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Date: 19990827

Dossier : IMM-1982-98

ENTRE

TIANTONG ZHENG,

demandeur,

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]         Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision par laquelle une agente des visas a conclu qu'il n'avait pas les qualités voulues en vertu de la Classification canadienne descriptive des professions (la CCDP) à titre de chef cuisinier en général (no 6121-111) ou en vertu de la Classification nationale des professions (la CNP) à titre de cuisinier (no 6242).

[2]         L'avocat du demandeur soutient : (1) que l'agente des visas a créé une ambiance qui n'était pas propre à faciliter la communication lorsqu'elle a rencontré le demandeur; (2) qu'elle a considéré le certificat de cuisinier comme frauduleux sans donner au demandeur la possibilité de répondre; (3) qu'elle s'est fondée sur une preuve extrinsèque sur laquelle le demandeur n'a pas eu la possibilité de faire des remarques; (4) qu'elle n'a pas informé le demandeur de l'examen auquel il aurait pu se présenter en vue d'établir ses titres de compétence à titre de chef cuisinier; (5) qu'elle s'est fondée trop fortement sur des normes étrangères applicables aux cuisiniers plutôt que sur les exigences canadiennes énoncées dans la CCDP et dans la CNP.

[3]         J'ai examiné la documentation qui a été versée au dossier et j'ai écouté les observations des avocats; je conclus qu'aucune de ces assertions n'est fondée. L'allégation selon laquelle l'atmosphère créée par l'agente des visas n'était pas propre à faciliter la communication est fondée sur le fait que le demandeur a affirmé que l'agente des visas lui avait à maintes reprises dit qu'il [TRADUCTION] « gaspill[ait] [s]on temps » . Dans son affidavit, l'agente des visas a carrément nié avoir fait pareille remarque. Je retiens le témoignage de l'agente des visas parce qu'il n'y a rien dans le dossier qui dénote de l'impatience ou une attitude antagoniste de sa part. Toutefois, certaines des assertions du demandeur, en ce qui concerne les autres points soulevés, se sont avérées douteuses. En appréciant la crédibilité respective des déclarations contradictoires figurant dans les deux affidavits, j'estime qu'il convient de tenir compte de la crédibilité d'autres éléments présentés par les deux affiants; je retiens donc le témoignage de l'agente des visas. (Il serait certes préférable que ces entrevues soient enregistrées à l'aide d'un appareil.) Je ne puis conclure que l'agente des visas a créé une ambiance qui n'était pas propre à faciliter la communication.

[4]         Les notes figurant dans le CAIPS montrent que, même avant l'entrevue, l'agente des visas se préoccupait de la validité du certificat de cuisinier du demandeur puisqu'il avait été délivré en 1997, alors que le demandeur affirmait l'avoir obtenu en 1995. Les notes de l'entrevue figurant dans le CAIPS montrent que l'agente des visas a interrogé le demandeur au sujet des cours de cuisine qu'il avait suivis en 1995, lesquels avaient censément abouti à la délivrance du certificat. Dans ce contexte, le demandeur a affirmé qu'il avait déjà obtenu les certificats de cuisinier de classe 2 et de classe 3, mais il n'avait à cet égard aucune pièce justificative. Les notes du CAIPS montrent également que le demandeur n'a pas pu donner de détails au sujet de l'évaluation de ses compétences, qui aurait été effectuée avant qu'un certificat de cuisinier de classe 3, de classe 2, puis de première classe, soit délivré.

[5]         Dans son affidavit, l'agente des visas déclare ce qui suit :

[TRADUCTION]

Le demandeur affirme avoir participé à un programme de formation de trois mois en 1995, avant d'être évalué à titre de cuisinier de première classe. À l'appui de ses compétences de chef cuisinier en général, il a présenté un certificat de cuisinier de première classe qui a été délivré par le ministère du Travail de Beijing le 11 mars 1997. Le demandeur a obtenu ce certificat un mois avant de présenter sa demande d'immigration. Il affirme avoir initialement été évalué à titre de cuisinier de première classe en 1995 et avoir également été évalué à titre de cuisinier de classe 2 et de classe 3 avant 1995. Je lui ai demandé d'expliquer de quelle façon il avait été évalué à titre de cuisinier de première classe et de donner des détails au sujet des évaluations de classes 2 et 3. Le demandeur n'avait aucune preuve de son certificat initial de première classe ou des certificats de classes 2 et 3 et il n'a pas pu donner de détails au sujet de ses évaluations à titre de cuisinier de classe 2 ou 3 ou de son évaluation à titre de cuisinier de première classe, en 1995. J'estime qu'il est peu crédible que le demandeur ait obtenu son certificat de première classe, étant donné qu'il ne satisfait de toute évidence pas aux exigences applicables susmentionnées du ministère du Travail. Selon les renseignements qu'il a fournis, le demandeur a été évalué à titre de cuisinier de première classe en 1995, alors qu'il n'avait que deux années d'expérience dans ce domaine. Selon le document, le demandeur serait en outre censément évalué conformément aux anciennes normes et aux nouvelles normes, c'est-à-dire à titre de cuisinier de classe intermédiaire et de cuisinier de première classe. Ce n'est pas ce qui devrait être fait. Ces motifs laissent planer un doute sur l'authenticité ou sur la légitimité du certificat de cuisinier de première classe qui a été obtenu dans une région où il est facile de se procurer des documents frauduleux et où il est possible d'obtenir des certificats authentiques par des moyens illégitimes.

[6]         En décrivant l'entrevue dans son affidavit, le demandeur déclare que l'agente des visas [TRADUCTION] « a dit qu'elle ne croyait pas [qu'il était] qualifié à titre de chef cuisinier » . La conclusion de l'agente des visas figurant dans les notes du CAIPS, à savoir que le certificat de cuisinier de première classe était [TRADUCTION] « fort suspect » n'a pas été tirée à la légère, ou sans que le demandeur soit interrogé au sujet des circonstances dans lesquelles il avait été délivré ainsi qu'au sujet de toute autre question pertinente se rapportant à sa validité. Le demandeur a eu la possibilité de répondre aux questions qui se posaient par suite des préoccupations que l'agente des visas avait au sujet de la validité du document. Je ne puis conclure que l'agente des visas a considéré le certificat de cuisinier du demandeur comme frauduleux sans donner à ce dernier la possibilité de répondre à cette thèse.

[7]         L'allégation selon laquelle l'agente des visas s'est fondée sur une preuve extrinsèque découle des faits suivants. À l'appui de la demande de contrôle judiciaire, le demandeur a déposé un affidavit dans lequel il explique qu'il s'était inscrit à un cours de cuisine chinoise de niveau intermédiaire en juillet 1995, et qu'au mois d'octobre 1995, il s'est présenté à l'examen visant à l'obtention du certificat de cuisinier spécialisé dans la cuisine chinoise de niveau intermédiaire. Il a expliqué qu'il y a trois niveaux et que la classe d'une personne à un niveau donné dépend des notes obtenues à l'examen. Dans l'affidavit qu'elle a déposé en réponse, l'agente des visas a contredit cet élément de preuve :

[TRADUCTION]

Le système de notation que le demandeur mentionne au paragraphe 9 de son affidavit n'est pas exact. Le véritable système de notation est énoncé à la troisième page de la pièce « E » . Il montre que la note de passage est 60 p. 100; entre 80 et 90 p. 100, le résultat est considéré comme bon, alors que si la note obtenue est de plus de 90 p. 100, il est considéré comme excellent. Contrairement à ce qui est déclaré dans l'affidavit du demandeur, il n'est pas mentionné qu'il y a trois classes au niveau intermédiaire selon la note que le candidat a obtenue aux examens.

[8]         La pièce « E » qui est jointe à l'affidavit de l'agente des visas renferme des renseignements au sujet des différentes catégories de cuisiniers qui existent en Chine depuis 1993. Les différents niveaux et les conditions y afférentes y sont décrits. Le candidat doit entre autres avoir travaillé comme cuisinier pendant une période déterminée avant d'obtenir un certificat à un niveau donné. L'agente déclare que les agents des visas se servent de ce renseignement lorsqu'ils apprécient un demandeur qui affirme être cuisinier; il ressort clairement des notes du CAIPS et de l'affidavit de l'agente que, pendant l'entrevue, l'agente a posé des questions au demandeur au sujet de son certificat de cuisinier par rapport aux renseignements figurant dans ce document. Toutefois, je ne suis pas convaincue qu'en agissant ainsi, l'agente des visas ait utilisé une preuve extrinsèque.

[9]         Tous les arrêts qui ont été cités au sujet de l'utilisation d'une preuve extrinsèque se rapportent à des circonstances dans lesquelles les décideurs avaient obtenu des renseignements qui n'avaient pas été communiqués aux demandeurs et avaient fondé leurs décisions sur ces renseignements sans donner aux demandeurs la possibilité de répondre aux préoccupations auxquelles donnaient lieu les renseignements en question. Dans la décision Huang c. le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (IMM-1144-97), 20 janvier 1998, C.F. 1re inst.), un document chinois concernant les cuisiniers identique à celui qui est ici en cause avait été reçu par l'agent des visas après l'entrevue et les préoccupations qui existaient par suite de la réception de ce renseignement n'avaient jamais été communiquées au demandeur. Dans l'arrêt Aujla c. le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (IMM-1789-97, 9 juillet 1998, C.A.F.), les renseignements avaient été obtenus au moyen d'une requête indépendante, après l'entrevue tenue par l'agent des visas; selon ces renseignements, l'un des restaurants dans lesquels le demandeur affirmait avoir travaillé n'existait pas et un employé, dans un autre restaurant, ne connaissait pas le demandeur. Le demandeur n'avait jamais eu la possibilité de faire des remarques au sujet de ces nouveaux renseignements. Dans l'arrêt Muliadi c. le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1986), 18 Admin.L.R. 343 (C.A.F.), on n'avait pas informé le demandeur d'une décision par laquelle la province de l'Ontario l'avait rejeté. Dans la décision Park c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 35 Imm.L.R. (2d) 52 (C.F. 1re inst.), l'agent des visas avait obtenu, après l'entrevue, des renseignements selon lesquels le demandeur ne travaillait pas à l'université où il affirmait avoir travaillé. L'agent des visas avait obtenu ce renseignement lors d'un appel téléphonique qu'il avait fait à quelqu'un, à cette université, et le demandeur n'avait jamais eu la possibilité de faire des remarques au sujet de ce nouveau renseignement.

[10]       La caractéristique essentielle de ces arrêts est que des préoccupations existaient dans l'esprit du décideur par suite de l'obtention du nouveau renseignement, préoccupations dont il n'avait pas été fait part au demandeur; or, ces préoccupations avaient eu un rôle important lorsqu'il s'était agi pour le décideur de prendre une décision défavorable au demandeur. Ce n'est pas ce qui s'est produit en l'espèce. Le demandeur n'a peut-être pas reçu une copie du document d'information provenant de la Chine, mais les préoccupations de l'agente des visas, résultant de la communication des renseignements figurant dans le document, avaient été communiquées au demandeur et celui-ci avait eu la possibilité de faire des remarques à cet égard. Les notes du CAIPS le montrent :

[TRADUCTION]

Le demandeur a énormément de difficulté à donner des détails au sujet de ses tâches quotidiennes; il ne peut pas donner d'exemple des mets qu'il doit préparer chaque jour. Il affirme avoir suivi un cours de formation de trois mois en 1995 avant d'être évalué à titre de cuisinier de première classe. Toutefois, le certificat initial de première classe qui a été soumis a été délivré le 11 mars 1997. Le demandeur affirme avoir initialement été évalué à titre de cuisinier de première classe en 1995 et avoir en outre été évalué à titre de cuisinier de classe 2 et de classe 3 avant 1995, sans fournir toutefois de pièce justificative. Le demandeur ne peut pas donner de détails au sujet de la façon dont il a été évalué à titre de cuisinier de classe 2 ou 3. Il ne peut pas non plus donner de détails au sujet de la façon dont il a été évalué à titre de cuisinier de première classe. Le certificat de cuisinier de première classe est fort suspect étant donné qu'il est habituellement délivré au cuisinier principal qui compte dix années d'expérience, et habituellement au cuisinier qui a une bonne expérience professionnelle dans des hôtels biens connus ou dans des restaurants bien établis. Selon les renseignements qu'il a donnés, le demandeur a été évalué à titre de cuisinier de première classe à un moment où il avait uniquement deux années d'expérience à titre de cuisinier. Le demandeur affirme qu'au restaurant, il prépare des mets chinois, mais il ne peut pas donner de détails au sujet de ses activités quotidiennes. Compte tenu des facteurs susmentionnés, je ne suis pas convaincue que le demandeur ait l'expérience et la formation nécessaires dans la profession envisagée.

[11]       En ce qui concerne l'allégation selon laquelle l'agente des visas a omis d'informer le demandeur de l'existence d'un examen auquel il pouvait se présenter pour établir ses titres de compétence à titre de cuisinier, l'agente des visas a expliqué que l'examen en question pouvait être passé au bureau des visas de Beijing, et non à Hong Kong. L'agente des visas déclare que si le demandeur veut démontrer ses titres de compétence en se présentant à cet examen, il devrait présenter une nouvelle demande au bureau des visas de Beijing. Il n'y a pas eu manquement à l'obligation d'informer le demandeur de l'existence de l'examen au moment de la présentation et du traitement de la demande, au bureau de Hong Kong.

[12]       Quant à l'argument selon lequel l'agente des visas a accordé trop d'importance aux normes étrangères, telles que la question de savoir si le demandeur était titulaire d'un certificat de cuisinier délivré en Chine plutôt que de la question de savoir s'il satisfait aux exigences canadiennes énoncées dans la CCDP et dans la CNP, la preuve n'étaye pas cette allégation. L'agente des visas a posé des questions au demandeur au sujet de son expérience ainsi qu'au sujet de son certificat de cuisinier. Ce sont les réponses qu'il a données au sujet de son expérience qui ont amené l'agente des visas à conclure que le demandeur devrait être apprécié à l'égard des fonctions de surveillant des services d'alimentation, énoncées dans la CCDP, plutôt que de cuisinier.

[13]       Pour les motifs susmentionnés, je conclus que cette demande doit être rejetée.

                         « B. Reed »

                              Juge

Vancouver (Colombie-Britannique),

le 27 août 1999.

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 IMM-1982-98

                                                           

INTITULÉ DE LA CAUSE :TIANTONG ZHENG

                                                                        c.

                                                                        MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE 25 AOÛT 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE REED en date du 27 août 1999

ONT COMPARU :                              

DOUGLAS PAGE                                            POUR LE DEMANDEUR

VICTOR CAUX                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DOUGLAS PAGE

AVOCAT

NEW WESTMINSTER (C.-B.)                       POUR LE DEMANDEUR

MORRIS ROSENBERG

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA                                               POUR LE DÉFENDEUR

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