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Date : 20030620

Dossier : T-1914-01

Référence : 2003 CFPI 771

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

AB HASSLE et ASTRAZENECA CANADA INC.

demanderesses

- et -

APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL


[1]                Les demanderesses (Astra) détiennent depuis 1990 le brevet canadien 1,264,751 (le brevet ou le brevet 751) à l'égard d'une forme de l'oméprazole, à savoir certains sels d'addition de base de l'oméprazole, composés efficaces pour le traitement de l'acidité gastrique. Maintenant, quelque trois ans avant l'expiration du brevet, la défenderesse, Apotex Inc. (Apotex), conteste la validité de celui-ci en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement).

[2]                Le sel d'addition de base de magnésium de l'oméprazole - la revendication 4 du brevet 751 - est particulièrement important en l'espèce. Apotex souhaite obtenir du ministre de la Santé un avis de conformité (AC) afin de pouvoir vendre le médicament et en faire la publicité. Selon le Règlement, cela n'est possible que si le brevet est déclaré invalide dans la présente procédure sommaire.

[3]                Les considérations juridiques liées à la procédure d'obtention d'un AC sont bien établies (voir Hoffmann-LaRoche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), 70 C.P.R. (3d) 206, aux pages 210 à 212) et ne sont pas en litige en l'espèce, sauf celles, importantes, ayant trait au fardeau de présentation de la preuve et à la charge de persuasion dans les demandes où, comme en l'espèce, la seule question à trancher est celle de la validité du brevet.

[4]                Dans son avis d'allégation (AA), Apotex allègue que le brevet est invalide pour cause d'antériorité : elle plaide que le brevet est invalide parce que la demande de brevet européenne 5129 d'Astra, publiée en 1979 (la demande 5129), enseigne aux personnes non inventives versées dans l'art comment produire la forme saline de l'oméprazole d'Astra.


[5]                La date du dépôt de la demande 5129 est importante parce que, selon l'alinéa 27(1)b) de la Loi sur les brevets, Astra ne peut obtenir le brevet 751 que si l'invention qu'elle revendique n'était pas décrite dans une publication imprimée plus de deux ans avant la date de dépôt de la demande de brevet, soit le 2 mars 1984.

[6]                Apotex allègue aussi que le brevet est invalide pour cause d'évidence. Sa principale allégation est que l'état de la technique avant le brevet, notamment la technique exposée dans la demande 5129, était tel que les personnes versées dans l'art connaissaient la forme saline de l'oméprazole d'Astra et que celle-ci aurait de ce fait été produite.

[7]                L'équivalent canadien de la demande de brevet 5129 était le brevet 1127158 (le brevet 158), maintenant expiré. Le brevet 158 n'est important en l'espèce qu'à l'égard de l'allégation de double brevet dont il est question plus bas, au point F.

[8]                Personne ne conteste que la science sous-jacente au brevet 751 n'était pas inconnue lors de la délivrance de ce brevet. L'oméprazole n'est qu'un des milliers de composés revendiqués dans la demande de brevet 5129 et a été breveté au Canada par le brevet 158. Tous s'entendent pour dire qu'une personne versée dans l'art saurait qu'on pouvait, à partir de la formule de l'oméprazole, former sans difficulté des « sels » , qui peuvent être soit des « sels d'addition de base » soit des « sels d'addition d'acide » du composé oméprazole. Une initiation à la science est nécessaire pour comprendre la différence entre ces deux sels et les extraits suivants constituent un résumé utile :


[TRADUCTION]

Acides, bases et sels

Lorsqu'un composé chimique comme l'oméprazole est synthétisé, on prépare souvent, à des fins de développement de médicaments, des sels de l'entité parentale pour modifier certaines propriétés physiques et chimiques du composé comme la solubilité, la stabilité à l'entreposage, etc.

D'une façon générale, un sel peut être considéré comme le produit d'une réaction entre un « acide » et une « base » . Un acide est une entité chimique dont les molécules ont tendance à perdre un ion hydrogène (H) - il s'agit d'un composé donneur d'hydrogène -, et une « base » est une entité chimique dont les molécules ont tendance à capter un ion hydrogène, il s'agit d'un composé accepteur d'hydrogène. Un sel d'addition de base est formé lorsqu'une entité chimique réagit avec une base et perd un ion hydrogène. Un sel d'addition d'acide est formé lorsqu'une entité chimique réagit avec un acide et capte un ion hydrogène.

Certaines entités chimiques possèdent plusieurs groupements fonctionnels, dont certains sont accepteurs d'hydrogène et d'autres, donneurs d'hydrogène, permettant ainsi à ces entités de devenir soit des sels d'addition de base, soit des sels d'addition d'acide. L'oméprazole est une entité chimique de ce type.

On peut obtenir un sel d'addition de base de l'oméprazole en enlevant l'hydrogène lié à l'azote en position N1 du benzimidazole. Ainsi, on obtiendrait un sel d'addition de base de l'oméprazole en faisant réagir l'oméprazole avec une base comme l'hydroxyde de sodium (NaOH), ce qui entraînerait la formation d'oméprazole de sodium (le Na déplaçant l'hydrogène lié à l'azote en position N1 du benzimidazole). L'hydrogène se lierait alors au groupement OH pour former de l'eau, H2O.

L'oméprazole peut également réagir pour former un sel d'addition d'acide. L'oméprazole possède, en principe, deux sites pouvant agir comme accepteur de proton pour créer le sel d'addition d'acide, soit l'azote en position N3 du benzimidazole et l'azote en position N1 de la pyridine. Un sel d'addition d'acide d'oméprazole pourrait être formé en faisant réagir l'oméprazole avec de l'acide chlorhydrique (HCl), ce qui entraînerait la formation de chlorhydrate d'oméprazole dans lequel l'hydrogène libéré viendrait se lier soit à l'azote en position N3 du benzimidazole ou à l'azote en position N1 de la pyridine, avec l'addition de chlore à la molécule.

La force ou la faiblesse d'un acide ou d'une base dépend de la force avec laquelle le composé libère un hydrogène dans le cas d'un acide, et de la force avec laquelle il capte un hydrogène dans le cas d'une base. Plus l'acide est fort, plus il a tendance à libérer un hydrogène et, en conséquence, plus il réagira facilement avec une base pour former un sel d'addition de base.

Pour indiquer la force d'un acide ou d'une base, on utilise, entre autres, une valeur connue sous l'appellation pK - pKa dans le cas des acides et pKb dans le cas des bases. Plus la base ou l'acide est fort, moins la valeur du pKb ou du pKa est élevée.


Lorsqu'un acide et une base réagissent pour former un sel, la solution résultante sera neutre, acide ou basique selon les forces de l'acide et de la base qui ont réagi ensemble. En conséquence, des parts égales d'un acide fort et d'une base forte ou d'un acide faible et d'une base faible entraîneront la formation d'une solution essentiellement neutre et le pH résultant (la mesure de l'alcalinité/acidité) de la solution sera aux environs de 7. Au contraire, une réaction dans laquelle on ferait intervenir des parts égales d'un acide fort et d'une base faible résultera en la formation d'une solution acide, ce qui signifie que le pH de la solution serait inférieur à 7, tandis qu'une réaction dans laquelle on ferait intervenir des parts égales d'un acide faible et d'une base forte résulterait en une solution basique, ce qui signifie que le pH de la solution serait supérieur à 7.

(Dossier de la défenderesse, pages 4 à 6) [Renvois omis.]

[9]                Le brevet 751 revendique des droits à l'égard de certains « sels d'addition de base » de l'oméprazole. Si la façon de produire le sel d'addition de base ne pouvait présenter de difficulté, une question importante se pose naturellement : Comment se fait-il qu'Astra soit en droit de jouir de la protection d'un brevet? Astra fait valoir que, si une personne versée dans la science pouvait produire des sels d'addition de base de l'oméprazole, cette même personne, oeuvrant dans un milieu thérapeutique, ne le ferait pas parce qu'on n'aurait pas soupçonné que les sels d'addition de base de l'oméprazole puissent avoir des vertus thérapeutiques.

[10]            Il appert que les sels d'addition de base de l'oméprazole ont sans contredit des vertus thérapeutiques, et Astra fait valoir que l'étincelle créatrice à l'origine de son invention est cette découverte.

[11]            La présente affaire tourne par conséquent autour de la différence entre « pouvait » et « ferait » . En d'autres termes, s'il est vrai qu'une personne non inventive versée dans l'art pouvait arriver au brevet 751 à partir des éléments décrits à la demande de brevet 5129, le ferait-elle?


[12]            Il est nécessaire de s'arrêter un instant sur la question de la crédibilité des experts de part et d'autre dans la présente demande, experts qui ont souscrit des affidavits et ont subi des contre-interrogatoires à ce sujet.

[13]            Les experts suivants ont présenté des affidavits pour le compte d'Astra :

1. M. Peder Berntsson, Ph.D. en chimie organique, conseiller scientifique principal, Soutien scientifique des brevets, chez Astra jusqu'en 2001;

2. M. James D. Wuest, Ph.D. en chimie organique, professeur de chimie à l'Université de Montréal;

3. M. Gordon Amidon, Ph.D. en chimie pharmaceutique, professeur de pharmacie à l'Université du Michigan;

4. M. Christopher T. Rhodes, Ph.D. en pharmacie, professeur en science pharmaceutique appliquée à l'Université du Rhode Island et président de PharmaCon Inc., société d'experts-conseils en produits pharmaceutiques.

[14]            Les experts suivants ont présenté des affidavits pour le compte d'Apotex :

1. M. Zak T. Chowhan, Ph.D. en chimie pharmaceutique, consultant indépendant dans le domaine du développement des médicaments;

2. M. Eli Shefter, Ph.D. en pharmacie, consultant indépendant;

3. M. Hendricksson, Ph.D. en chimie organique, professeur de chimie à l'Université Brandeis au Massachusetts;

4. M. Edward Lee-Ruff, Ph.D. en chimie organique, professeur à l'Université York à Toronto;

5. M. Robert McClelland, Ph.D. en chimie, professeur de chimie à l'Université de Toronto;


6. M. Robert S. Brown, Ph.D. en chimie, professeur de chimie à l'Université Queens;

7. M. Michael V. Sefton, ScD en génie chimique, professeur à l'Institut des biomatériaux et de génie biomédical de l'Université de Toronto, directeur de cet institut et professeur au Département de génie informatique et de chimie appliquée de l'Université de Toronto.

[15]            Dans la présente affaire, les parties accusent les experts de l'adversaire de partialité dans une tentative visant à entâcher la crédibilité de ces derniers. Comme on le verra plus bas, j'ai accordé du poids aux témoignages des experts, mais je l'ai fait en me fondant sur les affirmations de chacun dans le contexte de l'ensemble de la preuve versée au dossier et non en considération des liens qu'ils pourraient avoir avec la partie pour le compte de laquelle ils témoignent.

[16]            Dans la présente affaire, tous les experts ont juré avoir rendu un témoignage véridique. Sur ce fondement, la personne qui apprécie la preuve doit présumer que les témoins sont crédibles, à moins qu'on ne démontre clairement le contraire (pour un exemple de ce principe général, voir Maldonado c.Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.). Autrement dit, même s'ils défendent, sur un sujet donné, des opinions différentes, on doit présumer que leurs affirmations n'ont pas pour but d'accorder un bénéfice à la partie qui s'appuie sur leur témoignage. Je suis d'avis qu'il est injuste à l'égard des témoins, et donc des parties, de tirer, sous le couvert de conclusions portant sur le poids de la preuve, des conclusions défavorables au sujet de la crédibilité sans avoir vu et entendu chacun des témoins.


[17]            Je n'ai, en l'espèce, absolument aucune raison de mettre en doute la crédibilité d'aucun des experts.

A. L'objection préliminaire

[18]            Apotex a tenté pour la première fois en 1998 d'attaquer la validité du brevet 751 en vertu du Règlement. Cette tentative a avorté après le contre-interrogatoire de ses experts sur leurs affidavits. Il appert que deux de ses experts ont fait valoir des points de vue contraires aux intérêts d'Apotex allégués dans l'AA et qu'Apotex a conclu que la preuve dont elle disposait ne lui permettait pas d'étayer ses allégations. La Cour a mis un terme à cette tentative de 1998 dans une ordonnance reprenant une entente conclue entre Apotex et Astra.


[19]            Le présent AA est donc la deuxième tentative d'Apotex. Il est important de noter que, dans la présente affaire, l'avocat d'Astra a confirmé lors de la plaidoirie que l'abandon de l'AA de 1998 n'a entraîné ni coûts ni complications pour Astra. Celle-ci fait toutefois valoir, en objection préliminaire, que cette deuxième tentative d'Apotex constitue un abus de procédure. Interrogé sur la véritable raison qui le poussait à adopter cette position, l'avocat d'Astra a confirmé que son objection était liée au témoignage des deux témoins qui ont contredit les allégations contenues dans l'AA de 1998. De fait, dans la présente demande, Astra a essayé en plaidoirie de faire verser ces témoignages au dossier de l'espèce, sans en avoir donné avis dans ses observations écrites, soutenant que cela pouvait être fait par le biais de la preuve par ouï-dire contenue dans l'affidavit d'un avocat et agent de brevets membre de l'équipe juridique d'Astra. Les avocats d'Apotex se sont bien entendu opposés à cela. En conséquence, j'ai rejeté la tentative d'Astra en raison de l'absence d'avis.

[20]            La première tentative qu'a faite Apotex pour présenter un AA s'est terminée par une entente qui n'a apparemment pas porté préjudice à Astra avant que la Cour n'intervienne directement dans la procédure d'obtention d'un AC. D'après moi, le simple fait qu'Apotex fasse une deuxième tentative ne permet pas de conclure à l'abus de procédure.

[21]            Au cours de l'audience, l'avocat d'Astra a admis que l'argument de l'abus de procédure avait en réalité trait au fait qu'Astra aurait voulu utiliser dans la présente affaire le témoignage des deux témoins peu obligeants d'Apotex, mais ne pouvait pas le faire. Quand on lui a demandé « pourquoi pas? » , l'avocat d'Astra a répondu qu'on pouvait supposer qu'ils ne seraient pas disponibles pour la simple raison qu'ils avaient témoigné pour le compte d'Apotex.


[22]            Rien ne prouve qu'Apotex ait agi de façon non équitable en utilisant la procédure d'obtention d'un AC prévue par le Règlement et, plus précisément, qu'elle ait fait quoi que ce soit dans le but d'empêcher Astra de produire la preuve qu'elle estime utile dans la présente demande. Je suis donc d'avis que la conduite d'Apotex ne peut pas susciter une crainte d'abus de procédure. J'ai donc rejeté, au stade des plaidoiries, l'argument d'Astra à cet égard.

B. Le fardeau de la preuve en ce qui concerne la validité du brevet

[23]            Apotex fait valoir que le Règlement vise entre autres à permettre au breveté de procéder par voie sommaire pour protéger ses droits de brevet lorsque les allégations de non-contrefaçon ou d'invalidité du fabricant de produits génériques sont dénuées de fondement. J'estime que, s'agissant du moins des allégations d'invalidité, l'argument d'Apotex ne reflète pas l'état actuel du droit.

[24]            Dans l'arrêt Hoffmann-La Roche, précité, aux pages 210 et 211, le juge Stone fait l'analyse suivante au sujet justement d'une allégation de contrefaçon faite dans le cadre d'une procédure d'obtention d'un AC :

C'est la partie qui se pourvoit en justice en application de l'article 6 qui, assumant la conduite de l'instance, a « la charge initiale de la preuve » . C'est une charge difficile, « puisqu'il s'agit de réfuter certaines ou l'ensemble des allégations de l'avis d'allégation, allégations qui, si elles n'étaient pas contestées, permettraient au ministre de délivrer l'avis de conformité » .

Cette charge, appelée dans les poursuites civiles le « fardeau de persuasion » , oblige le poursuivant à prouver sa cause selon la norme de preuve en matière civile. En revanche, le « fardeau de présentation de la preuve » désigne l'obligation de soulever une question et signifie que la partie doit s'assurer qu'il y a au dossier suffisamment d'éléments de preuve de l'existence ou de l'inexistence d'un fait ou d'une question pour satisfaire au critère préliminaire au sujet de ce fait ou de cette question.


Lorsque l'avis de conformité d'une deuxième personne allègue la non-contrefaçon, la Cour devrait présumer que « les allégations de fait contenues dans l'avis d'allégation sont avérées sauf dans la mesure [où] la partie requérante prouve le contraire » .

Pour décider si les allégations sont « fondées » , « la Cour doit examiner si, à la lumière de ces faits tels qu'ils sont présumés ou prouvés, ces allégations engageraient en droit à conclure que le brevet en litige ne serait pas contrefait par la partie intimée » .

La décision du ministre quant à la délivrance d'un avis de conformité doit être axée sur la question de savoir si les allégations de la deuxième personne sont « suffisamment bien fondées pour appuyer la conclusion, tirée à des fins administratives, que la mise en marché du produit générique ne violerait pas le brevet du requérant » . [Renvois omis.] [Pas de caractères gras dans l'original.]

[25]            Cependant, en ce qui concerne précisément les allégations d'invalidité de brevet, la Section d'appel de la Cour a clarifié, dans l'arrêt Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2000] A.C.F. no 464, le fardeau de présentation de la preuve qui repose sur Apotex en l'espèce. Le juge Sharlow dit ce qui suit au paragraphe 5 :

Une demande visant à obtenir une ordonnance d'interdiction conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) est assimilable à toute demande de contrôle judiciaire en ce sens qu'il incombe au requérant d'établir qu'il a droit à l'ordonnance sollicitée. En d'autres mots, il incombait à Bayer de prouver que l'allégation d'invalidité d'Apotex n'était pas justifiée. C'est ce qu'a dit le juge des requêtes au paragraphe 15 de ses motifs :

La question de fond à trancher consiste à savoir si Bayer s'est déchargé de son fardeau de prouver que l'allégation d'Apotex au sujet de l'invalidité [...] n'est pas justifiée.

Pour tenter de se décharger de ce fardeau, Bayer s'est appuyé sur la présomption légale de la validité de son brevet. En raison de cette présomption, on peut dire qu'Apotex, en sa qualité de partie répondant à la demande d'ordonnance de prohibition, a le fardeau de la preuve en ce sens que si Apotex n'avait produit aucun élément de preuve susceptible d'établir l'invalidité du brevet, Bayer aurait pu obtenir gain de cause sur le seul fondement de cette présomption légale. Comme l'a dit correctement le juge des requêtes au paragraphe 15 :

Une présomption légale, par exemple, peut aider Bayer et « avoir pour effet de faire passer la charge de la preuve [à l'autre partie] » .

Les mots entre guillemets sont tirés de la décision Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.), où le juge Hugessen a dit à la page 319 :


Si je saisis bien l'économie du [Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)], c'est la partie qui se pourvoit en justice en application de l'article 6, en l'espèce Merck, qui doit poursuivre la procédure et assumer la charge de la preuve initiale. Cette charge me paraît difficile puisqu'il s'agit de réfuter certaines ou l'ensemble des allégations de l'avis de allégation, allégations qui, si elles n'étaient pas contestées, permettraient au ministre de délivrer l'avis de conformité. Il y a bien entendu certaines présomptions (par exemple la présomption légale de validité du brevet) [...] qui peuvent être à l'avantage de la partie requérante et peuvent avoir pour effet de faire passer la charge de la preuve à la partie intimée.

Toutefois, en l'espèce, Apotex a bel et bien produit un élément de preuve, sous la forme d'un affidavit, que le juge des requêtes a considéré à juste titre comme relatif à la question de la validité.

L'application de la présomption légale en présence d'une preuve de l'invalidité dépend de la force de cette preuve. Si celle-ci démontre selon la probabilité la plus forte que le brevet est invalide, la présomption est réfutée et n'est plus pertinente : Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp. (1991), 35 C.P.R. (3d) 350 (C.A.F.), à la page 359. [Pas de caractères gras dans l'original.]

[26]            Le juge MacDonald a cité et approuvé l'arrêt Bayer, précité, dans l'arrêt Hoffmann-La Roche c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2000] A.C.F. no 1356, où il a dit :

Nu-Pharm conteste la façon dont le juge des requêtes a abordé la présomption de validité reconnue par la Loi sur les brevets. Dans Bayer c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2000] A.C.F. no 464 (QL), le juge Sharlow indique ce qui suit au paragraphe 9 :

L'application de la présomption légale en présence d'une preuve de l'invalidité dépend de la force de cette preuve. Si celle-ci démontre selon la probabilité la plus forte que le brevet est invalide, la présomption est réfutée et n'est plus pertinente : Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp. (1991), 35 C.P.R. (3d) 350 (C.A.F.), à la page 359.

La conclusion du juge Muldoon selon laquelle la preuve soumise par Nu-Pharm était insuffisante pour combattre la présomption légale signifie qu'il a conclu que Nu-Pharm n'avait pas démontré, selon la probabilité la plus forte, que le brevet était invalide. Nous sommes d'avis qu'il n'y a pas d'erreur de droit dans la façon dont le juge de première instance a abordé cette question.

[27]            Par conséquent, la question n'est pas de savoir si les allégations d'invalidité d'Apotex sont dénuées de fondement, mais si la preuve produite par Apotex à l'appui des allégations contenues dans l'AA démontre, selon la prépondérance des probabilités, que le brevet 751 est invalide.


C. Caractéristiques du brevet 751

[28]            Les paragraphes introductifs du brevet 751, abrégés, sont rédigés comme suit :

[TRADUCTION]

Nouveaux composés

Domaine de l'invention

L'invention concerne les nouveaux sels de l'oméprazole, composé déjà connu.

Renseignements généraux sur l'invention

Le composé connu sous le nom générique oméprazole [...] qui est décrit, entre autres, dans le mémoire descriptif du brevet européen [la demande 5129] fait l'objet d'études cliniques approfondies en tant qu'inhibiteur de la sécrétion d'acide gastrique.

L'oméprazole est utile pour inhiber la sécrétion d'acide gastrique de même que pour créer un effet protecteur sur les cellules du tractus gastrointestinal chez les mammifères et l'humain. De façon plus générale, l'oméprazole peut être utilisé pour prévenir et traiter les maladies inflammatoires du tractus gastrointestinal chez les mammifères et chez l'humain, y compris par exemple la gastrite et les ulcères gastrique et duodénal. L'oméprazole peut également être employé pour prévenir et traiter d'autres troubles gastrointestinaux pour lesquels on recherche un effet cytoprotecteur et/ou antisécrétoire, par exemple chez les patients présentant un gastrinome, chez ceux souffrant d'hémorragies digestives hautes et chez les patients présentant des antécédents de consommation d'alcool excessive ou d'alcoolisme chronique.

Le terme « oméprazole » utilisé dans le présent mémoire descriptif désigne la forme neutre du composé de la formule (I), soit la forme indiquée dans la formule (I), sans la présence de composantes formant des sels.

L'oméprazole présente des problèmes de stabilité. En effet, si aucune précaution n'est prise lors de l'entreposage, le composé se dégrade plus vite qu'on ne le souhaiterait. Si on l'entrepose dans des conditions de dégradation accélérée, soit à +37 oC et à une humidité relative de 80 % pendant 6 mois, environ 6 % de la substance est transformée en produits de dégradation. Bien que le taux de décomposition de l'oméprazole soit plus faible dans des conditions normales d'entreposage, il demeure toutefois souhaitable d'obtenir des formes physiques d'oméprazole dotées d'une stabilité accrue. On comprend l'importance d'obtenir des formes plus stables d'oméprazole lorsque l'on considère les délais souvent longs entre la synthèse d'une substance active, son incorporation dans les préparations pharmaceutiques, la distribution du produit fini aux pharmacies, etc., jusqu'à la consommation de la préparation par le patient. La présente invention concerne des formes d'oméprazole qui manifestent une stabilité accrue à l'entreposage.

L'invention

On a montré que les nouveaux sels alcalins d'oméprazole [...] sont plus stables à l'entreposage que la forme neutre correspondante. Les sels [...] sont également plus faciles à manipuler que la forme neutre lors de la fabrication des unités posologiques. [...] Le sel de Mg 2+ est celui qui obtient la préférence. (Dossier de la demanderesse, pages 47 à 50)


[29]            Les revendications pertinentes du brevet 751, où la formule I représente des sels d'addition de base précis de l'oméprazole, sont les suivantes :

                [TRADUCTION]

1. Un composé de la formule I



(I)

où n = 1, 2 ou 4; et An+ = Li+, Na+, K+, Mg2+, Ca2+, Ti4+, N+(R1)4 ou H2N-C+NH2-NH2

où R1 est un groupement alkyle contenant 1-4 atomes de carbone.

[...]

4. Un composé conforme à la revendication 1 dans lequel An+ = Mg2+

[...].

                8. Une composition pharmaceutique comprenant comme ingrédient actif une quantité efficace d'un composé conforme à la revendication 1, 2 ou 3 mélangé à un diluant ou à un support pharmaceutique acceptable.

                9. Une composition pharmaceutique comprenant comme ingrédient actif une quantité efficace d'un composé conforme à la revendication 4, mélangé à un diluant ou à un support pharmaceutique acceptable.

                (Dossier de la demanderesse, pages 62 et 64)

[30]            La revendication 4 protège le sel d'addition de base de magnésium de l'oméprazole, qui présente un intérêt pratique particulier pour Apotex.


[31]            La caractéristique cruciale du brevet est que le sel d'addition de base de l'oméprazole est un solide. Comme nous le verrons plus loin, l'AA d'Apotexindique que, compte tenu de l'état de la technique, les études de solution de l'oméprazole auraient inévitablement abouti à la formation du sel d'addition de base en solution. Concernant cette allégation, Apotex présente comme preuve que la procédure régulière de pré-formulation de l'oméprazole requérait qu'on détermine, lors des études de solution, la stabilité du sel d'addition de base de l'oméprazole et qu'on porte un jugement à cet égard. En conséquence, Apotex plaide qu'Astra ne peut prétendre qu'il s'agit d'une invention.

[32]            En ce qui concerne la pertinence des études de solution, il est important que la Cour statue sur l'argument d'Apotex au sujet du « sel en solution » . Il n'est pas contesté que le composé de sel d'addition de base de l'oméprazole est un solide. Le litige concerne la question de savoir si le composé existe lorsqu'il est en solution.

[33]            J'estime que la réponse à cette question relève de la chimie. Astra a produit des preuves convaincantes démontrant que, dans une solution aqueuse, le sel d'addition de base de l'oméprazole n'est plus présent. En contre-interrogatoire, les experts d'Apotex ont convenu que cette affirmation est correcte en théorie.

[34]            À l'appui de son argument, Astra invoque l'affidavit de M. Amidon, qui indique ce qui suit :

[TRADUCTION] Un « sel » est une substance solide constituée d'ions distincts aux charges électriques opposées. Dans le cas d'un sel d'oméprazole, chaque anion d'oméprazole (ion d'oméprazole chargé négativement) est associé à des cations (éléments chargés positivement). Lorsqu'un tel sel est dissous, le sel en soi n'est plus présent. On a plutôt une solution contenant les anions d'oméprazole et les cations du sel ainsi que tout autre produit ajouté à la solution. Bien que l'on puisse isoler un sel de la solution, la solution contenant les ions n'est pas un sel en soi.

Ma conclusion à cet égard est renforcée par la divulgation accompagnant le brevet '751. Dans chacun des exemples 1 à 9, le produit final de la préparation est une matière solide décrite comme étant un sel. À la page 4, les inventeurs décrivent le procédé de synthèse, y compris le fait que « le sel est isolé par la suite » . (Dossier de la demanderesse, pages 177 et 178)

[35]            M. Wuest a aussi fait état de l'état solide des sels :


[TRADUCTION] Un sel est une substance constituée d'ions distincts de charges électriques opposées. On considère habituellement les sels comme des substances solides. En général, un sel résulte de la réaction entre un acide et une base. Le chlorure de sodium (NaCl) est l'exemple le plus courant d'un sel; il est constitué d'un cation sodium (Na+) et d'un anion chlorure (Cl-). Il est formé lorsque la base NaOH réagit avec l'acide HCl dans des conditions appropriées. (Dossier de la demanderesse, page 1716)

[36]            Astra étaye aussi son argument selon lequel les composés de sel sont solides en invoquant les témoignages de plusieurs experts d'Apotex, obtenus en contre-interrogatoire. Les réponses de M. Sefton sont les suivantes :

[TRADUCTION]

Q. Considérez-vous que le terme « composé » désigne - et revenons-en à mon hypothèse concernant le chlorure de sodium dissous dans la solution aqueuse. Quand on a le chlorure de sodium, la substance solide, dans nos mains, peut-on dire qu'il s'agit d'un composé?

R. Oui.

Q. Maintenant, quand il est complètement dissocié et solvaté dans la solution aqueuse, peut-on toujours dire qu'on a un composé, le chlorure de sodium, en solution?

R. Non. Il me serait difficile d'appeler cela un composé maintenant.

Q. C'est parce que lorsque le chlorure de sodium est complètement dissocié, comme je viens de le décrire, il ne peut pas être considéré comme un composé par les gens de votre domaine, puisqu'on n'a plus la molécule originale comme telle.

R. Oui. Je crois que je n'utiliserais pas le terme « composé » aussi facilement pour cette solution de chlorure de sodium.

Q. Mais vous considérez que la matière solide connue sous le nom de chlorure de sodium peut être décrite comme un composé?

R. Oui. (Dossier de la demanderesse, pages 5045 et 5046)

[37]            Astra a également posé les questions suivantes à M. Lee-Ruff :

[TRADUCTION]

Q. J'aimerais maintenant vous poser des questions sur le terme « composé » . Vous connaissez ce terme comme un terme technique de chimie?

R. Oui.


Q. Je vais vous lire quelque chose et j'aimerais que vous me disiez si vous êtes d'accord ou non avec cette description du terme « composé » : « Une substance composée d'atomes ou d'ions d'au moins deux éléments en association chimique. Les éléments constitutifs sont unis par des liens ou des forces de valence. Un composé est une entité homogène dans laquelle les éléments ont des proportions définies en poids et sont représentés par une formule chimique. »

R. Je suis d'accord.

[...]

Q. Selon ce que je viens de lire, la définition inclut-elle une situation dans laquelle on aurait, dans une solution aqueuse, des anions et des cations complètement solvatés? Par exemple, si on prend du chlorure de sodium et qu'on en fait une solution aqueuse diluée dans laquelle les molécules d'eau entourent les anions et les cations, est-ce que la définition du terme « composé » que je vous ai lue comprend les anions solvatés comme je viens de le décrire?

R. Elle inclurait tant les anions que les cations solvatés. En fait, vous avez une solution du composé.

Q. Diriez-vous que le composé comprend l'eau dans laquelle les cations et les anions sont solvatés?

R. Non, tout simplement parce que les forces de solvatation sont beaucoup plus faibles que les forces de liaison entre l'anion et le cation dans le composé même.

Q. Qu'entendez-vous par « le composé même » dans le contexte que vous venez d'évoquer?

R. Dans le sens que le composé est le chlorure de sodium et le fait que l'eau y est associée ne fait pas d'elle une partie du composé tout simplement parce que les interactions entre l'eau et le chlorure de sodium sont relativement faibles comparativement aux interactions entre les anions et les cations du chlorure de sodium.

[...]

Q. Cette force d'attraction à l'état solide est vaincue dans la solution aqueuse par les forces conjuguées ou totales exercées par l'eau à l'égard du cation et de l'anion.

R. C'est exact.

Q. Cela étant, et étant donné surtout que la force d'attraction entre les cations et les anions individuels et les molécules d'eau est plus grande dans la solution aqueuse qu'elle ne l'est entre le sodium et le chlorure à l'état solide, lorsque nous reprenons notre définition du terme « composé » , notamment la partie concernant les éléments constitutifs qui sont unis par des liens ou des forces de valence, ne seriez-vous pas obligé de décrire ce qu'il y a en solution d'une manière qui inclurait les molécules d'eau puisque ces molécules interviennent maintenant dans la puissante attraction envers les anions et les cations?

R. L'interaction de solvatation entre les molécules d'eau et les anions et les cations n'est pas constituée de liaisons covalentes, ce ne sont pas des liaisons ioniques. Il s'agit d'interactions plus faibles, des interactions électrostatiques. Je considérerais une solution aqueuse de chlorure de sodium comme une solution du sel original.

Q. Le sel original étant ce que vous aviez à l'état solide-


R. Le chlorure de sodium solide.

Q. Dans la définition que j'ai lue précédemment, il est question d'éléments constitutifs unis par des liaisons ou des forces de valence. Dans la partie droite du schéma que vous regardez [à la page 4439 du dossier de la demanderesse], il n'y a pas de liaisons, n'est-ce pas?

R. Non. Il s'agit de faibles interactions électrostatiques entre les molécules d'eau et les anions et les cations. Je ne dirais pas que ces interactions constituent des liaisons dans le sens de liaisons ioniques ou covalentes.

[...]

Q. D'après la définition, il ne s'agirait pas d'un composé. Si nous reprenons mon exemple du chlorure de sodium comme étant ce qui est illustré dans le schéma que je vous montre, il ne s'agirait pas du composé chlorure de sodium en solution. Il n'existe pas comme tel dans la solution.

R. D'après la définition, vous avez raison.

Q. Selon vous, le composé chlorure de sodium existe-t-il en solution, c'est-à-dire, le composé, en soi, existe-t-il s'il est totalement dissous et complètement dissocié?

R. Oui, il existe en tant que solution de chlorure de sodium, comme tout solide dissous existe en tant que solution du solide en question.

Q. Ce terme désigne ce qui a servi au départ, à l'état solide, n'est-ce pas?

R. Oui. (Dossier de la demanderesse, pages 4453 à 4458)

[38]            Enfin, M. Chowhan a, en contre-interrogatoire, dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Q. Concernant uniquement le mot « composé » , ce mot désigne-t-il généralement un corps solide dans le contexte pharmaceutique ou chimique?

R. Pas nécessairement.

Q. Laissez-moi vous donner un autre exemple. Si je prends le chlorure de sodium, le sel de table, si j'en tiens dans ma main, c'est un corps cristallin. Êtes-vous d'accord?

R. Oui.

Q. Si je le mets dans un verre d'eau et je le mélange avec l'eau, il disparaîtra. Exact?

R. Oui.

Q. Il disparaît parce que le cholure de sodium se dissout dans l'eau.


R. Oui.

Q. Lors du processus de dissolution, la partie sodium du chlorure de sodium et la partie chlorure du chlorure de sodium se séparent. Oui?

R. Oui.

Q. Et ils sont solvatés par les molécules d'eau. Exact?

R. Oui.

Q. Lorsque je tenais dans ma main le chlorure de sodium, le corps cristallin, et qu'il était solide, je pouvais l'appeler un composé, n'est-ce pas?

R. Bien sûr.

Q. Et vous sauriez de quoi il s'agit?

R. Si vous le teniez dans votre main, oui.

Q. Une fois qu'il est dissous dans l'eau, est-ce que j'ai toujours selon vous le composé?

R. Vous avez le composé en solution.

Q. Qu'est-ce que cela signifie?

R. Cela signifie qu'il s'agit d'une solution. Il est dissous.

Q. Il a été dissous.

R. Oui.

Q. Mais le corps solide n'existe plus.

R. Oui. (Dossier de la demanderesse, pages 3846 à 3848)

[39]            Me fondant sur les témoignages précités, je conclus que le composé de sel d'addition de base de l'oméprazole n'existe pas en solution.


[40]            Il faut maintenant se demander si le brevet peut résister aux allégations d'invalidité d'Apotex. J'accepte l'argument d'Astra selon lequel Apotex est liée par les allégations de droit et de faits qu'elle a faites dans son AA et que les questions exposées dans ce document ne peuvent être ni élargies ni modifiées par elle à l'instance (AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 7 C.P.R. (4th) 272, aux pages 288 et 289 (C.A.)).

[41]            Dans l'analyse qui suit, j'ai adopté la façon de procéder d'Astra dans son argumentation écrite, c'est-à-dire que j'ai repris les rubriques de l'AA d'Apotex pour ensuite tirer des conclusions à l'égard du contenu de chacune d'elles.

D. L'allégation d'antériorité

[42]            Le paragraphe 27(1) de la Loi sur les brevets prévoit qu'un brevet ne sera valide que s'il décrit une nouvelle invention qui n'avait pas d'antériorité en raison de l'existence d'une invention antérieure. Comme l'a indiqué le juge Hugessen dans l'arrêt Beloit Canada Ltd. et al. c. Valmet ((1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.)), à la page 297, il y a antériorité si les caractéristiques principales de l'invention sont divulguées dans un seul document antérieur :

Il faut en effet pouvoir s'en remettre à une seule publication antérieure et y trouver tous les renseignements nécessaires, en pratique, à la production de l'invention revendiquée sans l'exercice de quelque génie inventif. Les instructions contenues dans la publication antérieure doivent être d'une clarté telle qu'une personne au fait de l'art qui en prend connaissance et s'y conforme arrivera infailliblement à l'invention revendiquée. Lorsque, comme c'est le cas ici, l'invention consiste en une combinaison de plusieurs éléments connus, une publication qui ne révèle pas la combinaison de tous ces éléments ne peut avoir un caractère d'antériorité.

[43]            Dans la décision Almecon Industries Ltd. c. Nutron Manufacturing Ltd. (1996), 65 C.P.R. (3d) 417, aux pages 428 et 429, décision confirmée dans (1997), 72 C.P.R. (3d) 397 (C.A.F.), autorisation de pourvoi refusée dans [1997] C.S.C. no 374, le juge Wetston a aussi clairement énoncé le critère de l'antériorité de la façon suivante :


Dans la décision Proctor & Gamble Co. c. Kimberly-Clark of Canada Ltd. (1991), 40 C.P.R. (3d) 1 (C.F. 1re inst.), le juge Teitelbaum a noté que l'analyse de la question d'antériorité implique un critère à deux volets. La Cour doit dans un premier temps se demander si la divulgation antérieure donne des directives claires et formelles qui, dans tous les cas et sans qu'il y ait possibilité d'erreur, permettent à une personne versée dans l'art d'arriver à l'objet visé par les revendications du brevet en cause. Autrement dit, à la lumière du brevet antérieur, était-il inévitable qu'une personne versée dans l'art parvienne à découvrir le brevet en cause?

Si elle répond par l'affirmative à la première question, la Cour doit alors se demander si le brevet antérieur transmet suffisamment de renseignements requis pour qu'une personne versée dans l'art puisse produire l'invention revendiquée sans avoir à faire preuve d'esprit créatif. C'est là le critère de divulgation fondamental. Par conséquent, pour satisfaire aux critères de l'antériorité, il faut démontrer que le brevet antérieur révèle inévitablement un dispositif contrefait, et que le brevet antérieur donne une description suffisante pour permettre à une personne versée dans l'art de construire l'invention et d'en faire une utilisation appropriée. [    ]

[44]            Selon le critère de l'antériorité, on ne peut pas non plus délivrer un brevet lorsque l'invention revendiquée a déjà été utilisée.

1. La demande 5129 constitue-t-elle une seule publication antérieure?

[45]            La demande 5129 contient des revendications à l'égard de beaucoup de composés et un [traduction] « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » . La revendication 23 de la demande 5129 porte expressément sur l'oméprazole.

[46]            Apotex soutient que le brevet 751 est invalide principalement parce que la demande 5129 constitue une « seule publication antérieure » qui satisfait au critère d'antériorité susmentionné. Les éléments suivants de ce document sont importants pour l'argumentation :

[TRADUCTION]

AB HÄSSLE


Mölndal/SUÈDE

Inventeurs : U`Junggren et S E Sjöstrand

KM 575-1

79-03-07

UI/LB/EMH

Agents de sécrétion d'acide gastrique

La présente invention concerne les nouveaux composés dotés de propriétés leur permettant d'influer sur la sécrétion d'acide gastrique chez les mammifères, dont l'humain, le procédé de préparation de ces composés, la méthode par laquelle ils influent sur la sécrétion d'acide gastrique et les préparations pharmaceutiques contenant lesdits nouveaux composés.

L'objet de la présente invention est d'obtenir des composés qui influent sur la sécrétion d'acide gastrique et qui inhibent la stimulation exogène ou endogène de cette sécrétion. Ces composés peuvent être utilisés dans le traitement de l'ulcère gastroduodénal.

On sait que les composés de la formule I et II dans lesquels R1 et R2 sont sélectionnés parmi un groupe constitué par l'hydrogène, les halogènes et les groupements alkyle, cyano, carboxy, caboxyalkyle, carboalkoxy, carboalkoxyalkyle, carbémoyle, carbémoyloxy, hydroxy, alkoxy, hydroxyalkyle, trifluorométhyle et acyle, peu importe leur position, R3 est sélectionné dans un groupe constitué par l'hydrogène et les groupements alkyle, acyle, carboalkoxy, carbamoyle, alkylcarbamoyle, dialkylcarbamoyle, alkylcarbonylméthyle, alkoxycarbonylméthyle ou alkylsulfonyle, et R4 est sélectionné dans un groupe constitué de groupements alkylène droits ou ramifiés possédant 1 à 4 atomes de carbone, et comprenant au plus un groupement méthylène entre le S et le groupement pyridyle, et dans lequel le groupement pyridyle peut aussi être substitué par un groupement alkyle ou un halogène, possèdent un effet inhibiteur sur la sécrétion d'acide gastrique.

Toutefois, aussi étonnant que cela paraisse, on a découvert que les composés définis ci-dessous possèdent un effet inhibiteur supérieur à celui des composés mentionnés ci-dessus.

Les composés de l'invention sont ceux qui relèvent de la formule générale III dans laquelle R1 et R2 sont identiques ou différents et sont sélectionnés parmi un groupe constitué par l'hydrogène, les halogènes et les groupements alkyle, carbométhoxy, carbéthoxy, alkoxy et alkanoyle, peu importe leur position, R6 est sélectionné dans un groupe constitué par l'hydrogène et les groupements méthyle ou éthyle, R3, R4 et R5 sont identiques ou différents et sont sélectionnés dans un groupe constitué par l'hydrogène et les groupements méthyle, méthoxy, éthoxy, méthoxyéthoxy et éthoxyéthoxy, à la condition que R3, R4 et R5 ne soient pas tous des hydrogènes et que si deux des membres du groupe R3, R4 et R5 sont des hydrogènes, le troisième membre ne soit pas un groupement méthyle.

L'invention couvre également les sels des composés de la formule III acceptables sur le plan thérapeutique [comme revendiqué dans les revendications 1 à 6].

[...]

Selon les conditions du procédé chimique utilisé et les produits de départ, le produit final est obtenu soit sous forme de base libre, soit sous forme de sel d'addition d'acide, ces deux formes étant comprises dans la portée de l'invention. Ainsi, on peut obtenir des sels basiques, neutres ou mélangés, de même que des semi-hydrates, des mono-hydrates, des sesqui-hydrates ou des poly-hydrates.


Les sels d'addition d'acide des nouveaux composés peuvent, par un procédé connu comme tel, être transformés en base libre au moyen d'agents basiques comme des alcalis ou par échange d'ions. Par ailleurs, les bases libres obtenues peuvent former des sels avec des acides organiques ou inorganiques. Dans la préparation de sels d'addition d'acide, on utilise de préférence des acides qui forment des sels à caractéristiques thérapeutiques acceptables.

[...]

Ces sels ou d'autres sels des nouveaux composés, par exemple les picrates, peuvent servir d'agents de purification des bases libres obtenues. Des sels de bases peuvent être formés, séparés de la solution, puis la base libre peut être récupérée d'une nouvelle solution de sel dans un état plus pur. Étant donné le lien entre les nouveaux composés sous forme de base libre et leurs sels, on comprendra que l'invention couvre les sels correspondants.

[...]

Les produits de départ sont connus ou peuvent, s'ils sont nouveaux, être obtenus conformément à des procédés connus comme tels.

Pour l'utilisation clinique, les composés de l'invention sont administrés par voie orale ou rectale, ou injectés sous forme de préparation pharmaceutique contenant une composante active soit sous forme de base libre, soit sous forme de sel d'addition d'acide non toxique, aux caractéristiques pharmaceutiques acceptables, comme le chlorhydrate, le lactate, l'acétate ou le sulfamate en association avec un support aux caractéristiques pharmaceutiques acceptables.

[Pas de caractères gras dans l'original.] (Dossier de la demanderesse, pages 1821 à 1829)

[47]            En ce qui concerne la demande 5129, Astra a raison lorsqu'elle prétend que la divulgation indique explicitement que la base libre de l'oméprazole, aussi appelée la forme neutre, et le sel d'addition d'acide sont visés par l'invention revendiquée; qu'aucune mention n'est faite des sels d'addition de base; et que l'on trouve, tout au long de la divulgation, des mentions concernant les sels d'addition d'acide, y compris des exemples et l'indication des acides à utiliser pour préparer les sels d'addition d'acide.


[48]            Selon l'allégation d'antériorité d'Apotex à l'égard de la demande 5129, et particulièrement à l'égard des passages mis en caractères gras dans la citation reproduite plus haut, le rédacteur du document voulait que le lecteur versé dans l'art lise des mots qui n'apparaissent pas dans la demande. Autrement dit, même si celle-ci ne mentionne pas les sels d'addition de base, le lecteur versé dans l'art saurait qu'ils sont inclus. Apotex fonde cet argument sur une interprétation qu'elle propose des passages clés du document, particulièrement de l'expression clé [traduction] « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » . L'allégation A.(i) de l'AA expose cet argument qui, selon qu'on l'accepte ou le rejette, aura une incidence quant à la pertinence des allégations suivantes :

[TRADUCTION]

ANTÉRIORITÉ

A. La demande de brevet européen no [EP 5129] décrit et revendique les sels d'addition de base de l'oméprazole et les compositions pharmaceutiques contenant des sels d'addition de base de l'oméprazole. Plus précisément :

(i)             Les revendications 1 à 6 de [la demande EP 5129] divulguent une classe de composés et un « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » . L'expression « un sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » est un terme technique qui désigne et englobe tant les sels d'addition d'acide que les sels d'addition de base des membres de cette classe de composés. La divulgation de cette classe de composés comprend le composé oméprazole et chacun des sels d'addition de base de l'oméprazole. [Pas de caractères gras dans l'original.] (Dossier de la demanderesse, page 12)


[49]            L'argument d'Apotex repose sur la conclusion que les sels d'addition de base de l'oméprazole sont visés par l'expression clé « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » utilisée à l'alinéa (i) susmentionné et mise en caractère gras. Pour examiner de façon appropriée cet argument, il faut tout d'abord interpréter le contenu de la demande 5129.

[50]            Il convient de se poser la question suivante : Les directives sont-elles claires au point de permettre à une personne versée dans l'art ayant lu et suivi la demande 5129 d'arriver, dans tous les cas et sans qu'il y ait possibilité d'erreur, à l'invention du brevet 751, soit le sel d'addition de base de l'oméprazole? À mon avis, la réponse est « non » , à moins qu'on n'accepte l'argument d'interprétation d'Apotex concernant le « terme technique » .

a. « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » : un terme technique

[51]            Le lecteur qui interprète selon son sens ordinaire l'expression clé « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » doit naturellement se demander « de quels sels est-il question? » , et on pourrait lui répondre « bien, de ceux seulement qui sont considérés acceptables sur le plan thérapeutique » . On pourrait ajouter : « Puisque seuls les sels d'addition d'acide sont mentionnés dans le document, seuls les sels d'acide peuvent être considérés acceptables sur le plan thérapeutique » . La phrase suivante mise en caractères gras, tirée de la demande 5129, paraît confirmer cette conclusion :

[TRADUCTION]Selon les conditions du procédé chimique utilisé et les produits de départ, le produit final est obtenu soit sous forme de base libre, soit sous forme de sel d'addition d'acide, ces deux formes étant visées par l'invention. Ainsi, on peut obtenir des sels basiques, neutres ou mélangés. [Pas de caractères gras dans l'original.]


[52]            Apotex fait cependant valoir qu'une personne versée dans l'art interpréterait l'expression clé « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » tout à fait différemment, de façon à inclure tant les sels d'addition d'acide que les sels d'addition de base. Cet argument repose sur l'énoncé selon lequel « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » est un terme technique. Comme mentionné plus haut, Apotex a choisi d'alléguer dans son AA que :

[TRADUCTION] [...] « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » est un terme technique qui désigne et englobe tant les sels d'addition d'acide que les sels d'addition de base des membres de cette classe de composés. La divulgation de cette classe de composés comprend le composé oméprazole et chacun des sels d'addition de base de l'oméprazole. [Pas de caractères gras dans l'original.]

[53]            Le New Shorter Oxford English Dictionary (éd. de 1993) définit comme suit [traduction] « terme technique » :

[traduction] mot ou expression utilisé dans un sens défini ou précis dans une matière ou un domaine particulier; expression technique.

[54]            À cet égard, Apotex invoque l'affidavit de M. McClelland :

[TRADUCTION]

16.            Ces revendications ne limitent pas la nature de la forme saline. Une personne versée dans l'art qui examinerait la structure III, au moment de cette demande de brevet, reconnaîtrait immédiatement que la structure III pourrait former tant des sels d'addition de base que des sels d'addition d'acide. La formation de sels d'addition de base serait évidente à cause de la présence du benzimidazole avec l'hydrogène acide en position 1. À l'époque du brevet '129, il était bien connu que les benzimidazoles forment facilement des sels d'addition de base. Un certain nombre de brevets délivrés divulguent et/ou revendiquent des sels d'addition de base de benzimidazoles (voir mes commentaires aux paragraphes 64 à 68 du présent affidavit). De plus, le composé III présentait une structure telle qu'on en aurait immédiatement et inévitablement déduit que ces composés sont beaucoup plus acides que leur parent, le benzimidazole, ce qui signifie que des sels d'addition de base stables seraient facilement formés avec un bon nombre de bases (voir mes commentaires aux paragraphes 38 à 63 du présent affidavit).


17.            Le document no 100 d'Apotex est un article de 1977, publié dans la revue Journal of Pharmaceutical Sciences, intitulé « Pharmaceutical Salts » (sels pharmaceutiques). Le tableau 1 de cet article contient une liste des sels mis en marché et approuvés par la FDA. Ce tableau contient une liste intitulée « Anion » , qu'une personne versée dans l'art interpréterait comme s'appliquant aux sels d'addition d'acide. Les personnes versées dans l'art sauraient que la liste intitulée « Cation » concerne les sels d'addition de base. Il appert que cette dernière liste comprend le lithium (Li+), le sodium (Na+), le potassium (K+), le magnésium (Mg+2) et le calcium (Ca+2), des cations mentionnés dans la revendication 1 du brevet    '751. J'en conclus qu'en 1977, on considérait que le terme « sel aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » incluait tant les sels d'addition d'acide que les sels d'addition de base; cette dernière catégorie comprenant les sels de Li+, de Na+, de K+, de Mg+2 et de Ca+2. (Dossier de la demanderesse, page 5962)

[55]            À mon avis, le témoignage de M. McClelland ne constitue pas la preuve que « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » est un terme technique. Son témoignage nous apprends qu'on peut former, à partir de la formule de la demande 5129, tant des sels d'addition de base que des sels d'addition d'acide. Cela n'est pas contesté en l'espèce. Nous savons aussi que, vers 1977, la FDA avait approuvé certains sels d'addition de base. Je suis cependant d'avis que ces faits n'étayent pas le point de vue selon lequel l'expression « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » est un terme technique.

[56]            S'il s'agissait réellement d'un terme technique, on se serait attendu à voir la présentation d'un certain historique et du contexte de son utilisation et peut-être même à avoir des exemples à l'appui. Autrement dit, la question n'est pas de savoir si on pouvait produire des sels d'addition de base ou si on considérait que certains de ces sels étaient sécuritaires, mais de savoir si les quatre mots utilisés dans l'expression à interpréter, tels qu'ils sont employés et acceptés, ont une signification non évidente, c'est-à-dire qu'ils font référence à une notion non exprimée.


[57]            L'expression « connaissance d'office » est un exemple de terme technique qui nous vient à l'esprit. Tous les avocats savent ce que cela signifie, mais qui d'autre le saurait? L'expression ne donne aucun indice de ce qu'elle veut dire, mais pour les personnes versées dans l'art, elle fait réréfence à une notion non exprimée : des faits notoires peuvent être acceptés en preuve sans qu'il soit nécessaire d'en fournir la preuve formelle.

[58]            Je suis d'avis que le témoignage de M. McClelland et les témoignages au même effet de M. Chowhan, M. Hendrickson et M. Rhodes (voir le dossier de la défenderesse, notes de bas de page 55 et 56 pour renvois) ne démontrent pas, indépendant de la norme appliquée, que « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » est un terme technique. Je conclus par conséquent qu'il n'existe pas de signification particulière autre que celle communiquée dans le contexte dans lequel cette expression est utilisée en l'espèce, soit la demande 5129.


[59]            Les deux parties ont déployé des efforts considérables dans la présente affaire pour donner une signification aux termes utilisés dans la demande 5129. Comme statué plus haut, il incombe à Apotex de fournir une preuve suffisamment puissante pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le brevet est invalide. À cet égard, Apotex a choisi de démontrer que l'expression clé « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » a une signification particulière; elle n'a pas réussi à le faire. Par conséquent, la personne versée dans l'art dont parle M. McClelland n'applique pas véritablement la science de la chimie lorsqu'elle essaye d'interpréter la demande 5129. Elle essaye au contraire de résoudre un problème de langue, ce qui, à mon avis, rend peut probable l'interprétation proposée par Apotex.

[60]            Vu cette analyse, je n'accepte pas l'argument du « terme technique » d'Apotex.

b. l'effet des autres expressions

[61]            Apotex allègue ce qui suit :

[TRADUCTION]

(ii)            Dans [la demande EP 5129], on mentionne explicitement, à la ligne 38 de la page 7, que les « sels basiques, neutres ou mélangés de même que de semi-hydrates, mono-hydrates, sesqui-hydrates ou poly-hydrates » sont visés par l'invention. Le terme « basique » est un terme technique qui désigne et englobe un sel d'addition de base, et, au sens [de la demande EP 5129], il signifie les sels d'addition de base. [Pas de caractères gras dans l'original.] (Dossier de la demanderesse, p. 2)

[62]            Apotex soutient que la partie précitée de la demande 5129 mise en caractères gras, reproduite ci-dessus, prouve jusqu'à un certain point que les sels d'addition de base étaient censés être visés par la demande :

[TRADUCTION] Selon les conditions du procédé chimique utilisé et les produits de départ, le produit final est obtenu soit sous forme de base libre, soit sous forme de sel d'addition d'acide, ces deux formes étant comprises dans la portée de l'invention. Ainsi, on peut obtenir des sels basiques, neutres ou mélangés.


[63]            Elle prétend en outre que la mention de sels « basiques » , dans le contexte du brevet 5192, constitue nécessairement un renvoi aux sels d'addition de base; c'est ce qu'une personne versée dans l'art aurait compris. Cet argument repose sur l'allégation selon laquelle « basique » est un terme technique. De la même façon que j'ai conclu que « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » n'est pas un terme technique, j'estime dénuée de fondement l'allégation selon laquelle « basique » est un terme technique. Je conclus par conséquent qu'Apotex n'a pas prouvé cette allégation selon la prépondérance des probabilités.

[64]            Apotex fait valoir subsidiairement, à l'appui de son interprétation de l'expression « sels basiques » , qu'une personne versée dans l'art saurait que les seuls sels des composés de la formule III susceptibles de produire une solution basique sont les sels d'addition de base; par conséquent, le terme « sel basique » appliqué à l'oméprazole voudrait nécessairement dire un sel d'addition de base de l'oméprazole.

[65]            Je ne puis conclure qu'Apotex s'est acquittée de son fardeau de la preuve quant à cet argument. Premièrement, s'agissant de la preuve au dossier, la question de savoir si un sel d'addition d'acide peut produire une solution basique constitue un fait sérieusement contesté en l'espèce, et, deuxièmement, rien n'indique quelle était l'opinion des rédacteurs à cet égard lorsqu'ils ont rédigé le document. De plus, je suis d'accord avec Astra pour dire que l'emploi du mot [traduction] « ainsi » tend à indiquer qu'il ne s'agirait pas de sels d'addition de base mais plutôt des sels d'addition d'acide mentionnés à la première phrase. Je conclus par conséquent qu'Apotex n'a pas prouvé cette allégation selon la prépondérance des probabilités.


[66]            Dans sa déclaration écrite sur les faits et le droit, Apotex invoque un autre argument à propos de l'interprétation de la demande 5129.

[67]            La revendication 1 de la demande 5129 revendique [traduction] « un composé de la formule III ou un sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables dans lequel R1 et R2 sont [...] » . Chacune des revendications 5 et 6 revendique [traduction] « un composé conforme à la revendication 1 ou un sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables dans lequel R1 et R2 et R6 possèdent [...] » . La revendication 8 revendique toutefois [traduction] « une préparation pharmaceutique servant à inhiber la sécrétion d'acide gastrique, caractérisée par le fait qu'elle contient comme ingrédient actif un composé de la formule III ou un sel d'addition d'acide correspondant, non toxique, aux caractéristiques pharmaceutiques acceptables en quantité suffisante pour être efficace sur le plan thérapeutique et dans lequel R1 et R2 sont [...] » . La revendication 9 revendique une préparation pharmaceutique conforme à la revendication 8 [traduction] « ou un sel d'addition correspondant, non toxique, aux caractéristiques pharmaceutiques acceptables » . Les parties conviennent que l'omission du mot « acide » dans la revendication 9 est une erreur typographique.


[68]            Apotex demande d'accorder de l'importance aux différences entre le libellé des revendications 1, 5 et 6 et celui de la revendication 8. Elle plaide que son interprétation suivant laquelle « sel correspondant aux caractéristiques thérapeutiques acceptables » inclut tant les sels d'addition de base que les sels d'addition d'acide est étayée par le fait que la revendication 8 contient une restriction à l'égard des sels d'addition d'acide qui n'apparaît pas dans l'expression générale. L'affidavit de M. McClelland à ce sujet est à l'effet suivant :

[TRADUCTION]

18.            Reconnaissant que les composés de la formule III de la demande EP 5129 peuvent former les deux types de sels, une personne versée dans l'art interpréterait le terme « sels acceptables sur le plan thérapeutique » employé dans les revendications 1, 5 et 6 comme incluant tant les sels d'addition d'acide que les sels d'addition de base. Par contre, la revendication 8 contient l'expression « un composé de la formule III ou un sel d'addition d'acide correspondant, non toxique, aux caractéristiques pharmaceutiques acceptables » . Cette revendication limite effectivement la nature de la forme saline aux sels d'addition d'acide. Les personnes versées dans l'art comprendraient que l'absence d'une restriction semblable dans les revendications 1, 5 et 6 veut dire que ces revendications ne posent pas de restriction quant à la nature des sels, c.-à-d. que les sels d'addition de base sont également inclus. (Dossier de la demanderesse, page 5962)

[69]            Encore une fois, je suis d'avis que la personne versée dans l'art aurait à trouver une solution à un problème de langue et non à un problème de chimie. Ainsi, je n'accorde pas à cette opinion le poids d'une preuve d'expert. Il faut reconnaître le document 5129 pour ce qu'il est : un document au libellé difficile. Je ne suis pas disposé à accorder de l'importance à la différence entre le libellé des revendications afin d'ajouter des mots qui n'y sont pas.

[70]            Vu l'ensemble du contexte de la demande 5129 et le sens ordinaire des mots qui y sont utilisés, je conclus que les sels d'addition d'acide sont clairement visés par l'invention revendiquée. Pour ces motifs, je ne puis conclure selon la prépondérance des probabilités qu'une personne versée dans l'art conclurait, à la lecture de ces mots, que les sels d'addition de base sont également revendiqués.


3. La production « inévitable » des sels d'addition de base

[71]            Apotex allègue ce qui suit :

[TRADUCTION]

(iii)           [La demande EP 5129] divulgue le composé oméprazole et ses sels aux caractéristiques thérapeutiques acceptables de même que les préparations pharmaceutiques contenant de tels composés. Une personne versée dans l'art qui appliquerait les enseignements du brevet pour préparer une préparation pharmaceutique du composé oméprazole divulgué aurait inévitablement préparé et utilisé des sels d'addition de base de l'oméprazole. Dans le cadre des études habituelles de pré-formulation d'une préparation pharmaceutique d'oméprazole, il faudrait prévoir une étude de la stabilité de l'oméprazole à différents pH et il faudrait que l'oméprazole soit soluble. Des études de la stabilité et de la solubilité de l'oméprazole dans une solution alcaline auraient été faites. La dissolution de l'oméprazole dans une solution alcaline aurait entraîné la formation d'un sel d'addition de base de l'oméprazole. En outre, les caractéristiques physiques et chimiques de l'oméprazole sont telles que la stabilité et la solubilité de l'oméprazole sont maximisées à pH alcalin. Le résultat inévitable de ces études aurait mené à l'utilisation d'un sel d'addition de base de l'oméprazole pour une composition pharmaceutique d'oméprazole, tel qu'en conviendraient des personnes versées dans l'art en lisant [la demande EP 5129];

(iv)           À la page 8 [de la demande EP 5129], on trouve une description du traitement des sels d'addition d'acide de la classe de composés décrits par la formule III avec un agent basique, comme un alcali, pour transformer le composé en sa base libre correspondante. L'application du traitement décrit par des personnes versées dans l'art, en ce qui a trait aux sels d'addition d'acide de l'oméprazole, un membre de cette classe de composés, aurait inévitablement entraîné la production d'un sel d'addition de base de l'oméprazole;

(v)            À la page 10 [de la demande EP 5129], on trouve les indications nécessaires à la préparation de solutions aqueuses des composés de la formule III à des fins pharmaceutiques. L'oméprazole fait partie de la classe des composés de la formule III. Les caractéristiques physiques et chimiques de l'oméprazole sont telles que le composé n'est soluble et stable qu'à pH alcalin. Ainsi, une personne versée dans l'art appliquant les enseignements de ce brevet préparerait inévitablement une solution d'oméprazole à pH alcalin, formant ainsi un sel d'addition de base de l'oméprazole;


(vi)           À la page 5 [de la demande EP 5129], on trouve la description d'un procédé servant à préparer les composés de la classe générale de la formule III. Il s'agit de faire réagir un composé de la formule V avec un composé de la formule VI. Le composé de la formule V est un sel d'addition de base de potassium, de sodium ou de lithium. Une personne versée dans l'art utilisant ce procédé pour préparer l'oméprazole obtiendrait inévitablement un sel d'addition de base de potassium, de sodium ou de lithium de l'oméprazole, puisque l'utilisation d'une quantité suffisante de base pour permettre la réaction entraînerait la production de tels sels d'addition de base de l'oméprazole;

(vii)          Les formes hydratées des sels d'addition de base de l'oméprazole et les compositions qui contiennent de tels hydrates sont visées par les revendications du brevet '751. (Dossier de la demanderesse, pages 11 à 31)

[72]            Il faut statuer en l'espèce sur la validité du brevet 751 qui revendique les sels d'addition de base de l'oméprazole. Apotex fait valoir que la demande de brevet 5129 constitue une seule publication antérieure à partir de laquelle une personne versée dans l'art trouverait, sans l'exercice de quelque génie inventif, tous les renseignements nécessaires, en pratique, à la production de sels d'addition de base. Pour y parvenir, les instructions contenues dans la demande 5129 doivent être d'une clarté telle qu'une personne versée dans l'art qui en prendrait connaissance et s'y conformerait arriverait infailliblement à l'invention revendiquée.

[73]            Apotex n'a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités que les sels d'addition de base sont visés par la demande 5129. En conséquence, des personnes versées dans l'art ne recevraient pas des instructions claires qui leur permettraient d'arriver à la formulation de sels d'addition de base. Ainsi, j'estime que les allégations (iii) à (vii) susmentionnées, selon lesquelles les études de solution de l'oméprazole conduiraient à la formation de sels d'addition de base, ne sont pas pertinentes quant à la question de savoir si la demande 5129 constitue une seule publication antérieure conformément au critère de l'antériorité.


[74]            Je ne puis donc conclure selon la prépondérance des probabilité que la demande 5219 constitue une seule publication antérieure comme le requiert le critère de l'antériorité.

2. L'invention du brevet avait-elle déjà été utilisée?

[75]            L'argument subsidiaire d'Apotex quant à l'antériorité est que l'invention revendiquée dans le brevet avait déjà été utilisée avant le dépôt de la demande, ce qui rend le brevet invalide selon l'alinéa 27(1)a) de la Loi sur les brevets. L'allégation d'Apotex à cet égard est la suivante :

[TRADUCTION]

B.             Les sels d'addition de base de l'oméprazole étaient connus et utilisés avant la présumée invention d'Arne Brändström, inventeur désigné du brevet '751. Des formes posologiques d'oméprazole ont été administrées par voie orale et intraveineuse pour traiter des patients atteints du syndrome de Zollinger-Ellison avant ou vers le mois de juin 1982. Les détails de cet emploi antérieur sont divulgués dans l'article intitulé « Control of Acute Zollinger-Ellison Syndrome with Intravenous Oméprazole » , The Lancet, 27 novembre 1982 [document no 3 d'Apotex]. Les formes posologiques administrées par voie orale et intraveineuse contenaient, à cette époque, des sels d'addition de base de l'oméprazole.

C.             Les sels d'addition de base de l'oméprazole étaient connus et utilisés avant la présumée invention d'Arne Brändström, inventeur désigné du brevet '751. Des formes posologiques d'oméprazole étaient administrées par voie orale pour traiter des patients atteints du syndrome de Zollinger-Ellison. Les détails de cet emploi antérieur ont été divulgués lors d'un congrès mondial de gastroentérologie (World Congress of Gastroenterology) à Stockholm, en juin 1982. Les formes posologiques administrées par voie orale à cette époque contenaient des sels d'addition de base de l'oméprazole.

D.             Les sels d'addition de base de l'oméprazole étaient connus et utilisés avant la présumée invention d'Arne Brändström, inventeur désigné du brevet '751. Lorsque Astra a mené des études publiques sur des humains en juin 1980, la forme posologique utilisée était constituée d'une suspension d'oméprazole et d'une phase aqueuse alcaline.

E.              Les sels d'addition de base de l'oméprazole étaient connus et utilisés avant la présumée invention d'Arne Brändström, inventeur désigné du brevet '751. Au cours de la phase II de ses études publiques sur la biodisponibilité effectuées en 1981, Astra a utilisé des sels d'addition de base de l'oméprazole. (Dossier de la demanderesse, pages 15 et 16)


[76]            La divulgation mentionnée au paragraphe B est une lettre à l'éditeur de la revue médicale The Lancet parue dans le numéro du 17 novembre 1982. L'article décrit le cas d'un homme à qui l'on avait administré de l'oméprazole par voie orale pour traiter un ulcère duodénal perforé. Apotex allègue que l'oméprazole a dû être administré sous forme de solution contenant un sel d'addition de base. Elle ajoute que tout formulateur qualifié saurait, étant donné que l'oméprazole est relativement instable en solution aqueuse, que l'oméprazole neutre est très peu soluble dans l'eau, que le composé possède une stabilité acceptable en solution alcaline et que la dose administrée par injection était de 60 mg, trois fois par jour, qu'il fallait absolument que la formulation de la solution injectée contienne un sel d'addition de base soluble.

[77]            Toutefois, comme la lettre ne mentionne que l'oméprazole neutre, Astra soutient que rien ne prouve que les sels d'addition de base ont été préparés puis administrés. Je suis d'accord avec elle. J'estime que l'argument d'Apotex repose sur des conjectures d'expert et je ne lui accorde donc aucun poids. En conséquence, je conclus que la preuve d'Apotex ne démontre pas, selon la prépondérance des probabilités, une utilisation antérieure.

[78]            Apotex allègue que des études publiques sur des humains et sur la biodisponibilité prouvent l'utilisation antérieure, mais elle n'a pas produit une telle preuve. Je conclus par conséquent qu'il n'y a pas de preuve à l'appui de ces allégations.


E. L'allégation d'évidence

[79]            La principale différence entre l'antériorité et l'évidence est que l'antériorité exige qu'une seule source antérieure contienne une description exacte de l'invention (Creations 2000 Inc. c. Canper Industrial Products Ltd. (1990), 34 C.P.R. (3d) 178, juge Hugessen, à la page 182 (C.A.F.)), alors que pour prouver l'évidence on peut se fonder sur tout, allant de la divulgation contenue dans un seul document à une « mosaïque » de l'état de la technique (Beloit c. Valmet, précité, à la page 294). Il s'agit dans les deux cas de questions de fait (Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1993), 47 C.P.R. (3d) 188, juge Desjardins, à la page 198 (C.A.F.)).

[80]            Le juge Urie a énoncé le critère de l'évidence dans l'arrêt Beecham Can. Ltd. c. Proctor & Gamble Co. (1982), 61 C.P.R. (2d) 1, page 27 (C.A.F.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée (1982), 63 C.P.R. (2d) 260 (C.S.C.), dans les termes suivants :

La question est de savoir si, à l'époque de l'invention [...], un technicien qualifié mais peu imaginatif, se fondant sur ses connaissances générales, sur ce qui avait été écrit dans le domaine et sur les renseignements qu'il avait à sa disposition, aurait été amené directement et sans aucune difficulté à l'invention [...].

[81]            Plus récemment, le juge Hugessen a aussi énoncé le critère dans l'arrêt Beloit c. Valmet, précité. Il a dit, à la page 294 :

[...] La pierre de touche classique de l'évidence de l'invention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle d'esprit inventif ou d'imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d'intuition; un triomphe de l'hémisphère gauche sur le droit. Il s'agit de se demander si, compte tenu de l'état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l'invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C'est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.

[82]            L'allégation d'Apotex au sujet de l'évidence est la suivante :


[TRADUCTION]

ÉVIDENCE

Le brevet '751 revendique une date de priorité de dépôt, le 4 mars 1983, qui correspond à la date de la demande de brevet suédois no 8301182.5. Considérant que cette date est la dernière date servant à déterminer l'évidence, Apotex allègue que le brevet '751, tout comme chacune de ses revendications, est invalide sur le fondement que l'objet du brevet '751 ainsi que chacune de ses revendications sont évidentes et non inventives vu l'état des connaissances. Apotex invoque les faits susmentionnés pour établir l'antériorité des revendications du brevet '751 à l'appui de son allégation selon laquelle les revendications du brevet '751 sont également évidentes. En plus des fondements factuels susmentionnés, Apotex s'appuie sur ce qui suit pour étayer son allégation d'évidence.

(i)            [La demande EP 5129] divulgue le composé oméprazole. L'oméprazole contient deux noyaux hétérocycliques, un benzimidazole de substitution et un noyau pyridine. La transformation de l'oméprazole en son sel d'addition de base correspondant se fait en éliminant un proton du noyau de benzimidazole de l'oméprazole. Les éléments suivants étaient bien connus des personnes versées dans l'art :

a)              les réactions chimiques de type acide-base;

b)              l'enlèvement d'un proton de la fraction benzimidazole pour former le sel d'addition de base correspondant;

c)              le pKa du benzimidazole non substitué est d'environ 13, et le benzimidazole non substitué forme facilement un sel d'addition de base;

d)              l'effet de divers groupements de substitution sur le pKa d'une molécule, et notamment, dans le cas de l'oméprazole, le groupement S-O (sulfoxyde) aurait comme effet de diminuer le pKa du proton de la fraction benzimidazole de l'oméprazole;

e)              l'oméprazole réagirait facilement avec un réactif alcalin pour donner un sel d'addition de base.

Les documents suivants corroborent les allégations précitées : [documents 4 à 12 d'Apotex omis.]

Ainsi, compte tenu de l'existence de l'oméprazole et des notions susmentionnées, la production du sel d'addition de base de l'oméprazole ne constituerait pas une invention.

Pour appuyer ses allégations d'antériorité et d'évidence, Apotex se fonde sur les documents suivants selon lesquels les études de pré-formulation constituent une étape normale de la préparation d'une composition pharmaceutique : [documents 121 à 128 d'Apotex omis.] (Dossier de la demanderesse, pages 16 à 20)


1. État des connaissances

[83]            Une des questions fondamentales dans la présente demande est celle de l'évaluation de l'état des connaissances en pharmacie chimique au moment du dépôt de la demande de brevet.

[84]            L'invention revendiquée dans le brevet 751 consiste en la découverte de l'utilité thérapeutique des sels d'addition de base de l'oméprazole et, en particulier, du sel de magnésium. Comme l'indique le brevet, [traduction] « la présente invention concerne de nouvelles formes d'oméprazole qui manifestent une stabilité accrue à l'entreposage » . (Dossier de la demanderesse, page 49).

[85]            Apotex allègue que la formulation des sels d'addition de base de l'oméprazole était connue dans le domaine au moment du dépôt du brevet 751. Pour prouver cette allégation, Apotex se fonde sur l'affidavit de M. Hendrickson, dans lequel celui-ci fait les commentaires suivants :

[TRADUCTION]

10. Les sels d'addition d'acide de l'oméprazole sont mentionnés un peu plus souvent dans le corps de la demande de brevet EP 5129. Il est bien connu que l'azote basique de la pyridine peut former des sels d'addition d'acide. Comme le benzimidazole a un pKa de 12,78, cette fraction de l'oméprazole requiert une base forte pour former le sel correspondant.

11. Cependant, même avant 1980, les chimistes savaient que la substitution d'un groupement capteur d'électrons à la position 2 du benzimidazole diminuait considérablement le pKa. Des groupements capteurs d'électrons courants comprennent les carbonyles (C=O), comme dans les cétones et les esters, et les sulfonyles (S=O), comme dans les sulfoxydes et les sulfones. Notamment, leur effet sur l'acidité des benzimidzoles a été très clairement décrit par Butchel et al.,en 1970 (document no 63), qui ont montré que le pKa du benzimidazole chutait à 10,95 avec un ester en position 2, et à 8,55 avec un méthylsulfone. [...]


12. L'oméprazole est un benzimidazole-2-sulfoxyde, et le pKa mesuré de l'oméprazole est de 8,8 (documents no 129, 1985), conformément à la prédiction que l'on peut faire à partir de l'interpolation ci-dessus. Comme son pKa est inférieur à 10, il est clair que l'oméprazole se dissoudra facilement dans une solution faible de NaOH et se transformera complètement en sel d'addition de base. Cependant, comme indiqué ci-dessus, même sans cette documentation de référence, la solubilité accrue de l'oméprazole dans une solution faible de NaOH aurait été observée au cours des premiers travaux de synthèse, et les chimistes auraient certainement reconnu la formation du sel d'addition de base.

13. Toute la chimie concernant les réactions acides-bases était bien connue des chimistes de synthèse, qui auraient immédiatement reconnu la formation d'un sel d'addition de base lors de l'ajout de réactifs alcalins à l'oméprazole. Naturellement, tout ceci est implicite dans la déclaration de la demande de brevet selon laquelle « [o]n peut donc obtenir des sels alcalins, neutres ou mélangés » . (Dossier de la demanderesse, pages 1745 et 1746)

[86]            En réponse, Astra prétend que même si la formulation des sels d'addition de base était connue en chimie, la notion n'était pas répandue à l'époque dans le domaine de la production de composés pharmaceutiques. Pour appuyer sa position, Astra se fonde sur l'affidavit de M. Amidon, dans lequel celui-ci déclare :

[TRADUCTION]

112. À mon avis, les sels du brevet 751 et leurs avantages n'auraient pas été évidents en 1983 pour une personne moyenne versée dans l'art, et ce, pour les raisons suivantes :

(i)            Une personne versée dans l'art n'aurait pas été tentée de préparer des sels d'addition de base de l'oméprazole, et de tels sels n'auraient pas été préparés.

(ii)            En supposant qu'une personne versée dans l'art ait décidé de préparer des sels d'addition de base de l'oméprazole, elle n'aurait pas pu prévoir sa stabilité accrue.

(iii)          Il n'y avait aucune raison de préparer des sels d'addition de base de l'oméprazole.

113. Bien qu'Apotex fasse valoir, dans sa lettre du 4 septembre, certains faits concernant les benzimidazoles et leur capacité de former des sels d'addition de base, elle n'aborde pas les raisons susceptibles d'inciter une personne à essayer de fabriquer des sels d'addition de base de l'oméprazole.

114. À mon avis, pour les raisons que j'énoncerai plus loin, il n'y aurait eu aucune raison de synthétiser et de tester de tels sels. De plus, une personne versée dans l'art cherchant à préparer de l'oméprazole aurait considéré que le composé présente les caractéristiques voulues pour être développé sous forme de composé neutre.

115. Par ailleurs, l'oméprazole sous forme de base libre satisfaisait aux normes minimales pour le développement :

activité suffisante


stabilité acceptable aux fins de synthèse et de manipulation par un chimiste médical

solubilité adéquate

profil de toxicité acceptable

point de fusion acceptable

116. Les faits suivants concernant l'oméprazole permettent de corroborer cette opinion.

117. Premièrement, l'oméprazole neutre est commercialisé aux États-Unis (sous la dénomination commerciale Prilosec), ce qui confirme que la base libre neutre convenait aux fins de développement.

118. Deuxièmement, la demande EP 5129 révèle que le point de fusion de l'oméprazole neutre est de 156 EC, ce qui est plus que suffisamment élevé pour un traitement pharmaceutique. En conséquence, un sel serait inutile, puisque le point de fusion est suffisamment élevé pour des fins de formulation et de traitement pharmaceutiques.

119. Troisièmement, dans le document no 129 d'Apotex, intitulé « Development of an oral formulation of omeprazole » (Développement d'une formulation orale d'oméprazole), la solubilité indiquée est de 0,1 mg/ml. Bien que faible, une telle solubilité convient aux fins de développement, étant donné que la dose d'oméprazole utilisée est relativement faible (de nombreux produits pharmaceutiques administrés par voie orale possèdent une solubilité de 0,001 à 0,03 mg/ml, p. ex. le piroxicam, le glyburide, la digoxine, dont la solubilité est de 10 à 100 fois inférieure à celle de l'oméprazole). De plus, d'après l'article, il appert que l'oméprazole possède des propriétés de dissolution adéquates. En conséquence, une personne versée dans l'art ne chercherait pas à préparer un sel pour améliorer la solubilité ou les propriétés de dissolution.

120. Quatrièmement, on commence, dès 1982, à faire état dans le milieu de l'administration de l'oméprazole sous sa forme de base libre. Tant dans la demande EP 5129 que dans l'article de la revue The Lancet (document no 3 d'Apotex), il est question de l'administration de la base libre. La demande EP 5129 fait part d'une suspension d'oméprazole administrée à des chiens, tandis que dans l'article de la revue The Lancet, il est question d'une suspension administrée à des humains par voie orale.

121. Même si une personne versée dans l'art avait pensé à préparer un sel d'addition de base, elle aurait rejeté cette idée parce que cela aurait été inutile et n'aurait que retardé le développement du médicament pour usage chez les humains.

122. D'abord, comme le brevet 158 ne divulguait que la préparation de sels d'addition d'acide, une personne versée dans l'art en aurait déduit que les sels d'addition de base de la formule III ne pouvaient être préparés facilement.

123. Ensuite, la personne versée dans l'art aurait été préoccupée par l'alcalinité de tout sel d'addition de base de l'oméprazole qui aurait pu être préparé. Cette personne s'attendrait à ce que l'oméprazole ne soit que peu acide. Tout sel d'addition de base serait passablement alcalin en solution. D'ailleurs, selon l'avocat, un article paru après 1983 révèle que le pKa de la fraction benzimidazole de l'oméprazole est de 8,7.


124. Se fondant sur le pKa de 8,7, une personne versée dans l'art aurait pensé qu'un sel d'addition de base serait trop alcalin pour être utile dans la préparation de formulations parentérales. Par exemple, on s'attendrait à ce que le sel de sodium de l'oméprazole ait un pH d'environ 11 en solution. Un formulateur qualifié comprendrait que cela n'est pas souhaitable pour une formulation intraveineuse et reconnaîtrait qu'il faut réduire le pH de la solution. Cependant, comme le pH de la solution était tamponné pour parvenir à un pH plus neutre, la forme prédominante de l'oméprazole en solution aurait été la base libre et, en conséquence, il aurait fallu affronter les mêmes problèmes de solubilité de la formulation. Comme la solubilité des sels et de la base libre de l'oméprazole en solution est essentiellement la même à quelque pH que ce soit, il n'y aucun avantage à préparer le sel pour une formulation intraveineuse.

125. De même, la personne versée dans l'art ne serait pas encline à utiliser un composé très alcalin dans une formulation orale puisque de tels sels peuvent avoir des effets biologiques indésirables. Par exemple, le sel de potassium de l'indométhacine a été retiré du marché quand on a découvert qu'il causait des lésions à l'intestin.

126. Par ailleurs, une personne versée dans l'art qui envisagerait utiliser le même ingrédient actif pour une formulation tant orale qu'intraveineuse pourrait conclure que, pour contourner les problèmes de sensibilité à l'acide et d'insolubilité de l'oméprazole neutre de la formulation intraveineuse, il vaudrait mieux préparer une formulation solubilisée d'oméprazole au moyen d'un agent de co-stabilisation approprié, une méthode bien connue dans le domaine. Cela inciterait une personne versée dans l'art à éviter purement et simplement de préparer un sel. (Dossier de la demanderesse, pages 184 à 187)

[87]            Astra s'est aussi appuyée sur les extraits suivants de la transcription du contre-interrogatoire de M. Chowhan au sujet de la demande 5129 en tant qu'antériorité :

[TRADUCTION]

Q. Vous vous souvenez peut-être que la demande européenne énumère un bon nombre de sels d'addition d'acide. Cela ferait partie des antériorités, n'est-ce pas?

R. Oui.

Q. La personne chargée de la formulation de l'oméprazole pouvait avoir cette demande européenne, n'est-ce pas?

R. Oui.

Q. Elle y trouverait les sels d'addition d'acide, n'est-ce pas?

R. Oui.

Q. Elle n'y trouverait pas d'exemples de sels d'addition de base?

R. Non.

Q. Pardon, êtes-vous d'accord avec moi?

R. Oui, je le suis.


Q. Est-il vrai qu'une des premières choses que la personne ferait serait de préparer les sels d'addition d'acide parce que le document traite de la fabrication de sels d'addition d'acide et qu'elle commencerait ensuite à étudier les sels d'addition d'acide? Exact?

R. Oui, c'est exact. Elle étudierait tant le composé neutre que le sel d'addition d'acide.

Q. Étant donné que le texte démontre que les sels d'addition d'acide étaient fabriqués et qu'il ne mentionne pas les sels d'addition de base, il serait naturel que la personne versée dans l'art se concentre sur les sels d'addition d'acide?

R. Oui. (Dossier de la demanderesse, pages 4006 et 4007)

[88]            Pour appuyer son argument selon lequel l'invention revendiquée dans le brevet n'était pas évidente, Astra soutient que, dans la production de composés pharmaceutiques, bien qu'un formulateur qualifié eût pu produire un sel d'addition de base de l'oméprazole, il ne l'aurait pas fait et ce, parce qu'au moment du dépôt du brevet 751 la plupart des gens croyaient que le sel d'addition de base de l'oméprazole était un composé trop alcalin, donc trop réactif, pour être utile sur le plan pharmaceutique. Je retiens, à cet égard, le témoignage de M. Amidon. Pour confirmer que tel était l'état des connaissances de l'époque en ce qui concerne le développement des composés pharmaceutiques, je retiens le témoignage confidentiel de M. Berntsson (Dossier de la demanderesse, paragraphes 43 à 49, aux pages 5876 et 5877).

[89]            Au vu de la preuve, je suis convaincu qu'on déconseillait à l'époque d'utiliser les sels d'addition de base et qu'un formulateur n'aurait pas été tenté d'explorer au-delà des valeurs normales de pH (c'est-à-dire 7-8). Ce fait est clairement démontré par le passage suivant tiré du contre-interrogatoire de M. Lee-Ruff :

[TRADUCTION]

Q. Vous reconnaissez que si les choses sont très acides ou très basiques, elles peuvent être corrosives pour les tissus humains?


R. Oui.

Q. Par exemple, ai-je raison de dire qu'en tant que chimiste, vous ne voudriez pas que l'on verse une solution très acide sur vos mains?

R. Vous avez raison.

Q. Aussi, si je place une bouteille d'eau devant vous et je vous dis que le pH dans cette bouteille d'eau est 12, hésiteriez-vous à boire cette eau?

R. Sans aucun doute.

Q. Si le pH dans cette bouteille était 11, hésiteriez-vous encore?

R. Oui.

Q. C'est parce que vous seriez inquiet qu'un tel degré d'alcalinité irrite votre oesophage ou l'un ou l'autre des tissus de votre bouche jusqu'à votre estomac.

R. Oui. (Dossier de la demanderesse, pages 4475 et 4476)

[90]            Apotex se fonde sur les études de solution pour démontrer que l'invention revendiquée dans le brevet 751, la découverte des caractéristiques de stabilité des sels d'addition de base de l'oméprazole, serait évidente pour une personne versée dans l'art qui étudie des solutions d'oméprazole. En réponse, Astra plaide que cette preuve n'aide pas Apotex à s'acquitter de son fardeau de la preuve parce que les études de solution ne peuvent pas prédire de façon précise la stabilité du composé solide puisque les sels d'addition de base de l'oméprazole sont des composés solides qui n'existent pas en solution. J'accepte l'argument d'Astra. Le passage suivant du contre-interrogatoire de M. Lee-Ruff est particulièrement pertinent :

[TRADUCTION]

Q. Un composé instable en solution pourrait être stable à l'état solide, n'est-ce pas?

R. C'est possible, oui.

Q. C'est parce que les propriétés qui influent sur la stabilité à l'état solide sont bien distinctes de celles qui influent sur la stabilité du composé en solution.


R. Oui - puis-je exprimer une réserve?

Q. Oui.

R. Pas toujours, parce les composés très hygroscopiques ont tendance à former ce que l'on appelle des micro-solutions en surface, qui se comportent de manière semblable à des solutions.

[...]

Q. Nous parlons de ce qui se passe en général. Je sais que vous voulez préciser que dans certains cas - mais, tenons-nous-en à ce qui se passe en général. Bien que vous ayez exprimé des réserves et indiqué que dans certains cas on verrait certaines choses, vous acceptez qu'en général, on ne peut pas prévoir précisément la stabilité à l'état solide d'un composé à partir d'études sur sa stabilité en solution.

R. En général, c'est vrai, oui. (Dossier de la demanderesse, pages 4495 et 4496)

[91]            En conclusion , après examen de la preuve et des arguments tant d'Apotex que d'Astra, j'estime qu'Apotex n'a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités son allégation d'évidence.

F. Autres moyens invoqués

1. Double brevet et double brevet relatif à une évidence

[92]            L'allégation d'Apotex est la suivante :

[TRADUCTION]

DOUBLE BREVET

Les sels d'addition de base de l'oméprazole, dont le sel de magnésium, et les compositions pharmaceutiques du brevet '751 contenant de tels sels sont expressément visés par les revendications du brevet canadien no 1,127,158, maintenant expiré. Par ailleurs, si les revendications du brevet canadien no 1,127,158 ne visent que le composé oméprazole et ses sels d'addition d'acide, Apotex allègue que la préparation de sels d'addition de base de l'oméprazole ou de compositions contenant de tels sels ne constitue pas une nouvelle invention. Par conséquent, les revendications du brevet '751 sont invalides parce qu'elles constituent un double brevet de la même invention ou un double brevet relatif à une évidence, ou les deux.

[93]            Vu les conclusions susmentionnées rejetant les allégations d'antériorité et d'évidence, je conclus qu'Apotex n'a pas prouvé cette allégation.


2. Inutilité

[94]            L'allégation d'Apotex est la suivante :

[TRADUCTION]

INUTILITÉ

Apotex allègue également que les revendications 8 à 11 du brevet '751 sont invalides parce qu'elles visent des réalisations qui ne sont d'aucune utilité sur le plan pharmaceutique. Les revendications 8 à 11 portent sur des compositions pharmaceutiques qui contiennent comme ingrédient actif l'un des sels d'addition de base de l'oméprazole mentionnés. Ces revendications visent également les solutions parentérales destinées aux préparations intraveineuses qui contiennent un des sels d'addition de base de l'oméprazole comme ingrédient actif. La portée de chaque revendication couvre également une solution parentérale pour formulation intraveineuse contenant comme ingrédient actif soit le sel de magnésium, soit le sel de calcium de l'oméprazole. Cependant, les propriétés physiques et chimiques des sels de magnésium et de calcium de l'oméprazole sont telles que ceux-ci sont pratiquement insolubles dans l'eau. Ainsi, ils ne conviennent pas à la préparation de formulations intraveineuses parentérales aux caractéristiques thérapeutiques acceptables.

[95]            Comme Apotex n'a pas maintenu cette allégation dans son argumentation, je ne puis conclure qu'elle a été prouvée.

G. Conclusion

[96]            En ce qui concerne la présomption de validité du brevet 751, il est important de rappeler la conclusion tirée par le juge Sharlow dans l'arrêt Bayer, précité :

L'application de la présomption légale en présence d'une preuve de l'invalidité dépend de la force de cette preuve. Si celle-ci démontre selon la probabilité la plus forte que le brevet est invalide, la présomption est réfutée et n'est plus pertinente : Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp. (1991), 35 C.P.R. (3d) 350 (C.A.F.), à la page 359.   


[97]            Vu les conclusions au sujet des allégations de l'AA et l'ensemble de la preuve produite par Apotex, je conclus qu'Apotex n'a pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le brevet 751 est invalide. Je conclus par conséquent qu'elle n'a pas su réfuter la présomption de validité du brevet.

O R D O N N A N C E

Pour ces motifs, je rends donc par les présentes une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à la défenderesse Apotex Inc. tant que le brevet canadien 1,264,751 ne sera pas expiré.

J'adjuge les dépens à la demanderesse.

« Douglas R. Campbell »

Juge

VANCOUVER

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon de Azevedo, LL.B.


                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

              SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20030620

Dossier : T-1914-01

ENTRE :

AB HASSLE & ASTRAZENECA CANADA INC.

_demanderesses

- et -

APOTEX INC. & LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

                                                                                                                      

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                                                      


                                           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                      SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                          T-1914-01

INTITULÉ :                                                         AB HASSLE & ASTRAZENECA CANADA INC.

demanderesses

- et -

APOTEX INC. & LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

LIEU DE L'AUDIENCE :                                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                 LES 3, 4 ET 5 JUIN 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                       MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS ET DE

L'ORDONNANCE :                                           LE VENDREDI 30 JUIN 2003

COMPARUTIONS :                                           M. Gunar Gaikis

                                                                             M. Sheldon Hamilton

                                                                             Mme Sally Hemming

POUR LES DEMANDERESSES

                                                                             M. H. Radomski

                                                                             M. A. Brodkin

                                                                             M. R. Tuzi        

POUR LA DÉFENDERESSE

APOTEX INC.

Morris Rosenberg

                                                                             Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DE LA SANTÉ


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :            Smart & Biggar

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

Goodmans

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

APOTEX INC.

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

                                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DE LA SANTÉ


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