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     T-786-93

MONTRÉAL (QUÉBEC), CE 12e JOUR DE SEPTEMBRE 1997

EN PRÉSENCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

ENTRE:

     JAGNA LIMITED

     -et-

     GROUPE TREMCA INC.

     Demanderesses

     -ET-

     TRANSPAVÉ INC.

     Défenderesse

     ORDONNANCE

     La requête de la défenderesse est rejetée, sous réserve de son droit de modifier sa défense et demande reconventionnelle actuellement au dossier afin de faire valoir en défense la licence de 1989.

     La défenderesse doit supporter les dépens sur la présente requête.

     Richard Morneau

     Protonotaire

     T-786-93

ENTRE:

     JAGNA LIMITED

     -et-

     GROUPE TREMCA INC.

     Demanderesses

     -ET-

     TRANSPAVÉ INC.

     Défenderesse

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU,

PROTONOTAIRE:

     Il s'agit d'une requête de la défenderesse en vertu des règles 420, 1716 et 1719 des Règles de la Cour fédérale (les règles) afin qu'elle soit autorisée à amender sa défense et demande reconventionnelle qu'elle déposa le 21e jour d'octobre 1993 à l'encontre d'une action en contrefaçon d'un brevet et ce, afin, d'une part, que sa défense reflète le fait qu'elle détiendrait une licence d'exploitation exclusive à l'égard dudit brevet et afin, d'autre part, que les entités entourant cette licence soient ajoutées, à sa demande reconventionnelle, à titre de défenderesses reconventionnelles et que ces dernières soient condamnées en plus à des dommages.

Contexte

     Il ressort qu'en tout temps pertinent, les parties ont été impliquées dans la fabrication et la vente de blocs destinés à un système de murs de soutènement.

     La demanderesse Jagna Limited est titulaire du brevet canadien numéro 1,182,295 (ci-après le brevet 295) à l'égard dudit système de murs. La codemanderesse Groupe Tremca Inc. détient une licence exclusive pour le brevet 295 pour le territoire de la Province de Québec et l'Est ontarien.

     L'action des demanderesses fut instituée au mois d'avril 1993 par le prédécesseur en titre de Jagna Limited et Groupe Tremca Inc.

     Il s'agit d'une action en contrefaçon du brevet 295 par la défenderesse Transpavé Inc. par laquelle les demanderesses s'objectent à la fabrication et à la commercialisation par la défenderesse d'un type de blocs connu alors et encore aujourd'hui sous la marque de commerce MAXI-TRANSBLOC.

     Auparavant, le 15 mai 1989, une action fut intentée devant cette Cour par les prédécesseurs en titre des demanderesses contre Groupe Permacon Inc. relativement à la contrefaçon, entre autres, des droits dans ce même brevet 295 (dossier T-1005-89).

     Le 21 octobre 1993, la défenderesse produisait une défense et demande reconventionnelle presque identique à celle déposée à l'époque par Groupe Permacon Inc. alors représentée par les mêmes procureurs.

     Dans sa défense présentement au dossier, la défenderesse allègue la non-contrefaçon du brevet 295 et l'invalidité du brevet en raison du fait qu'il serait anticipé ou évident par rapport au même art antérieur produit par Groupe Permacon Inc. dans l'autre cause susdite.

     Il ressort que la présente cause fut provisoirement suspendue jusqu'à ce que jugement final soit rendu dans le dossier Groupe Permacon Inc.

     C'est le 4 octobre 1995 que le juge Dubé rendit le jugement attendu en accueillant l'action des demanderesses, en déclarant que Groupe Permacon Inc. avait contrefait le brevet 295 et en rejetant par la même occasion les arguments d'invalidité soulevés par Groupe Permacon Inc.

     Le présent dossier a été réactivé par les demanderesses vers le mois de novembre 1996 par la production d'une réponse et défense reconventionnelle.

     Constatant que le dossier était réactivé, la défenderesse mandatait alors les procureurs qui agissent présentement pour elle afin qu'ils poursuivent la défense de la défenderesse et qu'ils procèdent notamment à une revue de toutes les facettes du dossier.

     Quoique l'exactitude des faits suivants et leur impact soient au centre de la polémique opposant les parties, je retiens pour l'instant qu'il appert qu'après étude et enquête, les procureurs présents de la défenderesse conclurent que contrairement à ce qui avait été mentionné à la défenderesse par ses anciens procureurs, le brevet 295 serait valide et le MAXI-TRANSBLOC reprendrait les enseignements contenus à ce brevet.

     De plus, et c'est là un fait capital en les présentes, la défenderesse ne serait pas en situation pratique de contrefaçon puisque la commercialisation du bloc MAXI-TRANSBLOC serait couverte par une licence intervenue le 24 mars 1989 (la licence de 1989) entre elle et la compagnie Rothbury Investments Limited, représentée à l'époque par son président Angelo Risi. Rothbury agissait alors, doit-on comprendre à ce stade-ci, pour Risi Stone Ltd., soit le prédécesseur en titre de la demanderesse Jagna Limited. Voilà pourquoi ce sont Rothbury Investments Limited, Risi Stone Ltd. et Angelo Risi que la défenderesse souhaite voir ajoutés à titre de codéfendeurs à sa demande reconventionnelle.

     Le dossier en termes de procédures n'est pas très avancé. Seules les demanderesses ont produit leur affidavit de documents et aucun interrogatoire au préalable n'a encore été tenu.

Les règles et principes applicables

     Les règles 420, 1716 et 1719 se lisent quant à leurs parties applicables en l'espèce comme suit:

         Règle 420. (1)    La Cour pourra, aux conditions qui semblent justes le cas échéant, à tout stade d'une action, permettre à une partie d'amender ses plaidoiries, et tous les amendements nécessaires seront faits aux fins de déterminer la ou les véritables questions en litige entre les parties.         
         (...)         
         Règle 1716. (2) La Cour peut, à tout stade d'une action, aux conditions qu'elle estime justes, et soit de sa propre initiative, soit sur demande,         
              (...)         
              b)    ordonner que soit constituée partie une personne qui aurait dû être constituée partie ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour assurer qu'on pourra valablement et complètement juger toutes les questions en litige dans l'action et statuer sur elles,         
         toutefois, nul ne doit être constitué codemandeur sans son consentement notifié par écrit ou de telle autre manière que la Cour peut juger adéquate dans les circonstances.         
         Règle 1719.    Lorsqu'un défendeur qui fait une demande reconventionnelle allègue qu'une autre personne, qui est ou non partie à l'action, a, comme le demandeur, quelque obligation envers lui quant à la question faisant l'objet de la demande reconventionnelle, il peut demander à la Cour la permission de constituer cette autre personne partie codéfenderesse à la demande reconventionnelle ainsi que toutes instructions spéciales nécessaires quant à la signification ou à la conduite de la demande reconventionnelle.         

     Il m'appert que seule la règle 420(1) est applicable à l'amendement recherché à l'égard de la défense, soit la possibilité pour la défenderesse de soulever qu'elle n'est pas en situation de contrefaçon en raison de la licence de 1989 dont elle disposerait.

     Quant à l'amendement à la demande reconventionnelle et l'ajout, en corollaire, des entités mentionnées plus tôt, les règles 420(1) et 1719 m'apparaissent toutes deux applicables. Je ne trouve ici aucune application pour la règle 1716.

     À l'égard des principes applicables en matière d'amendements d'actes de procédures, le passage suivant tiré de l'arrêt Canderel Ltée c. Canada (1993), [1994] 1 C.F. 3 (C.A.), en page 10, reflète bien le libéralisme certain dont la Cour doit faire preuve en la matière:

         ... même s'il est impossible d'énumérer tous les facteurs dont un juge doit tenir compte en décidant s'il est juste, dans une situation donnée, d'autoriser une modification, la règle générale est qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice.         

     L'on peut rajouter à ces propos, en guise de fond de toile, qu'en matière d'amendement, à l'instar d'une demande de radiation d'une procédure, l'on doit permettre l'amendement à moins qu'il soit clair et évident que l'amendement est voué à l'échec (voir Raymond Cardinal et al. c. Her Majesty the Queen, décision non rapportée de la section d'appel de cette Cour en date du 31 janvier 1994, dossier A-294-77, juges Heald, Décary et Linden).

Analyse

     À sa requête, la défenderesse a joint un projet de "défense et demande reconventionnelle amendées" dans lequel les amendements en défense et en demande reconventionnelle se trouvent en quelque sorte fondus dans les mêmes paragraphes. Je reviendrai plus tard sur cet aspect.

     Pour les fins de notre analyse, il y a lieu de scinder en deux notre étude de la requête de la défenderesse de manière à regarder l'amendement recherché quant à la défense et, par après, celui portant sur la demande reconventionnelle.

La défense

     En ce qui a trait à l'amendement que la défenderesse cherche à apporter à sa défense, le procureur des demanderesses a fait valoir que la demande de remplacer une défense de non contrefaçon et d'invalidité par une défense basée sur l'existence alléguée d'une licence constitue un changement radical de position de la défenderesse, voire une volte-face complète de sa part. Il soutient également que la défense de non contrefaçon présentement au dossier doit être vue comme un aveu que la licence de 1989 maintenant alléguée ne peut viser le MAXI-TRANSBLOC.

     Je conviens avec le procureur des demanderesses que la défenderesse cherche à modifier de façon certaine sa défense. Toutefois, cela n'est pas en soi une raison pour rejeter cette partie de la requête de la défenderesse. La défenderesse cherche-t-elle également et simplement une façon subtile d'échapper à l'application mutatis mutandis du jugement du juge Dubé? Il est difficile sans avoir eu le bénéfice de procéder à une enquête au mérite de retenir une telle avenue.

     Pareillement, je ne considère pas que la négation présente de contrefaçon à la défense au dossier doit être vue comme un aveu de non application de la licence au MAXI-TRANSBLOC. À cet égard, je retiens pour les fins de cette requête que la défense au dossier aurait été rédigée en fonction du fait que les procureurs d'alors de la défenderesse auraient indiqué aux dirigeants de cette dernière que le MAXI-TRANSBLOC ne contrevenait pas au brevet 295; d'où la logique dans la défense de nier simplement contrefaçon sans se préoccuper de soulever la licence de 1989. Au même titre, la défense au dossier ne peut être vue comme une fin de non-recevoir de l'amendement recherché.

     Comme moyen d'attaque plus centré sur les enseignements jurisprudentiels applicables, les demanderesses soutiennent que la défense de licence est invraisemblable sur la base d'une étude du texte de la licence de 1989 et du comportement des parties, dans les années entourant cette licence, et depuis.

     Quant à la licence, chaque partie se réfère à des extraits de celle-ci pour soutenir que son texte est clair en faveur de sa thèse.

     Les demanderesses soutiennent que la licence de 1989 stipule clairement que la licence ne vise que la fabrication d'un bloc qu'elles désignent sous la marque de commerce REVERS-A-BLOCK et que la défenderesse appelle, elle, le TRANSBLOC.

     La défenderesse soutient, elle, que la même licence permet de par son texte la fabrication de tout bloc qui respecte les revendications du brevet 295. Partant, la licence de 1989 visait potentiellement le MAXI-TRANSBLOC dont la production débuta en novembre 1992.

     Ma lecture de la licence m'indique que son texte permet de soutenir la thèse de l'une ou l'autre des parties et qu'il y aura donc fort probablement lieu d'aller, lors d'un procès éventuel, au-delà de son texte pour découvrir la véritable intention des parties. On ne saurait donc dire que la thèse de la défenderesse est invraisemblable. En termes d'arguments de texte, elle peut susciter une argumentation.

     En ce qui a trait au comportement des parties à l'égard des différents blocs qu'elles ont pu produire ou permettre de produire, il ressort, à mon avis, que pour chaque camp les affidavits soumis en preuve appuient la prise de connaissance par les dirigeants, à des temps différents toutefois, d'une licence à l'égard du MAXI-TRANSBLOC.

     Pour ce qui est des demanderesses, la licence de 1989 ne visant que le TRANSBLOC, on s'attendait à recevoir en vertu de la licence des redevances que pour ce bloc. Toute redevance pour tout bloc équivalent au MAXI-TRANSBLOC proviendrait de la codemanderesse Groupe Tremca Inc. qui avait apparemment reçu en 1985 du prédécesseur en titre de l'autre codemanderesse, une licence exclusive pour produire un tel bloc et qui l'a produit sous le nom PISA.

     Le fait que, dès 1985, une licence de production exclusive visant un bloc pouvant correspondre au bloc MAXI-TRANSBLOC ait été émise n'est pas en soi un fait qui soutient la thèse de la défenderesse. Toutefois, la preuve à l'audition de la requête à l'étude a laissé transpirer la possibilité que nonobstant la licence de 1985 à Groupe Tremca Inc., Risi Stone Ltd., le prédécesseur en titre de Jagna Limited, via Rothbury Investments Limited, aurait émis une autre licence en 1989 à la défenderesse.

     Pour ce qui est de la défenderesse, l'action présente des demanderesses l'a frappée en début de production du MAXI-TRANSBLOC et sur les conseils de ses procureurs d'alors, elle aurait, dès avril 1993, nié contrefaçon sans référer à la licence tel qu'on l'a vu précédemment. Le facteur "licence" se serait inscrit dans l'esprit des dirigeants de la défenderesse qu'en fin de 1996. Cela expliquerait également pourquoi des pourparlers de fusion, de collaboration au niveau de la distribution de produits, voire de règlement hors cour, auraient pris place depuis l'année 1990.

     Le procureur des demanderesses a fait valoir que l'affiant choisi par la défenderesse n'était pas un joueur central dans le cadre du litige et que ce fait diminuait de beaucoup la portée de son témoignage et mettait en doute la bonne foi de la défenderesse quant à sa nouvelle thèse d'une licence.

     Je ne peux être en accord avec cette prétention. L'affiant de la défenderesse a été au centre de la découverte de la licence de 1989 et la requête de la défenderesse est centrée sur la dynamique qui s'est alors opérée, soit à la fin de 1996, entre cet affiant et les procureurs de la défenderesse. Je ne crois pas de plus que l'on peut attaquer ici la bonne foi de la défenderesse en raison du fait que les demanderesses auraient souhaité voir comme affiant un des actionnaires de la défenderesse alors en place vers la fin des années 80 et le début des années 90. Il m'appert qu'en aucun moment pendant le contre-interrogatoire dudit affiant l'on ait soulevé cet aspect. Les demanderesses ne se sont pas non plus adressées à la Cour afin que la défenderesse soumette un affidavit d'une personne qui se serait montrée plus connaissante ou plus près des faits de l'époque.

     Somme toute, la trame factuelle, le comportement des parties, ne me permet pas à ce stade-ci - sans enquête et audition de témoins - de déclarer invraisemblable la thèse de la défenderesse. Le comportement des parties laisse place à un débat.

     D'autre part, je ne considère pas tardif l'amendement recherché si l'on considère la suspension de facto de près de trois ans entérinée par les parties. Aussitôt réalisé, l'amendement a été porté au su des demanderesses. Le fait que la base de l'amendement dépende, semble-t-il, d'une découverte récente des procureurs de la défenderesse enlève selon moi toute portée aux arguments du procureur des demanderesses quant à tout refus de suspendre les procédures ainsi qu'aux préjudices que les demanderesses auraient évités si elles avaient connu dès 1993 la thèse de la licence.

     Je serais donc en principe prêt à autoriser la défenderesse à modifier sa défense afin qu'elle puisse faire valoir la licence de 1989 comme défense à une attaque en contrefaçon du brevet 295. Je pense qu'un tel amendement serait juste. Il ne présente pas un caractère invraisemblable, n'est pas tardif et il serait dans l'intérêt de la justice de l'accorder. À mon sens, il permettrait de faire ressortir les véritables questions litigieuses entre les demanderesses et la défenderesse.

     Il reste maintenant à analyser les modifications que la défenderesse cherche à apporter non pas à sa défense à l'action entre elle et les demanderesses mais bien à sa demande reconventionnelle.

La demande reconventionnelle

     Une première modification porte sur une compensation partielle que la défenderesse aimerait opérer entre, d'une part, le montant des redevances qu'elle considère maintenant devoir payer aux demanderesses pour la fabrication du MAXI-TRANSBLOC et, d'autre part, un montant qu'elle aurait à tort payé à titre de redevances pour un type de bloc, le MINI-TRANSBLOC, qui n'aurait jamais dû, semble-t-il, être considéré comme visé par la licence de 1989. Voici à cet égard comment la défenderesse s'exprime aux paragraphes 14 à 17 de son projet de défense et demande reconventionnelle amendées (le projet d'amendement):

         14.      Depuis la signature de cette entente, Transpavé et la compagnie Rothbury Investments Ltd. ont toujours pleinement donné effet à celle-ci puisque la défenderesse a payé à ce jour environ 102 060,00$ en redevance des suites de la commercialisation, à l'intérieur du territoire identifié à l'entente, des blocs 295 et la compagnie Rothbury Investments Ltd. n'a jamais cessé de percevoir les redevances versées par Transpavé et à chaque mois elle fait parvenir à Transpavé un relevé dont cette dernière doit se servir pour indiquer le montant mensuel des ventes générées par les produits licenciés ainsi que les redevances dues. (Transpavé ayant versé jusqu'à ce jour environ 91 350,00$ en redevance pour le bloc TRANSBLOC et 10 710,00$ pour le bloc MINI-TRANSBLOC.);         
         15.      En ce qui concerne les blocs MAXI-TRANSBLOC, les anciens procureurs de la Transpavé avaient émis l'opinion, autant préliminaire qu'informelle, à l'effet que ceux-ci pourraient ne pas violer le brevet 295 mais surtout que celui-ci était manifestement invalide. Après avoir obtenu l'opinion des procureurs soussignés à l'effet que ces blocs étaient couverts par le brevet 295 et donc également par la licence dont bénéficie Transpavé, Transpavé réalise maintenant qu'elle aurait dû verser à Rothbury Investments Ltd. des redevances de l'ordre de 141 744,00$ suite à la fabrication et à la commercialisation de ces blocs;         
         16.      Par contre, par la même occasion, Transpavé réalise que la compagnie Rothbury Investments Ltd. a perçu sans droit des redevances d'environ 10 710,00$ pour la fabrication et la commercialisation des blocs MINI-TRANSBLOC puisque ces blocs ne permettent pas d'obtenir une inclinaison par rapport à un plan vertical lorsqu'ils sont imbriqués les uns sur les autres et ne reprennent donc pas les enseignements contenus au brevet 295 car l'un des éléments essentiels de ce brevet n'est pas présent;         
         17.      Afin de remédier au défaut de ne pas avoir versé de redevances pour le bloc MAXI-TRANSBLOC, Transpavé offre et consigne, avec le dépôt de la présente défense et demande reconventionnelle amendées, la somme de 131 034,00$, somme qui correspond à la différence entre les redevances que la (sic) Transpavé aurait dû verser et celles que la compagnie Rothbury Investments Ltd. n'était pas en droit de recevoir;         

     Je suis d'accord avec le procureur des demanderesses pour dire que cette question de compensation est véritablement le résultat d'un recours en répétition de l'indu que la défenderesse devra intenter devant un tribunal provincial qui a, contrairement à cette Cour, juridiction sur cette question contractuelle entre particuliers.

     Par ailleurs, la défenderesse cherche à se servir de la licence de 1989 dans le cadre de son projet d'amendement non pas seulement en riposte en défense à une attaque en contrefaçon mais également comme arme de revendication de dommages-intérêts contre les entités qu'elle cherche à ajouter à titre de défenderesses reconventionnelles. Des dommages-intérêts lui seraient dus, que la licence de 1989 soit déclarée valide ou non. La défenderesse fait état de ces réclamations de dommages-intérêts comme suit aux paragraphes 18 et 22 de son projet d'amendement:

         18.      Puisqu'en vertu de l'entente Risi, Transpavé bénéficie d'une licence exclusive en principe valide, l'action des demanderesses doit être rejetée et Transpavé est en droit de réclamer de la co-demanderesse Risi Stone Systems Inc., des compagnies Rothbury Investments Ltd. et Risi Stone Ltd. et d'Angelo Risi des dommages-intérêts équivalant aux frais qu'elle aura encourus dans le cadre de la défense de cette action.         
         (...)         
         22.      Dans l'éventualité où cette honorable Cour en arrivait néanmoins à la conclusion que l'entente Risi est invalide, l'action en contrefaçon de brevet des demanderesses pourrait être accueillie, mais Transpavé serait alors en droit de réclamer de la co-demanderesse Risi Stone Systems Inc., des compagnies Rothbury Investments Ltd. et Risi Stone Ltd. et d'Angelo Risi des dommages-intérêts équivalant aux frais qu'elle aura encourus dans le cadre de la défense de cette action et au montant qu'elle serait susceptible de payer suite à la violation du brevet 295 en plus de la somme de 250 000,00$ pour ennuis, tracas et frais divers résultant du caractère abusif et frauduleux de l'institution des présentes procédures;         

     Ces réclamations de dommages-intérêts, tout comme celle en compensation, sont, tel que l'a plaidé le procureur des demanderesses, des recours directement et principalement contractuels qui ne présentent à mes yeux aucun lien accessoire avec une contrefaçon, ou non, entre les parties figurant présentement à l'intitulé de cause. La jurisprudence de cette Cour est claire à l'effet que cette dernière n'a pas juridiction sur des réclamations de nature contractuelle entre parties privées. Voir à cet effet les arrêts Flexi-Coil Ltd. v. Smith Roles Ltd. (1980), 50 C.P.R. (2d) 29, [1981] 1 C.F. 632; R. W. Blacktop Ltd. v. Artec Equipment Co. (1991), 39 C.P.R. (3d) 432, 50 F.T.R. 225 (C.F. 1ère inst.) et Lawther v. 424470 B.C. Ltd. (1995), 60 C.P.R. (3d) 510 (C.F. 1ère inst.).

     Le procureur de la défenderesse a soutenu que même si la Cour était convaincue de ne pas avoir juridiction sur ces amendements, elle se devait au stade d'une requête en amendements de les laisser entrer au dossier puisque la partie adverse pourrait toujours par après les attaquer par requête. Pour appuyer sa position à cet égard, le procureur de la défenderesse a cité l'arrêt Dame Thérèse Veilleux c. Robert Marineau, [1969] R.C.S. 861, où en page 863, la Cour suprême a émis les commentaires qui suivent quant à un amendement recherché par la demanderesse impliquant un court délai de prescription entraînant la déchéance du droit d'action:

         ... comme cet amendement est susceptible d'être attaqué par d'autres moyens, il semble plus sage de s'abstenir d'émettre une opinion sur toute cause éventuelle de déchéance du droit d'action, avant l'amendement même.         

     À la lecture des motifs complets de la cour, on constate que cette dernière, en raison d'un arrêt précédent, était incertaine quant à l'application en l'espèce des règles en matière d'interruption de prescription. C'est cette incertitude qui semble avoir mené la cour à faire preuve de retenue et à permettre l'amendement recherché.

     Ici, les principes m'apparaissent suffisamment certains pour ne pas faire preuve de la même retenue. De plus, l'amendement de la défenderesse à l'égard de sa demande reconventionnelle implique à coup sûr l'exercice par la Cour d'une discrétion tant sous la règle 420 que sous la règle 1719. Dans le cadre de cet exercice, je ne suis pas prêt à laisser entrer au dossier des amendements qui m'apparaissent clairement être hors du ressort de cette Cour.

     En conclusion, comme les amendements que la défenderesse cherche à apporter à sa défense se trouvent entremêlés avec ceux qui portent sur sa demande reconventionnelle et qui eux sont inacceptables, je ne vois d'autre solution que de rejeter la requête de la défenderesse dans son ensemble, tout en lui réservant le droit de modifier sa défense et demande reconventionnelle actuellement au dossier afin de faire valoir en défense la licence de 1989. Je pense, de plus, que la défenderesse doit supporter les dépens sur la présente requête.

     Richard Morneau

     Protonotaire

Montréal (Québec)

le 12 septembre 1997

             T-786-93

JAGNA LIMITED

-et-

GROUPE TREMCA INC.

             Demanderesses

TRANSPAVÉ INC.

             Défenderesse

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-786-93

JAGNA LIMITED

-et-

GROUPE TREMCA INC.

     Demanderesses

ET

TRANSPAVÉ INC.

     Défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 2 septembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR:Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 12 septembre 1997

COMPARUTIONS:

Me Jacques Léger pour les demanderesses

Me François Guay pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Jacques Léger pour les demanderesses

Léger Robic Richard

Montréal (Québec)

Me François Guay pour la défenderesse

Smart & Biggar

Montréal (Québec)

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