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Date : 20040512

Dossier : T-542-03

Référence : 2004 CF 692

ENTRE :

                                                              GLENDA VALAIR

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

INTRODUCTION

[1]                Glenda Valair (la demanderesse) conteste par voie de contrôle judiciaire une décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) datée du 6 mars 2003 rejetant, en application de l'alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi), une plainte dans laquelle elle alléguait avoir fait l'objet, de la part de son employeur, la Gendarmerie royale du Canada (la GRC), de discrimination et de harcèlement en raison de son sexe, en violation des articles 7 et 24 de la Loi.

[2]                La partie pertinente de la décision de la Commission en date du 6 mars 2003 (dossier de la demanderesse, page 3.58) est rédigée comme suit :

[traduction]

Avant de rendre cette décision, la Commission a étudié le rapport qui vous a été communiqué et les observations produites pour y répondre. Après avoir analysé le tout, la Commission a décidé, en vertu de l'alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de rejeter la plainte pour les motifs suivants :

•               compte tenu de toutes les circonstances, la poursuite de l'enquête n'est pas justifiée. La preuve montre que la décision de ne pas accorder le poste à la plaignante est liée à des facteurs de perfectionnement professionnel et non à son à sexe.

[3]                L'alinéa 44(3)b) de la Loi s'énonce comme suit :


(3) Sur réception du rapport d'enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

                                                          [...]

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci n'est pas justifié,

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l'un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

                                                          [...]

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).


CONTEXTE

[4]                La demanderesse est entrée à la GRC à titre de membre régulier en 1978. En 1993, elle a commencé à travailler au détachement de Kelowna et y travaille depuis lors (la GRC fournit des services de police municipaux en C.-B. en vertu d'un accord entre la province et la GRC, lequel a reçu l'approbation préalable du gouverneur en conseil).

[5]                Entre la fin 1997 et octobre 1999, elle a travaillé comme enquêteuse à la Section des enfants maltraités - à l'issue d'une procédure de sélection - et est par la suite retournée à la Section des enquêtes générales du détachement de Kelowna.

[6]                Le poste à la Section des enfants maltraités a de nouveau été annoncé dans le cadre d'un concours en octobre 2000. La demanderesse a posé sa candidature et a passé, le 9 août 2000, une entrevue devant un jury de sélection composé de trois sous-officiers. La demanderesse s'étant classée au deuxième rang, le poste a été offert à un autre membre de la GRC.

[7]                Dans sa plainte, déposée à la Commission le 30 septembre 2001, elle a soutenu qu'on lui avait refusé le poste à la Section des enfants maltraités en raison de son sexe.

[8]                On a découvert par la suite, au cours de l'enquête menée par la Commission, qu'elle avait obtenu une note de 114 points alors que l'agent qui a été nommé au poste en cause avait obtenu une note de 112 et comptait moins d'expérience qu'elle.


[9]                La partie de sa plainte ayant trait au harcèlement tire sa source de l'entrevue menée le 9 août 2000 et concerne les nombreuses questions que le jury de sélection lui a posées sur le nombre de mandats de perquisition qu'elle avait exécutés au cours de l'année précédente. Elle a répondu « [traduction] peut-être quelques-uns » et demandé la permission de vérifier ses dossiers pour en être certaine, mais le jury de sélection lui a indiqué que cela ne serait pas nécessaire.

[10]            Le 11 décembre 2000, le caporal Johnston l'a informée que le directeur Harrison l'avait chargé d'enquêter sur l'entrevue à laquelle elle avait participé le 9 août 2000 et de lui en faire rapport. Le caporal Johnston voulait consulter ses dossiers de mandats de perquisition. Elle lui en a demandé la raison, mais n'a obtenu aucune réponse.

[11]            Environ cinq jours plus tard, un membre de la force régulière l'a informée que des rumeurs circulaient sur la tenue d'une enquête relative à un manquement au code de déontologie. Cette enquête présumée visait à déterminer si elle avait menti au jury de sélection quant au nombre de mandats de perquisition qu'elle avait exécutés au cours de l'année précédente. La rumeur voulait qu'elle eût déclaré au jury de sélection avoir exécuté dix mandats de perquisition.

[12]            Dans son affidavit, la demanderesse affirme avoir été bouleversée par ces rumeurs et en avoir discuté le 20 décembre 2000 avec un sous-officier supérieur, qui l'aurait prise par le bras et aurait fermé la porte du bureau en déclarant « [traduction] [U]n instant, il faut en discuter davantage » . Il lui a par la suite indiqué qu'il était au courant de l'enquête et qu'un inspecteur avait déposé une plainte contre elle. Elle a par la suite retenu les services d'un avocat.

[13]            Elle affirme avoir parlé directement au directeur Harrison et que celui-ci lui a répondu qu'elle ne faisait pas l'objet d'une enquête. Elle avait néanmoins l'impression du contraire et qu'on lui cachait les véritables motifs de l'enquête.

[14]            Elle voulait que toutes les questions concernant son avenir professionnel soient débattues au cours d'une séance de RED, qui s'est apparemment terminée après que le directeur Harrison lui eut dit qu'elle avait menti durant son entrevue devant le jury de sélection, ce qu'elle nie vigoureusement.

LE RAPPORT DE L'ENQUÊTEUR

[15]            La Commission a chargé Dale Akerstrom d'enquêter au sujet de la plainte. Au terme de son enquête, celui-ci a rédigé un rapport de neuf pages en date du 25 novembre 2002. Il y fait état des deux aspects que comporte la plainte de la demanderesse, à savoir l'allégation selon laquelle un candidat moins qualifié qu'elle, de sexe masculin, a été nommé au poste à la Section des enfants maltraités et celle voulant que la demanderesse a été victime de harcèlement au cours du processus de sélection.


[16]            Au sujet de la première allégation, l'enquêteur a déclaré que la GRC reconnaissait que la demanderesse avait, à l'issue du concours, obtenu une note supérieure à celle du candidat sélectionné. Cependant, la GRC a déclaré que ce choix n'était pas discriminatoire, le poste en cause devant faire l'objet d'affectation par rotation ou de perfectionnement et ayant déjà été occupé par la demanderesse de 1997 à 1999. Compte tenu de ces circonstances, la GRC a déclaré que l'affectation serait assumée par un candidat qualifié n'ayant jamais été nommé au poste avant tout candidat l'ayant déjà occupé.

[17]            Selon l'enquêteur, la demanderesse a répondu que le concours a eu lieu en août 2000 et que ce n'est qu'en avril 2001 que la politique invoquée par la GRC a été établie. Elle a soutenu devant l'enquêteur qu'à l'époque où le concours a eu lieu, aucune politique ne l'empêchait d'obtenir le poste une seconde fois et a souligné le fait que l'agent Johnston avait occupé le poste à la Section des enfants maltraités à deux reprises, la première fois de 1994 à 1996 et la seconde en 1997, au moment où elle a posé sa candidature à ce poste pour la première fois.

[18]            M. Akerstrom a joint à son rapport l'énoncé de politique de la GRC sur les mutations par rotation et en a cité des passages. Il a aussi décrit les nombreuses entrevues qu'il a menées avec les membres du jury de sélection et d'autres personnes relativement à la politique de la GRC et aux résultats de la demanderesse ainsi qu'au sujet de l'appui et des encouragements obtenus de la part de ses supérieurs lorsque celle-ci a postulé l'emploi à la Section des enfants maltraités en 2000.


[19]            Après avoir passé en revue les éléments de preuve, l'enquêteur a présenté son analyse en soulignant que la demanderesse avait démontré l'existence d'un cas apparemment fondé de discrimination en raison de son sexe. Dès lors, la question est devenue de savoir si la GRC avait eu des motifs légitimes et non discriminatoires de choisir le candidat masculin au lieu de Glenda Valair.

[20]            Il a conclu que la défense présentée par la GRC n'était pas étayée par la preuve et que la plainte déposée par la demanderesse était apparemment fondée.

[21]            L'enquêteur a ensuite examiné l'allégation de harcèlement. Il a d'abord présenté les allégations de la demanderesse et la réponse de la GRC, qui s'énonce comme suit :

(1)       le jury de sélection a mis en doute l'exactitude de la réponse de la demanderesse à la question concernant le nombre de mandats de perquisition qu'elle avait exécutés;

(2)       la GRC a maintenu que la demanderesse a dit au jury de sélection avoir exécuté 15 mandats, « [traduction] un nombre extrêmement élevé » ;

(3)       la GRC a déclaré que les membres du jury ont tenté de confirmer ce chiffre en « [traduction] demandant à la plaignante de fournir des détails sur les mandats. Celle-ci a plutôt pris un congé de maladie » .

[22]            L'enquêteur a par la suite présenté la réponse de la demanderesse à l'égard de la position soutenue par la GRC. Dans son rapport, il écrit au paragraphe 24 (dossier de la demanderesse, page 3.36):


[traduction]

24.       Dans sa réponse, la plaignante maintient avoir dit aux membres du jury avoir exécuté deux mandats. Elle en veut pour preuve les notes de l'entrevue prises par les membres du jury, notamment celles du caporal Jordan, qui indiquent les chiffres 2 et 15 à cette question. Elle déclare en outre que « d'autres membres ainsi que le directeur Harrison m'ont signalé que j'ai dit entre 10 à 25 mandats de perquisition » .

[23]            L'enquêteur a résumé les entrevues réalisées auprès des membres du jury de sélection et procédé à l'examen de leurs notes sur l'entrevue avec Glenda Valair. Il a également résumé les entrevues qu'il a menées avec le coordonnateur des dossiers de police au détachement de Kelowna. Il a en outre interrogé le sous-officier supérieur et le superviseur de la demanderesse au sujet des motivations de celle-ci.

[24]            Après avoir exposé ces éléments de preuve, l'enquêteur a formulé ses conclusions sur l'allégation de harcèlement. Celles-ci figurent au paragraphe 41 de son rapport et s'énoncent comme suit (dossier de la demanderesse 3.38) :

[traduction]

41. En ce qui concerne la seconde allégation, à savoir que la plaignante a été victime de harcèlement au cours de la période où le jury a étudié sa candidature et à l'occasion des événements ultérieurs, la preuve, selon la prépondérance des probabilités, ne permet pas de confirmer le bien-fondé de l'allégation de la plaignante. Selon les déclarations convergentes des membres du jury, le nombre de mandats de perquisition que la plaignante a indiqué avoir exécutés en réponse à une question du jury était anormalement élevé, ce qui a incité les membres à en avoir la confirmation. La preuve ne permet pas de conclure que la plaignante a été victime de harcèlement en raison de son sexe au cours de la période où l'on a cherché à confirmer ce nombre puisque le même processus a été utilisé à l'égard du candidat francophone masculin, dont la réponse à l'une des questions était contestée. Quant à ce qui s'est passé entre la plaignante et le s.é.-m. Wylie le 20 décembre 2000, la preuve, encore selon la prépondérance des probabilités, ne permet pas de confirmer que la plaignante a été victime de harcèlement fondé sur le sexe. À la lumière des circonstances, le comportement du sergent semble avoir été raisonnable et non discriminatoire.                                  [Non souligné dans l'original.]


[25]           Il a formulé la recommandation suivante :

[traduction]

42. Il est recommandé, en vertu de l'article 47 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, que la Commission nomme un conciliateur afin de régler la plainte puisque la preuve montre que la plaignante n'a pas été choisie pour le poste à la Section des enfants maltraités malgré le fait qu'elle était la candidate la mieux qualifiée et compte tenu du sexe du candidat sélectionné.

LES ÉTAPES SUBSÉQUENTES

[26]            À la lumière du dossier certifié déposé par la Commission en réponse à la demande formulée en application de la règle 317 des Règles de la Cour fédérale (1998), il semble que les événements suivants se soient produits après que les parties eurent été conviées par la Commission à commenter le rapport de l'enquêteur. Il semble également que durant l'enquête et les étapes subséquentes, la demanderesse ait choisi de ne pas retenir les services d'un avocat.

[27]            Premièrement, la GRC a présenté ses observations à la Commission dans une lettre de deux pages datée du 17 décembre 2002 et rédigée par Dieter Schachhuber, à laquelle était jointe, à titre d'annexe A, la copie d'une réponse approfondie formulée par le directeur Harrison.


[28]            La GRC a maintenu que la décision de ne pas nommer la plaignante au poste à la Section des enfants maltraités (Enquêtes) était fondée sur le fait qu'elle avait déjà occupé un poste semblable désigné comme poste de permutant ou de perfectionnement et qu'elle n'était donc pas admissible à une nouvelle affectation, à moins qu'aucun autre candidat ayant les qualités requises et n'ayant pas participé à une telle affectation n'eût postulé l'emploi.

[29]            On a souligné qu' « [traduction] un transfert à des postes de permutant ou de perfectionnement » est temporaire (deux ans par nature). Cette politique de transfert vise à fournir une occasion de perfectionnement professionnel à autant d'agents que possible » .

[30]            M. Schachhuber a affirmé que l'agente Valair était au courant que le processus de sélection visait un poste de permutant ou de perfectionnement. Il a souligné le passage du rapport de l'enquêteur citant la demanderesse qui, s'exprimant au sujet de l'emploi à la Section des enfants maltraités, a dit à l'enquêteur : « [traduction] Je sais qu'il s'agit d'un poste de perfectionnement, mais mon intérêt envers celui-ci est toujours élevé et j'ai encore une contribution à apporter » . M. Schachhuber a indiqué à la Commission que, selon la GRC, le processus utilisé pour la sélection des candidats au poste de permutant ou de perfectionnement avait été mené de façon équitable. Il a également indiqué que tous les candidats avaient été évalués par un comité d'employés ayant de l'ancienneté et que « [traduction] le directeur Harrison lui avait conseillé d'exclure toute personne ayant déjà occupé les postes désignés afin de favoriser la nomination d'un candidat qualifié n'ayant pas encore occupé l'un d'eux » .

[31]            Voici la conclusion de M. Schachhuber (dossier du défendeur, page 24) :


[traduction]

Il convient en dernier lieu d'aborder la question concernant la tentative de l'agente Valair d'induire le jury d'évaluation en erreur en affirmant aux membres du jury avoir exécuté 15 mandats de perquisition alors qu'en réalité, elle n'en avait exécuté que deux. Sans égard au résultat final de l'agente Valair ou au fait qu'elle ait ou non déjà occupé le poste à la Section des enfants maltraités, elle aurait été exclue du concours dès lors qu'il aurait été établi qu'elle avait fait de fausses déclarations au jury. L'honnêteté figure parmi les six valeurs fondamentales de la GRC et on ne tolère aucun comportement qui s'en écarte.

[32]            La demanderesse a répondu au rapport de l'enquêteur le 19 décembre 2002. Sa lettre compte sept paragraphes.

[33]            Les trois premiers paragraphes de son argumentation se rapportent au poste d'enquêteur à la Section des enfants maltraités. Elle souligne qu'en 1995, lorsqu'elle a posé sa candidature au poste en cause une première fois, elle n'a pas été choisie, malgré le fait qu'elle avait plus d'ancienneté que la personne sélectionnée et que celle-ci avait travaillé moins d'un an au détachement de Kelowna au moment où sa candidature fut prise en considération, ce qui allait à l'encontre de la politique du directeur. Elle a réfuté une déclaration figurant dans le rapport et attribuée au sergent Jordan selon laquelle davantage de femmes que d'hommes sont nommées aux postes d'enquêteur à la Section des enfants maltraités en soulignant qu'avant 1997, une seule femme avait occupé ce type de poste. Elle a corrigé une déclaration attribuée à l'agent Johnston selon laquelle il n'aurait occupé le poste à la Section des enfants maltraités que pendant quelques mois à la fin de 1997.

[34]            Les quatre autres paragraphes de ses observations sur le rapport traitent du harcèlement. Elle a corrigé une déclaration attribuée au s.é.-m. Wylie dans le rapport de l'enquêteur selon laquelle elle a pris un nombre anormalement élevé de congés de maladie entre août et décembre 2002. Elle a déclaré avoir souffert d'une blessure au dos et fourni un registre de congés.

[35]            Le reste de la lettre s'énonce comme suit (dossier du défendeur, page 20) :

[traduction]

5.              La version des événements donnée par le s.é.-m. Wylie étant en complète contradiction avec la mienne, cette question ne peut être réglée que par le conciliateur ou le tribunal saisi de l'affaire.

6.             Des éléments de preuve, dans la mesure où on y prête foi, démontrent que j'ai été victime de harcèlement. Cette question devrait par conséquent être examinée par le conciliateur ou le tribunal saisi de l'affaire.

7.             Le harcèlement étant intimement lié à la discrimination fondée sur le sexe, cette question devrait être confiée au conciliateur ou au tribunal saisi de l'affaire et ne pas être tranchée par l'enquêteur.


[36]            Le 8 janvier 2003, M. Schachhuber a écrit à l'enquêteur au sujet d'une lettre que celui-ci lui avait envoyée le 30 décembre 2003, « [traduction] à laquelle vous avez joint les commentaires de l'agente Glenda Valair » [non souligné dans l'original]. Il a réfuté les commentaires de la demanderesse sur la dotation du poste en 1995 en soulignant qu`à cette époque, l'exigence d'une année d'ancienneté pour qu'une candidature soit prise en considération n'était pas en vigueur. Il a réitéré que le poste d'enquêteur à la Section des enfants maltraités était un poste de perfectionnement et que l'agente Valair n'y était pas admissible parce qu'une autre personne ayant les qualités requises avait posé sa candidature. Il a conclu en citant le nom de toutes les enquêteuses à la Section des enfants maltraités.

[37]            Le 9 janvier 2003, la demanderesse a écrit à l'enquêteur en réponse à sa lettre du 30 décembre et au « [traduction] document de quatre pages du directeur Harrison » [non souligné dans l'original]. Elle a déclaré que le directeur Harrison avait décrit la politique du détachement, dont il a supervisé la rédaction, établie huit mois après la mise sur pied du jury de sélection ayant étudié sa candidature et qu'il « [traduction] aimerait vous faire croire que cette politique était déjà en vigueur. Étant donné mon désaccord avec le directeur Harrison, j'estime que cette affaire devrait être tranchée par le conciliateur ou par le tribunal saisi de l'affaire » . Elle indique que le directeur Harrison a déclaré qu'il ne faisait aucun doute dans son esprit que « [traduction] Glenda Valair avait menti au jury » . La demanderesse a écrit que, cette déclaration « [traduction] étant en complète contradiction avec la [s]ienne, cette question ne peut être réglée que par le conciliateur ou le tribunal saisi de l'affaire » .


[38]            Dans l'affidavit qu'elle a déposé au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, Glenda Valair a relevé la déclaration du directeur Harrison selon laquelle il ne faisait aucun doute dans son esprit qu'elle avait menti au jury. Elle affirme que, le 17 janvier 2003, elle s'est rendue à Vancouver pour y passer un test polygraphique visant à déterminer si elle avait menti au jury de sélection. Elle ajoute : « [traduction] On a établi que je disais la vérité. Dès que j'ai reçu les résultats du test, j'en ai envoyé une copie à M. Akerstrom de la Commission canadienne des droits de la personne » .

[39]            Dans son mémoire adressé à la Cour, elle a indiqué que la GRC a refusé d'aller en conciliation.

LES MOTIFS DE CONTRÔLE INVOQUÉS PAR LA DEMANDERESSE

[40]            L'avocat de la demanderesse a inclus dans l'avis de demande de celle-ci de nombreux motifs de contrôle qu'il n'a pas approfondis dans son mémoire. Dans ce dernier et dans sa plaidoirie, l'avocat de la demanderesse s'est concentré sur les quatre motifs suivants.

[41]            Premièrement, il a soutenu que la Commission a enfreint les principes de justice naturelle et d'équité procédurale lorsque, faisant fi des constatations de son propre enquêteur, elle a conclu que la preuve tendait à démontrer que la décision de ne pas accorder à la demanderesse le poste concerné était liée au fait qu'il s'agissait d'un poste de perfectionnement et non au sexe de la demanderesse.


[42]            L'avocat a passé en revue le rapport d'enquête et a soutenu que la Commission n'avait pas tenu compte d'éléments de preuve testimoniale et documentaire - à laquelle l'enquêteur a prêté foi - donnant à entendre qu'il y avait bien eu discrimination sexuelle. Bien qu'il ait reconnu que la Commission n'était pas tenue d'accepter la recommandation formulée dans le rapport d'enquête, l'avocat a soutenu qu'il avait été déraisonnable de la part de la Commission de faire abstraction des conclusions de l'enquêteur, comme celui-ci avait vu et entendu les témoins et qu'il était donc le mieux placé pour apprécier leurs dépositions.

[43]            Le second motif avancé par l'avocat de la demanderesse concerne l'équité procédurale. Celui-ci prétend que la Commission s'est fondée sur des documents qui n'ont pas été communiqués à la demanderesse.

[44]            Plus particulièrement, l'avocat de la demanderesse souligne la non-communication de la lettre datée du 17 décembre 2002 dans laquelle M. Schachhuber présente ses observations et de celle datée du 8 janvier 2003 où celui-ci réfute les observations de la demanderesse. L'avocat soutient que ce n'est qu'après avoir présenté une demande en vertu de l'article 317 des Règles que la demanderesse a découvert l'existence de ces deux documents.

[45]            Troisièmement, l'avocat de la demanderesse allègue que la Commission a commis une erreur en refusant d'admettre en preuve les résultats du test polygraphique. À ce titre, il avance que l'enquête de la Commission présentait des lacunes. La Commission, soutient-il, n'a pas suffisamment fait enquête sur l'allégation de la demanderesse selon laquelle des officiers de la GRC l'ont harcelée, lui ont causé de graves dommages psychologiques et ont compromis sa réputation et sa carrière en soutenant à tort qu'elle avait menti au cours de l'entrevue.


[46]            En dernier lieu, l'avocat de la demanderesse fait valoir qu'on n'a pas agi équitablement envers celle-ci au motif que la Commission n'a aucunement fait mention de sa seconde allégation - celle relative au harcèlement. Il soutient que la seule conclusion raisonnable à tirer de l'absence totale de motifs à ce sujet est que la Commission a fait abstraction de cette allégation ou l'a ignorée.

ANALYSE

[47]            Le principal reproche de la demanderesse à l'égard de la décision de la Commission est le manque d'équité procédurale sous diverses formes : communication incomplète, défaut de fournir des motifs relativement à sa plainte pour harcèlement, défaut de tenir compte des conclusions de son propre enquêteur sur la question du refus de lui accorder le poste d'enquêteur à la Section des enfants maltraités et défaut de prendre en compte la preuve polygraphique.


[48]            Les manquements reprochés visent le processus de la Commission et non la neutralité de l'enquêteur ou la rigueur de son travail, une approche élaborée par la jurisprudence depuis la décision Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574 (1re inst.). Le seul reproche adressé à l'enquêteur est, comme l'a fait valoir la demanderesse, de ne pas avoir tenu compte des résultats du test polygraphique que celle-ci lui a fait parvenir après la fin du processus de communication. Je remarque que la Commission n'avait pas été saisie de ces résultats au moment où elle a rendu sa décision.

[49]            Avant de traiter des motifs de contrôle soumis par la demanderesse, j'estime utile de citer les motifs du juge Décary dans les décisions Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, [1999] 1 F.C. 113 (C.A.) et Bourgeois c. Banque de Commerce Canadienne Impériale, [2000] A.C.F. n ° 1655 (C.A.F.), de même que ceux du juge Evans dans la décision Murray c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [2003] C.A.F. 222, au sujet de la norme de contrôle applicable au rejet d'une plainte par la Commission en application de l'alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[50]            Dans la décision Bell Canada, précitée, le juge Décary a écrit au paragraphe 38 :

¶ 38     La Loi confère à la Commission un degré remarquable de latitude dans l'exécution de sa fonction d'examen préalable au moment de la réception d'un rapport d'enquête. Les paragraphes 40(2) et 40(4), et les articles 41 et 44 regorgent d'expressions comme « à son avis » , [...] qui ne laissent aucun doute quant à l'intention du législateur. Les motifs de renvoi àune autre autorité [...] ou, carrément, de rejet [...] comportent, à divers degrés, des questions de fait, de droit et d'opinion [...] mais on peut dire sans risque de se tromper qu'en règle générale, le législateur ne voulait pas que les cours interviennent à la légère dans les décisions prises par la Commission à cette étape. [Non souligné dans l'original.]

[51]            Dans la décision Bourgeois, précitée, le juge Décary a écrit au paragraphe 3 :


¶ 3             Le juge MacKay était d'avis, avec raison, que la norme de contrôle applicable au rejet d'une plainte par la Commission exige que la Cour fasse preuve d'un très haut degré de retenue à l'égard de la décision de la Commission, à moins qu'il y ait eu violation des principes de justice naturelle ou absence d'équité procédurale, ou à moins que la décision ne soit pas étayée par les éléments de preuve dont disposait la Commission. Il a conclu que les circonstances n'étaient pas telles qu'elle justifiaient l'intervention de la Cour. [Non souligné dans l'original.]

[52]            Dans la décision Murray, précitée, le juge Evans s'est prononcé en ces termes au paragraphe 4 :

¶ 4       Nous convenons que l'enquête et le rapport comportent quelques faiblesses et qu'il est inacceptable qu'il ait fallu quatre ans pour terminer l'enquête. Néanmoins, nous ne sommes pas persuadés que l'enquête soit déficiente au point de constituer une violation de l'obligation d'équité (voir Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574 (1re inst.)), ou qu'il soit manifestement déraisonnable pour la Commission d'avoir rejeté la plainte en se fondant sur les documents dont elle disposait. [Non souligné dans l'original.]

[53]            Depuis les arrêts de la Cour suprême Radulesco c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1984] 2 R.C.S. 407 et Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, il est établi en droit que la Commission est astreinte à l'observation des règles de l'équité procédurale dans ses décisions.

[54]            Dans l'arrêt L'Acadie, précité, le juge Sopinka, citant l'arrêt Radulesco, précité, a écrit que la Commission avait reconnu que l'équité procédurale exige qu'un plaignant ait la possibilité de présenter des arguments, du moins par écrit, avant qu'on donne suite au rapport de l'enquêteur et que la Commission, avant de rendre sa décision, doit, pour s'assurer que ces arguments sont produits en connaissance de cause, communiquer aux parties les éléments essentiels de la preuve.

[55]            Dans l'arrêt Cooper c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, le juge La Forest a indiqué que la Commission n'est pas un organisme décisionnel et que son rôle consiste à déterminer si, eu égard à l'ensemble des faits, il est justifié de tenir une enquête. Il a également indiqué que la Commission assumait des fonctions d'administration et d'examen préalable et qu'aucun rôle décisionnel important ne lui était dévolu.

[56]            Je me pencherai sur chacun des motifs avancés par la demanderesse.

[57]            L'argument de la demanderesse relatif à la communication incomplète soulève de graves difficultés, car une jurisprudence abondante, parmi laquelle figurent les décisions Mercier c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 3 C.F. 3 et Hutchinson c. Canada (Ministre de l'environnement), [2003] C.A.F. 133 de la Cour d'appel fédérale, tient la communication incomplète pour une possible violation de l'équité procédurale.

[58]            On ne trouve pas mention de la plainte concernant la communication incomplète dans l'affidavit de la demanderesse, mais je suis disposé à présumer que celle-ci n'a pas eu connaissance de la lettre de deux pages datée du 17 décembre 2002 renfermant les observations sur le rapport de l'enquêteur de M. Schachhuber, ni de celle datée du 8 janvier 2003 où ce dernier a répondu aux arguments de la demanderesse, présentés dans une lettre datée du 19 décembre 2002 et contenant ses observations sur le rapport de l'enquêteur.

[59]            Eu égard aux faits de la présente affaire, je conclus que le bien-fondé de l'allégation de la demanderesse concernant la communication incomplète n'a pas été démontré.

[60]            La lettre de deux pages de M. Schachhuber adressée à la Commission et à laquelle était jointe, présentée sur quatre pages, l'analyse approfondie du directeur Harrison sur ce que la GRC tenait pour erroné dans le rapport de l'enquêteur, résume les moyens de défense de la GRC portés à la connaissance de la demanderesse au cours de l'enquête. Cette lettre de deux pages n'apporte rien de neuf. La demanderesse a eu la possibilité de commenter l'analyse de quatre pages du directeur Harrison, ce qu'elle a fait le 9 janvier 2003.

[61]            Aucune des parties ne s'est fait communiquer d'élément de preuve supplémentaire émanant de l'autre partie. Cela n'était pas nécessaire à mon avis, les observations de réfutation initiales ne faisant état d'aucun nouveau fait.

[62]            Le second moyen de la demanderesse vise le défaut de fournir les motifs du rejet de sa plainte de harcèlement. La jurisprudence ne va pas dans le sens de la position défendue par la demanderesse.

[63]            L'enquêteur a conclu que le harcèlement dont la demanderesse prétend avoir été victime n'avait pas été prouvé. Celle-ci a obtenu copie du rapport de l'enquêteur, qu'elle a d'ailleurs commenté.


[64]            La présente affaire s'apparente à celle qui a récemment été soumise à la Cour d'appel fédérale dans Hutchinson, précitée, où la plaignante, qui prétendait avoir été victime de harcèlement, soutenait que la Commission avait négligé de traiter de cette allégation. Le juge Pelletier a écrit ce qui suit aux paragraphes 62 et 63 de ses motifs :

¶ 62       L'intimée affirme également que la Commission n'a pas traité de ses allégations de harcèlement, qu'elle a libellés comme suit dans sa plainte (Dossier d'appel, page 60) :

[traduction] En plus de me débattre pour obtenir un environnement de travail sécuritaire, j'ai fait l'objet de commentaires au sujet de ma déficience. Ainsi, lors d'une réunion qui a eu lieu au mois de septembre 1995, le gestionnaire de la Section de la prévention de la pollution a dit ce qui suit : « Comprends-moi bien, Charlotte : ton bureau est au quatrième étage » , mais je l'avais informé que je serais malade si je travaillais là. Il a également dit que s'ils avaient été au courant de ma maladie, ils ne m'auraient pas embauchée dans leur direction et que si je quittais mon poste, ils ne le combleraient probablement pas. Il a en outre fait remarquer qu'il ne me restait plus de congés de maladie et que je ne devrais pas m'attendre à être payée, et ce, même si j'avais le droit de demander un congé de maladie par anticipation, qui m'a par la suite été accordé.

¶ 63       Ces allégations ont étéexaminées dans le rapport d'enquête. L'enquêteur a conclu que la remarque suivante : « [traduction] Comprends-moi bien » a étéfaite par sentiment de frustration, dans le contexte d'une réunion oùl'attitude de l'intimée avait apparemment provoquéune réaction. La remarque relative au fait que l'on n'aurait pas embauché l'intimée a été faite dans le contexte suivant : on ne placerait généralement pas une personne ayant une sensibilité environnementale dans un emploi exigeant qu'elle visite divers emplacements industriels. Quant au congé de maladie, l'enquêteur n'a pas pu déterminer si la remarque a été faite et, de toute façon, l'intimée a obtenu un congé de maladie par anticipation. Il faut considérer qu'en rejetant la plainte, la Commission a donnéeffet à l'évaluation que l'enquêteur avait faite au sujet du bien-fondéde la plainte de harcèlement.                                                [Non souligné dans l'original.]


[65]            La conclusion du juge Pelletier dans la décision Hutchinson, précitée, selon laquelle il faut considérer que la Commission a donné suite à l'évaluation que l'enquêteur avait faite au sujet du bien-fondé de la plainte de harcèlement équivaut à dire, eu égard aux circonstances, que le rapport de l'enquêteur constitue les motifs du rejet de la plainte par la Commission. (Se reporter également aux motifs du juge Sopinka dans la décision L'Acadie, aux pages 902 et 903, de même qu'à ceux du juge Décary dans Mercier, lequel statue, à la page 15, que dans les cas où la Commission rejette la recommandation de l'enquêteur, l'on peut présumer que ce rejet est fondé sur les commentaires communiqués par l'intimée.)

[66]            Je ne relève aucun élément à l'appui du troisième argument invoqué par la demanderesse, à savoir que la Commission a fait fi des constatations de l'enquêteur en concluant que la preuve démontrait que la raison pour laquelle elle n'avait pas été choisie pour le poste d'enquêteur à la Section des enfants maltraités n'avait rien à voir avec son sexe, mais était plutôt liée au fait qu'il s'agissait d'un poste de perfectionnement ou de permutant.

[67]            La demanderesse admet, à juste titre, que la Commission n'est pas tenue de donner effet au rapport d'un enquêteur.

[68]            La Commission doit, comme la Loi l'y oblige, tirer ses propres conclusions. C'est la raison même pour laquelle l'équité procédurale exige que le rapport de l'enquêteur soit communiqué et que les parties aient la possibilité de le commenter.


[69]            D'après le dossier dont je suis saisi, je ne puis affirmer que la décision de la Commission à cet égard n'a pas respecté les prescriptions de l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, à savoir que la décision de la Commission était fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait.

[70]            La remarque suivante du juge Décary, énoncée au paragraphe 6 de la décision Bourgeois semble ici pertinente :

¶ 6       En l'espèce, l'enquêteur avait devant lui deux rapports contradictoires relatant les événements qui s'étaient produits. Il a retenu la version que la Banque et Mme Guillemette avaient donnée plutôt que celle de l'appelant. Plus particulièrement, il s'est fondé sur la preuve présentée par sept stagiaires qui avaient fait partie du même groupe que M. Bourgeois. Ces stagiaires ne pouvaient tout simplement pas confirmer la version des événements que l'appelant avait donnée. Un examen complet aurait peut-être entraîné une conclusion différente, mais il s'agit d'un risque inhérent à toute procédure d'examen préalable. Je comprends le mécontentement de M. Bourgeois, qui s'est vu refuser la possibilité d'un examen complet, mais eu égard aux circonstances, on ne saurait blâmer la Commission pour ne pas avoir poursuivi l'affaire.

[71]            La demanderesse ne peut avoir gain de cause à l'égard de sa dernière allégation, selon laquelle la Commission a commis une erreur en refusant d'admettre la preuve polygraphique et en omettant de mener une enquête appropriée pour éclaircir la question du nombre de mandats qu'elle avait exécutés.

[72]            Après avoir examiné le rapport de l'enquêteur, je suis convaincu que la question du nombre de mandats que la demanderesse a exécutés a fait l'objet d'une enquête approfondie (se référer aux paragraphes 21 à 31 du rapport de l'enquêteur). Sur le fondement de cette preuve, l'enquêteur a conclu, suivant la prépondérance des probabilités, que la preuve n'étayait pas l'allégation de harcèlement de la plaignante.

[73]            Eu égard aux circonstances, l'enquêteur n'avait pas l'obligation d'accepter la preuve polygraphique, celle-ci pouvant être considérée comme un nouvel élément de preuve soumis une fois écoulé le délai de communication de la Commission.

[74]            Plus fondamentalement cependant, je conviens avec l'avocate du défendeur que la preuve polygraphique n'était pas pertinente ou importante aux fins de la conclusion de l'enquêteur sur l'allégation de harcèlement, bien qu'il soit exact de dire que la GRC a indiqué à l'enquêteur qu'elle doutait de la sincérité de la demanderesse quant au nombre de mandats que celle-ci avait exécutés.

[75]            Il est manifeste, en lisant les paragraphes 23, 28, 29 et 30 du rapport de l'enquêteur avec le paragraphe 41, dans lequel il énonce sa conclusion, que l'enquêteur ne s'est pas prononcé sur la sincérité de la demanderesse en établissant que l'allégation de harcèlement n'avait pas été prouvée.


[76]            L'enquêteur a recommandé le rejet de la partie de la plainte ayant trait au harcèlement parce qu'il était convaincu que le processus de vérification auquel a été soumise la demanderesse avait « [traduction] aussi été appliqué pour le membre francophone dont les réponses à l'une des questions étaient contestées » . Selon l'enquêteur, le processus de vérification ne constituait pas du harcèlement dans le cas de la demanderesse parce que la GRC n'avait fait que vérifier une question qui avait surgi au cours du processus de sélection. Je ne puis voir dans le rapport de l'enquêteur aucune conclusion selon laquelle la demanderesse a menti. Compte tenu de son raisonnement sur la question du harcèlement, il n'avait pas à tirer de conclusion à cet égard.

[77]            En effet, la demanderesse ne traite pas de cette question dans ses commentaires sur le rapport de l'enquêteur. Ce n'est que lorsqu'elle a pris connaissance des commentaires du directeur Harrison énoncés au paragraphe 5 de sa réplique qu'elle a, ce qui est naturel, répondu à la Commission le 9 janvier 2003 en affirmant que la déclaration du directeur Harrison selon laquelle elle avait menti était en complète contradiction avec la sienne et que, par conséquent, seul un conciliateur ou un tribunal pouvait trancher la question. C'est d'ailleurs la déclaration du directeur Harrison qui l'a incitée à passer un test polygraphique.

[78]            Eu égard aux circonstances, la demanderesse ne m'a pas convaincu que la Commission ou l'enquêteur ont commis une erreur en omettant de tenir compte de la preuve polygraphique.

[79]            Cela étant dit, j'ai de la sympathie pour la demanderesse qui, dans le but de tirer au clair la question du nombre de mandats qu'elle a effectués, a eu recours au test polygraphique. À mon avis, la GRC, par l'entremise des réponses de M. Schachhuber et du directeur Harrison a, sans raison valable, accordé une importance exagérée à une question au sujet de laquelle l'enquêteur n'avait tiré aucune conclusion.


[80]            Pour tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée sans dépens.

                                                                           _ François Lemieux _                

                                                                                                     Juge                              

OTTAWA (ONTARIO)

LE 12 MAI 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-542-03

INTITULÉ :                                                    GLENDA VALAIR

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 18 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                   LE 12 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Larry W.O. Smeets                                           POUR LA DEMANDERESSE

Wendy Divoky                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smeets Law Offices                                           POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Bureau régional de Vancouver


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