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Date : 20000518

Dossier : IMM-3495-98

OTTAWA (ONTARIO), le 18 mai 2000.

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

                                                              YU-KUNG WANG

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

Le demandeur ayant présenté une demande de contrōle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas, au consulat du Canada, ą Hong Kong, avait refusé la demande de visa qu'il avait faite en vue de résider en permanence au Canada ą titre de membre de la catégorie des entrepreneurs, en vertu du Rčglement sur l'immigration de 1978, dans sa forme modifiée, ainsi qu'une ordonnance annulant ladite décision;

Les avocats des parties ayant été entendus ą Toronto (Ontario), le 2 mai 2000, date ą laquelle la décision a été reportée, et les observations qui ont alors été présentées ayant été examinées;


ORDONNANCE

IL EST ORDONNÉ que la demande soit rejetée.

                                                                                                                          W. Andrew MacKay                                

                                                                                                                                                    Juge                                              

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


Date : 20000518

Dossier : IMM-3495-98

ENTRE :

                                                              YU-KUNG WANG

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY


[1]                Le demandeur ici en cause sollicite le contrōle judiciaire d'une décision défavorable rendue par un agent des visas, au consulat général du Canada, ą Hong Kong, ainsi qu'une ordonnance annulant cette décision. La demande que le demandeur avait présentée en vue d'obtenir un visa d'immigrant a été refusée pour le motif qu'il n'appartenait pas ą la catégorie des « entrepreneurs » , soit la catégorie dans laquelle il demandait ą źtre admis comme résident permanent en vertu de la Loi sur l'immigration. L'agent des visas n'a pas apprécié le demandeur ą titre d' « investisseur » . La décision en question a été confirmée par une lettre datée du 1er juin 1999; elle a été communiquée au demandeur par l'entremise de son avocat, au Canada, le 23 juin 1998.

[2]                Dans la demande de contrōle judiciaire qu'il a déposée devant la Cour le 13 juillet 1998, le demandeur énumčre les motifs ci-aprčs énoncés ą l'appui du contrōle judiciaire :

[TRADUCTION]

1.              l'agent a commis une erreur en omettant d'apprécier M. Wang ą titre de membre de la catégorie des « investisseurs » , soit l'autre catégorie mentionnée dans la lettre de demande envoyée par ce dernier, catégorie ą l'égard de laquelle le demandeur remplit toutes les conditions requises;

2.              l'agent a commis une erreur en tirant des conclusions contraires aux documents versés au dossier, ą savoir que le profit net du demandeur n'était que de 1 400 ą 24 000 $ CAN, alors que selon les états financiers, la part de profits de celui-ci était de plus de 500 000 $ CAN en 1996 et de plus de 600 000 $ CAN en 1997;

3.              l'agent a commis une erreur en tirant une conclusion au sujet de laquelle il n'existait aucun élément de preuve crédible tendant ą montrer que l'entreprise principale du demandeur avait « mis fin ą ses activités environ six mois avant [son] entrevue » , alors qu'en fait, les activités n'avaient jamais cessé;

4.              l'agent a commis une erreur en incluant certains critčres dans la définition de l' « entrepreneur » , ą savoir que les entrepreneurs doivent avoir pris des dispositions concrčtes dans leurs affaires et avoir désigné des fournisseurs, des clients éventuels et des concurrents avant de recevoir un visa d'immigrant;

5.              l'agent a commis une erreur en effectuant un « double comptage » , parce qu'un facteur non pertinent l'a influencé et qu'il avait tiré une conclusion ethnocentrique, ą savoir que le fait que M. Wang ne connaissait pas l'anglais, comme ce dernier l'avait lui-mźme admis, l'empźche d'exploiter avec succčs une entreprise canadienne exportant des produits en Asie;

6.              il existe des « motifs spéciaux » permettant d'adjuger des frais juridiques élevés ą M. Wang, ą savoir que la décision est ą premičre vue irréguličre et qu'elle est dépourvue de tout fondement;

7.              tout autre motif que la Cour juge indiqué.

[3]                Ą mon avis, compte tenu des observations qui ont été soumises lorsque la demande a été entendue, les motifs invoqués peuvent źtre examinés sous trois rubriques générales : a) L'agent des visas a-t-il commis une erreur annulable en omettant d'apprécier le demandeur ą titre de membre de la catégorie des investisseurs? b) L'agent des visas a-t-il tiré des conclusions de fait arbitraires, dénuées de fondement ou fondées sur des éléments de preuve qui ne lui avaient pas été soumis d'une faēon réguličre? c) Y a-t-il eu manquement ą l'équité procédurale du fait que l'on a omis d'inviter le demandeur ą présenter d'autres observations ą la suite de son entrevue?

L'agent des visas a-t-il commis une erreur annulable en omettant d'apprécier le demandeur ą titre de membre de la catégorie des investisseurs?

[4]                Dans le formulaire qui a été rempli pour son compte et qu'il a signé, le demandeur demande ą résider en permanence au Canada ą titre de membre de la catégorie des entrepreneurs. Il n'est pas fait mention de la catégorie des investisseurs, mais dans la lettre qui était jointe ą la demande, l'avocat du demandeur au Canada a mentionné, vers la fin de la lettre, que les agents d'immigration, ą Toronto, avaient informé son client qu'il pourrait également solliciter l'admission ą titre de membre de la catégorie des investisseurs en plus de solliciter pareille admission ą titre de membre de la catégorie des entrepreneurs; dans la lettre, l'avocat demandait que son client soit apprécié ą titre de membre du groupe des investisseurs. Dans son affidavit, l'agent des visas déclare que


[TRADUCTION]

[...] [l]e demandeur a présenté une demande ą titre de membre de la catégorie des entrepreneurs; il a donc été apprécié ą ce titre. Le demandeur n'a pas été apprécié ą titre d'investisseur parce qu'il n'a pas présenté de demande ą titre de membre de la catégorie des investisseurs.

[5]                Ą l'appui de sa position, le demandeur cite la décision Mui-Ling Hui c. Canada (MCI)[1]. Ą mon avis, cette décision n'a rien ą voir avec la question de savoir si l'agent des visas est tenu d'apprécier les immigrants éventuels ą titre d' « investisseurs » en plus de les apprécier ą titre d' « entrepreneurs » conformément ą leur demande d'admission, et ce, bien que les deux catégories puissent en général źtre considérées comme étant incluses dans un groupe de gens d'affaires non défini. Dans la décision Hui, Monsieur le juge Campbell a appliqué le principe selon lequel, en appréciant une demande en vertu de la catégorie des demandeurs indépendants ą l'égard d'un emploi dans une profession particuličre, l'agent des visas doit également tenir compte d'autres professions qui sont inhérentes ą la demande, compte tenu de l'expérience professionnelle du demandeur.


[6]                Le ministre défendeur soutient en réponse que le demandeur n'a pas satisfait aux critčres préliminaires qu'il faut examiner dans le cas d'un investisseur. L'agent des visas pouvait donc légitimement omettre d'apprécier le demandeur ą titre de membre de cette catégorie. En vertu du Rčglement sur l'immigration de 1978, le demandeur qui appartient ą la catégorie des investisseurs est entre autres tenu d'indiquer par écrit au ministre qu'il a fait ou a l'intention de faire un placement, et ce, avant que la demande de résidence permanente soit approuvée. Bref, le demandeur doit źtre un « investisseur » au sens oł ce mot est défini au paragraphe 2(1) du Rčglement :

"investor" means an immigrant who

(a) has successfully operated, controlled or directed a business,

(b) indicates to the Minister, in writing, that they intend to make an investment or have made an investment, and

(c) has a net worth, accumulated by their own endeavours, of at least $800,000;

« investisseur » Immigrant qui répond aux critčres suivants :

a) il a exploité, contrōlé ou dirigé avec succčs une entreprise;

b) il a indiqué par écrit au ministre qu'il a fait ou a l'intention de faire un placement;

c) il possčde un avoir net d'au moins 800 000 $, accumulé par ses propres efforts.

Le mot « entrepreneur » est défini comme suit au paragraphe 2(1) du Rčglement :

"entrepreneur" means an immigrant

(a) who intends and has the ability to establish, purchase or make a substantial investment in a business or commercial venture in Canada that will make a significant contribution to the economy and whereby employment opportunities will be created or continued in Canada for one or more Canadian citizens or permanent residents, other than the entrepreneur and his dependants, and

(b) who intends and has the ability to provide active and on-going participation in the management of the business or commercial venture.

« entrepreneur » désigne un immigrant

a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de faēon ą contribuer de maničre significative ą la vie économique et ą permettre ą au moins un citoyen canadien ou résident permanent, ą part l'entrepreneur et les personnes ą sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et

b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et réguličrement ą la gestion de cette entreprise ou de ce commerce.

Il n'y a rien dans le dossier qui laisse entendre que le demandeur ait donné par écrit au ministre l'indication prescrite ą l'alinéa b) de la définition du mot « investisseur » .


[7]                Dans ses plaidoiries, l'avocat du demandeur a soutenu qu'un « investisseur » appartient par définition ą la catégorie des « entrepreneurs » et que l'exigence selon laquelle il faut aviser par écrit le ministre d'un placement qui a été fait ou qui doit źtre fait peut aussi bien źtre satisfaite aprčs qu'avant que le demandeur soit apprécié ą titre d'investisseur. Ą mon avis, il faut tenir compte du fait que les mots « entrepreneur » et « investisseur » font l'objet de deux définitions distinctes dans le Rčglement. Le mot « entrepreneur » tel qu'il est défini peut comprendre un investisseur, mais les investisseurs ne sont pas tous des entrepreneurs. La personne qui présente une demande ą titre d'entrepreneur peut uniquement źtre appréciée ą titre de membre possible de la catégorie des investisseurs s'il est établi, au moment de la demande, qu'elle remplit toutes les conditions requises d'un investisseur, tel que ce mot est défini, et qu'elle a notamment avisé le ministre par écrit des placements qu'elle a faits ou qu'elle a l'intention de faire au Canada.


[8]                Les catégories « entrepreneur » et « investisseur » font partie du groupe plus important des gens d'affaires immigrants, mais ą mon avis, les deux catégories sont suffisamment distinctes pour que l'agent des visas ne soit pas légalement tenu de considérer une catégorie ą la place de l'autre ą moins que le demandeur ne fasse clairement savoir dans sa demande qu'il sollicite la résidence permanente en se fondant sur les deux catégories et ą moins qu'il n'indique de quelle faēon il remplit les conditions requises pour chaque catégorie telles qu'elles sont définies par rčglement. Dans le formulaire de demande, il n'a pas été demandé que le demandeur soit apprécié ą titre d' « investisseur » mźme si l'avocat en a fait mention dans sa lettre; aucun effort n'a été fait en vue d'indiquer les qualités du demandeur ą titre d'investisseur au sens de la Loi et on n'a pas informé le ministre par écrit de l'intention de faire un placement éventuel, ą part ce que laisse implicitement entendre la demande présentée sous la catégorie des « entrepreneurs » . Ą mon avis, l'agent des visas n'a pas commis d'erreur en estimant que le demandeur sollicitait l'admission ą titre d'entrepreneur seulement et en ne le considérant pas comme appartenant ą la catégorie des investisseurs.

L'agent des visas a-t-il tiré des conclusions de fait arbitraires, dénuées de fondement ou fondées sur des éléments de preuve qui ne lui avaient pas été soumis d'une faēon réguličre?

[9]                Les conclusions de fait cruciales, dont dépend la présente affaire, figurent dans la lettre de refus que l'agent des visas a envoyée au demandeur le 1er juin 1998 :

[TRADUCTION]

J'ai conclu que vous n'źtes pas visé par la définition du mot « entrepreneur » , et ce, pour les motifs suivants :

Vous źtes copropriétaire de trois compagnies : Taiwan San Tai Engineering Co. Ltd., Sun Success Enterprises Co. Ltd. et Taiwan San Tai Enterprises Co. Ltd. Sun Success Enterprises Co. Ltd. est exploitée par votre frčre et par votre soeur. Vous avez soumis pour cette compagnie un permis d'exploitation montrant que la compagnie a été enregistrée. Toutefois, vous n'avez pas établi que la compagnie était exploitée activement ou qu'elle était rentable. Taiwan San Tai Engineering Company n'était pas rentable et elle a mis fin ą ses activités environ six mois avant votre entrevue. Ą l'heure actuelle, vos principales sources de revenu proviennent des intérźts gagnés sur vos comptes bancaires et des recettes générées par Taiwan San Tai Enterprises Co. Ltd. Au cours des derničres années, cette compagnie a généré des profits annuels modestes, d'un montant représentant 1 400 ą 24 000 $ CAN. Vous espérez exploiter une société d'import-export au Canada. Toutefois, vous ne savez pas qui seront vos fournisseurs ou vos concurrents éventuels, et vous n'avez adopté aucune stratégie aux fins de la commercialisation de vos produits et de l'identification des clients éventuels si ce n'est que vous comptez sur votre cercle d'amis. De plus, vous croyez que le fait que vous ne connaissez pas l'anglais vous posera des problčmes dans la conduite de vos affaires quotidiennes. Vous avez exploité Taiwan San Tai Engineering Co., Ltd. dans un environnement commercial familier, ou vous parliez couramment la langue des affaires et oł vous étiez prčs de vos relations d'affaires. Malgré ces avantages, Taiwan San Tai Enterprises atteignait ą peine le seuil de rentabilité. L'exploitation d'une entreprise dans un environnement non familier présentera un désavantage additionnel sur le plan de la concurrence. J'ai donc conclu que vous n'étiez pas en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce ou d'y investir une somme importante de faēon ą permettre ą au moins un citoyen canadien ou résident permanent, ą part vous-mźme en votre qualité d'entrepreneur et les personnes ą votre charge, d'obtenir ou de conserver un emploi.


[10]            Il ressort clairement de la lettre, des notes inscrites dans le CAIPS et des notes manuscrites de l'agent des visas que la décision défavorable était fondée sur un certain nombre de facteurs : a) la rentabilité des entreprises dans lesquelles le demandeur était en cause, b) le manque de connaissances du demandeur en ce qui concerne les entreprises commerciales au Canada et le fait que le demandeur n'avait pas fait de recherches ą ce sujet, c) le fait que le demandeur ne parlait pas couramment l'anglais, et d) le fait que l'agent des visas ne croyait pas que le demandeur soit en mesure d'exploiter une entreprise rentable dans un environnement non familier. Il s'agit dans tous les cas de conclusions discrétionnaires que l'agent des visas a tirées en examinant la demande d'immigration.


[11]            Ą l'audience, l'avocat du demandeur a soutenu qu'en appréciant l'expérience que le demandeur avait acquise par le passé en exploitant des entreprises, l'agent des visas avait démontré qu'il n'était pas en mesure de comprendre des états comptables et d'apprécier d'une faēon juste le succčs du demandeur. Pourtant, si je comprends bien cet argument, l'avocat ne dit pas que l'agent n'a pas fondé son appréciation sur les documents fournis par le demandeur, mais plutōt que le sommaire sur lequel l'agent s'est fondé avait été préparé d'une faēon inattentive par le demandeur ou pour son compte et qu'il renfermait une erreur ou des erreurs importantes qui auraient été décelées si l'agent avait examiné ą fond les états comptables plus détaillés que le demandeur avait fournis ą ce moment-lą. Lorsque des renseignements erronés sont fournis par le demandeur, l'agent qui apprécie la demande ne peut pas źtre blāmé pour s'źtre fondé sur ces renseignements et l'agent n'est pas tenu d'examiner les documents comptables en détail afin de s'assurer de l'exactitude ou de la cohérence des documents du demandeur. En outre, l'omission d'examiner ą fond les documents comptables et l'omission de tenir compte d'un élément de preuve sont deux choses différentes, du moins lorsque le sommaire de la preuve est fourni par le demandeur et que l'agent se fonde sur ce sommaire. Le simple fait que l'agent n'examine pas les documents en détail et qu'il se fonde sur un sommaire fourni par le demandeur ou pour le compte du demandeur ne permet pas de critiquer la capacité de l'agent de comprendre les documents comptables.

[12]            En ce qui concerne un aspect de l'appréciation de l'expérience passée du demandeur en affaires, l'agent des visas a demandé, au cours de l'entrevue, des renseignements additionnels que le consulat n'a pas reēus par la suite. Ą la fin de l'entrevue, l'agent a conclu qu'en fait, il n'avait pas besoin de pareils renseignements puisqu'il a alors oralement informé le demandeur du rejet de la demande, mais avant que la décision soit confirmée par écrit, l'avocat a envoyé une lettre disant que les renseignements avaient été envoyés. Au cours du contre-interrogatoire, le demandeur a maintenu que les renseignements avaient été envoyés par l'entremise d'un service de messageries qui avait subséquemment fait faillite et qu'il n'existait aucun document indiquant le nom du service en question ou donnant d'autres détails ą son sujet. Quoi qu'il en soit, les renseignements n'ont pas été reēus.

[13]            La question de la norme de contrōle qui s'applique ą la décision discrétionnaire prise par un agent des visas a été examinée par la Cour d'appel dans le jugement To c. Canada (MCI)[2], qui a été rendu avant que la Cour suprźme du Canada fasse connaītre sa décision dans les récentes affaires Pushpanathan[3] et Baker[4]. Dans le jugement Hao c. Canada (MCI)[5], Madame le juge Reed a confirmé que la norme de contrōle ą appliquer ą l'appréciation que l'agent des visas effectue en vue de déterminer si une personne remplit les conditions nécessaires ą titre d'entrepreneur est la norme de la « décision raisonnable simpliciter » , c'est-ą-dire que dans la mesure oł la décision de l'agent des visas est raisonnable, la Cour fera preuve de retenue et qu'elle n'annulera pas la décision.


[14]            Ą mon avis, l'agent des visas n'a pas agi d'une faēon déraisonnable en arrivant aux conclusions qu'il a tirées. Le rendement passé des entreprises auxquelles l'appelant avait participé est pertinent lorsqu'il s'agit de savoir si celui-ci a les compétences nécessaires ą titre d' « entrepreneur » au sens du Rčglement sur l'immigration de 1978. Selon certains renseignements soumis par le demandeur, les entreprises auxquelles le demandeur participait ne semblaient pas trčs rentables. Des renseignements additionnels, sous la forme de déclarations de revenus, qui auraient apparemment été demandés et envoyés, auraient pu démontrer le contraire, mais ces renseignements n'ont pas été reēus. Eu égard aux circonstances, il n'était pas déraisonnable d'apprécier le succčs que le demandeur avait remporté en affaires par le passé. Les réserves que l'agent a exprimées au sujet de la capacité du demandeur d'établir et d'exploiter une entreprise rentable au Canada n'étaient pas déraisonnables et, compte tenu de la preuve, elles n'étaient pas dénuées de fondement. En outre, le dossier révčle que le demandeur n'avait pas enquźté avec diligence sur l'environnement commercial au Canada, en particulier en ce qui concerne l'entreprise précise qu'il se proposait d'exploiter. Le demandeur ne parlait pas couramment l'anglais. Il n'était pas déraisonnable de conclure que cela pourrait nuire ą l'établissement d'une entreprise au Canada, mźme si cet obstacle n'était pas nécessairement insurmontable.

[15]            Ą mon avis, les conclusions que l'agent des visas a tirées n'étaient pas déraisonnables. Il importe peu qu'un autre décideur eūt apprécié les faits et les facteurs en cause de la mźme faēon puisque les conclusions que l'agent des visas a tirées dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire sont raisonnables compte tenu de la preuve versée au dossier.

L'équité procédurale


[16]            Ą l'audience, l'avocat a soutenu qu'il y avait eu manquement ą l'équité procédurale parce que, mźme si l'avocat avait envoyé plusieurs lettres aprčs l'entrevue et mźme s'il avait demandé s'il était possible de fournir des renseignements additionnels ou s'il y avait des questions qui se posaient au sujet de la demande, l'agent des visas n'a pas répondu et on ne leur a pas donné la possibilité de fournir des renseignements additionnels. Dans un affidavit, l'agent des visas déclare qu'ą la suite de l'entrevue du 3 mars 1998, comme il a par la suite consigné la chose dans les notes du CAIPS ą l'aide des notes manuscrites qu'il avait prises ą ce moment-lą, le demandeur a été oralement mis au courant du rejet de la demande. Ą ce moment-lą, le demandeur ne semblait pas comprendre quelle était la décision. Cependant, mźme si c'était le cas, l'agent des visas n'est pas tenu d'examiner une demande pour faire connaītre les insuffisances et pour donner ą l'avocat ou au demandeur la possibilité de répondre d'une faēon plus détaillée aux questions qui se posent avant de prendre sa décision. L'omission de donner pareille possibilité ne constitue pas un manquement ą l'équité procédurale. En outre, le fait d'informer oralement le demandeur, ą la fin de l'entrevue, du rejet de la demande sans lui donner une possibilité additionnelle de présenter des observations ne constitue pas un manquement ą l'équité procédurale.

[17]            Ą l'audience, l'avocat du demandeur a soutenu que dans ce cas-ci, l'agent des visas aurait dū exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur de son client de faēon ą accorder le visa demandé en vertu du paragraphe 11(3) du Rčglement. Cette disposition confčre ą l'agent le pouvoir discrétionnaire d'accorder ou de refuser une demande indépendamment du nombre de points d'appréciation attribués ą la demande. Il est clair qu'il n'existe aucune obligation de le faire et que rien ne permet ą la Cour d'intervenir si l'agent n'exerce pas son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 11(3).

Conclusion

[18]            Pour les motifs énoncés, une ordonnance rejetant la demande est rendue.

[19]            L'avocat du demandeur a proposé la certification de la question ci-aprčs énoncée aux fins d'un examen par la Cour d'appel conformément au paragraphe 83(1) de la Loi :

[TRADUCTION]

Le ministre est-il tenu de veiller ą ce que les agents des visas qui examinent la demande de résidence permanente qu'un demandeur présente ą titre de membre de la catégorie des gens d'affaires, c'est-ą-dire ą titre d'entrepreneur ou d'investisseur, aient des connaissances de base en matičre commerciale, en vue d'apprécier l'expérience du demandeur?

L'avocat du ministre n'a pas approuvé cette question. Je ne suis pas convaincu que la présomption de fait sous-jacente, ą savoir que l'agent n'était pas en mesure de comprendre la demande du demandeur, soit ici établie; avec égards, la question ne se pose donc pas dans ce cas-ci de faēon ą permettre le rčglement de la présente affaire en appel.

                                                                                                                          W. Andrew MacKay                                

                                                                                                                                                    Juge                                            

Ottawa (Ontario)

Le 18 mai 2000

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                                         IMM-3495-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Yu-Kung Wang c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 2 mai 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE MacKAY EN DATE DU 18 MAI 2000

ONT COMPARU :

Marvin M. Moses                                             pour le demandeur

David Tyndale                                      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marvin M. Moses                                             pour le demandeur

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                             pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)



     [1] [1998] A.C.F. no 1368 (1re inst.).

[2][1996] A. C.F. no 696 (C.A.).

[3]Pushpanathan c. Canada (MCI), [1998] 1 R.C.S. 982.

[4]Baker c. Canada (MCI), [1999] 2 R.C.S. 817.

[5][2000] A.C.F. no 296 (1re inst.)

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