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Date : 20050722

Dossier : 05-T-47

Référence : 2005 CF 1019

Ottawa (Ontario), le 22 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE GAUTHIER

ENTRE :

NEXEN INC. et WASCANA ENERGY 2001 LTD., exploitant leur entreprise en société sous la dénomination sociale Nexen Marketing (ci-après Nexen Marketing) et NEXEN INC.

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE (CANADA)

défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une requête faite par écrit par les demanderesses en vertu de l'article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, et modifications, visant à obtenir une prorogation de délai pour présenter une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, et modifications.

[2]                À l'appui de leur requête, les demanderesses ont déposé l'affidavit de M. Frank E. Kopitar, le vice-président à la fiscalité de Nexen Marketing, lequel a exposé les faits pertinents.

[3]                Les demanderesses sollicitent le contrôle judiciaire de deux décisions de l'Agence des services frontaliers du Canada (l'ASFC) rendues le 2 mars 2004. Le 31 mai 2004, Nexen Marketing a déposé une demande de révision[1] en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch. 1. Il est fait expressément mention de ce recours dans les décisions de l'ASFC. Dans sa demande de révision, Nexen Marketing a principalement soulevé un argument qui est décrit brièvement dans l'affidavit et que nous appellerons l'argument de transit.

[4]                M. Kopitar affirme que Nexen Marketing n'était pas au courant qu'elle devait également déposer une demande de contrôle judiciaire de ces décisions parce que l'autorité révisant sa demande n'avait pas compétence pour examiner l'argument de transit.


[5]                Il semble qu'en janvier 2005, BP Canada, une société qui est représentée par les mêmes avocats fiscalistes que la demanderesse (Felesky Flynn LLP), a déposé une demande[2] visant à obtenir le contrôle judiciaire d'une décision semblable de l'ASFC parce qu'elle désirait également soulever l'argument de transit.

[6]                Dans le cadre de la demande de BP Canada, le cabinet Felesky Flynn a eu un échange avec Justice Canada concernant la question de savoir si l'argument de transit devait être soulevé dans le cadre d'une demande de révision en vertu de la Loi sur les douanes ou par l'entremise d'une demande de contrôle judiciaire des décisions de l'ASFC. Le 16 février 2005, il était clair que les deux parties convenaient que l'argument de transit ne pouvait pas être abordé en application du paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes.

[7]                M. Kopitar déclare que, [traduction] « vers le mois de février 2005 » , Nexen Marketing a pris connaissance de cette demande et qu'elle a communiqué avec BP Canada par l'entremise de leurs avocats fiscalistes communs qui l'ont informée de leur échange de correspondance avec Justice Canada, ainsi que de l'existence de la lettre datée du 16 février 2005.

[8]                Selon M. Kopitar, suivant les conseils de Feleskly Fynn et avec leur aide, les demanderesses ont commencé à préparer leur propre demande et l'avis de requête en prorogation de délai, peu de temps après avoir été avisées de la lettre du 16 février 2005 de Justice Canada.

[9]                Il semble également que l'Association canadienne des producteurs pétroliers (l'ACPP) ait écrit à l'ASFC le 18 février 2005 pour lui faire part de sa préoccupation concernant les décisions de l'ASFC et sa politique d'évaluation.

[10]            Bien que Nexen Marketing soit membre de l'ACPP, rien dans la déposition de M. Kopitar n'indique que Nexen a participé de quelque façon que ce soit à ces discussions ou à la rencontre qui a eu lieu le 13 avril 2005 entre l'ACPP et l'ASFC. Rien n'indique non plus qu'il y a eu d'autres discussions après cette rencontre ou concernant le moment exact où Nexen Marketing a pris connaissance des discussions entre l'ACPP et l'ASFC.

[11]            L'avis de requête en prorogation de délai, accompagné de l'affidavit de M. Kopitar, a été déposé le 29 juin 2005.

[12]            Le critère applicable pour décider si la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur des demanderesses est bien établi. Il est mentionné dans des arrêts de principe tels que Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1985), 63 N.R. 106 (C.A.F.) (QL), et Canada (Procureur général) c. Hennelly, _1999_ A.C.F. no 846 (C.A.F.) (QL). Bien que la liste des éléments pouvant être examinés par la Cour ne soit pas exhaustive, il faut généralement réunir les quatre éléments suivants :

i)                     une intention constante de poursuivre la demande;

ii)                    une explication raisonnable justifiant le délai;


iii)                  le fait que ce délai n'occasionne aucun préjudice pour le défendeur;

iv)                  le fait que la demande ne soit pas sans fondement.

_13_     Au paragraphe 31 de son affidavit, M. Kopitar déclare qu'au moment de préparer son affidavit, il a pris grand soin d'établir le fondement d'une cause défendable dans la demande, lequel serait évident pour la Cour. Le dossier de requête ne comprenait aucune ébauche de cette demande. Après avoir déclaré que les questions en litige sous-jacentes aux décisions de l'ASFC, lesquelles comprenaient notamment celles qui concernaient l'argument de transit, étaient très complexes et mal comprises tout en impliquant des problèmes fondamentaux qui se posent dans l'application de la Loi sur la taxe d'accise et de la Loi sur les douanes à l'importation de gaz, M. Kopitar réfère tout simplement à un article écrit par Mes Blair Nikon et Peter Mitchell du cabinet Felesky Flynn LLP, daté du mois de septembre 2004 (pièce F), qu'il résume comme suit :      

[traduction]

a)              Il n'est pas clair où, le cas échéant, le gaz importé au Canada est dédouané en vertu des dispositions de la Loi sur les douanes. Dans de nombreuses circonstances, cela crée une incertitude quant à savoir qui est responsable de la déclaration en détail des droits de douanes et redevable du paiement de la TPS relativement à une importation de gaz.

b)                    Le gaz qui est transporté pour le compte de l'ensemble des expéditeurs est mélangé dans le réseau de pipelines avec le « gaz stocké en conduite » appartenant au transporteur. Dans de nombreux cas, cela crée également une incertitude quant à savoir qui est responsable de la déclaration en détail des droits de douanes et redevable du paiement de la TPS.

c)                   Il n'est pas clair comment les dispositions de l'article 23 de la Loi sur les douanes et de l'article 144.01 de la Loi sur la taxe d'accise s'appliquent au déplacement en transit du gaz entre des points au Canada en passant par les États-Unis.

[Non souligné dans l'original.]


_14_     Le défendeur n'a pas contesté ces allégations et la Cour est prête à accepter le fait que les demanderesses aient une cause défendable. Après avoir examiné la preuve et les observations qui m'ont été présentées, je possède suffisamment de renseignements pour faire une appréciation plus approfondie de la valeur probante relative des arguments des demanderesses.

_15_     En ce qui concerne leur intention constante de poursuivre leur demande, les demanderesses soutiennent que le dépôt de leur demande de révision établit leur intention constante de contester les décisions de l'ASFC par tous les moyens dont elles disposent. Au paragraphe 30 de son affidavit, M. Kopitar déclare : [traduction] « je n'ai jamais, au nom de la demanderesse, abandonné l'intention de présenter la demande ou de contester les décisions de l'ASFC relatives à Nexen, dans la mesure du possible » .

_16_     Comme il a été mentionné, la demande de révision a été déposée dans les 59 jours de la délivrance des décisions. L'intention de la déposer s'était formée quelque temps auparavant, mais il n'est pas clair dans l'affidavit quand cela est arrivé. Comme l'a fait valoir le défendeur, il n'est pas clair que les demanderesses avaient formé leur intention de déposer cette demande de révision au plus tard le 1er avril 2004, c'est-à-dire dans la période de 30 jours prescrite au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales.


_17_     Aussi, étant donné que la position des demanderesses est qu'elles n'étaient pas au courant qu'elles pouvaient ou qu'elles devaient déposer une demande de contrôle judiciaire de ces décisions, il est difficile d'imaginer comment elles auraient pu former une intention de déposer une telle demande dans le délai requis.

_18_     Quoi qu'il en soit et même si je devais tenir pour acquis que Nexen Marketing avait implicitement formé une intention de déposer une demande dans le délai requis de 30 jours, et qu'elle n'avait pas abandonné cette intention depuis lors, je ne suis pas du tout convaincue que les demanderesses ont bien expliqué le retard dans leur requête.

_19_     La preuve est vague quant au moment exact où les demanderesses ont appris l'existence de la lettre du 16 février 2005 de Justice Canada ou de la demande déposée en janvier 2005 par les avocats au nom de BP Canada.

_20_     Le délai entre le mois de février et le 29 juin 2005 représente quatre fois le délai normal prescrit pour le dépôt de la demande. Je ne suis pas convaincue que la complexité des questions en litige justifie ce genre de délai, en particulier lorsque l'on considère que cette affaire avait déjà été vraisemblablement examinée par les avocats des demanderesses avant le dépôt de la demande de BP Canada. La pièce F était disponible depuis le mois de septembre 2004.

_21_     La poursuite des discussions entre des tiers en février et en avril 2005, dont les demanderesses peuvent avoir ou ne pas avoir eu connaissance à l'époque, n'offre pas non plus une explication satisfaisante.


_22_     En ce qui concerne les contraintes de temps liées au travail dont ont été victimes M. Kopitar, son personnel et ses avocats, lesquelles sont mentionnées dans l'affidavit, la Cour fait remarquer qu'il a été décidé dans de nombreuses décisions qu'une telle excuse justifiait rarement une prorogation de délai (voir par exemple les décisions Chin c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), _1993_ A.C.F. no 1033 (1re inst.) (QL), et Boubarak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), _2003_ A.C.F. no 1553 (1re inst.) (QL)). Il est surprenant que les montants élevés en jeu pour les demanderesses ne les aient pas tourmentées au point de leur inspirer un plus grand sentiment d'urgence que celui démontré.

_23_     En toute déférence pour l'opinion contraire, le contenu du dossier des demanderesses est fort simple et il n'a tout simplement pas pu exiger plusieurs mois de préparation.

_24_     En me basant sur la preuve présentée, je ne puis conclure que les demanderesses ont été diligentes et qu'elles ont bien expliqué leur défaut de respecter le délai prévu par la loi. Vu les circonstances particulières en l'espèce, ce défaut me convainc qu'aucune prorogation ne devrait être accordée.

_25_     La requête est rejetée.

          « Johanne Gauthier »                  

           Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                    05-T-47

INTITULÉ :                                                                   NEXEN INC. et WASCANA ENERGY 2001 LTD., exploitant leur entreprise en société sous la dénomination sociale Nexen Marketing (ci-après Nexen Marketing) et NEXEN INC.

c.

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE (CANADA)

LIEU DE L'AUDIENCE :                                           

DATE DE L'AUDIENCE :                                          

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                  LA JUGE GAUTHIER

DATE DES MOTIFS :                                                 LE 22 JUILLET 2005

COMPARUTIONS :

Felesky Flynn LLP                                                        POUR LES DEMANDERESSES

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

H. George McKenzie, c.r.                                             POUR LES DEMANDERESSES

D. Blair Nixon, c.r.

Calgary (Alberta)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)



[1] La demande de révision ne couvrait pas la partie des décisions traitant de la période de trois mois se terminant le 30 septembre 2002.

[2] Tenaska Marketing Canada aurait également déposé une demande semblable. Il n'est pas clair si cette partie était co-demanderesse avec BP Canada ou si elle a déposé une demande distincte et, dans l'affirmative, si elles avaient des avocats différents.


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