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Date : 20011003

Dossier : T-66-86A

                                                    Référence neutre : 2001 CFPI 1089

ENTRE :

                                                         

BERTHA L'HIRONDELLE, agissant en son propre nom

et en celui de tous les autres membres de la bande indienne de Sawridge

demandeurs

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

- et -

LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA,

LE NATIVE COUNCIL OF CANADA (ALBERTA)

et LA NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF ALBERTA

intervenants

ET

Dossier : T-66-86B

ENTRE :

         BRUCE STARLIGHT, agissant en son propre nom et

en celui de tous les autres membres de la bande indienne de Sarcee

                                                                                               demandeurs

                                                    - et -

                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                           défenderesse


                                                    - et -

LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA,

           LE NATIVE COUNCIL OF CANADA (ALBERTA)

et LA NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF ALBERTA

                                                                                              intervenants

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                         (prononcés à l'audience à Edmonton

                             (Alberta), le 28 septembre 2001)

LE JUGE HUGESSEN

[1]    J'ai devant moi ce matin trois requêtes : la première est présentée par l'intervenant, la Non-Status Indian Association of Alberta, qui me demande de fixer immédiatement la date du procès et d'imposer un échéancier très strict de façon à obliger les demandeurs et la défenderesse à aller de l'avant dans ce dossier et de le mettre en état d'être instruit parce que cette instance dure déjà depuis trop longtemps. Une des deux autres requêtes est présentée par les demandeurs qui sollicitent un autre affidavit de documents, plus complet, ainsi que l'autorisation de procéder à un contre-interrogatoire sur l'affidavit de documents et sur d'autres questions connexes. La dernière requête est une requête incidente présentée par la Couronne qui demande l'autorisation de retirer le premier affidavit de documents supplémentaire qui a été déposé en janvier de l'année courante et la prorogation du délai imparti pour le dépôt d'un affidavit de documents supplémentaire dans le deuxième de ces dossiers, le dossier T-66-86B, ainsi qu'une prorogation du délai accordé pour déposer un certificat aux termes de l'article 39.


[2]                 Je vais d'abord examiner la requête des demandeurs. J'estime que les demandeurs n'ont pas démontré qu'il y avait lieu d'ordonner la production d'un autre affidavit de documents, ni de contre-interroger l'auteur d'un tel affidavit. L'avocat des demandeurs m'a signalé ce qu'il appelle des lacunes dans les documents produits ou mentionnés dans l'affidavit. Je ne suis pas convaincu qu'il y ait des lacunes. En fait, je constate, en examinant les éléments de preuve versés au dossier, que de la façon dont a été effectué l'interrogatoire, il est possible de conclure que le premier affidavit de documents supplémentaire était vraiment très mal conçu et que, depuis lors, la Couronne a déployé beaucoup d'efforts pour tenter de produire tous les documents qu'elle a en sa possession ou dont elle connaît l'existence, et c'est ce qu'elle a fait. Il ne sert à rien aux demandeurs de me faire remarquer que le déposant Pascuzzi, qui a été chargé de préparer la liste des documents, reconnaît que cette opération est encore « en cours » . Il suffit de considérer le volume des documents dont il s'agit, la période historique concernée et la complexité des questions en litige pour admettre que la production d'un affidavit de documents par la Couronne dans une affaire comme celle-ci sera pratiquement constamment en cours et j'interprète, comme la Couronne m'y invite à juste titre, les admissions faites par le déposant, la personne chargée de préparer ces documents, comme une indication, rien de plus, qu'il est pratiquement certain que d'autres documents seront découverts au cours des recherches notamment historiques qui seront effectuées par la suite. Il n'existe aucune raison de consacrer du temps et de l'argent à un contre-interrogatoire dilatoire du déposant de l'affidavit.



[3]                 L'avocat des demandeurs attire également mon attention sur ce qui semble, à première vue du moins, être des demandes de privilège à l'égard du deuxième affidavit de documents supplémentaire qui ne sont pas fondées. Là encore, je ne pense pas que cela constitue un motif permettant de contre-interroger le déposant d'un affidavit qui, d'après mon expérience, ne risque guère de jeter quelque lumière que ce soit sur les demandes de privilège à l'égard de l'affidavit de documents. Il est tout à fait normal que le déposant d'un affidavit de documents se fie aux conseils que lui donne son avocat pour déterminer quels sont les documents qui devraient être visés par un privilège. Si les demandeurs souhaitent contester ces revendications de privilège, la première chose à faire est de communiquer avec les avocats de la Couronne et de leur faire connaître ces préoccupations. Les avocats devraient être capables de résoudre la plupart de ces difficultés entre eux. En fait, ils devraient réussir à résoudre toutes ces difficultés entre eux. Néanmoins, si par la suite, la Cour doit examiner certains documents, opération qu'elle ne peut certainement pas accomplir aujourd'hui puisque ces documents n'ont pas été déposés au greffe, cela peut se faire et je pense que la façon la plus pratique de procéder est de présenter une requête en vertu de la règle 369, parce que ce sera moi qui devra regarder et lire les documents, et comme les avocats le savent, je ne peux pas lire ces documents moi-même, je dois utiliser un lecteur optique. Il serait beaucoup plus simple que l'on me remette la liste des documents, les documents eux-mêmes et les prétentions des avocats des deux parties de façon à ce que je puisse examiner les documents et déterminer si la revendication de privilège est fondée. Cela peut se faire rapidement et facilement, et même peut-être par quelqu'un d'autre que moi.

[4]                 Voilà qui m'amène à la requête incidente de la Couronne. Celle-ci demande, comme je l'ai dit, tout d'abord l'autorisation de retirer le premier affidavit de documents supplémentaire qui a été signifié en janvier de l'année courante. Cet affidavit est manifestement erroné, pour toute une série de raisons. Il a manifestement été très mal préparé. Les éléments dont je dispose ne me permettent pas de déterminer exactement d'où vient ce problème. Il semble qu'il y ait eu une série d'erreurs commises par différentes personnes, dont la Couronne assume l'entière responsabilité, comme elle le doit. Cela me convainc également du fait que le premier affidavit de documents supplémentaire a été remis de façon involontaire; il devrait donc être retiré et ne plus être utilisé. Les demandeurs m'invitent à déclarer qu'il faut voir là une manoeuvre malhonnête de la part de la Couronne ou que sa conduite suscite des soupçons. Je rejette cet argument, non seulement parce qu'aucun élément de preuve ne le conforte, mais également parce qu'il est contraire au bon sens. La Couronne ne pourrait retirer aucun avantage de la falsification du premier affidavit de documents supplémentaire. Je note également que c'est la Couronne qui a elle-même attiré l'attention de tous les intéressés sur les erreurs contenues dans cet affidavit. Je le répète, je suis tout à fait convaincu que ce document a été signifié par erreur et qu'il devrait être retiré du dossier; il n'en sera plus fait mention.


[5]                 Cela m'amène aux autres demandes présentées par la Couronne, la première concernant la signification d'un autre affidavit de documents supplémentaire dans la cause de Starlight, (le deuxième affidavit supplémentaire qui a été signifié concernait uniquement la cause de L'Hirondelle). Il semble que les parties s'entendent sur le fait qu'il sera possible de signifier cet affidavit dans les 30 jours et une ordonnance en ce sens sera donc rendue.

[6]                 L'autre prorogation de délai sollicitée par la Couronne soulève une question beaucoup plus grave. Elle demande une prorogation du délai dans lequel la Couronne peut produire un certificat aux termes de l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada pour s'opposer à la divulgation de certains documents pour le motif qu'ils contiennent des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada.


[7]                 Je note que la présente affaire a commencé il y a maintenant 15 ans. Je note également qu'une ordonnance prévoyant la tenue d'un nouveau procès a été rendue il y a plus de cinq ans. Je note que j'ai ordonné il y a plus d'un an que la Couronne produise son affidavit de documents le 1er février de l'année courante. Je note que si l'affidavit a été signifié et a été, comme je l'ai dit, très mal préparé, ce n'est que le 4 mai de l'année courante que la Couronne a pris connaissance de ce fait après qu'on ait attiré son attention sur cet aspect. On me demande aujourd'hui d'accorder une autre prorogation de six mois pour que la Couronne prenne les mesures qui s'imposent et présente correctement un certificat aux termes de l'article 39. Je ne suis pas du tout impressionné par le jargon administratif que l'on retrouve dans les affidavits de la Couronne au sujet des délais dont elle aurait besoin pour obtenir un certificat de l'article 39. L'article 39 est une disposition législative draconienne. Elle empêche la Cour d'examiner les documents qui sont visés par cette disposition. Naturellement, la Cour tient compte du fait que l'article 39 vise à protéger l'intérêt public en accordant au greffier du Conseil privé un délai raisonnable pour décider s'il y a lieu de s'opposer à la divulgation de certains documents. La Cour doit néanmoins tenir compte d'autres considérations, et il convient de ne pas oublier que dans cette affaire, comme cela est fréquent, la Couronne agit ici en tant que plaideur et aussi en tant que dépositaire de l'intérêt public et des documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada. La Couronne, lorsqu'elle agit comme plaideur, doit respecter ses obligations et produire les documents demandés en temps utile. La Couronne a déjà bénéficié d'un délai très généreux pour décider s'il y avait lieu de présenter des objections aux termes de l'article 39. Je ne lui accorderai pas six mois supplémentaires. L'avocat des demandeurs propose 30 jours. Ce délai est peut-être un peu serré et je suis donc disposé à lui accorder un mois et demi, soit jusqu'au 16 novembre 2001. Par contre, si, le 16 novembre, aucun certificat aux termes de l'article 39 n'a été présenté par la Couronne, celle-ci sera tenue de remettre aux demandeurs ce jour-là des copies de tous les documents qu'elle a refusé de divulguer jusqu'ici pour le motif qu'ils sont susceptibles d'être visés par le privilège de l'article 39.


[8]                 J'en viens maintenant à la requête présentée par la Non-Status Indian Association of Alberta. Tout d'abord, j'accepte, sans aucune réserve, que l'intervenant et les autres ont un intérêt suffisant pour présenter une requête en vue d'obtenir que cette cause soit instruite. Cette affaire ne dure que depuis trop longtemps. Ni les demandeurs, ni la Couronne défenderesse n'ont manifesté, si ce n'est en faisant de pieuses déclarations intéressées, la moindre volonté de faire avancer le dossier. Il me semble presque incroyable qu'une affaire qui a donné lieu à près de 80 journées d'instruction, dans laquelle un nouveau procès a été ordonné il y a près de cinq ans, est aujourd'hui encore aussi peu en état d'être instruite qu'elle ne l'était le jour où le nouveau procès a été ordonné. Les parties ont, et j'utilise ce mot à dessein, gaspillé le temps dont elles disposaient. Je suis tout à fait convaincu que la seule façon de m'acquitter du devoir que m'impose la règle 3 des Règles de la Cour fédérale (1998) est de leur imposer un échéancier et des délais très serrés. Cela dit, je ne suis pas disposé à accorder ce que demande la requête et à fixer aujourd'hui une date pour l'instruction de la cause. Je ne dispose pas des éléments qui me permettraient d'évaluer utilement la durée probable du procès. Je vais néanmoins prendre un certain nombre de dispositions qui vont obliger les parties à faire avancer les choses. Il est évident que les ordonnances que j'ai rendues jusqu'ici n'ont dans l'ensemble pas été respectées et n'ont pas réussi à faire avancer les choses. C'est pourquoi je me propose de prendre un certain nombre de mesures.


[9]                 Tout d'abord, je vais circonscrire la durée des interrogatoires préalables. Tous les interrogatoires devront être terminés le 1er mai 2002. Chaque partie sera chargée de fixer la date de ses propres interrogatoires et d'envoyer les avis nécessaires pour obliger les témoins et leurs avocats à y assister. En cas de conflit de dates, la priorité sera accordée à la demande ayant été signifiée en premier.

[10]            Les demandeurs auront le droit de tenir 23 journées, de cinq heures chacune au maximum, d'interrogatoire préalable. La Couronne défenderesse, qui a déjà eu trois jours d'interrogatoire préalable, aura droit à 20 journées. Chaque intervenant aura le droit de procéder à trois jours d'interrogatoire préalable.

[11]            Le témoin doit répondre à toutes les questions visées par une objection, sa réponse étant fournie sous réserve de l'objection. Il ne peut refuser de répondre qu'en cas de revendication de privilège, laquelle doit faire l'objet d'une requête distincte. Il sera donné suite immédiatement aux engagements pris, et, de toute façon, tous les engagements devront avoir été exécutés avant le 15 mai 2002. Lorsque je dis immédiatement pour les autres engagements, la règle générale sera d'accorder un délai d'un mois à partir du jour où l'engagement a été pris.


[12]            Je rappelle aux parties qu'en cas de défaut d'exécuter un engagement dans un délai raisonnable, les actes de procédure pertinents risquent d'être radiés et la Cour a l'intention d'imposer cette sanction si les examens et les interrogatoires ne sont pas effectués dans un délai raisonnable. Toutes les requêtes découlant des interrogatoires préalables devront être présentées conformément à la règle 369 et déposées au plus tard le 3 juin 2002. Ces requêtes peuvent bien sûr être déposées plus tôt, mais aucune requête ne pourra être déposée après cette date.

[13]            Le 15 juillet 2002, ou vers cette date, les demandeurs s'engagent à signifier et à déposer une demande de conférence préparatoire au procès à laquelle seront joints les rapports des experts qu'ils se proposent de citer au procès, ainsi que la liste complète et détaillée des témoins qu'ils se proposent de faire entendre, avec, pour chacun d'eux, un résumé du témoignage que ces témoins fourniront au procès.

[14]            Le 16 septembre 2002 ou vers cette date, la défenderesse et les intervenants procéderont de la même façon, à savoir, ils déposeront un mémoire de conférence préparatoire au procès, ils signifieront les rapports des experts ainsi que la liste des témoins et le contenu de leur témoignage. Il y aura une conférence préparatoire au procès qui sera tenue en un lieu qui sera fixé plus tard, et que je présiderai les 16 et 17 octobre 2002.

[15]            Je ne suis pas encore en mesure de fixer les dates du procès, mais je pense que les avocats devraient envisager un délai d'environ six mois après la conférence préparatoire au procès.


[16]            Pour ce qui est des dépens relatifs à la requête de la Non-Status Indian Association of Alberta, aucuns dépens ne seront adjugés contre qui que ce soit ni pour qui que ce soit. Pour ce qui est des deux requêtes présentées par les demandeurs, d'une part, et par la défenderesse, de l'autre, s'il est vrai que les demandeurs n'ont pas obtenu gain de cause sur ces requêtes, il est incontestable que cette série d'événements regrettables est due à la négligence des personnes qui relèvent de la Couronne. Par conséquent, les demandeurs pourront recouvrer les dépens des deux requêtes entendues aujourd'hui, selon l'échelle de la colonne 5, et ils seront taxés en conséquence.

                                                                            « James K. Hugessen »          

                                                                                                             Juge                          

Ottawa (Ontario)

le 3 octobre 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                        T-66-86A         Et          T-66-86B

INTITULÉ DE LA CAUSE :             T-66-86A Bertha L'Hirondelle et autres c. Sa Majesté la Reine c. Conseil national des autochtones et autres

T-66-86B Bruce Starlight et autres c. Sa Majesté la Reine c. Conseil national des autochtones et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 28 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Monsieur le juge Hugessen

DATE DES MOTIFS :                        Le 3 octobre 2001

COMPARUTIONS :

M. Martin J. Henderson                          POUR LE DEMANDEUR, Bruce Starlight

M. Philip P. Healey

Mme Catherine Twinn              POUR LA DEMANDERESSE, Bertha L'Hirondelle et autres

M. Ed Pundyk                           POUR L'INTERVENANT, le Conseil national des

M. Jeff Purchase                                      autochtones du Canada

M. Patrick Hodgkinson              POUR LA DÉFENDERESSE, la Couronne

Mme Kathleen Kohlman

M. Michael J. Donaldson                        POUR L'INTERVENANT, la Non-Status Indian Association of Alberta

M. Jon Faulds                                        POUR L'INTERVENANT, le Native Council of Canada (Alberta)

Mme Mary Ebert                                      POUR L'INTERVENANTE, l'Association des femmes autochtones du Canada


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aird & Berlis                                            POUR LE DEMANDEUR, B. Starlight

Toronto (Ontario)

Catherine Twinn                                      POUR LA DEMANDERESSE, B. L'Hirondelle

Slave Lake (Alberta)

Morris Rosenberg                                    POUR LA DÉFENDERESSE, la Couronne

Sous-procureur général du Canada

Lang Michener                           POUR L'INTERVENANT, le Conseil national des

Toronto (Ontario)                                    autochtones du Canada

Burnett Duckworth & Palmer     POUR L'INTERVENANT, la Non-Status Indian

Calgary (Alberta)                                     Association of Alberta

Field Atkinson Perraton                          POUR L'INTERVENANT, la Native Council of

Edmonton (Alberta)                                 Canada (Alberta)

Eberts Symes Street & Corbett POUR L'INTERVENANTE, l'Association des

Toronto (Ontario)                                    femmes autochtones du Canada

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