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Date : 20020917

Dossier : IMM-358-02

Référence neutre : 2002 CFPI 954

Ottawa (Ontario), le mardi 17 septembre 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                                      XIU QING SHI

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]                 La Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'aurait commis qu'une seule erreur lorsqu'elle a examiné la revendication du statut du réfugié au sens de la Convention de Mme Shi. Cette erreur aurait été le rejet du certificat de baptême de Mme Shi, qui aurait été présenté à titre de preuve indépendante et objective de la foi chrétienne de celle-ci, sans qu'on lui ait fourni la possibilité de clarifier les lacunes ou défauts apparents du document. Cette erreur aurait eu pour conséquence une décision viciée, car le rejet du document aurait empêché la SSR d'examiner la revendication sur place de Mme Shi.


[2]         Mme Shi revendique le statut de réfugié au sens de la Convention sur le fondement qu'elle craint avec raison d'être persécutée du fait de sa foi chrétienne. Elle dit qu'à cause de son prosélytisme dans la province chinoise de Fujian, elle a perdu son emploi à l'école où elle faisait son stage d'un mois, stage qui était requis pour l'obtention de son diplôme de professeur.

[3]         La SSR a rejeté la revendication au motif qu'elle n'a pas cru le témoignage de Mme Shi et qu'elle n'a pas été convaincue que Mme Shi avait démontré un fondement objectif à sa crainte d'être persécutée.

[4]         La SSR a conclu que le témoignage de la demanderesse n'était pas crédible en raison d'incompatibilités relevées dans ses antécédents scolaires et professionnels. La SSR a conclu que le témoignage de Mme Shi suivant lequel celle-ci a prêché le christianisme dans sa classe n'était pas crédible parce que Mme Shi était une étudiante en stage et était donc supervisée.

[5]         La SSR a conclu qu'il était peu vraisemblable qu'un professeur en Chine soit autorisé à rencontrer des élèves dans leurs chambres en dehors des heures de classe. Les témoignages de Mme Shi en ce qui concerne les règles que les professeurs étaient tenus de suivre sont contradictoires. La SSR a aussi conclu qu'il était peu vraisemblable, compte tenu du grand nombre de chrétiens dans la province d'origine de la demanderesse, le Fujian, que la police ait continué à la rechercher activement pour un crime aussi mineur que la distribution de publications chrétiennes.


[6]         La SSR a fait remarquer que Mme Shi n'avait eu aucun problème à faire modifier son hukau et qu'elle avait quitté la Chine sans difficulté avec son propre passeport. Selon la preuve documentaire dont était saisie la SSR, les gardes postés à la frontière auraient, en toute vraisemblance, vérifié le passeport de Mme Shi dans leur système informatique.

[7]         La SSR a noté que Mme Shi a, dans son Formulaire de renseignements personnels, simplement décrit l'incident culminant de la façon suivante : [TRADUCTION] « Le 2 avril, l'église a organisé diverses activités. » Dans sa déposition orale, la demanderesse a décrit l'incident comme étant une distribution, dans la rue, de dépliants visant à encourager la conversion des gens au christianisme.

[8]         La SSR a tiré une inférence défavorable de la déclaration de Mme Shi suivant laquelle elle n'a pas été baptisée en Chine. La SSR a rejeté l'explication de la demanderesse selon laquelle l'occasion de se faire baptiser ne s'était pas présentée parce qu'un baptême ne pouvait pas être organisé pour une seule personne. La SSR a rejeté cette explication parce qu'elle a trouvé invraisemblable que Mme Shi n'ait pu trouver aucun moment propice pour se faire baptiser pendant les deux années passées en Chine après sa conversion, alors que cette dernière prétend être une croyante si fervente qu'elle était prête à pratiquer sa religion et faire du prosélytisme malgré le risque que cela représentait pour sa carrière.


[9]         La SSR a noté que Mme Shi n'a pas réussi à expliquer de quelle manière sa foi l'avait poussée à faire du prosélytisme auprès de ses élèves et qu'elle n'a pu que décrire vaguement ses croyances en disant qu'elle [TRADUCTION] « croyait en Jésus » , qu'il l'avait sauvée et qu'elle irait au paradis.

[10]       La SSR n'a accordé aucune valeur au certificat de baptême produit en preuve parce que le nom du pasteur qui l'a signé est illisible et que le certificat ne mentionne ni l'adresse ni la confession de l'église.

[11]       La demanderesse a admis que la signature du pasteur est illisible et que le certificat ne mentionne ni l'adresse ni la confession de l'église.

[12]       Pour les motifs exposés ci-après, je suis d'avis que la SSR n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle en n'accordant aucune valeur au certificat de baptême.

[13]       Comme le montre l'analyse précédente de sa décision, la SSR n'a pas cru le témoignage de Mme Shi et a fourni des motifs détaillés à l'appui de sa conclusion selon laquelle les allégations de la demanderesse ne sont pas crédibles. À la lecture de l'ensemble des motifs, je suis convaincue que la SSR s'est fondée sur toute la preuve dont elle était saisie, et pas simplement sur le rejet du certificat de baptême, pour conclure que Mme Shi n'était pas chrétienne.


[14]       En substance, la SSR a conclu qu'il était invraisemblable que Mme Shi ait attendu, après sa conversion, presque deux ans - au cours desquels elle allègue avoir cherché à convertir d'autres personnes - pour se faire baptiser. Au vu de la preuve, la SSR était en droit de tirer cette conclusion.

[15]       L'avocat de Mme Shi a demandé à sa cliente d'expliquer pourquoi elle avait attendu, après sa conversion, tellement de temps pour se faire baptiser et a obtenu une explication. La demanderesse a donc eu la possibilité d'éclairer la SSR sur cette question. L'incapacité de Mme Shi de décrire ses croyances autrement qu'en termes vagues n'a ajouté rien de bon à sa revendication.

[16]       En ce qui concerne l'erreur précise qui est alléguée, la SSR a interrogé Mme Shi au sujet de la confession de l'église et la demanderesse a été incapable de répondre à la question.

[17]       Je ne suis pas convaincue que la SSR a commis une erreur susceptible de contrôle en ne demandant pas à Mme Shi de s'expliquer sur la signature illisible du pasteur ou l'absence de l'adresse de l'église parce que ces défauts étaient évidents au vu du document. La présence ou l'absence de ces éléments a une incidence sur la valeur à accorder au document. La SSR n'est pas tenue de motiver en grand détail la question de savoir si elle estime qu'un élément de preuve a, ou n'a pas, une valeur probante.


[18]       Comme on a fait valoir qu'en rejetant le certificat de baptême, la SSR a été empêchée d'examiner la revendication sur place, il convient de préciser que ce document ne servait qu'à déterminer si Mme Shi était chrétienne. En soi, le certificat ne présentait aucune utilité quant à savoir si la demanderesse était une chrétienne faisant du prosélytisme.

[19]       La SSR a cependant examiné la question de savoir si le simple fait de pratiquer une religion chrétienne dans la province de Chine d'où est originaire Mme Shi pouvait susciter une crainte justifiée de persécution. Selon les documents dont disposait la SSR, le protestantisme est une des cinq religions officiellement reconnues en Chine (Mme Shi a témoigné qu'elle était protestante). La SSR a conclu que les documents d'information objectifs dont elle a pris connaissance ne démontraient pas que le simple fait qu'une personne adhère à la religion chrétienne nuirait à ses rapports avec l'État d'une façon telle que cela puisse susciter une crainte objective de persécution. La demanderesse n'a pas contesté cette conclusion.

[20]       Il s'ensuit que même si la SSR avait cru que Mme Shi s'était convertie au christianisme et qu'elle avait été baptisée au Canada, la simple adhésion à une religion chrétienne ne pourrait pas justifier une crainte objective de persécution. Par conséquent, on ne peut fonder une revendication sur place uniquement sur la base d'un baptême ou de la pratique d'une religion chrétienne.

[21]       Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


[22]       La demanderesse a cherché à faire certifier la question suivante :

[TRADUCTION]

Dans le cas où une décision d'un tribunal est en partie fondée sur une appréciation défavorable de la preuve documentaire et où le demandeur ne s'est pas vu offrir la possibilité d'expliquer les lacunes ou défauts apparents de cette preuve, doit-il y avoir une nouvelle audition étant donné que la Cour n'est pas le droit de substituer sa propre appréciation de la preuve s'il n'y avait pas eu cette erreur ou y a-t-il des circonstances dans lesquelles une telle erreur dans l'appréciation de la preuve n'aura pas d'incidence sur la décision rendue?

[23]       Le ministre s'oppose à la certification de la question sur le fondement qu'il est bien établi en droit que le tribunal a l'obligation de fournir aux revendicateurs une possibilité valable d'être entendus et que la présente affaire traite simplement de la question de savoir si le tribunal s'est effectivement acquitté de cette obligation. Par conséquent, on affirme que la décision porte sur un cas d'espèce, de sorte que ce n'est pas un cas approprié pour la certification d'une question.

[24]       Je suis d'accord. De plus, en ce qui a trait à la question de savoir si l'erreur dans l'appréciation de la preuve aura une incidence sur la décision, j'estime que les règles de droit sont bien fixées dans des arrêts tels que Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 55; Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, à la page 228; et Yassine c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 172 N.R. 308 (C.A.F.).

[25]       Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.


ORDONNANCE

[26]       LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question n'est certifiée.

« Eleanor R. Dawson »

Juge

    

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

   

DOSSIER :                                                        IMM-358-02

  

INTITULÉ :                                                     Xiu Qing Shi c. MCI

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Vancouver (Colombie-Britannique)

  

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 29 août 2002

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :             LE JUGE DAWSON

  

DATE DES MOTIFS :                                  Le 17 septembre 2002

   

COMPARUTIONS :

Douglas Cannon                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Sandra Weafer                                                    POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elgin, Cannon & Associates                               POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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