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Date : 20040317

 

Dossier : IMM‑841‑03

 

Référence : 2004 CF 407

 

 

ENTRE :

 

                                                          GURDEV SINGH KALSI

                                                                                                                                           demandeur

 

 

                                                                             et

 

 

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                                                                             défendeur

 

 

 

                                                  MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 

LA JUGE TREMBLAY‑LAMER

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) dans laquelle la Commission a décidé que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger selon la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

[2]               Le demandeur, citoyen de l’Inde, est né le 2 janvier 1955. Il est arrivé au Canada le 23 novembre 2001 et il a demandé l’asile le 26 novembre 2001. Il allègue craindre d’être persécuté du fait de ses opinions politiques imputées. De plus, le demandeur prétend qu’il est une personne à protéger du fait qu’il serait exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il devait retourner dans son pays d’origine. Il allègue les faits suivants à l’appui de sa demande.

 

[3]               Le demandeur était propriétaire d’un atelier de réparation de tracteurs. Le 10 janvier 1999, la police a effectué une descente à l’atelier du demandeur à la recherche d’un de ses étudiants, Amrik Singh, pour interroger ce dernier sur les liens qu’il entretenait avec des terroristes. Comme ils n’ont pas trouvé Singh, ils ont arrêté le demandeur et l’ont torturé afin qu’il admette que lui‑même entretenait des liens avec des terroristes. Le demandeur a été relâché cinq jours plus tard au moment où Singh a été arrêté.

 

[4]               Le 24 juillet 2000, une explosion s’est produite à Ballan. Le 25 juillet 2000, la police a effectué une descente au domicile du demandeur et l’a interrogé au sujet de Singh. La police aurait prétendu  que Singh était devenu un « militant notoire ».

 

[5]               Le demandeur n’a pas été en mesure de leur donner quelque information que ce soit. Il a donc été à nouveau arrêté et torturé. Il a été relâché deux jours plus tard à condition de les aider à capturer Singh et d’autres terroristes.


 

[6]               Le 12 août 2001, Singh s’est présenté avec quelques militants à l’atelier du demandeur et il a demandé à ce dernier de réparer leur Jeep. Quelques minutes plus tard, ils ont aperçu deux véhicules de police et se sont enfuis en passant par l’arrière de l’atelier. La police a arrêté un des militants et elle a trouvé des armes à l’arrière de leur véhicule; elle a donc procédé à l’arrestation du demandeur et l’a torturé à nouveau .

 

[7]               Le demandeur a été relâché le 16 août 2001 à la condition qu’il aide la police à arrêter Singh et ses amis militants.

 

[8]               La Commission a conclu que le demandeur n’était pas crédible, principalement parce qu’il n’avait pas été en mesure d’établir qu’il était réellement en Inde au moment où ses ennuis auraient eu lieu.

 

[9]               Le défendeur a correctement fait valoir que conformément à la décision de la Cour d’appel fédérale dans Sheikh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 238, une conclusion générale de manque de crédibilité du demandeur peut fort bien s’étendre à tous les éléments de preuve pertinents de son témoignage et entraîner une conclusion selon laquelle il n’existe aucun élément de preuve crédible sur lequel le demandeur peut fonder sa demande.

 

[10]           Toutefois, la Commission a l’obligation de tenir compte d’éléments de preuve pertinents qui ne proviennent pas du témoignage du demandeur et qui peuvent établir un lien entre le demandeur et sa demande (Vijayarajah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 167 F.T.R. 295). En l’espèce, la Commission n’a pas tenu compte de la preuve médicale dans laquelle le Dr Kang a dit que le demandeur avait reçu des soins à l’hôpital de Nirmal le 15 janvier 1999 et le 27 juillet 2000, alors qu’il souffrait de nombreuses blessures, ecchymoses et douleurs. Le Dr Kang dit qu’il a également soigné le demandeur le 16 août 2001 pour de nombreuses blessures, incluant des brûlures graves sur son dos et ses jambes, des ecchymoses et des douleurs.

 

[11]           Je suis d’avis qu’avant de tirer une conclusion concernant la crédibilité du demandeur, la Commission avait l’obligation d’étudier la preuve contenue dans ce document médical, non seulement parce que cette preuve confirmait que le demandeur était bien en Inde pendant la période en question, mais également parce qu’elle démontrait que les blessures du demandeur auraient pu être causées par la torture. Cette preuve est d’autant plus importante si l’on considère que les dates des trois séjours du demandeur à l’hôpital correspondent exactement à celles des incidents de torture allégués. En outre, dans son témoignage, le Dr Kang avait dit qu’à l’époque le demandeur lui avait raconté que ses blessures avaient été causées par la torture que lui avait fait subir la police, ce qui confirme également les allégations du demandeur.

 

[12]           Pour conclure, je suis bien consciente que le rôle de cette Cour n’est pas de substituer ses propres  conclusions de fait à celles de la Commission mais, je suis d’avis que la preuve médicale était particulièrement pertinente et que la Commission aurait dû l’inclure dans son analyse qui portait sur la crédibilité du demandeur. Que la Commission ait rejeté ces éléments de preuve simplement parce qu’elle avait conclu que le demandeur n’était pas crédible est une erreur manifestement déraisonnable.

 

[13]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accordée. L’affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.

 

 

 

 

                                                                                                                 « Danièle Tremblay‑Lamer »           

                                                                                                                                                     Juge                               

 

 

Montréal (Québec)

Le 17 mars 2004

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

 

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                          IMM‑841‑03

 

 

INTITULÉ :                                                         GURDEV SINGH KALSI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 LE 16 MARS 2004

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LA JUGE TREMBLAY‑LAMER

 

 

DATE DES MOTIFS :                                        LE 17 MARS 2004

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stewart Istvanffy                                                     POUR LE DEMANDEUR

 

Diane Lemery                                                         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stewart Istvanffy                                                     POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

Morris Rosenberg                                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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