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Date : 20050803

Dossier : IMM-7186-04

Référence : 2005 CF 1058

Toronto (Ontario), le 3 août 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O=KEEFE

ENTRE :

                                               MOHAMMAD NASEEM SHARIFI

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L=IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L=ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s=agit d=une demande de contrôle judiciaire visée au paragraphe 72(1) de la Loi sur l=immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), concernant une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l=immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 23 juillet 2004, selon laquelle le demandeur n=est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.


[2]                Le demandeur demande à la Cour :

1.    de rendre une ordonnance annulant la décision;

2.    de déclarer qu=il est un réfugié au sens de la Convention;

3.    subsidiairement, d=ordonner que l=affaire soit renvoyée à un tribunal de la Commission différemment constitué;

4.    de rendre toute autre ordonnance qui lui paraît juste.

Contexte

[3]                Mohammad Naseem Sharifi (le demandeur) prétendait être un citoyen de l=Afghanistan qui craignait avec raison d=être persécuté du fait de sa race et de son appartenance à un groupe social. D=ethnie pachtoune, il craint d=être persécuté par les Tadjiks et par d=autres membres de l=ancienne Alliance du Nord.

[4]                Le demandeur prétendait avoir quitté l=Afghanistan en mai 2001 pour échapper aux talibans. Ayant suivi une formation de technicien dentaire, il travaillait dans une clinique dirigée par le comité suédois pour l=Afghanistan dans laquelle il traitait une femme. Les talibans l=auraient emprisonné pendant deux semaines, l=auraient battu et l=auraient forcé à signer un engagement de ne plus examiner les femmes. Il s=est enfui au Pakistan, où il est resté jusqu=en avril 2002.


[5]                Le demandeur alléguait être retourné en Afghanistan en avril 2002 étant donné que les talibans n=étaient plus au pouvoir. Le demandeur a découvert qu=un commandant tadjik local (Karim) avait saisi la terre de sa famille à Qarabaugh, en Afghanistan. Quatre associés armés de Karim l=ont battu et l=ont détenu pendant une semaine. Il a cependant réussi à s=échapper et a marché jusqu=à Kaboul. Il est demeuré chez un ami, a immédiatement vendu sa maison et s=est enfui à Peshawar, au Pakistan. Il a laissé son épouse et ses trois filles chez les parents de son épouse et elles l=ont rejoint une semaine plus tard. Le demandeur a quitté l=Afghanistan le 20 avril 2002, ou vers cette date. Il est arrivé à Toronto après un voyage qui aurait duré plus de trois mois et a demandé l=asile le 7 août 2002.

[6]                La demande du demandeur a été entendue le 22 mars 2004 et a été rejetée le 23 juillet 2004.

[7]                Il s=agit en l=espèce du contrôle judiciaire de cette décision.

Décision de la Commission

[8]                La Commission a statué que le demandeur n=avait pas produit suffisamment d=éléments de preuve crédibles et dignes de foi pour établir son identité, en particulier qu=il est un ressortissant de l=Afghanistan et uniquement de l=Afghanistan.


[9]                La Commission a relevé de nombreux problèmes au regard de la preuve documentaire et du témoignage du demandeur sur lesquels elle a fondé ses conclusions relatives à la crédibilité, notamment :

1.          le demandeur n=a pas reconnu le sens du * code Pashtunwali + dont il était question dans la preuve documentaire. Il s=agit du code social observé traditionnellement par les Pachtounes en Afghanistan;

2.          l=Afghan Association of British Columbia a conclu que le demandeur * est d=origine afghane +, mais non de nationalité afghane, une expression que, selon la preuve documentaire, l=association considère comme créant une relation plus officielle avec l=Afghanistan que celle de l=origine;

3.          le demandeur a indiqué dans son témoignage qu=il a fourni à l=association une photocopie de sa prétendue pièce d=identité afghane - la taskera - ainsi que le prétendu original de son permis de conduire afghan. L=association lui a toutefois posé des questions parce qu=il n=avait pas produit de pièce d=identité;

4.          la taskera du demandeur ne concorde pas avec la description des taskeras authentiques contenue dans la documentation objective fournie par un documentaliste du service d=immigration danois, étant donné que seulement la page couverture et la photographie du demandeur sur la quatrième page du document concordaient avec la description;

5.          la taskera du demandeur ne concorde pas avec la description contenue dans la documentation objective : elle est d=une couleur différente, le symbole national apparaît sur chaque page et non sur les pages 3 à 7 seulement, puis ou bien sa photographie ne figure pas sur la quatrième page ou bien le numéro de la carte d=identité est indiqué au verso, et non au recto, selon qu=on lit le document de gauche à droite ou de droite à gauche;

6.          la taskera du demandeur a apparemment été délivrée en 1994 par la * République islamique d=Afghanistan +; or, à l=époque, le gouvernement avait proclamé l=* État islamique d=Afghanistan + et ce n=est qu=en janvier 2004 que le pays a pris le nom de * République islamique d=Afghanistan +;

7.          le permis de conduire du demandeur aurait été délivré en septembre 1996 par la * République démocratique d=Afghanistan +, qui était le nom du pays d=avril 1978 à 1992, lorsque les moudjahidin ont pris le pouvoir;

8.          le demandeur aurait dû porter la barbe s=il avait vécu en Afghanistan, comme il dit l=avoir fait entre octobre 1996 et mai 2001; or, les seules photos où il apparaît avec une barbe ont été prises au Pakistan;


9.          une carte d=étudiant fournie par le demandeur avait été déchirée le long de la photo, laissant entrevoir la possibilité que la photo initiale ait été remplacée;

10.        le nom de l=école indiqué sur la carte d=étudiant est différent de celui inscrit par le demandeur dans son FRP;

11.        le demandeur ne ressemble pas à la personne figurant sur les photos de la carte d=étudiant ou des documents liés à la formation de technicien dentaire délivrés au Pakistan;

12.        les photos apposées sur la taskera de 1994 et sur le permis de conduire de 1996 sont identiques et la personne qu=on y voit ressemble au demandeur;

13.        le demandeur a indiqué toutes les dates dans le FRP selon le calendrier grégorien;

14.        le demandeur a commis des erreurs grossières quand on lui a demandé, à l=audience, de citer les dates selon le calendrier solaire afghan, et il n=a pas pu expliquer ces erreurs de manière satisfaisante;

15.        le demandeur n=a pas été en mesure de nommer les mois du calendrier lunaire utilisé par les talibans à l=époque où il vivait en Afghanistan;

16.        alors qu=il ne l=a pas indiqué dans son FRP, le demandeur a dit à l=audience qu=il parlait le dari, laissant croire ainsi qu=il modifiait son témoignage afin qu=il soit compatible avec le fait que cette langue est enseignée dans les écoles d=Afghanistan;

17.        une lettre soi-disant écrite par le comité suédois pour l=Afghanistan confirmait que le demandeur avait travaillé comme technicien dentaire en Afghanistan à compter du 1er septembre 1991, mais le demandeur a écrit dans son FRP qu=il avait commencé à occuper cet emploi en avril 1992, une incohérence qu=il n=a pas pu expliquer à la satisfaction de la Commission;

18.        la lettre du comité suédois pour l=Afghanistan ne mentionnait pas que le demandeur aurait travaillé à Sharkar, en Afghanistan, pendant ses quatre premières années de travail au sein de cette organisation, une autre incohérence que le demandeur n=a pas été en mesure d=expliquer à la satisfaction de la Commission;

19.        le demandeur a indiqué dans son témoignage que son frère a obtenu pour lui la lettre du comité suédois pour l=Afghanistan en 2001, lorsqu=il s=est rendu en Afghanistan pour aller chercher les enfants du demandeur après la prétendue fuite de ce dernier. Lorsqu=on lui a fait remarquer que la lettre était datée de 2003, le demandeur a modifié son témoignage pour laisser entendre que c=est la femme de son frère qui avait obtenu le document;


20.        la Commission a considéré que la lettre que la femme du demandeur aurait écrite à son mari dans laquelle elle ne cessait de répéter les noms des trois filles, comme si leur père ignorait cette information, * vis[ait] de toute évidence à servir les intérêts du demandeur d=asile et à broder sur son histoire +.

Questions en litige

[10]            Les questions en litige sont les suivantes :

1.          La piètre qualité de l=interprétation à l=audience relative à la demande d=asile du demandeur a-t-elle entraîné un déni de justice naturelle ou de justice fondamentale?

2.          La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant une conclusion défavorable au sujet de la fiabilité et de la véracité de la taskera du demandeur?

3.          La Commission a-t-elle commis une erreur en rendant sa décision sans tenir compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait?

Prétentions du demandeur

[11]            Question no 1

Le demandeur prétendait que l=interprète présent à son audience n=était pas compétent. Ce dernier a commis une erreur grave dans son interprétation. Selon les motifs de la Commission, le traducteur a parlé du mois de mars 2002 pour désigner le mois d=Hamal 1381 du calendrier afghan. La Commission a fait remarquer que cette date précédait d=environ un mois un événement important, car le demandeur prétendait être retourné en Afghanistan en avril 2002. En fait, le mois d=Hamal 1381 correspond à la période allant du 21 mars 2002 au 21 avril 2002. Cette erreur d=interprétation a amené la Commission à conclure que le demandeur n=était pas crédible.


[12]            Le demandeur prétendait également qu=un demandeur a droit à une interprétation fidèle et compétente lors de l=audience relative à sa demande d=asile (voir Mohammadian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), [2001] A.C.F. no 916 (1re inst.) (QL)). La demande de contrôle judiciaire devait donc être accueillie en raison de l=erreur d=interprétation sur laquelle la Commission s=est fondée.

[13]            Question no 2

Le demandeur prétendait que la Commission a commis une erreur en tirant une conclusion défavorable au sujet de la fiabilité de sa taskera. La Commission s=est appuyée sur la Réponse à une demande d=information no AFG29678.E pour tirer cette conclusion. Selon le demandeur, la Commission a commis une erreur en concluant que sa taskera n=était pas fiable en se fondant largement sur un seul document. Il soutenait que les conclusions de la Commission concernant les différences entre sa taskera et les références contenues dans le document, en particulier pour ce qui était de la couleur et de la numérotation des pages, étaient erronées.

[14]            La Commission a, sans raison, fait une supposition lorsqu=elle a décidé que la référence à la couleur dans le document * pourrait porter uniquement sur la couleur de la couverture de papier du livret + et elle s=est fondée sur cette supposition pour tirer une conclusion défavorable relativement à la taskera du demandeur. La Commission a commis une erreur en concluant que la taskera du demandeur ne correspondait pas non plus à la description figurant dans la preuve documentaire pour ce qui était de la numérotation des pages.


[15]            Contrairement à la conclusion de la Commission selon laquelle * [l]e numéro de la carte d=identité en chiffres arabes ne figure pas sur la première page, mais plutôt sur l=avant-dernière page +, le demandeur soutenait que la carte d=identité est un livret que l=on doit lire de droite à gauche en commençant par la fin, de sorte que le numéro de la carte figure sur la première page et non à la fin. La Commission a mal interprété la preuve qui lui avait été présentée.

[16]            Le demandeur prétendait également que, à la fin de l=audience, la Commission a conservé les originaux de ses documents, sans toutefois en vérifier l=authenticité. La Commission avait l=obligation de faire en sorte que les documents soient vérifiés si elle avait des doutes au sujet de leur authenticité. La Commission n=a pas agi de manière équitable en concluant que la taskera n=était pas fiable sans la faire vérifier par des experts.

[17]            Question no 3

Le demandeur prétendait que la Commission a commis une erreur dans son évaluation de la lettre fournie par l=Afghan Association of British Columbia, en indiquant d=abord que le demandeur n=avait pas été en mesure d=établir qu=il était un ressortissant afghan à la satisfaction de cette association, puis en déclarant tout de suite après que l=association avait conclu que l=Afghanistan était le pays d=origine du demandeur.


[18]            Le demandeur prétendait également que la Commission a mal interprété la preuve relative à son permis de conduire en déclarant que, même s=il disait avoir montré son permis de conduire à l=association, il ressortait de son FRP que le document n=était pas en sa possession au Canada. Il soutenait que la lettre de l=association était datée du 9 octobre 2003 et que son FRP indique qu=il prévoyait recevoir son permis de conduire afghan au plus tard le 31 octobre 2002. Ainsi, selon son FRP, le demandeur avait déjà dû recevoir son permis afghan au moment de sa rencontre avec l=association.

Prétentions du défendeur

[19]            Question no 1

Le défendeur soutenait que jamais le demandeur ou son conseil n=ont fait savoir que le demandeur avait de la difficulté à comprendre l=interprète ou vice versa. Le demandeur a indiqué dans son FRP que l=anglais était sa deuxième langue. Si la traduction était d=une si piètre qualité qu=elle compromettait l=équité de l=audience, le demandeur en aurait vraisemblablement parlé à son avocat.

[20]            Même si le demandeur a raison quant à la seule erreur de traduction qui aurait été commise, la Commission a indiqué que la lettre minait * encore davantage + la crédibilité du demandeur, laissant ainsi sous-entendre que cette crédibilité était déjà compromise.

[21]            Le défendeur faisait valoir que la Commission a expliqué longuement dans ses motifs la preuve sur laquelle elle s=appuyait pour conclure que la preuve présentée par le demandeur pour établir son identité n=était pas suffisamment crédible ou digne de foi.


[22]            Le défendeur soutenait que le demandeur pouvait contester les conclusions tirées par la Commission à l=égard de la preuve documentaire et de son témoignage, mais qu=il ne suffit pas qu=il démontre, en se fondant sur des détails concernant les faits, que d=autres conclusions auraient raisonnablement pu être tirées. La Commission avait suffisamment de doutes au sujet des pièces d=identité du demandeur pour étayer sa décision. Elle a fait part des nombreuses préoccupations que lui causaient les incohérences internes et externes de la preuve produite par le demandeur pour établir son identité.

[23]            La Commission pouvait évaluer la crédibilité des éléments de preuve produits par le demandeur pour établir son identité et tirer des conclusions défavorables à cause des incohérences et des invraisemblances contenues dans la preuve. Il n=est pas nécessaire que chaque élément de preuve soit examiné séparément. Il suffit que la Commission tire des conclusions concernant la crédibilité fondées sur l=ensemble de la preuve, dans la mesure où celle-ci peut étayer la décision (voir Alibali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), 2004 CF 657).

Dispositions pertinentes de la loi

[24]            L=article 96 et le paragraphe 97(1) de la LIPR définissent les notions de * réfugié au sens de la Convention + et de * personne à protéger + :


96. A qualité de réfugié au sens de la Convention C le réfugié C la personne qui, craignant avec raison d=être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

. . .

. . .

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n=a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s=il y a des motifs sérieux de le croire, d=être soumise à la torture au sens de l=article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d=autres personnes originaires de ce pays ou qui s=y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes C sauf celles infligées au mépris des normes internationales C et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l=incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Analyse et décision

[25]            Norme de contrôle

La norme de contrôle applicable aux questions de crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable.

[26]            Question no 1

La piètre qualité de l=interprétation à l=audience relative à la demande d=asile du demandeur a-t-elle entraîné un déni de justice naturelle ou de justice fondamentale?


Le demandeur prétendait qu=il y a eu déni de justice naturelle parce que l=interprétation était de piètre qualité. Il faisait valoir plus particulièrement que l=interprète a fait une erreur en déclarant qu=un certain incident était survenu au cours du mois d=Hamal 1381 et en considérant que ce mois correspondait au mois de mars 2002. J=ai examiné la transcription de la preuve et je suis convaincu que l=interprète a correctement traduit Hamal 1381 par avril 2002 et non par mars 2002. C=est la Commission qui a indiqué que l=incident s=était produit en mars 2002. Elle a conclu que, comme le demandeur n=était pas retourné en Afghanistan avant avril 2002, il s=agissait d=une autre raison de considérer qu=il n=était pas crédible. Il est vrai que la Commission s=est trompée sur ce point, mais elle a donné de nombreuses autres raisons de douter de la crédibilité du demandeur. Cette raison n=est pas suffisante pour infirmer la décision de la Commission.

[27]            Question no 2

La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant une conclusion défavorable au sujet de la fiabilité et de la véracité de la taskera du demandeur?

Pour conclure que la taskera (carte d=identité officielle) du demandeur n=était pas authentique, la Commission s=est fondée sur la Réponse à une demande d=information AFG29678.E (page 48 du dossier du demandeur), qui contenait des renseignements tirés d=un rapport de juillet 1998 émanant du service d=immigration danois. Le rapport indiquait notamment ce qui suit :

[TRADUCTION] La taskera est un livret de 16 pages à couverture de papier. La page couverture porte le symbole national de l=Afghanistan et on peut y lire le nom du pays et la nature du document (p. ex. pièce d=identité). On peut voir sur la première page le symbole national du pays, un texte et le numéro de la carte d=identité en chiffres arabes, le tout présenté dans un cadre rose ou tirant sur le rouge. Les pages 2, 3 et 4 sont blanches.

Les pages 3 à 7 sont roses ou d=une couleur tirant sur le rouge et le symbole national figure au milieu, sauf pour ce qui est de la page 4. La photo du détenteur de la carte se trouve à la page 4. Les pages 8 à 16 sont blanches.

[...] Chaque taskera a son propre numéro de série.

Les talibans et l=Alliance du Nord délivrent des cartes d=identité. Le directeur ne pouvait pas donner de précisions sur la différence entre les tazkiras délivrées par les talibans et celles délivrées par l=Alliance du Nord.

Le directeur a indiqué que les différences entre les tazkiras reflètent les changements de gouvernement survenus en Afghanistan entre 1973 et 1998. Il ne pouvait pas décrire en détail toutes les modifications apportées aux tazkiras depuis 1973, mais il a ajouté que les principaux changements concernaient la couleur du document, l=emblème national et le nom complet du pays.


[28]            Le demandeur prétendait que la Commission a commis une erreur en s=appuyant sur cette Réponse à une demande d=information pour conclure que sa taskera n=était pas authentique et une autre erreur en établissant une distinction sur la foi de la numérotation des pages et de la couleur. Bien que ces prétentions soient plausibles, la Commission pouvait également tirer les conclusions auxquelles elle est arrivée à cet égard.

[29]            Même si les prétentions du demandeur étaient acceptées, la Commission a relevé un autre problème important concernant sa taskera, problème qui est en soi suffisant pour maintenir sa conclusion sur le manque d=authenticité du document. La Commission a écrit :

Il convient également de se pencher sur la question du nom complet du pays utilisé par le gouvernement qui a délivré la taskera. Selon la traduction, la taskera du demandeur d=asile a été délivrée par la République islamique de l=Afghanistan. Toutefois, il ressort de la preuve documentaire que le gouvernement moudjahidin dirigé par le président Rabbani [c=est à cette époque que, selon le demandeur, sa taskera a été délivrée] a été proclamé sous le nom d=* État islamique de l=Afghanistan +. Même le demandeur d=asile a donné cette information exacte durant l=audience. Cependant, le terme différent utilisé sur sa taskera est important, car les talibans ont ensuite surnommé le pays Émirat islamique de l=Afghanistan, et en vertu de la nouvelle constitution adoptée en janvier 2004, le pays porte maintenant le nom de République islamique de l=Afghanistan. La Section de la protection des réfugiés estime que le nom complet du pays sur la présumée taskera du demandeur d=asile n=est pas compatible avec sa preuve selon laquelle elle a été délivrée par le gouvernement Rabbani.


[30]            De plus, la Commission a constaté que le symbole national figurait sur chaque page. Par conséquent, même si les prétentions du demandeur étaient acceptées, la décision de la Commission, compte tenu des autres problèmes touchant la taskera, est étayée par le dossier. La Commission a fait part de ses doutes au sujet de l=authenticité de ce document au cours de l=audience. Le demandeur n=a cité aucune décision faisant autorité pour étayer sa prétention selon laquelle il incombe à la Commission de faire vérifier une pièce d=identité par un expert si elle a des doutes au sujet de son authenticité. En fait, le juge Joyal a statué, dans Culinescu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), [1997] A.C.F. no 1200 (1re inst.) (QL), que la Commission n=a pas l=obligation de faire examiner un document par des experts si elle dispose d=une preuve suffisante pour douter de son authenticité.

[31]            Question no 3

La Commission a-t-elle commis une erreur en rendant sa décision sans tenir compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait?

Le demandeur prétendait que la Commission a commis une erreur dans son évaluation de la lettre du 9 octobre 2003 fournie par l=Afghan (Benevolent) Association of British Columbia. La lettre indiquait que l=association avait déterminé, après l=avoir interrogé, que le demandeur était d=origine afghane. Elle indiquait également que toute personne d=origine afghane résidant en Colombie-Britannique pouvait être membre de l=association.

[32]            Le document CAN41859.E, daté du 21 novembre 2003, renfermait des renseignements fournis par le président de l=association (qui est l=auteur de la lettre du 9 octobre 2003), Khair Niru. Ce document indiquait que l=association n=acceptait une personne comme membre que si elle était convaincue que cette personne était de nationalité afghane.


[33]            Les raisons pour lesquelles la Commission a considéré qu=il y avait une différence entre nationalité et origine, selon le libellé de la lettre et du document, ne sont pas claires. La lettre indiquait que le demandeur était membre de l=association, et même si elle énonçait qu=il était d=origine afghane, il n=aurait pas pu, selon le document, devenir membre de l=association si elle n=avait pas considéré qu=il était de nationalité afghane.

[34]            Le demandeur soutenait en outre que la Commission a mal interprété la preuve relative à son permis de conduire lorsqu=elle a mentionné qu=il disait avoir montré ce document à l=association alors que celui-ci n=était pas encore en sa possession au Canada selon son FRP. La Commission a effectivement commis une erreur à cet égard puisque le demandeur a indiqué dans son FRP qu=il prévoyait recevoir de son frère son permis de conduire au plus tard le 31 octobre 2002, soit avant sa rencontre avec l=association. Le demandeur faisait valoir qu=il avait remis une photocopie de la taskera et une photocopie de son permis de conduire afghan à l=association. La Commission a conclu que * selon la prépondérance des probabilités, le demandeur d=asile n=a pas vraiment soumis ces pièces à l=association afghane, ou bien que celle-ci les a regardées, mais a choisi de lui poser des questions pour vérifier sa nationalité, après avoir tranché que ces pièces ne prouvaient pas sa nationalité afghane +.

[35]            Ainsi, la Commission ne semble pas s=être appuyée de façon particulière sur le fait que le demandeur avait ou non son permis de conduire. Le fait que la Commission a commis une erreur n=aide en rien le demandeur. Aucune erreur susceptible de contrôle n=a été commise à cet égard.


[36]            Le demandeur soutenait que la décision de la Commission ne pouvait être maintenue à cause de ces erreurs. Je ne partage pas son avis. La Commission a relevé de nombreuses autres incohérences dans sa décision - elles sont décrites au paragraphe 9 ci-dessus - qui sont suffisantes pour étayer sa décision.

[37]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[38]            Aucune partie n=a souhaité soumettre une question grave de portée générale à des fins de certification.

                                        ORDONNANCE

[39]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                          * John A. O=Keefe +                     

                                                                                                     Juge                                    

Traduction certifiée conforme

D. Laberge, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-7186-04

INTITULÉ :                                                                MOHAMMAD NASEEM SHARIFI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L=IMMIGRATION

LIEU DE L=AUDIENCE :                                        VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L=AUDIENCE :                                       LE 10 MARS 2005

MOTIFS DE L=ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LE JUGE O=KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                               LE 3 AOÛT 2005

COMPARUTIONS :

Mishal Abrahams                                                           POUR LE DEMANDEUR

Keith Reimer                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mishal Abrahams                                                           POUR LE DEMANDEUR

Surrey (Colombie-Britannique)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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