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                                                                                                                                            Date : 20020118

                                                                                                                                Dossier : IMM-1321-01

                                                                                                                 Référence neutre : 2002 CFPI 36

Entre :

                                            ZULMIRA LIZETE DA SILVA

                                                                                                                    Demandeur

                                                               - et -

                                       MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                               ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                     Défendeur

                                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 19 février 2001 par la Section du statut de réfugié statuant que la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]         La demanderesse est citoyenne de l'Angola. Elle allègue avoir été persécutée dans ce pays en raison de son appartenance à un groupe social.

[3]         La Section du statut de réfugié a refusé de reconnaître à la demanderesse le statut de réfugiée, concluant qu'elle n'était pas crédible quant au bien-fondé de sa crainte objective et subjective. Elle soulève les motifs suivants à l'appui de sa décision :


-           La demanderesse est sortie de l'Angola et est retournée y vivre à cinq reprises. De plus, elle n'a pas revendiqué le statut de réfugiée lorsqu'elle se trouvait dans des pays signataires de la Convention relative au statut des réfugiés.

-           La demanderesse prétend qu'elle est sortie de l'Angola et y est retournée à deux reprises : après le viol de son amie en 1998 et lorsque son père était malade et mourant. Après le décès de son père, elle est restée en Angola pour dix mois en attente de son héritage. La Section du statut est d'avis qu'elle aurait pu emprunter de l'argent et payer sa dette plus tard grâce à son héritage.

-           La Section du statut de croît pas que le viol de la demanderesse a contribué à son échec scolaire. Celle-ci avait échoué et repris le 8e année à trois reprises avant le viol de 1992.

-           La Section du statut accepte la plausibilité que la demanderesse ait subi les conséquences d'un viol en 1992, toutefois, elle n'a jamais eu recours aux services d'un médecin ni d'un thérapeute.

-           La prétention de la demanderesse qu'elle n'ait pas déclaré au point d'entrée le vrai motif de sa revendication parce que cela aurait été trop long à raconter n'est pas crédible.

-           La prétention que la demanderesse était gênée de relater son viol à un agent de l'immigration n'est pas crédible.

-           La prétention que la demanderesse avait l'intention de raconter sa situation plus tard ne satisfait pas la Section du statut. La demanderesse aurait pu en une seule phrase mentionner le viol.

-           La Section du statut est d'avis que la demanderesse voulait immigrer au Canada et qu'elle a utilisé l'événement malheureux survenu en 1992 pour le faire.


[4]         La seule véritable question en litige en l'espèce est celle de la crédibilité de la demanderesse, compte tenu des invraisemblances et omissions dans sa preuve et vu en outre qu'à partir de 1992, elle est sortie de l'Angola et y est retourné à cinq reprises. Le critère de retenue applicable en regard d'une décision de crédibilité par un tribunal spécialisé a été bien exprimé par la Cour d'appel fédérale dans Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315, à la page 316 :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité le caractère déraisonnable d'une décision peut-être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontre que les inférences tirées ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau.

[5]         Après avoir considéré les arguments de la demanderesse et après avoir relu la transcription de l'audition devant la Section du statut, je ne suis pas convaincu que la décision de ce tribunal soit fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition (paragraphe 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7).

[6]         Je trouve sans mérite l'argument de la demanderesse voulant que la conclusion sur la crédibilité soit basée sur une seule omission, soit celle du viol non déclaré au point d'entrée. D'abord, l'admissibilité en preuve de semblable fiche d'interrogatoire au point d'entrée est bien établie (voir Al Dalawi c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (5 août 1999), IMM-6394-98 et Begum c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (29 septembre 2000), IMM-5863-99). L'omission d'y indiquer l'événement survenu en 1992 porte sur des faits que la demanderesse estime au noyau de sa revendication. L'omission doit également être considérée dans le contexte des invraisemblances reliées à son témoignage.


[7]         Finalement, la Section du statut a reproché à la demanderesse son défaut de revendiquer le statut de réfugié pendant qu'elle était à quatre reprises dans des pays signataires de la Convention. La demanderesse a notamment séjourné une longue période de temps au Portugal, où résident ses deux soeurs depuis plusieurs années. Le juge MacKay dans l'affaire Ilie c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (22 novembre 1994), IMM-462-94, a conclu « qu'un revendicateur devrait profiter de la première occasion où il se trouve dans un pays signataire de la Convention ou du Protocole de 1967 pour revendiquer le statut de réfugié » . À ce même sujet il a ajouté ce qui suit :

Enfin, à mon avis, le tribunal était fondé à tenir compte de l'omission de la demanderesse de revendiquer le statut de réfugié dans d'autres pays au cours de son voyage en Europe de juillet 1992 à janvier 1993, et à examiner comment la preuve de la demanderesse devait être appréciée eu égard à cette omission.

[8]         Plus récemment, le juge en chef adjoint Lutfy a ajouté ce qui suit dans l'affaire Gavryushenko c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (26 juillet 2000), IMM-5912-99 :

Le fait qu'une personne ne saisit pas la première occasion pour revendiquer le statut de réfugié dans un pays signataire peut être un facteur pertinent dans l'appréciation de sa crédibilité, sans constituer pour autant une renonciation à son droit de le réclamer dans un autre pays.

[9]         Dans les circonstances, finalement, je suis d'avis que la demanderesse ne s'est pas déchargée de son fardeau de démontrer que les inférences tirées par le tribunal spécialisé que constitue la Section du statut de réfugié étaient déraisonnables.

[10]       En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                         

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 18 janvier 2002


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NoDE LA COUR: IMM-1321-01

INTITULÉ: ZULMIRA LIZETE DA SILVA c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE: MONTRÉAL, QUÉBEC DATE DE L'AUDIENCE: 5 DECEMBRE 2001 MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE PINARD EN DATE DU 18 JANVIER 2002

COMPARUTIONS

Me LUC R. DESMARAIS POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me SYLVIANE ROY POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Morris Rosenberg POUR LA PARTIE DEMANDERESSE Sous-procureur général du Canada

Me LUC R. DESMARAIS POUR LA PARTIE DEMANDERESSE MONTRÉAL (QUÉBEC)

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