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Date : 20050112

Dossier : T-1008-00

Référence : 2005 CF 25

ENTRE :

                                                         DS-MAX CANADA INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

NU-LIFE INC.,

RICHARD T. SHAPERO AND ASSOCIATES INC.,

ACTIVE CUSTOMS BROKERS LIMITED

et RICHARD T. SHAPERO

                                                                                                                                          défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE


[1]                La demanderesse s'est désistée de son action en contrefaçon de marque de commerce le 28 avril 2004. Les défendeurs sollicitent aujourd'hui, conformément aux articles 400 et 402 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles), leurs dépens sur la base avocat-client et ils demandent l'adjudication d'une somme globale payable sans délai. Subsidiairement, ils demandent les dépens partie-partie, adjugés aux taux maximaux prévus au Tarif B des Règles, ou des directives au sujet de la taxation des dépens.

[2]                La demanderesse a soulevé trois objections à la demande des défendeurs, les deux dernières étant liées entre elles. D'abord, elle s'oppose à ce que je fixe les dépens dans la présente affaire, soutenant qu'il serait préférable qu'un officier taxateur décide sur la question des dépens. En deuxième lieu, même si elle ne conteste pas le fait que les défendeurs ont droit à une partie de leurs dépens, elle refuse que ceux-ci soient taxés sur la base avocat-client. Enfin, elle fait valoir que les dépens à payer aux défendeurs, le cas échéant, devraient être taxés conformément à la colonne III du Tarif B, tout au plus.

[3]                Les défendeurs ont répondu au dossier de la requête déposé par la demanderesse en sollicitant l'autorisation de présenter d'autres éléments de preuve afin de démontrer que le témoignage sous serment d'un représentant de la demanderesse, qui a été déposé en réponse à la requête des défendeurs pour expliquer pourquoi il y avait eu désistement, visait à induire la Cour en erreur. Cependant, l'affidavit supplémentaire que les défendeurs voulaient présenter en preuve repose essentiellement sur des hypothèses et des suppositions ou soulève de nouvelles questions qui auraient pu être invoquées plus tôt. Les défendeurs n'ont pas réussi à prouver que la preuve supplémentaire servirait les intérêts de la justice ou aiderait la Cour à trancher la présente requête; en conséquence, il n'a pas été tenu compte de cette preuve.

[4]                J'ai l'intention d'examiner à tour de rôle les trois objections que la demanderesse a formulées.

Compétence concernant l'adjudication des dépens

[5]                Selon l'article 405 des Règles, « les dépens sont taxés par l'officier taxateur » . L'article 2 des Règles énonce que « l'officier taxateur » comprend un juge ou un protonotaire, ainsi qu'un fonctionnaire du greffe désigné. En conséquence, en vertu des Règles, le protonotaire est pleinement habilité à taxer ou fixer les dépens. Pour les raisons indiquées ci-après, je suis d'avis que je devrais exercer mon pouvoir discrétionnaire de façon à ne pas renvoyer la question des dépens à la taxation.

[6]                Contrairement à ce que soutient la demanderesse, le renvoi de la question des dépens à un fonctionnaire du greffe à ce stade de l'instance ne constituerait pas un emploi judicieux ou opportun des ressources judiciaires. À titre de fonctionnaire responsable de la gestion de l'instance, j'ai supervisé une bonne partie des nombreuses procédures interlocutoires, en plus de diriger les conférences préparatoires. Je suis donc en mesure de cerner rapidement les questions que les parties ont dû examiner tout au long de l'instance. À moins d'examiner à fond chacune des inscriptions consignées au dossier, le fonctionnaire du greffe ne serait pas aussi bien informé de l'évolution des procédures en l'espèce.


[7]                Étant donné que je suis personnellement au courant de tous les aspects de la présente instance, il m'apparaît juste et indiqué que je me prononce sur l'adjudication des dépens. En fait, je n'aurais renvoyé la question à la taxation que si j'avais été convaincu que la procédure de taxation est celle qui convient le mieux pour veiller à ce que justice soit rendue quant à la procédure et au fond. La demanderesse ne m'a pas convaincu que tel est le cas en l'espèce.

Dépens sur la base avocat-client

[8]                Les défendeurs allèguent que l'action intentée contre eux était frivole et vexatoire et constituait un abus de procédure. Ils soutiennent également que la demanderesse n'a jamais eu l'intention de poursuivre l'action et qu'elle s'est servie de ce recours à des fins accessoires non liées au litige. Ils lui reprochent aussi de ne pas avoir répondu à certains engagements, d'avoir fait une divulgation incomplète et insatisfaisante et d'avoir tardé en bout de ligne à se désister de l'action. Les défendeurs font donc valoir que l'adjudication de dépens sur la base avocat-client est justifiée en vertu de l'article 400 des Règles.

[9]                Cependant, l'article 400 des Règles n'accorde pas un pouvoir discrétionnaire absolu. Les dépens sur la base avocat-client ne sont généralement accordés « que s'il y a eu conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante d'une des parties » : Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social c. Apotex Inc. (2000), 9 C.P.R. (4th) 289, au paragraphe 7 (C.A.F.). De plus, les dépens sur la base avocat-client sont exceptionnels et ne doivent généralement être accordés qu'en raison d'une faute liée au litige : arrêt Apotex, précité, au paragraphe 8; voir également Keramchemie (Canada) Ltd.c. Keramchemie GmbH (1998), 83 C.P.R. (3d) 223, au paragraphe 2 (C.A.F.). Les défendeurs n'ont pas réussi à prouver qu'une exception devrait être reconnue en l'espèce.


[10]            D'abord, même si le litige s'est déroulé dans un climat acrimonieux et frustrant à l'occasion pour les défendeurs, ceux-ci n'ont présenté aucun élément de preuve établissant que la demanderesse avait agi de mauvaise foi ou d'une façon par ailleurs vexatoire ou préjudiciable pour eux. La supposition des défendeurs quant aux raisons pour lesquelles la demanderesse a poursuivi l'action pendant un certain temps après les interrogatoires préalables avant de décider en bout de ligne de se désister est tout simplement insuffisante pour justifier une adjudication exceptionnelle des dépens. À mon avis, les défendeurs n'ont pas réussi à prouver que la conduite de la demanderesse était répréhensible, scandaleuse ou outrageante.

[11]            De plus, je ne suis tout simplement pas convaincu que l'action de la demanderesse était sans fondement lorsqu'elle a été engagée. La demanderesse n'était pas tenue d'avoir un enregistrement de marque de commerce pour faire valoir des droits sur une marque de commerce. Qui plus est, le désistement ne constitue pas en soi une raison suffisante pour accorder des dépens sur la base avocat-client. Le désistement n'est pas une admission de l'absence de fondement de l'action ou de la faiblesse manifeste de la cause d'une partie. Quoi qu'il en soit, l'absence de fondement ne justifie pas à elle seule l'octroi de dépens sur la base avocat-client : Seaspan International Ltd. c. Canada, [2002] A.C.F. no 1363, au paragraphe 24 (C.F. 1re inst.).


[12]            Les parties devraient être encouragées à parvenir à un règlement ou à se désister à toutes les étapes d'une instance. En l'absence d'une faute grave justifiant cette mesure, octroyer de façon répétée des dépens prohibitifs ou par ailleurs punitifs risque de dissuader les parties de régler les litiges qui les opposent par voie de désistement ou d'accord à l'amiable : McCain Foods Ltd. c. C.M. McLean Ltd., [1981] 1 C.F. 534, à la page 538 (C.A.F.).

[13]            Le droit d'intenter une action en contrefaçon de marque de commerce est un droit reconnu à chacun. C'est une cour de justice qui déterminera en dernier ressort le bien-fondé de l'action, à moins qu'il n'y ait un désistement ou un règlement à l'amiable, comme cela s'est produit en l'espèce. En cas de désistement, l'officier taxateur, qu'il s'agisse d'un fonctionnaire du greffe, d'un juge ou d'un protonotaire, ne devrait pas être appelé à instruire l'affaire. La seule occasion où l'action d'un demandeur devrait être instruite sur le fond est l'instruction complète elle-même, au cours de laquelle il est possible d'apprécier la preuve et d'examiner les arguments des parties. Cette instruction n'a pas eu lieu en l'espèce.


[14]            Quant aux plaintes des défendeurs concernant la conduite de la demanderesse au cours des interrogatoires préalables, alléguant manque de collaboration et obstruction de la part de la demanderesse, elles ont déjà fait l'objet de requêtes interlocutoires au sujet desquelles chacune des parties a eu partiellement gain de cause. Les défendeurs ont obtenu au total des dépens de 3 700 $ conformément à deux ordonnances datées du 17 novembre 2000 et à deux autres datées du 25 janvier 2002 et du 12 août 2002. Ces dépens ont été accordés relativement à des requêtes interlocutoires visant à modifier les actes de procédure de la demanderesse et à exiger la production de tous les échantillons démontrant l'emploi de la marque de commerce DS-MAX par celle-ci. En conséquence, comme la demanderesse l'a souligné, des dépens ont déjà été accordés relativement à certaines des activités qui, de l'avis des défendeurs, ont prolongé la durée du litige. Une autre ordonnance rejetant la requête dans laquelle les défendeurs demandaient à la Cour de conclure que la demanderesse n'avait pas respecté l'ordonnance du 25 janvier 2002 a été refusée. Les décisions au sujet des dépens dans ces ordonnances visaient à punir la partie contre laquelle celles-ci ont été rendues et elles sont définitives. Elles ne devraient pas être révisées dans le contexte de la présente requête.

[15]            Pour les motifs exposés ci-dessus, je conclus qu'une adjudication de dépens sur la base avocat-client n'est pas justifiée.

Taxation des dépens

[16]            En ce qui a trait au barème des dépens, je conviens avec la demanderesse qu'il serait inapproprié de taxer les dépens des défendeurs à un montant autre que les dépens calculés selon la colonne III du Tarif B, en fonction toutefois du maximum de la fourchette. Le niveau des dépens prévu à la colonne III se rapporte à une affaire de complexité moyenne : Porto Seguro c. Belcan, [2001] CFPI 1286, au paragraphe 13. Les questions de droit en litige dans la présente action n'étaient pas plus complexes que celles de la moyenne des affaires portant sur des marques de commerce. Aucune des réclamations de la demanderesse au titre des dommages-intérêts n'était exceptionnelle et le fait que ses droits étaient fondés sur les pratiques reconnues en common law plutôt que sur l'enregistrement d'une marque de commerce n'a pas eu pour effet de compliquer l'affaire au point de justifier l'application d'un niveau de dépens différent.

[17]            Les défendeurs n'ont pas produit de mémoire de dépens fondé sur le Tarif B des Règles. Cependant, compte tenu des états de compte échangés entre eux et leurs avocats et reproduits dans le dossier de leur requête, j'estime qu'il y a lieu d'accorder des honoraires pour un avocat à l'égard des services taxables suivants (bien que je ne sois pas en mesure de déterminer le nombre réel d'heures de présence de chacun des avocats des défendeurs aux interrogatoires préalables) :

2.     Préparation et dépôt de la défense

7 unités à 110 $ = 770 $

6.     Comparution lors d'une séance spéciale le 3 octobre 2003

3 unités x 6 heures à 110 $ = 1 980 $

7.     Communication de documents

5 unités à 110 $ = 550 $

8.     Préparation d'un interrogatoire

5 unités à 110 $ = 550 $

9.     Présence aux interrogatoires

3 unités à 110 $ l'heure

27. Autres services

3 unités à 110 $ = 330 $

[18]            Je ne suis pas disposé à accorder des dépens aux défendeurs relativement à la séance de médiation tenue le 24 novembre 2003. Les parties devraient être encouragées à régler leurs différends par des moyens moins coûteux et non conflictuels et, de façon générale, elles ne devraient pas être pénalisées par une adjudication de dépens si la médiation échoue. En conséquence, chaque partie devrait supporter ses propres dépens liés à la conférence de règlement du litige.


[19]            En ce qui concerne les débours de 10 767,36 $ que les défendeurs réclament, il semble que la plupart des éléments réclamés soient raisonnables et que les défendeurs les aient déjà payés. Plus précisément, la demanderesse ne s'oppose pas au montant réclamé à l'égard des services de livraison et de messagerie, des recherches et des frais des huissiers et des sténographes judiciaires. Cependant, en l'absence de document appuyant la somme réclamée au titre des frais de télécopie et de photocopie (4 810,72 $), je ne suis pas disposé à accorder le plein montant, qui semble excessif. De plus, la demanderesse ne peut être tenue responsable du coût des heures supplémentaires du personnel de secrétariat des défendeurs. Dans les circonstances, plutôt que de procéder à un calcul détaillé, je suis disposé à accorder une somme globale de 6 000 $, ainsi que la TPS, au titre des débours des défendeurs.

[20]            Chacune des parties ayant eu partiellement gain de cause en l'espèce, aucuns dépens ne sont adjugés dans la présente requête. Les défendeurs doivent soumettre un projet d'ordonnance indiquant le calcul des honoraires d'avocats en fonction des services taxables mentionnés au paragraphe 17 qui précède et précisant le nombre réel d'heures de présence des avocats aux interrogatoires préalables. Si les parties ne peuvent s'entendre sur les conditions de la présente ordonnance, les défendeurs signifieront et déposeront des observations écrites d'une longueur maximale de deux pages au plus tard le 25 janvier 2005. La demanderesse devra signifier et déposer des observations d'une longueur maximale de deux pages en réponse à celles des défendeurs au plus tard le 4 février 2005.

                                                                                                                         « Roger R. Lafrenière »                       

                                                                                                                                         Protonotaire                               

Toronto (Ontario)

Le 12 janvier 2005

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-1008-00

INTITULÉ :                                        DS-MAX CANADA INC.

c.

NU-LIFE INC.,

RICHARD T. SHAPERO AND ASSOCIATES INC.,

ACTIVE CUSTOMS BROKERS LIMITED

et RICHARD T. SHAPERO

REQUÊTE EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) CONFORMÉMENT À LA RÈGLE 369

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

DATE DES MOTIFS :                       LE 12 JANVIER 2005

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Dan Hitchcock

POUR LA DEMANDERESSE

Ranjan Das

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Berkow, Cohen LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Riches, McKenzie & Herbert LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS


                         COUR FÉDÉRALE

Date : 20050112

Dossier : T-1008-00

ENTRE :

DS-MAX CANADA INC.

                                                            demanderesse

et

NU-LIFE INC.,

RICHARD T. SHAPERO AND

ASSOCIATES INC.,

ACTIVE CUSTOMS BROKERS LIMITED et

RICHARD T. SHAPERO

                                                                  défendeurs

                                                                                                                            

              MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                                                             


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