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Date : 20021211

Dossier : IMM-4876-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1289

ENTRE :

                                                           Justin IKELEMFU NGOYI

                                                                                                                             Partie demanderesse

ET

                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                               Partie défenderesse

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

[1]                 Le 5 juillet 2001, la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le « tribunal » ) rejette la revendication du demandeur, Justin Ikelemfu Ngoyi, un citoyen de la République démocratique du Congo ( « RDC » ).

[2]                 Le demandeur allègue une crainte bien-fondée de persécution par les autorités congolaises au motif de ses opinions politiques:

1)         à l'Université de Kinshasa, avec d'autres étudiants, il s'apprête à former un groupe de résistance contre le gouvernement Kabila;


2)         ayant une fiancée d'origine Rwandaise, il est contre la politique du gouvernement Kabila d'expulser les Rwandais du territoire. Il aurait protégé et par la suite aurait aidé sa fiancée et sa mère à fuir le RDC.

[3]                 D'après son Formulaire de Renseignements Personnels ( « FRP » ), il fut arrêté et torturé et, le lendemain, transféré à la prison centrale de Makala où il fut incarcéré pendant quatorze mois. Son père paye un pot de vin aux autorités militaires. Le demandeur est libéré et s'évade du pays revendiquant le statut de réfugié au Canada le 24 mai 2000.

[4]                 Le tribunal ne croit pas le récit du demandeur. Surtout, il ne croit pas que le demandeur ait été emprisonné dans la prison centrale de Makala.

[5]                 Selon le tribunal, le demandeur est non crédible parce qu'il n'a pas été capable d'en faire un croquis ni de donner des détails sur les lieux de son emprisonnement. Qui est plus, il est confronté par un dessin de l'intérieur de la prison (pièce T-1) tirée du rapport de l'Association zaïroise des droits de l'homme ( « ASADHO » ). Le tribunal écrit:

Contrairement au croquis du revendicateur, tous ces pavillons sont à l'intérieur du rectangle formé par les quatre murs. Il y figure des jardins, des ateliers, des hangars, un centre de santé et un petit stade de football. Confronté, le revendicateur n'a pas été capable d'expliquer pourquoi il ne savait rien de tous ces détails. Contrairement à son croquis, à la place où il prétendait se promener avec les autres prisonniers figurent des bâtiments et des pavillons.

[6]    Après que le tribunal fut en délibéré, le représentant du ministre envoie, le 16 juillet 2001, un avis d'intervention conformément au sous-alinéa 69.1(5)a)(ii) de la Loi sur l'immigration, dans lequel il est indiqué que la ministre entend participer à l'audience du revendicateur à la date déterminée par le greffe. Le représentant du ministre produit trois éléments de preuve: copie du dossier du demandeur à l'Ambassade du Canada à Paris, copie des notes CAIPS du Haut-commissariat du Canada à Londres et copie de l'Avis de revendication du demandeur complété le 5 juin 2000.

[7]    Le 27 juillet 2001, le représentant de la ministre dépose un avis d'intervention amendé produisant deux autres éléments de preuve, notamment, copie des notes des deux entrevues du demandeur par des agents d'immigration au Canada.

[8]    Sur ce point, le tribunal écrit:

Le tribunal ne s'est pas basé sur les documents envoyés par le représentant de la ministre, alors que la cause était en délibéré, pour arriver à sa décision. Cependant, ces documents ne semblent pas du tout contredire la conclusion du tribunal.

ANALYSE


[9]                 La crédibilité du récit d'un revendicateur est au coeur de la juridiction du tribunal. Une conclusion de non-crédibilité repose sur une appréciation des faits et la Cour ne peut intervenir que si les éléments de l'alinéa 18.1(4)d) sont réunis, c'est-à-dire, que le tribunal a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose.

[10]            La Cour doit intervenir. Le tribunal écarte le témoignage du demandeur en soupesant celui-ci et le dessin du demandeur contre le plan de la prison tiré du rapport de l'ASADHO. Ce rapport est en date de 1993 et on ne connaît pas exactement la date du plan. Les membres du tribunal admettent qu'ils ne savent pas si les édifices ou pavillons de la prison ont été démolis entre temps. (Dossier certifié, page 457). Dans les circonstances, la conclusion de non-crédibilité tirée par le tribunal est arbitraire.

[11]            Le demandeur soulève un deuxième point. Il soutient que le tribunal a commis un bris de justice naturelle en recevant du représentant du ministre son intervention et ses pièces après la fin de l'audience. Dans les circonstances, je n'ai pas à décider le bien-fondé de cet argument.


  

[12]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du tribunal est cassée et le dossier est retourné pour étude par un tribunal constitué différemment. Aucune question certifiée ne m'a été proposée.

                                                                                                                           « François Lemieux »

                                                                                                                                                                                                            

                                                                                                                                               J u g e          

Ottawa (Ontario)

le 11 décembre 2002


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No. DE LA COUR :                     IMM-4876-01

INTITULÉ :                                     JUSTIN IKELEMFU NGOYI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :            MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :          30 JUILLET 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

EN DATE DU                                11 DÉCEMBRE 2002

COMPARUTIONS:

ME EVELINE FISET                                                    POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

ME GUY M LAMB                                                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ME EVELINE FISET                                                    POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

MONTRÉAL (QUÉBEC)                                                         

M. MORRIS ROSENBERG                                        POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE      

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA             

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