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Date : 19990125


Dossier : IMM-3159-98

OTTAWA (Ontario), le 25 janvier 1999.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :


JUAN PEDRO BURGOS-ROJAS,


demandeur,


ET


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      La présente demande est accueillie est l"affaire est renvoyée à une autre formation pour qu"elle procède à une nouvelle audition.

" P. ROULEAU "

                                             JUGE

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 19990125


Dossier : IMM-3159-98

ENTRE :


JUAN PEDRO BURGOS-ROJAS,


demandeur,


ET


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire, fondée sur l"article 82 de la Loi sur l"immigration, de la décision, datée du 18 février 1998, par laquelle la Commission de l"immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur n"était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le demandeur interjette appel de cette décision sur le fondement que la Commission a commis une erreur de droit lorsqu"elle a tiré sa conclusion en matière de crédibilité et lorsqu"elle a omis de déterminer, malgré la conclusion défavorable qu"elle a tirée en matière de crédibilité, si le demandeur, en tant qu"homosexuel, avait une crainte raisonnable d"être persécuté au Chili.

[3]      Le demandeur a revendiqué le statut de réfugié au motif qu"il craignait d"être persécuté dans son pays d"origine, le Chili, parce qu"il est homosexuel. Il ressort effectivement de la preuve documentaire que le Chili est extrêmement homophobe et que les homosexuels y font souvent l"objet de harcèlement de la part des fonctionnaires du gouvernement et des policiers. Le code pénal chilien prévoit que l"activité homosexuelle à laquelle se livrent des hommes consentants constitue un délit de sodomie qui entraîne une peine d"emprisonnement dont la durée peut varier d"une année et demie à trois années.

[4]      Le demandeur a témoigné que c"est en 1992, à l"âge de 17 ans, qu"il s"est rendu compte qu"il était homosexuel. Il s"est efforcé de garder secrète son orientation sexuelle, vu que la société chilienne est, dans l"ensemble, homophobe.

[5]      En mai 1993, l"armée chilienne a avisé le demandeur qu"il devait faire son service militaire obligatoire. Le demandeur ne voulait pas faire partie de l"armée car il avait peur d"y être maltraité. Il a prétendu qu"il avait un ami homosexuel qui, pendant qu"il faisait partie de l"armée, y avait été gravement battu et y avait subi un traitement cruel. En conséquence, en mai 1994, il s"est rendu au bureau de l"armée pour déclarer qu"il ne voulait pas faire partie de l"armée parce qu"il était homosexuel et qu"il craignait d"être maltraité. L"officier lui a répondu que " personne ne peut se sauver de l"armée ". En juin 1994, le nom du demandeur faisait partie de la liste relative au service militaire affichée au bureau de poste. Cependant, en raison de sa crainte, il ne s"est pas présenté à l"armée. L"armée chilienne n"a pas communiqué avec lui depuis ce temps.

[6]      Le demandeur soutient avoir été considérablement persécuté au Chili; en fait, il a écrit dans sa FRP qu"il était persécuté presque quotidiennement en raison de son homosexualité. Il a fait l"objet d"insultes et de menaces, il a été battu, et des projectiles lui ont été lancés. Il a donné des exemples. En janvier 1995, il a été battu par le père de l"un de ses amis. En février 1995, son petit ami et lui-même ont été arrêtés par des policiers, qui les ont détenus et battus; ils ont été libérés sans que des accusations soient portées contre eux.

[7]      En septembre 1995, le demandeur a été agressé par trois hommes. Ils l"ont battu, lui ont proféré des injures homophobes, et l"ont menacé de le tuer la prochaine fois qu"ils le rencontreraient. Le demandeur avait plusieurs ecchymoses et il saignait du nez. Il a dit à la police ce qui s"était produit. Il a dit à l"agent de police qu"il avait été battu parce qu"il était homosexuel. L"agent a dit au demandeur qu"il se souvenait de l"avoir déjà vu et qu"il ne mènerait pas d"enquête parce qu"il violait la loi du fait qu"il était homosexuel. L"agent a également avisé le demandeur de faire bien attention à ce qu"il faisait en public, car il risquait d"être arrêté de nouveau.

[8]      Après cela, le demandeur a commencé à avoir peur et à ne plus sortir de la maison, sauf pour aller à son travail. En janvier 1996, il a rencontré une Canadienne nommée Evelyn Jennifer Lopez-Lorenzo. Elle ignorait qu"il était homosexuel, et l"a épousé en mars 1996. Le demandeur dit avoir épousé Evelyn pour la raison suivante :

                 [TRADUCTION] [...] il s"agissait d"un moyen pour moi de régler mes problèmes en m"enfuyant du Chili. Au Chili, je devais dissimuler mon orientation sexuelle et vivre sous la menace d"être victime de violence contre les homosexuels ou d"être arrêté par les autorités civiles ou militaires du Chili.                 

[9]      Le revendicateur et son épouse sont arrivés au Canada au début d"avril 1996. Dans sa FRP, le revendicateur a écrit qu"il s"était séparé de son épouse le 15 mars 1996. À l"entrevue, il a dit avoir divulguer son orientation sexuelle à son épouse une semaine après son arrivée au Canada, et avoir quitté la maison un mois et demi plus tard.

[10]      La Commission a conclu que le témoignage du demandeur était rempli d"incohérences et d"invraisemblances. La Commission a donné au demandeur l"occasion de clarifier les invraisemblances, mais elle a jugé ses explications déraisonnables.

[11]      En particulier, la Commission a souligné que le demandeur avait confondu deux des principaux incidents à l"occasion desquels il avait été brutalisé. La formation a estimé qu"il était curieux qu"une personne ne se souvienne pas avec une certaine clarté de la première fois qu"elle avait été agressée parce qu"elle était homosexuelle. La Commission a également trouvé invraisemblable que le revendicateur déclarerait à l"armée et à la police qu"il était homosexuel, en sachant à quel point les homosexuels étaient maltraités au Chili. Le revendicateur a dit que l"idée ne lui était jamais venue de dire qu"il avait été battu pour une autre raison.

[12]      La Section du statut de réfugié a-t-elle commis une erreur lorsqu"elle a conclu que le demandeur n"avait pas produit de preuve crédible pour étayer sa revendication? La Cour n"infirmera pas les conclusions tirées par la Commission en matière de crédibilité.

[13]      La Section du statut de réfugié a-t-elle commis une erreur lorsqu"elle a omis de tenir compte de la prétention du demandeur selon laquelle, en tant qu"homosexuel, il avait une crainte fondée d"être persécuté au Chili?

[14]      Le demandeur soutient que la question de la crédibilité n"était pas déterminante en ce qui concerne la question de savoir s"il était un réfugié au sens de la Convention. La Commission n"a pas dit qu"elle n"estimait pas que le demandeur était homosexuel. En outre, elle ne pouvait omettre de tenir compte de la preuve établissant que les homosexuels étaient maltraités au Chili. En conséquence, même si, après avoir conclu que le demandeur n"était pas crédible, elle a rejeté son récit concernant ce qui lui était arrivé au Chili, la Commission devait tout de même examiner la question de savoir si le demandeur avait une crainte fondée d"être persécuté au Chili en raison de son orientation sexuelle.

[15]      En prenant sa décision, la formation a complètement négligé de tenir compte du fait que pour s"enfuir du Chili, le demandeur a épousé une Canadienne et est venu au Canada. Elle a complètement omis de considérer le témoignage de cette femme, selon laquelle le demandeur l"a quitté cinq ou dix jours après qu"ils sont arrivés au Canada.

[16]      Une preuve documentaire abondante étayait la prétention du demandeur selon laquelle les homosexuels sont persécutés et, dans certains cas, incarcérés, au Chili. La formation a également omis de déterminer si le demandeur avait ou non une crainte raisonnable d"être persécuté s"il retournait au Chili.

[17]      Il s"agit là d"une erreur de droit, et l"affaire est renvoyée à une nouvelle formation pour qu"elle procède à une nouvelle audition.


" P. ROULEAU "

                                             JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 25 janvier 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-3159-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      JUAN PEDRO BURGOS-ROJAS C. LE MINISTRE DE                      LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

LIEU DE L"AUDIENCE :          VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L"AUDIENCE :          LE 30 DÉCEMBRE 1998

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :              25 JANVIER 1999

ONT COMPARU :

ROBERT J. HUGUES                      POUR LE DEMANDEUR

LORI JANE TURNER                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SMITH & HUGUES                          POUR LE DEMANDEUR

VANCOUVER (C.-B.)

MORRIS ROSENBERG                      POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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