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Date : 20050425

Dossier : IMM-4007-04

Référence : 2005 CF 556

Ottawa (Ontario), le 25 avril 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

                                                       URSULA KOMBE BIDIMA

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Ursula Kombe Bidima, une citoyenne de l'Angola, demande l'asile au Canada parce qu'elle craint les anciens associés de son mari. Elle allègue en outre qu'elle serait maltraitée par les autorités angolaises en raison des problèmes commerciaux de son mari et de son appartenance à la tribu Bakongo.


[2]                La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de Mme Bidima parce que celle-ci n'a pas produit des éléments de preuve crédibles au soutien de cette demande. Mme Bidima demande maintenant que la décision de la Commission soit annulée. Selon elle, la Commission a commis une erreur en tirant des conclusions contradictoires sur un point important. Mme Bidima prétend également que certaines autres conclusions de la Commission étaient manifestement déraisonnables.

Norme de contrôle

[3]                La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a une expertise bien établie pour statuer sur des questions de fait, notamment pour évaluer la crédibilité des demandeurs d'asile. Cette évaluation se trouve en fait au coeur de sa compétence. En tant que juge des faits, la Commission peut à bon droit tirer des conclusions raisonnables concernant la crédibilité du récit d'un demandeur, en se fondant sur la présence d'invraisemblances, le bon sens et la raison. Par conséquent, pour que la Cour puisse annuler une conclusion de fait tirée par la Commission, il faut qu'il soit démontré que cette conclusion est manifestement déraisonnable. Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 40, et Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).

Déclarations faites aux autorités américaines

[4]                En l'espèce, une grande partie de l'argumentation portait sur les conclusions de la Commission concernant la valeur probante de certaines déclarations faites par Mme Bidima aux autorités américaines de l'immigration et sur les prétendues contradictions contenues dans ces conclusions. L'avocat de Mme Bidima a dit qu'il s'agissait de son argument le plus fort.

[5]                La Commission a conclu que Mme Bidima n'était pas crédible, notamment parce que le récit qu'elle a relaté dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et lors de l'audition de sa demande d'asile était tout à fait différent, à plusieurs égards, de l'histoire qu'elle avait racontée précédemment aux autorités américaines de l'immigration.

[6]                Par exemple, Mme Bidima a dit aux autorités américaines qu'elle avait étudié au Congo-Brazzaville, alors qu'elle a indiqué, à l'audition de sa demande d'asile, qu'elle avait fait ses études en Angola. Elle a aussi dit aux autorités américaines qu'elle avait voyagé avec un faux passeport, qu'elle était arrivée aux États-Unis en janvier 2003 et que sa mère était morte. Or, elle a contredit toutes ces déclarations dans son témoignage devant la Commission.

[7]                La prétendue contradiction contenue dans les motifs de la Commission concerne les deux déclarations suivantes :

Son explication pour toutes ces inconstances était qu'elle était confuse lors de son entrevue et a été maltraitée. Je n'accepte pas l'explication comme raisonnable. La demanderesse avait eu le temps de s'ajuster un peu à l'Amérique du Nord, ayant déjà passé deux semaines aux États-Unis en plus de ses vacances en janvier 2003.

Ailleurs dans ses motifs, la Commission a indiqué que le témoignage de Mme Bidima semblait parfois avoir été appris par coeur, parfois être inventé au fur et à mesure. Elle a ensuite mentionné :

De fait, le seul moment où elle a démontré une émotion crédible, était lorsqu'elle parlait de son traitement par les autorités américaines à Buffalo. Cette partie de son histoire est digne de foi.

[8]                Selon Mme Bidima, la Commission a agi de manière manifestement déraisonnable en reconnaissant qu'elle avait été maltraitée par les autorités américaines de l'immigration mais en ne croyant pas que c'est sous la contrainte qu'elle avait fourni des renseignements et que ceux-ci étaient faux. De l'avis de Mme Bidima, il est incompréhensible qu'un tribunal chargé de protéger les droits de la personne, comme la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, accorde quelque crédit que ce soit à des renseignements donnés par une personne soumise à des mauvais traitements.

[9]                Je rejette cette prétention. Bien que Mme Bidima ait affirmé que la façon dont les autorités américaines de l'immigration l'avaient traitée constituait soit « vraiment une torture » soit « presque une torture » , un examen de la transcription révèle que Mme Bidima n'a pas été torturée, mais a simplement été fouillée à nu et placée dans une cellule.

[10]            La Commission a clairement reconnu que ces faits s'étaient produits et que Mme Bidima en avait été bouleversée.

[11]            La Commission a admis que Mme Bidima avait été bouleversée par la façon dont elle avait été traitée aux États-Unis. Elle ne croyait pas cependant que cela expliquait les nombreuses différences entre le récit que Mme Bidima avait raconté aux autorités américaines et son témoignage devant elle. Je ne suis pas convaincue que cette conclusion était manifestement déraisonnable.


[12]            De nombreuses personnes, si ce n'est la majorité, seraient bouleversées si elles faisaient l'objet d'une fouille à nu et étaient placées dans une cellule de prison. Il y a cependant une différence importante, à mon avis, entre la valeur des renseignements obtenus d'une personne qui est bouleversée et la valeur des renseignements obtenus d'une personne soumise à la torture. En l'espèce, la Commission n'a pas, à mon avis, agi de manière contradictoire en reconnaissant que Mme Bidima ait pu être bouleversée et en concluant ensuite que cela n'expliquait pas adéquatement les différences fondamentales entre ce qu'elle avait dit aux autorités américaines de l'immigration et aux autorités canadiennes de l'immigration.

Autres prétendues erreurs

[13]            L'avocat de Mme Bidima a relevé plusieurs autres erreurs qui aurait été commise par la Commission. D'après lui, ces erreurs, ajoutées aux conclusions prétendument contradictoires dont il a été question dans les paragraphes précédents, feraient en sorte que l'on ne puisse pas se fier aux motifs de la Commission.

[14]            Comme je l'ai déjà indiqué, je ne suis pas convaincue que les motifs de la Commission étaient contradictoires. J'ai néanmoins examiné le dossier, y compris la transcription de l'audience, afin d'y trouver les autres conclusions prétendument déficientes. Or, je suis convaincue que la Commission pouvait raisonnablement, compte tenu de la preuve dont elle disposait, tirer presque toutes les conclusions auxquelles elle est arrivée.


[15]            Dans la mesure où la Commission peut avoir commis une erreur quant à la proximité géographique de la ville de Mbanza-Congo et du Congo-Brazzaville, je constate en premier lieu que sa conclusion selon laquelle Mbanza-Congo est située près de la frontière du Congo-Brazzaville était fondée sur le propre témoignage de Mme Bidima. En outre, compte tenu des nombreux motifs exposés par la Commission pour ne pas ajouter foi au récit de Mme Bidima, je ne suis pas convaincue qu'une erreur commise par la Commission à cet égard, le cas échéant, justifie en soi l'annulation de sa décision.

Conclusion

[16]            Pour ces motifs, la demande est rejetée.

Certification

[17]            Aucune partie n'a proposé une question à des fins de certification, et aucune question n'est soulevée en l'espèce.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question de portée générale n'est certifiée.

                                                                                                                              « Anne Mactavish »                   

                                                                                                                                                     Juge                            

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                               IMM-4007-04

INTITULÉ :                                                              URSULA KOMBE BIDIMA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                       TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                      LE 18 AVRIL 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                             LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                             LE 25 AVRIL 2005

COMPARUTIONS :

Micheal Crane                                                             POUR LA DEMANDERESSE

John Loncar                                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)


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