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     Date : 19980302

     Dossier : IMM-802-98

ENTRE :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     requérant,

     et


     LA SECTION D"APPEL DE LA

COMMISSION DE L"IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ,


et


WALTER GONZALES TOLEDO,

     intimés.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

    

LE JUGE GIBSON

[1]      Les présents motifs font suite à la présentation d"une requête, pour le compte du requérant, visant à obtenir une ordonnance provisoire empêchant la section d"appel de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié de tenir une nouvelle audition de l"appel interjeté contre la mesure d"expulsion prise à l"égard de l"intimé Walter Gonzales Toledo (M. Toledo), jusqu"à ce que la Cour ait réglé la demande sous-jacente de contrôle judiciaire présentée par le requérant. La requête en obtention d"une ordonnance provisoire et la demande sous-jacente de contrôle judiciaire ont toutes les deux été déposées à la Cour à Winnipeg (Manitoba), le 24 février 1998. Dans la demande sous-jacente, le requérant demande l"autorisation de la Cour pour introduire une demande de contrôle judiciaire en ce qui concerne :

                 [TRADUCTION] La compétence de la section d"appel de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié pour tenir une nouvelle audition, le 6 mars 1998, de l"appel interjeté contre la mesure d"expulsion prise à l"égard de Walter Gonzales Toledo.                 

[2]      Voici un bref résumé du contexte dans lequel s"inscrivent la requête en obtention d"une ordonnance provisoire et la demande sous-jacente. M. Toledo est originaire du Guatemala, pays dont il est citoyen. Il est arrivé au Canada en septembre 1986 et a obtenu le droit de s"y établir en 1990. En 1993, il a plaidé coupable à une ou plusieurs accusations d"agression sexuelle à l"égard d"une personne mineure. Il a été condamné à trente mois d"emprisonnement. Une mesure d"expulsion a été prise à son égard. Il a interjeté appel de la mesure d"expulsion devant la section d"appel; son appel a été rejeté. Il a demandé l"autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de la section d"appel. Sa demande d"autorisation a été rejetée. On a alors commencé à prendre des dispositifs en vue d"exécuter la mesure d"expulsion prise à l"égard de M. Toledo.

[3]      Le 8 août 1997, soit avant l"exécution de la mesure d"expulsion, M. Toledo a présenté une demande de réouverture de l"appel qu"il avait interjeté devant la section d"appel. Il a été expulsé le 29 septembre 1997. Dans une ordonnance datée du jour suivant et signée le 16 octobre 1997, la section d"appel a accueilli la demande de réouverture présentée par M. Toledo. Aucune demande de contrôle judiciaire de cette décision n"a été présentée.

[4]      L"audition concernant la réouverture de l"appel interjeté par M. Toledo devant la section d"appel devait avoir lieu le 6 mars 1998. En prévision de cette audition, la section d"appel, dans une ordonnance datée du 16 janvier 1998 et signée le 3 février 1998, a statué qu"il devait être permis à M. Toledo de rentrer au Canada pour participer à l"audition de son appel. Aucune demande de contrôle judiciaire de cette décision n"a été présentée.

[5]      La requête du requérant en obtention d"une ordonnance provisoire a été entendue dans le cadre d"une téléconférence tenue l"après-midi du 27 février 1998. Au début de la téléconférence, la Cour a soulevé la question de savoir si la requête se fondait valablement sur une demande d"autorisation et de contrôle judiciaire. Comme il a déjà été mentionné, la demande d"autorisation et de contrôle judiciaire visait [TRADUCTION] " [l]a compétence de la section d"appel [...] pour tenir une nouvelle audition, le 6 mars 1998, de l"appel interjeté contre la mesure d"expulsion prise à l"égard de [...] Toledo ".

[6]      Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale1 prévoit qu"une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché " par l'objet de la demande ". Dans la décision Sa Majesté la Reine du chef de l"Alberta c. Commission canadienne du blé2, j"ai écrit :

                 D"autres dispositions de l"article 18.1 de la Loi ou dispositions connexes des Règles de la Cour fédérale [C.R.C. (1978), ch. 663 (modifiées)] portent à penser que les types de questions pouvant faire l"objet d"une telle demande sont limités. Ainsi, le paragraphe 18.1(2) fixe un délai pour la présentation de demandes de contrôle judiciaire visant une " décision ou ... ordonnance " d"un office fédéral. Le paragraphe 18.1(3), qui concerne les mesures pouvant être ordonnées par la Section de première instance dans le cadre d"une procédure de contrôle judiciaire, parle de " ... décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l"office fédéral ". Le paragraphe 18.1(4), qui concerne les circonstances dans lesquelles la Section de première instance peut ordonner un certain nombre de mesures réparatrices, parle de " la décision ou ... ordonnance entachée d"une erreur de droit " et de décisions et ordonnances fondées sur une conclusion de faits erronée. La Règle 1602(2)f ) des Règles de la Cour fédérale prévoit que la demande de contrôle judiciaire indique " la date et les particularités de la décision, de l"ordonnance ou de toute autre question à l"égard de laquelle le contrôle judiciaire est demandé ". La Règle 1602(4) prévoit que l"avis de requête " porte sur le contrôle judiciaire d"une seule ordonnance, décision ou autre question, ... ".                 

Compte tenu du contexte dans lequel il a été fait, je conclus que le renvoi à la question " à l"égard de laquelle le contrôle judiciaire est demandé " au paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale ne peut être interprété de façon à étendre, peu importe les faits de l"espèce en cause, la compétence de l"office fédéral. L"erreur sur la compétence constitue un motif pour lequel une demande de contrôle judiciaire peut être présentée et accueillie à l"égard d"une décision, ordonnance ou toute autre question de cette nature. La simple compétence d"un office fédéral ne constitue pas, en soi, une telle question.

[7]      L"avocate du requérant a soutenu que la façon dont j"ai interprété la portée du contrôle judiciaire donnerait lieu à un résultat équivalant à une anomalie, vu les faits de l"espèce. Comme il a déjà été mentionné, M. Toledo a été expulsé du Canada le 29 septembre 1997. La décision de la section d"appel de rouvrir l"appel interjeté par M. Toledo à l"encontre de la mesure d"expulsion prise à son égard a été prise dès le lendemain. J"ai été avisé qu"au moment où elle a décidé de rouvrir l"appel, la section d"appel ne disposait d"aucune preuve du fait que M. Toledo avait été expulsé. En conséquence, l"avocate a-t-elle soutenu, si le requérant avait demandé le contrôle judiciaire de cette décision, la Cour n"aurait pas disposé de preuve établissant que M. Toledo avait été expulsé avant la réouverture de son appel, vu que la demande de contrôle judiciaire doit être examinée compte tenu du dossier dont disposait le tribunal qui a pris la décision fait l"objet d"un tel contrôle3.

[8]      J"ai déjà admis une exception à la règle générale limitant les éléments de preuve dont la Cour peut être saisie dans le cadre d"une demande de contrôle judiciaire à ceux dont disposait l"office fédéral. Dans la décision Kenbrent Holdings Ltd. c. Atkey4, j"ai écrit :

                 Une preuve par affidavit a été déposée devant la Cour pour le compte tant des requérantes que de l'intimée. [...] Les avocats des parties ont reconnu que bon nombre des nouveaux éléments de preuve se rapportaient à des questions qui n'avaient pas été débattues devant l'arbitre ou à des questions, si l'on s'en tient aux motifs, qu'il n'avait probablement pas examinées. En règle générale, le contrôle judiciaire vise à permettre de déterminer s'il était loisible à l'office qui est assujetti au contrôle de rendre la décision qu'il a rendue compte tenu de la preuve dont il disposait. Par conséquent, les nouveaux éléments de preuve ne sont pas pertinents dans le cadre du contrôle judiciaire. Je suis convaincu qu'il existe une exception à ce principe lorsque la question en litige se rapporte à la compétence de l'office dont la décision fait l'objet du contrôle. [Citations omises; non souligné dans l"original.]                 

[9]      Je suis convaincu que la preuve établissant que M. Toledo avait été expulsé avant que la section d"appel ne prenne la décision de rouvrir l"appel interjeté par ce dernier constitue de la preuve se rapportant à la compétence de la section d"appel et que pour cette raison, la Cour aurait pu valablement en être saisie dans le cadre du contrôle judiciaire de cette décision.

[10]      Je conclus qu"essentiellement, le requérant a présenté à la Cour une demande d"autorisation et de contrôle judiciaire et une ordonnance provisoire liée à cette demande, au motif qu"une erreur sur la compétence aurait été commise en ce qui concerne la décision la de section d"appel de rouvrir l"appel interjeté par M. Toledo. Même si la demande d"autorisation et de contrôle judiciaire n"est pas ainsi structurée, il s"agit bien de l"objet de cette demande. Il y a longtemps que le délai applicable à la présentation d"une demande d"autorisation et de contrôle judiciaire concernant la décision de rouvrir l"appel a expiré. Aucune demande de prorogation de ce délai convenablement étayée n"a donc été déposée. Je ne suis pas disposé à permettre au requérant de faire indirectement ce qu"il a omis de faire directement dans le délai imparti, voire après l"expiration du délai, en présentant une demande connexe de prorogation de délai.

[11]      La demande du requérant en vue d"obtenir une ordonnance provisoire ne saurait être accueillie, étant donné qu"elle se fonde sur une demande d"autorisation et de contrôle judiciaire qui a été présentée en retard et qui portait sur une question ne pouvant faire l"objet d"un contrôle


judiciaire. La requête en obtention d"une ordonnance provisoire est donc rejetée.


" Frederick E. Gibson "

                                             juge

Ottawa (Ontario)

Le 3 mars 1998.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


    

NO DU GREFFE :              IMM-802-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      M.C.I. c. C.I.S.R. ET AUTRE

LIEU DE L"AUDIENCE :          OTTAWA ET WINNIPEG PAR TÉLÉCONFÉRENCE
DATE DE L"AUDIENCE :          LE 27 FÉVRIER 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE GIBSON

EN DATE DU :              3 MARS 1998

ONT COMPARU :

Mme Sharlene Telles-Langdon                      POUR LE REQUÉRANT

M. David Matas                              POUR L"INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Sharlene Telles-Langdon                      POUR LE REQUÉRANT

M. George Thomson

Sous-procureur général du Canada

M. David Matas                              POUR L"INTIMÉ

Winnipeg (Manitoba)

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. F-7 (modifié).

2      [1997] J.C.F. no 1482, au paragraphe 16 (portée en appel). [Décision non citée devant moi.]

3      Voir Rahi c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration, 28 mai 1990, 90-A-1343 (C.A.F.), opinion du juge MacGuigan, J.C.A. [Décision non citée devant moi.]

4      (1995), 94 F.T.R. 103, au paragraphe 7. Voir également The Sovereign Life Insurance Company c. Le ministre des Finances , 11 décembre 1996, T-3105-92, ordonnance (C.F. 1re inst.), une affaire dans laquelle deux affidavits se rapportant à la question de l"erreur sur la compétence ont été ajoutés sans raison au dossier d"un appel prévu par la loi, et ce malgré le fait que, dans leur contexte, ils constituaient des éléments de preuve dont ne disposait pas l"instance décisionnelle prévue par la loi. [Ni l"une ni l"autre décision n"a été citée devant moi.]

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