et d'incohérence tirées par la Commission étaient abusives. M. Ekechukwu prétend également que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de sa situation particulière, manquant ainsi à son devoir d'agir équitablement envers lui.

Les prétentions de M. Ekechukwu

[3]                M. Ekechukwu affirme que, avant sa mort en 2001, son père était membre de la SSO. Après la mort de son père, des membres de la SSO l'ont approché et lui ont dit que son père voulait qu'il soit admis dans la SSO.

[4]                M. Ekechukwu affirme qu'il a dit aux quatre membres de la SSO qu'il ne voulait pas devenir membre de la société parce qu'il était chrétien. C'est alors que les membres du culte l'ont battu avec des douves de bois. M. Ekechukwu affirme que bien qu'il fut sérieusement blessé lors de l'agression, il a tout de même réussi à s'échapper dans la forêt.

[5]                Le jour suivant, M. Ekechukwu affirme qu'il a rencontré un étranger sur la route qui longe la forêt. Cet étranger était médecin. Celui­-ci a amené M. Ekechukwu à l'hôpital et a soigné ses blessures. M. Ekechukwu affirme qu'il a passé deux semaines à l'hôpital afin de se rétablir de ses blessures. Ses dépenses d'hôpital ont été entièrement payées par le médecin.


[6]                La générosité du médecin ne s'est toutefois pas arrêtée là. Le médecin s'est rendu au village de M. Ekechukwu et a recueilli des fonds pour l'aider à fuir le Nigéria. Le médecin a ensuite conclu une attente avec un passeur pour faire quitter M. Ekechukwu, puis il est allé reconduire M. Ekechukwu à l'aéroport.

[7]                M. Ekechukwu n'a produit aucun dossier médical concernant son hospitalisation car il a affirmé ne pas vouloir compromettre le médecin davantage. Il a toutefois montré à la Commission une cicatrice d'un demi-pouce sur sa tête et une cicatrice sur sa main qui, selon lui, étaient le résultat de la raclée que lui avaient infligé les membres du culte.

La Commission a-t-elle commis une erreur en rejetant la prétention de M. Ekechukwu?           

[8]                Les conclusions contestées sont toutes des conclusions de fait. À ce titre, la norme de contrôle est celle de la décision manifestement raisonnable : Aguebor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).


[9]                Il est clair que la Commission a commis deux erreurs lorsqu'elle a analysé la prétention de M. Ekechukwu. Premièrement, la Commission s'est élevée contre le fait que M. Ekechukwu a employé le mot « Monsieur » en parlant du médecin au lieu d'employer le mot « Docteur » . M. Ekechukwu affirme dans son affidavit que c'est de cette manière que les Nigériens adultes de sexe masculin se saluent entre eux. Je suis convaincue que le fait d'employer le mot « Monsieur » plutôt que le mot « Docteur » pour parler du médecin peut très bien refléter une différence culturelle et n'aurait raisonnablement pas dû servir de fondement à une conclusion d'invraisemblance. En effet, le défendeur a concédé ce point pour l'essentiel.

[10]            Deuxièmement, et ce qui est plus important, la Commission a conclu qu'il était peu probable que le père de M. Ekechukwu fut membre de la SSO, compte tenu qu'il était catholique.

[11]            Un examen de la preuve documentaire devant la Commission révèle que la SSO n'est pas une société secrète mais une organisation bénévole enregistrée qui s'apparente à un club social. La société a été fondée par un membre du clergé chrétien et la direction de la société est assumé tour à tour par des anglicans, des catholiques, des méthodistes et des baptistes. Par conséquent, au contraire de la prétention voulant que l'appartenance présumée du père à la SSO fût incompatible avec sa foi chrétienne, il semble que, selon les renseignements concernant la situation dans le pays soumis à la Commission, l'appartenance à la fois à la SSO et à la fois à l'église catholique étaient parfaitement compatibles.


[12]            Je souligne toutefois que l'orientation chrétienne de la SSO est une arme à deux tranchants pour M. Ekechukwu. D'un côté, elle montre que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a tiré sa conclusion d'invraisemblance concernant l'appartenance du père de M. Ekechukwu à la société. D'un autre côté, cependant, elle mine l'explication de M. Ekechukwu quant à savoir pourquoi il hésitait tellement à devenir membre de la SSO. Il est difficile de comprendre pourquoi la foi chrétienne de M. Ekechukwu constituerait un obstacle au fait qu'il devienne membre d'un organisme fondé par un chrétien et dirigée par des chrétiens.

[13]            Toutefois, même si je suis convaincu que la Commission a commis une erreur de la manière que nous venons de mentionner, je ne suis pas persuadée que la décision de la Commission devrait être annulée. Comme l'a souligné la Commission, le récit qu'a fait M. Ekechukwu de son agression, de son hospitalisation et de sa fuite du Nigéria renfermait des coïncidences, des contradictions et des invraisemblances.

[14]            M. Ekechukwu attribue à Dieu la série de coïncidences et d'événements fortuits qui lui ont permis de se sortir d'une situation périlleuse au Nigéria. La Commission a néanmoins estimé que le récit de M. Ekechukwu était ridicule. Compte tenu de la preuve dont la Commission a été saisie, je ne peux qu'affirmer que celle-ci pouvait facilement conclure comme elle l'a fait et que cette conclusion ne doit pas être modifiée.

Conclusion

[15]            Pour ces motifs, la demande est rejetée.

Certification

[16]            Comme aucune des parties n'a soumis de question à la certification, aucune question ne sera certifiée.    


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.          la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

2.          aucune question grave de portée générale ne soit certifiée.

          « Anne L. Mactavish »                

Juge                            

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                          IMM-9144-03

INTITULÉ :                                                         VICTOR UCHENNA EKECHUKWU

et                                                                             

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :                                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                 LE 8 FÉVRIER 2005          

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                        LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                       LE 11 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :                                          

Raphael Feldstein                                                   POUR LE DEMANDEUR

Kevin Lunney                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raphael Feldstein                                                   POUR LE DEMANDEUR

Avocat

50, rue Richmond, bureau 101

Toronto (Ontario)

M5C 1N7

John H. Sims, c.r.                                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE

                              Date : 20050209

                                      Dossier : IMM-9144-03

ENTRE :

VICTOR UCHENNA EKECHUKWU                   

                                                              demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                 défendeur

                                                 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                 


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