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Date : 20010219

Dossier : IMM-1298-00

OTTAWA (ONTARIO), LE 19 FÉVRIER 2001

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

WON PIL PARK

défendeur

                                                                ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire que le ministre a présentée est accueillie.

                                                                                                                                             J.E. Dubé                            

                                                                                                                                                     Juge                               

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010219

Dossier : IMM-1298-00

Référence neutre: 2001 CFPI 95

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

WON PIL PARK

défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ

[1]         Le ministre sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un membre de la Section d'appel de la Commission de l'Immigration et du statut de réfugié (le membre) a rejeté, le 29 février 2000, la requête qu'il avait présentée en vue de faire annuler le sursis à l'exécution de la mesure de renvoi dont le défendeur (M. Park) était frappé. Le membre a plutôt accordé un autre sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion.


1. Les faits

[2]         Le 21 février 1995, M. Park, autrefois citoyen de la République de Corée, a fait l'objet d'une mesure d'expulsion pour le motif que, le 11 juin 1993, il avait été déclaré coupable de conduite dangereuse d'un véhicule à moteur causant la mort et d'un délit de fuite. M. Park a été condamné à deux ans de prison et on lui a interdit de conduire pendant quatre ans. M. Park a interjeté appel contre la mesure d'expulsion devant la Section d'appel qui, le 7 novembre 1996, a sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion pour une période de quatre ans. Selon les conditions du sursis, M. Park devait faire rapport par écrit au bureau des appels tous les six mois, et il devait en outre ne pas troubler l'ordre public et avoir une bonne conduite.

[3]         Toutefois, le 4 janvier 1999, M. Park a été déclaré coupable de conduite en état d'ébriété. De plus, il a omis de faire rapport à deux reprises et il a également omis de signaler qu'il avait été accusé et déclaré coupable d'une autre infraction. Le ministre a donc présenté devant la Section d'appel une demande en vue de l'examen des circonstances de l'affaire, du réexamen et de l'annulation de la décision sursoyant à l'exécution de la mesure d'expulsion, du rejet de l'appel et de la délivrance d'une ordonnance portant que la mesure d'expulsion devait être exécutée le plus tôt possible.

[4]         Le 29 février 2000, le membre, avec le présumé consentement du ministre, a rejeté la requête et a ordonné que le sursis se poursuive pour une période de trois ans à certaines conditions.


2. La décision du membre

[5]         Au début de sa décision, le membre a dit qu'il était [TRADUCTION] « d'avis que le défendeur n'a[vait] pas observé la condition selon laquelle il devait faire rapport tous les six mois » . Il a entendu [TRADUCTION] « le témoignage du défendeur et [a] conclu qu'il était inventé et qu'il n'était ni crédible ni digne de foi » . Il a également conclu [TRADUCTION] « qu'en étant accusé et déclaré coupable de l'infraction de conduite en état d'ébriété le 4 janvier 1999, le défendeur avait de fait violé la condition selon laquelle il ne devait pas troubler l'ordre public et il devait avoir une bonne conduite » . Le membre a également noté [TRADUCTION] « que le défendeur a[vait] menti au bureau canadien d'immigration en vue de tenter d'être admis au Canada. Les actions du défendeur ont eu pour conséquence directe la mort d'un garçon de 17 ans » .

[6]         Toutefois, le membre a affirmé croire [TRADUCTION] « que M. Park ferait face à des difficultés injustifiables s'il était renvoyé du Canada » . En ce qui concerne les enfants, le membre a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Quant aux conséquences que la chose a pour les enfants du défendeur, je tiens compte de la décision Baker[1], selon laquelle ma décision doit être « rendue d'une manière réceptive, attentive ou sensible » à l'intérêt supérieur des enfants du défendeur. Il est certain qu'il existe des liens émotionnels étroits et que les enfants comptent sur le défendeur pour subvenir à leurs besoins. Je crois que les enfants feraient face à des difficultés injustifiables si le défendeur était renvoyé du Canada.


[7]         Le membre a conclu qu'[TRADUCTION] « il semble que le défendeur présente un danger mortel lorsqu'il est au volant d'une voiture » . Néanmoins, il a convenu avec l'avocat de M. Park de proroger le sursis en l'assortissant de conditions strictes de façon à interdire au défendeur de conduire pendant la durée du sursis.

3. Analyse

[8]         Dans ses motifs écrits, le membre dit que sa décision a été rendue [TRADUCTION] « sur consentement des parties » . Le dossier montre qu'il a clairement mal compris la position que le ministre avait prise.

[9]         Le membre a également omis de donner des motifs adéquats à l'appui de ses motifs. Il a conclu que M. Park avait violé d'une façon flagrante les conditions du premier sursis et qu'il avait commis une autre infraction criminelle mettant le public en danger. Il a dit que la conjointe et les enfants de M. Park feraient face à des difficultés injustifiables, mais il n'a pas donné de précisions au sujet de cette conclusion, à part celles qui figurent au paragraphe susmentionné. Après avoir noté [TRADUCTION] « que le défendeur présente un danger mortel lorsqu'il est au volant d'une voiture » , il a néanmoins rejeté la requête du ministre et a prorogé le sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion.

[10]       Il serait possible d'inférer que le membre a conclu que l'intérêt de la famille de M. Park était plus important que la protection des autres membres de la société, mais la chose n'est pas réellement mentionnée dans les motifs. Le membre n'a pas fait la moindre remarque au sujet de l'argument du ministre selon lequel, dans ce cas-ci, l'intérêt public et la sécurité devraient l'emporter.


[11]       Dans la décision MCI c. Saintelus[2], le juge Tremblay-Lamer a statué que la Section d'appel doit exercer son pouvoir discrétionnaire d'une façon conforme aux objectifs de la Loi sur l'immigration, en tenant notamment compte du maintien de la sécurité et de l'ordre public au Canada. En l'espèce, le membre a complètement omis de tenir compte de la possibilité que M. Park commette une récidive, en particulier après avoir conclu, dans sa propre décision, que M. Park n'était ni crédible ni digne de foi, qu'il avait déjà menti au bureau canadien d'immigration en tentant d'être admis au Canada et qu'il avait tué un garçon de dix-sept ans. Il est incompréhensible que le membre fasse encore confiance à M. Park en lui accordant un autre sursis, après qu'il eut été déclaré coupable une deuxième fois de conduite en état d'ébriété, et qu'il compte sur le fait que ce dernier observera les conditions imposées.

[12]       La décision rendue par le membre est manifestement déraisonnable.

[13]       La demande du ministre est accueillie. La décision de la Section d'appel est infirmée et l'affaire est renvoyée pour réexamen par une formation différente de la Section d'appel conformément au droit et aux motifs de la présente ordonnance.


[14]       Il n'existe aucune question grave de portée générale à certifier.

                                                                                                                                             J.E. Dubé                            

                                                                                                                                                     Juge                                 

OTTAWA (ONTARIO)

Le 19 février 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                                        IMM-1298-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         MCI et WON PIL PARK

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 6 février 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE DUBÉ EN DATE DU 19 FÉVRIER 2001.

ONT COMPARU :

M. Zoric                                                           POUR LE DEMANDEUR

P. Clement                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                              POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

P. Clement                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)



[1] Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817.

[2] C.F. 1re inst., 11 septembre 1998, IMM-1542-97.

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