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Date : 20050615

Dossier : IMM-9175-04

Référence : 2005 CF 854

Ottawa (Ontario), le 15 juin 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

AUREA ANDREA FLORES

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) en vue de soumettre à un contrôle judiciaire une décision datée du 26 septembre 2004 par laquelle la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI ) a rejeté l'appel de la demanderesse à l'égard du refus, par l'agent des visas, de la demande de résidence permanente de son fils.

[2]                La demanderesse sollicite :

1.          un bref de certiorari afin d'annuler la décision portant que la demanderesse est empêchée par l'article 177 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, précitée, de parrainer son fils biologique mineur à titre de membre de la catégorie du regroupement familial;

2.          un bref de mandamus portant que la décision de parrainer le fils biologique mineur de la demanderesse doit être prise dans le contexte de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 ou, subsidiairement, que l'article 65 de la LIPR n'empêche pas la demanderesse, en toutes circonstances, de parrainer son fils biologique mineur à titre de membre de la catégorie du regroupement familial.

[3]                Dans son mémoire, la demanderesse sollicite le redressement additionnel suivant :

[traduction]

Que l'avis de décision et les motifs connexes de la Section d'appel de l'immigration, datés du 26 septembre 2004, soient infirmés et que je sois autorisée à avoir mon fils, RAYMUND MIGUEL FLORES, au Canada.

Une déclaration portant que l'alinéa 117(9)d) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés viole le paragraphe 9(1) et l'article 10 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Une déclaration portant que l'alinéa 117(9)d) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés viole l'article 10 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Une déclaration portant que l'alinéa 117(9)d) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés enfreint ou viole l'article 7 de la Charte des droits.

Le contexte

[4]                La demanderesse, Aurea Andrea Flores (la demanderesse), est citoyenne des Philippines. Avant de présenter une demande d'admission au Canada, elle a donné naissance à un garçon le 5 décembre 1993. Elle a demandé d'immigrer au Canada à titre d'immigrante indépendante, en prenant pour base sa profession. Sa demande a été acceptée. Elle a laissé son fils chez sa mère âgée aux Philippines, et a obtenu le droit d'établissement le 28 juin 1996. Sur sa fiche d'établissement, la demanderesse a déclaré qu'elle n'avait aucune personne à sa charge. Elle n'a pas révélé l'existence de son fils et de son époux, quoique l'on se demande si, à l'époque, elle était légalement mariée ou non.

[5]                Lorsque la demanderesse a demandé la résidence permanente, elle a omis de révéler dans sa demande qu'elle était mariée ou qu'elle avait un enfant à charge.

[6]                La demanderesse a retenu les services d'un avocat en 2000, et ce dernier a transmis une lettre datée du 22 novembre 2000 à Immigration Canada pour faire part des fausses représentations qu'elle avait faites.

[7]                À la suite de cette information, un agent de Citoyenneté et Immigration a interrogé la demanderesse, le 1er décembre 2000. Par lettre datée du 11 janvier 2001, la demanderesse a été avisée qu'il avait été décidé de ne pas ordonner la tenue d'une audience en vue de la prise d'une mesure de renvoi à son endroit.

[8]                La demanderesse a demandé de parrainer son fils, Raymund Miguel Flores, à titre de membre de la catégorie du regroupement familial. Elle a reçu par la suite une lettre, datée du 13 décembre 2001, l'informant qu'elle répondait aux exigences prescrites pour être admissible à titre de répondante, et ajoutant qu'elle recevrait sous peu une trousse de demande à remplir à l'étranger pour que son fils puisse demander la résidence permanente au Canada.

[9]                Par lettre datée du 10 mai 2004, la demande de résidence permanente du fils de la demanderesse a été refusée par un agent des visas, en application de l'alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, au motif que sa répondante (la demanderesse) avait délibérément décidé de ne pas déclarer son fils comme personne à charge lorsqu'elle avait demandé et obtenu la résidence permanente.

[10]            La demanderesse a porté cette décision en appel devant la SAI. Par lettre datée du 30 juin 2004, l'avocat de la demanderesse a présenté des observations à la SAI en réponse à une lettre de cette dernière, datée du 21 juin 2004.

[11]            L'appel a été rejeté le 26 septembre 2004.

[12]            La présente instance vise à contrôler cette décision.

Les motifs de la SAI

[13]            Dans l'avis de décision et les motifs connexes, la SAI a déclaré ce qui suit :

[traduction]

L'appel est rejeté car l'appelante n'a pas démontré que le refus de l'agent des visas était erroné en droit. Au vu des renseignements fournis, la personne parrainée par l'appelante n'est pas membre de la catégorie du regroupement familial. Par conséquent, aux termes de l'art. 65 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la SAI n'a pas le pouvoir discrétionnaire de prendre en considération des motifs d'ordre humanitaire.

Les questions en litige

[14]            Les questions en litige, formulées par la demanderesse, sont les suivantes :

1.          La SAI a-t-elle commis une erreur de droit en rendant sa décision, en ce sens qu'elle a omis de prendre en considération la totalité des éléments de preuve qui lui ont été convenablement soumis?

2.          Dans sa décision, la SAI a-t-elle omis de prendre en considération l'article 10 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 993 R.T.N.U. 3, art. 10 (le PIDESC)?

3.         La SAI n'a-t-elle pas pris en considération le paragraphe 9(1) et l'article 10 de la Convention relative aux droits de l'enfant, R.T. 1992 no 3 (la CDE)?

4.          L'application rétroactive de l'alinéa 117(9)d) enfreint-elle ou viole-t-elle les droits que confère la Charte à la demanderesse (Charte canadienne des droits et libertés, partie 1, annexe B de la Loi constitutionnelle de 1982) (la Charte)?

5.         Le paragraphe 25(1) de la LIPR s'applique-t-il, étant donné qu'il est justifié d'accorder cette exemption pour des motifs d'ordre humanitaire afin de tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant?

L'argumentation de la demanderesse

[15]            Question no 1

            La demanderesse a fait valoir que la totalité de ses éléments de preuve concernant les fausses représentations qui ont été réglées antérieurement ont été convenablement présentés à la SAI. Elle a soutenu qu'elle est encore pénalisée pour une erreur qu'elle a volontairement porté à l'attention de CIC.

[16]            Question no 2

            La demanderesse a fait valoir que la décision de la SAI ne cadre avec les exigences de l'article 10 du PIDESC. Son fils est confié à sa mère, aux Philippines, alors qu'elle se trouve ici. Elle a soutenu qu'elle passerait mieux son temps à prendre soin de son fils au Canada, plutôt que de travailler de longues heures durant pour subvenir aux besoins de ce dernier à l'étranger.

[17]            Question no3

            D'après la demanderesse, le fait de les tenir séparés, son fils et elle, est contraire au paragraphe 9(1) de la CDE. Son fils et elle sont fort proches et, à l'occasion d'un récent voyage qu'elle a fait aux Philippines, il a demandé à maintes reprises quand ils pourraient vivre ensemble.

[18]            La demanderesse fait valoir que dans ses rapports avec l'ambassade du Canada à Manille, elle n'a pas été traitée d'une manière conforme à l'article 10 de la CDE. Un membre du personnel du Haut-commissariat l'a traitée de manière brusque et injuste lorsqu'elle s'est renseignée sur ce qu'elle pouvait faire au sujet de la décision défavorable. En outre, elle n'a été informée de cette décision que huit mois après le fait.

[19]            Question no 4

L'argumentation de la demanderesse sur cette question est liée à l'article 7 de la Charte.

La privation du droit à la liberté et à la sécurité

La demanderesse a fait valoir qu'après un « examen favorable » de son affaire de fausses représentations (c'est-à-dire qu'elle n'a pas fait l'objet d'une mesure de renvoi), elle a commencé à prendre des dispositions pour que son fils et elle puissent vivre ensemble au Canada. Le fait d'apprendre que son fils ne peut pas venir au Canada crée chez elle un sentiment d'insécurité et d'hésitation à propos de l'endroit où elle devrait se trouver. Elle a volontairement fait part à l'immigration des fausses représentations qu'elle avait faites, mais elle est toujours pénalisée longtemps après le fait.

[20]            Le manquement aux principes de justice fondamentale

Au dire de la demanderesse, la décision de la SAI l'a privée du droit de présenter sa cause et d'être entendue, ce qui est un manquement aux principes de justice fondamentale.

[21]            Question no 5

La demanderesse a fait valoir qu'aux Philippines, à part sa mère, elle n'a pas de famille chez qui elle pourrait laisser son fils. Il est dans l'intérêt de l'enfant d'être en compagnie de sa propre mère afin que celle-ci puisse prendre part à son éducation.

Argumentation du défendeur

[22]            Le défendeur a fait valoir que la Cour devrait faire abstraction du paragraphe 7 de l'affidavit de la demanderesse ainsi que des pièces A, A1, A2, A3 et A4, car ils contiennent des éléments de preuve dont la SAI ne disposait pas au moment où la décision a été prise.

[23]            La norme de contrôle

Le défendeur a fait valoir que les décisions de la SAI concernant l'alinéa 117(19)d) du Règlement comportent des questions mixtes de fait et de droit et que, par conséquent, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter (voir Collier c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1445).

[24]            Question no 1

D'après le défendeur, la SAI a bien pris en considération la totalité des éléments de preuve présentés et a conclu que la demanderesse n'était pas admissible à parrainer son fils car, sciemment, elle ne l'avait pas inscrit comme personne à charge quand elle avait demandé la résidence permanente. La SAI a appliqué la législation aux faits de la situation de la demanderesse et a déterminé avec raison que l'étranger n'était pas membre de la catégorie du regroupement familial aux termes de l'alinéa 117(9)d) du Règlement, et qu'elle n'avait pas compétence pour prendre en considération des motifs d'ordre humanitaire en vertu de l'article 65 de la LIPR.

[25]            Questions nos2 et 3

D'après le défendeur, contrairement à la prétention de la demanderesse, l'article 25 de la LIPR satisfait à l'obligation qu'a le Canada de prendre en considération les droits de la personne et l'intérêt supérieur de l'enfant dans le contexte de l'immigration (voir De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1557). En outre, l'alinéa 117(9)d) du Règlement n'est pas ultra vires de l'alinéa 3(3)f) de la LIPR, lequel porte sur la conformité du Canada aux instruments relatifs aux droits de la personne. L'alinéa 3(3)f) contribue à éclairer l'approche contextuelle à suivre lorsque l'on interprète la LIPR; cependant, elle n'intègre pas à la législation canadienne les conventions internationales relatives aux droits de la personne, ni ne permet à ces dernières d'avoir préséance sur le libellé clair et simple d'une loi. L'alinéa 117(9)d) est simple, clair et sans ambiguïté et ne laisse pas de place à une interprétation fondée sur les conventions (voir la décision De Guzman, précitée, au paragraphe 53).

[26]            Question no 4

D'après le défendeur, l'alinéa 117(9)d) est compatible avec l'article 7 de la Charte. Il ajoute que la demanderesse n'a pas fait la preuve, d'une part, que l'État l'a privée de son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité ou, d'autre part, que l'État n'agissait pas d'une manière conforme aux principes de justice fondamentale.

[27]            Respect du droit à la liberté

D'après le défendeur, pour que la demanderesse puisse démontrer qu'elle a été privée de son droit à la liberté, il faut qu'elle établisse que l'État s'est ingéré dans l'autonomie personnelle qu'elle a de prendre des décisions qui revêtent une importance personnelle fondamentale (voir R. c. Malmo-Levine; R. c. Caine, [2003] 3 R.C.S. 571).

[28]            L'alinéa 117(9)d) n'enfreint pas le droit qu'a la demanderesse de prendre des décisions personnelles fondamentales. Cette disposition ne sépare pas la demanderesse de son fils, et n'empêche pas les deux d'être réunis. L'alinéa 117(9)d) n'empêche pas le fils de la demanderesse de demander de venir au Canada au titre de n'importe quelle autre catégorie. Il n'empêche pas non plus la demanderesse de rejoindre son fils n'importe où ailleurs dans le monde.

[29]            Respect du droit à la sécurité de la personne

Selon le défendeur, la demanderesse n'a pas établi de manière complète que l'État la prive de la sécurité de sa personne parce qu'il s'ingère dans son intégrité psychologique. La demanderesse n'a pas été séparée de son fils à cause des agissements de l'État. En outre, l'alinéa 117(9)d) ne la sépare pas de son fils de façon permanente.

[30]            Le demandeur a fait valoir en outre que la demanderesse n'a fourni aucune preuve qu'elle subit un stress psychologique grave, car elle est tenue d'établir que l'État s'ingère dans son intégrité psychologique (voir Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307).

[31]            Conformité aux principes de justice fondamentale

Au dire du défendeur, la LIPR et le Règlement, dont l'alinéa 117(9)d), sont conformes aux principes de justice fondamentale. Le Parlement a le droit d'édicter des dispositions législatives qui prescrivent les conditions dans lesquelles les étrangers sont autorisés à entrer et à rester au Canada (voir Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 135 N.R. 161 C.S.C.). Il n'est pas contraire aux principes de justice fondamentale que le Parlement édicte des dispositions législatives qui empêchent des personnes ayant omis de révéler l'existence de membres de leur famille de parrainer la demande de résidence permanente de ces derniers à titre de membres de la catégorie privilégiée.

[32]            Le défendeur a fait valoir que dans la décision De Guzman, précitée, la Cour a reconnu la possibilité pour les membres d'une famille exclus par l'alinéa 117(9)d) de présenter une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, et que l'intérêt supérieur des enfants doit être considéré comme faisant partie de la demande (De Guzman, précitée, paragraphes 54 à 56).

[33]            D'après le défendeur, la demanderesse n'a pas démontré qu'on l'empêche d'être réunie avec son enfant, conformément à l'article 25 de la LIPR. Dans le même ordre d'idées, elle n'a pas allégué qu'une demande d'exemption pour motifs d'ordre humanitaire a été présentée à un agent des visas en vertu de l'article 25 de la LIPR, ou qu'un agent des visas a refusé une telle demande.

[34]            Le défendeur a demandé le rejet de la demande de contrôle judiciaire.

Les dispositions législatives applicables

[35]            Les dispositions applicables de la LIPR énoncent ce qui suit :

3. (1) En matière d'immigration, la présente loi a pour objet :

3. (1) The objectives of this Act with respect to immigration are

[...]

[...]

(3) L'interprétation et la mise en oeuvre de la présente loi doivent avoir pour effet :

(3) This Act is to be construed and applied in a manner that

[...]

[...]

d) d'assurer que les décisions prises en vertu de la présente loi sont conformes à la Charte canadienne des droits et libertés, notamment en ce qui touche les principes, d'une part, d'égalité et de protection contre la discrimination et, d'autre part, d'égalité du français et de l'anglais à titre de langues officielles du Canada;

(d) ensures that decisions taken under this Act are consistent with the Canadian Charter of Rights and Freedoms, including its principles of equality and freedom from discrimination and of the equality of English and French as the official languages of Canada;

[...]

[...]

f) de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l'homme dont le Canada est signataire.

(f) complies with international human rights instruments to which Canada is signatory.

[...]

[...]

25. (1) Le ministre doit, sur demande d'un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire relatives à l'étranger - compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché - ou l'intérêt public le justifient.

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister's own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

65. Dans le cas de l'appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d'une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d'ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s'il a été statué que l'étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

65. In an appeal under subsection 63(1) or (2) respecting an application based on membership in the family class, the Immigration Appeal Division may not consider humanitarian and compassionate considerations unless it has decided that the foreign national is a member of the family class and that their sponsor is a sponsor within the meaning of the regulations.

[36]            Les dispositions applicables du Règlement énoncent ce qui suit :

117. (1) Appartiennent à la catégorie du regroupement familial du fait de la relation qu'ils ont avec le répondant les étrangers suivants :

117. (1) A foreign national is a member of the family class if, with respect to a sponsor, the foreign national is

[...]

[...]

(9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

(9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

[...]

[...]

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d'une demande à cet effet, l'étranger qui, à l'époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n'accompagnant pas ce dernier et n'a pas fait l'objet d'un contrôle.

(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.

(10) Sous réserve du paragraphe (11), l'alinéa (9)d) ne s'applique pas à l'étranger qui y est visé et qui n'a pas fait l'objet d'un contrôle parce qu'un agent a décidé que le contrôle n'était pas exigé par la Loi ou l'ancienne loi, selon le cas.

(10) Subject to subsection (11), paragraph (9)(d) does not apply in respect of a foreign national referred to in that paragraph who was not examined because an officer determined that they were not required by the Act or the former Act, as applicable, to be examined.

[37]            L'article 7 de la Charte est libellé comme suit :

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

[38]            Les articles 9 et 10 de la Convention relative aux droits de l'enfant, précitée, indiquent ce qui suit :

1. Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant.

1. States Parties shall ensure that a child shall not be separated from his or her parents against their will, except when competent authorities subject to judicial review determine, in accordance with applicable law and procedures, that such separation is necessary for the best interests of the child. Such determination may be necessary in a particular case such as one involving abuse or neglect of the child by the parents, or one where the parents are living separately and a decision must be made as to the child's place of residence.

[...]

[...]

1. Conformément à l'obligation incombant aux États parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence. Les États parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la demande et les membres de leur famille.

1. In accordance with the obligation of States Parties under article 9, paragraph 1, applications by a child or his or her parents to enter or leave a State Party for the purpose of family reunification shall be dealt with by States Parties in a positive, humane and expeditious manner. States Parties shall further ensure that the submission of such a request shall entail no adverse consequences for the applicants and for the members of their family.

2. Un enfant dont les parents résident dans des États différents a le droit d'entretenir, sauf circonstances exceptionnelles, des relations personnelles et des contacts directs réguliers avec ses deux parents. À cette fin, et conformément à l'obligation incombant aux États parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, les États parties respectent le droit qu'ont l'enfant et ses parents de quitter tout pays, y compris le leur, et de revenir dans leur propre pays. Le droit de quitter tout pays ne peut faire l'objet que des restrictions prescrites par la loi qui sont nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d'autrui, et qui sont compatibles avec les autres droits reconnus dans la présente Convention.

2. A child whose parents reside in different States shall have the right to maintain on a regular basis, save in exceptional circumstances personal relations and direct contacts with both parents. Towards that end and in accordance with the obligation of States Parties under article 9, paragraph 1, States Parties shall respect the right of the child and his or her parents to leave any country, including their own, and to enter their own country. The right to leave any country shall be subject only to such restrictions as are prescribed by law and which are necessary to protect the national security, public order (ordre public), public health or morals or the rights and freedoms of others and are consistent with the other rights recognized in the present Convention.

[39]            L'article 10 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, précité, énonce ce qui suit :

Les États parties au présent Pacte reconnaissent que :

The States Parties to the present Covenant recognize that:

1. Une protection et une assistance aussi larges que possible doivent être accordées à la famille, qui est l'élément naturel et fondamental de la société, en particulier pour sa formation et aussi longtemps qu'elle a la responsabilité de l'entretien et de l'éducation d'enfants à charge. Le mariage doit être librement consenti par les futurs époux.

1. The widest possible protection and assistance should be accorded to the family, which is the natural and fundamental group unit of society, particularly for its establishment and while it is responsible for the care and education of dependent children. Marriage must be entered into with the free consent of the intending spouses.

Analyse et décision

[40]            Norme de contrôle

            Les questions centrales qui se posent en l'espèce comprennent l'interprétation du Règlement et l'application de ce dernier aux faits en cause. Par conséquent, il s'agit de questions mixtes de fait et de droit. La norme de contrôle appropriée est donc celle de la décision raisonnable simpliciter (voir la décision Collier, précitée). Pour ce qui est des questions de droit, la norme de contrôle est celle de la décision correcte.

[41]            La preuve soumise à la SAI (et donc à l'agent des visas) montre qu'au moment de solliciter la résidence permanente au Canada, la demanderesse a omis, sciemment et délibérément, de révéler qu'elle avait un fils. L'alinéa 117(9)d) du Règlement indique explicitement qu'un étranger (le fils) ne sera pas considéré comme un membre de la catégorie du regroupement familial du fait de sa relation avec un répondant (la demanderesse) si ce répondant a présenté auparavant une demande de statut de résident permanent et si, à l'époque de la demande, l'étranger était un membre de la famille du répondant qui n'accompagnait pas ce dernier et qui n'a pas fait l'objet d'un contrôle.

[42]            Il ne s'agit pas non plus d'une situation dans laquelle l'exception prévue au paragraphe 117(10) s'applique, car il n'y a aucune preuve ou allégation qu'un agent a déterminé qu'il n'était pas nécessaire de soumettre le fils à un contrôle. La demanderesse n'a tout simplement pas révélé l'existence de son fils. Dans sa réplique orale, elle n'a pas contesté que l'alinéa 117(9)d) s'appliquait en l'espèce.

[43]            La demanderesse a signalé qu'elle avait déjà été approuvée à titre de répondante admissible pour son fils. La preuve étaye cet argument, mais c'est la demande de résidence permanente du fils qui, en fin de compte, a été rejetée, à cause des fausses représentations de la demanderesse, et non la demande de la demanderesse en vue d'être une répondante, en tant que telle.

[44]            Par conséquent, je conclus que la SAI a tenu compte de l'ensemble des éléments de preuve dont elle disposait et n'a pas commis d'erreur à cet égard.

[45]            Questions nos 2 et 3

Dans sa décision, la SAI a-t-elle omis de prendre en considération l'article 10 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 993 R.T.N.U. 3, art. 10 (le PIDESC)?

La SAI n'a-t-elle pas pris en considération le paragraphe 9(1) et l'article 10 de la Convention relative aux droits de l'enfant, R.T. 1992 no 3 (la CDE)?

Dans la décision De Guzman, précitée, le juge Kelen a analysé en détail la question de l'action réciproque entre les conventions internationales dont le Canada est signataire et la LIPR, déclarant ce qui suit, au paragraphe 53 :

J'ai conclu que l'alinéa 3(3)f) de la LIPR codifie le principe fondamental d'interprétation législative en common law selon lequel les lois internes devraient être interprétées de façon à refléter les valeurs contenues dans les conventions internationales portant sur les droits de l'homme auxquelles le Canada a adhéré. Dans l'arrêt Baker, précité, la Cour suprême a statué, au paragraphe 70, que les valeurs exprimées à l'égard des droits de la personne dans les conventions internationales peuvent « être prises en compte dans l'approche contextuelle » de l'interprétation des lois. Cependant, l'alinéa 3(1)f) de la LIPR n'incorpore pas les conventions internationales portant sur les droits de l'homme dans la législation canadienne pas plus qu'il n'énonce qu'elles outrepassent les termes simples d'une loi. L'alinéa (3)(1)f) de la LIPR signifie que les conventions devraient être considérées par la Cour comme un « contexte » lorsqu'elle interprète des dispositions ambiguës de la législation en matière d'immigration. Je suis d'avis que l'alinéa 117(9)d) du Règlement est simple, clair et sans ambiguïté. Il ne laisse pas de place à une telle interprétation.

Je fais mien le raisonnement du juge Kelen et je conclus qu'il s'agit là d'une réponse complète aux arguments invoqués par la demanderesse aux questions nos 2 et 3.

[46]            Question no 4

L'application rétroactive de l'alinéa 117(9)d) enfreint-elle ou viole-t-elle les droits que confère la Charte à la demanderesse (Charte canadienne des droits et libertés, partie 1, annexe B de la Loi constitutionnelle de 1982) (la Charte)?

La demanderesse a fait valoir que l'alinéa 117(9)d) viole l'article 7 de la Charte. Le juge Kelen a analysé aussi cet argument dans la décision De Guzman, précitée. En ce qui concerne le critère à respecter pour montrer qu'il y a eu violation de l'article 7, il a déclaré ce qui suit, au paragraphe 63 :

Je suis d'avis qu'il faut, pour que l'article 7 de la Charte s'applique, que la Cour statue premièrement qu'il y a eu une privation du droit à la vie et à la sécurité de la personne et, deuxièmement, que la privation porte atteinte aux principes de justice fondamentale : voir l'arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, au paragraphe 47. Il est établi que le droit à la liberté garanti par l'article 7 de la Charte n'est pas limité à la simple liberté de contrainte physique. La liberté peut être en cause lorsque l'État pousse des gens à faire des choix importants ou fondamentaux dans leur vie ou les empêche de faire ces choix.

[47]            Et, pour ce qui est de la privation du droit à la liberté et à la sécurité :

[64]      Lorsque la demanderesse a fait dans sa vie un choix fondamental de se séparer de ses enfants et d'émigrer, elle l'a fait en étant assujettie à la législation canadienne en matière d'immigration. Elle ne peut pas maintenant prétendre que sa liberté est entravée par cette législation qui restreint la « catégorie du regroupement familial » aux membres de la famille dont l'existence a été divulguée et qui ont fait l'objet d'un contrôle au moment où la demanderesse a présenté sa demande de résidence permanente. De façon réaliste, la demanderesse n'aurait probablement pas été admise au Canada si elle avait divulgué l'existence des membres de sa famille parce qu'il serait devenu évident qu'elle était mariée ou qu'elle avait une relation de conjoint de fait.

[65]      À l'égard de la sécurité de la demanderesse, la garantie constitutionnelle de la sécurité de la personne ne protège pas contre les « tensions et les angoisses ordinaires qu'une personne ayant une sensibilité raisonnable éprouverait par suite d'un acte gouvernemental » : voir la décision Chesters c. La Reine et al., [2002] CFPI 727, au paragraphe 130, par Mme la juge Heneghan. En fait, la Cour ne dispose d'aucun élément de preuve démontrant que la demanderesse souffre de stress ou d'anxiété. L'avocat de la demanderesse demande que la Cour reconnaisse d'office que l'incapacité de la demanderesse de pouvoir parrainer ses deux fils peut causer du stress. Je suis d'avis que ce stress n'est pas différent de celui que la demanderesse a volontairement choisi d'accepter lorsqu'elle a décidé de se séparer de ses deux fils en 1993. Ce stress dépend d'elle-même.

[66]      En outre, je suis d'avis qu'il n'a pas été porté atteinte au droit à la sécurité de la personne de la demanderesse en raison d'un acte gouvernemental. En tant qu'immigrante potentielle, elle était assujettie aux exigences de la loi et des règlements en matière d'immigration. Elle n'avait pas un autre droit lui permettant d'entrer au Canada. Elle a choisi de ne pas tenir compte de cette législation en présentant sous un faux jour sa véritable situation familiale alors qu'elle tentait d'obtenir l'admission au Canada en tant que résidente permanente. Elle ne peut pas prétendre que cette législation la prive du droit à la sécurité de la personne. Une telle prétention est absurde.

Une fois de plus, je souscris au raisonnement approfondi du juge Kelen sur ce point.

[48]            La demanderesse a fait valoir que la décision de la SAI l'a privée du droit de présenter sa cause et d'être entendue, ce qui constitue un manquement aux principes de justice fondamentale. Je ne suis pas d'accord. La demanderesse a eu l'occasion de présenter des observations avant que la SAI ne rende sa décision. Elle l'a fait par l'entremise de son avocat, par une lettre datée du 30 juin 2004. Il n'y a donc pas eu de manquement aux principes de justice fondamentale en ce qui concerne l'argument de la demanderesse selon lequel elle a été privée du droit de présenter sa cause.

[49]            Pour ce qui est de l'allégation que l'alinéa 117(9)d) viole de façon générale les principes de justice fondamentale, le juge Kelen a déclaré que « [...] on irait à l'encontre de la justice fondamentale si on permettait à l'appelante, dans les circonstances particulières de l'espèce, de parrainer actuellement la personne à charge dont elle n'a pas divulgué l'existence antérieurement » , et il a statué que cette restriction constituait une limite raisonnable aux droits que l'article 7 de la Charte confère à l'appelante.

[50]            Là encore, je fais mien le raisonnement du juge Kelen.

[51]            Question no 5

Le paragraphe 25(1) de la LIPR s'applique-t-il, étant donné qu'il est justifié d'accorder cette exemption pour des motifs d'ordre humanitaire afin de tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant?

            L'article 65 de la LIPR empêche explicitement la SAI de prendre en compte des motifs d'ordre humanitaire après avoir déterminé que l'alinéa 117(9)d) du Règlement s'applique.

65. Dans le cas de l'appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d'une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d'ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s'il a été statué que l'étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

65. In an appeal under subsection 63(1) or (2) respecting an application based on membership in the family class, the Immigration Appeal Division may not consider humanitarian and compassionate considerations unless it has decided that the foreign national is a member of the family class and that their sponsor is a sponsor within the meaning of the regulations.

[52]            Par conséquent, à la simple lecture de l'article 65 de la LIRP, la SAI aurait commis une erreur si elle avait pris en considération des motifs d'ordre humanitaire. Il est loisible au fils de la demanderesse de présenter une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire en vertu de l'article 25 de la LIPR. C'est là que l'on prend en compte l'intérêt supérieur de l'enfant.

[53]            La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[54]            La demanderesse a présenté à l'audience une ébauche écrite d'argumentation. J'ai examiné chacun des arguments invoqués dans ce mémoire avant d'arriver à ma conclusion. Je signale que la demanderesse n'était pas au courant de l'existence de l'article 25 de la LIRP (séjour pour motif d'ordre humanitaire).

[55]            Ni l'une ni l'autre des parties n'ont voulu me soumettre, pour certification, une question grave de portée générale.

ORDONNANCE

[56]            IL EST ORDONNÉ que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« John A. O'Keefe »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 15 juin 2005

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-9175-04

INTITULÉ :                                        AUREA ANDREA FLORES

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 5 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                       LE 15 JUIN 2005

COMPARUTIONS :

Aurea Andrea Flores                                                                 DEMANDERESSE

                                                                                                Pour son propre compte

Camille Audain                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aurea Andrea Flores,                                                                DEMANDERESSE

Calgary (Alberta)                                                                       Pour son propre compte

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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