Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision



     Date: 20000530

     Dossier: IMM-1776-99

OTTAWA (Ontario), le 30 mai 2000

DEVANT : Monsieur le juge Rouleau

ENTRE :

PAMELA WILLIAMS


demanderesse


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur


ORDONNANCE

[1]      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                             « P. ROULEAU »

                         _____________________________

                             JUGE


Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.



     Date: 20000530

     Dossier: IMM-1776-99

ENTRE :

PAMELA WILLIAMS


demanderesse


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s'agit d'une demande présentée conformément au paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, en vue du contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente d'immigration a conclu, le 22 mars 1999, qu'il n'y avait pas suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pour justifier l'octroi d'une dispense d'application du paragraphe 9(1) de la Loi.

[2]      La demanderesse Pamela Williams est née à Saint-Vincent en 1957. Elle a été admise au Canada à titre de visiteur au mois d'août 1993 et elle n'a jamais quitté le pays. Peu de temps après son arrivée au Canada, elle a commencé à vivre et à travailler à Montréal à titre d'aide intérieure ou de pourvoyeuse de soins. Au mois d'août 1995, la demanderesse a été arrêtée par les autorités de l'immigration parce qu'elle était au Canada illégalement et qu'elle travaillait sans autorisation; elle a fait l'objet d'une mesure d'interdiction de séjour au mois de septembre 1995 ou auparavant. Au mois de septembre 1995, la demanderesse s'est installée à Toronto, où elle est allée vivre avec sa soeur, qui est une immigrante ayant obtenu le droit d'établissement.

[3]      Au mois d'avril 1998, la demanderesse a demandé le droit d'établissement au Canada en invoquant des raisons d'ordre humanitaire. Le 24 mars 1999 ou vers cette date, la demanderesse a reçu la décision de l'agente d'immigration, qui déclarait qu'[TRADUCTION] « il n'y a[vait] pas suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pour justifier l'octroi d'une dispense des exigences législatives normales » .

[4]      Il s'agit de savoir si l'agente d'immigration a commis une erreur de droit, si elle s'est fondée sur un mauvais principe ou sur un principe erroné et si elle a agi de mauvaise foi.

[5]      La demanderesse soutient que l'agente d'immigration a agi d'une façon arbitraire en décidant qu'il n'y avait pas suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pour permettre le traitement de sa demande; que l'agente d'immigration a complètement omis de tenir compte de facteurs tels que la période passée au Canada, la mesure dans laquelle elle était établie, la présence de membres de la famille au Canada et la situation difficile à laquelle elle ferait face si elle devait être renvoyée du Canada, et que l'agente n'a pas assez mis l'accent sur ces facteurs. La demanderesse maintient que si ces facteurs avaient été appréciés d'une façon objective, elle aurait satisfait aux critères qui s'appliquent aux raisons d'ordre humanitaire. Enfin, la demanderesse soutient que la représentante du ministre a omis d'étayer sa décision ou qu'elle n'a pas donné de motifs adéquats à l'appui.

[6]      Le défendeur affirme que la portée du contrôle judiciaire d'une décision fondée sur des raisons d'ordre humanitaire est fort stricte et qu'en l'espèce, la demanderesse n'a pas démontré que l'agente d'immigration avait agi d'une façon arbitraire ou qu'elle n'avait pas tenu compte de facteurs pertinents. Selon le défendeur, le fait que la demanderesse ne souscrit pas à la décision de l'agente d'immigration est insuffisant pour démontrer qu'une erreur a été commise; la décision était entièrement fondée sur une question de jugement et elle relevait du pouvoir discrétionnaire de l'agente d'immigration. Enfin, le défendeur soutient que l'obligation d'équité qui existe lorsqu'une recommandation administrative discrétionnaire est faite en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi ne comprend pas l'obligation de fournir des motifs.

[7]      La décision rendue dans l'affaire Baker c. Canada (MCI)1 peut s'appliquer en l'espèce. Compte tenu de la gravité possible de la décision pour la demanderesse et de la nature discrétionnaire de la décision du ministre, il semble que la norme de contrôle applicable soit celle de la décision raisonnable.

[8]      Dans la décision Suresh c. Canada2, qui a récemment été rendue par la Cour d'appel fédérale, l'avocat du ministre n'a pas contesté la proposition selon laquelle il fallait donner des motifs par écrit. Toutefois, les parties ne s'entendaient pas sur la question de savoir si les motifs fournis par le ministre étaient adéquats. En examinant cette question, la Cour a dit que « le caractère suffisant des motifs peut être soulevé valablement dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, dans la mesure où ces motifs ne rendent pas compte de l'examen des facteurs pertinents » 3.

[9]      Le dossier de l'agente d'immigration révèle qu'il y a cinq pages de notes fort détaillées sur des aspects que l'agente avait minutieusement examinés avant de rendre sa décision. Il est certain qu'il est mentionné qu'une mesure de renvoi qui avait été prise le 30 août 1995 n'a pas été respectée; que la demanderesse a deux soeurs, un frère et des cousins qui habitent au Canada; qu'elle n'a pas d'enfants; que sa mère, trois frères et deux soeurs sont encore à Saint-Vincent. Selon les notes, la demanderesse ne savait pas qui avait informé les autorités de l'immigration du fait qu'elle résidait au Canada sans autorisation. Il est déclaré que la demanderesse a dit aux agents d'immigration qu'elle n'avait jamais été en contact avec ces derniers pendant qu'elle travaillait au Canada et qu'elle n'avait pas cherché à se faire parrainer par un employeur. Il est en outre déclaré que la demanderesse a presque toujours été employée pendant qu'elle était au pays et qu'elle subvenait à ses propres besoins.

[10]      La demanderesse admet être venue au Canada à titre de visiteur après la rupture d'une relation intime; elle croyait que le fait de venir au Canada lui ferait du bien. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle n'était pas partie lorsqu'on lui avait ordonné de le faire, la demanderesse a déclaré qu'elle croyait être maintenant établie et qu'elle avait décidé d'aller à Toronto, où elle avait une soeur qui était résidente permanente. Elle a ensuite trouvé un emploi à titre de pourvoyeuse de soins. L'agente a également noté que la demanderesse envoie de l'argent à sa famille à Saint-Vincent et que lorsqu'elle résidait à Saint-Vincent, elle était infirmière, mais qu'elle a démissionné lorsqu'elle a décidé de venir au Canada. L'agente a noté que la demanderesse avait tenté d'améliorer ses compétences en suivant des cours d'anglais et qu'elle effectuait du travail bénévole. La demanderesse avait environ 4 000 $ à la banque, mais elle n'a jamais produit de déclarations de revenu.

[11]      L'agente d'immigration mentionne ensuite le fait que la demanderesse est établie au Canada depuis plus de cinq ans; qu'elle effectue du travail bénévole; qu'elle a des attaches familiales au Canada; qu'elle a suivi des cours de perfectionnement; qu'elle n'est à la charge de personne et qu'elle subvient à ses propres besoins; qu'elle n'a pas de casier judiciaire. Il est noté que la demanderesse a travaillé dur depuis qu'elle est ici et qu'elle préférerait rester au pays.

[12]      L'agente a néanmoins conclu ce qui suit : [TRADUCTION] « À mon avis, il n'y a pas suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pour justifier l'approbation de votre demande au Canada. » Elle déclare ensuite que l'intéressée a fait l'objet d'une mesure de renvoi et qu'elle ne s'est pas présentée lors du renvoi et qu'elle travaillait illégalement au Canada; l'agente a par ailleurs apparemment tenu compte du fait que la demanderesse effectuait du travail bénévole et que certains membres de sa famille étaient ici, qu'elle subvenait à ses propres besoins, qu'elle avait eu une entrevue; l'agente a examiné toute l'affaire d'une façon approfondie et avec compassion, mais elle a néanmoins refusé la demande qui était présentée en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi.

[13]      L'avocat a soutenu que je devrais suivre les lignes directrices qui sont énoncées dans l'arrêt Baker, supra, et que, ce faisant, je devrais m'assurer que les motifs donnés à l'appui de la décision sont inadéquats. En fait, la demanderesse demande à la Cour de substituer sa décision à celle de l'agente d'immigration.

[14]      Je ne suis pas convaincu qu'une erreur ait été commise dans l'interprétation de la loi ou que les conclusions fondées sur les faits soient déraisonnables. Il est certain qu'il s'agit d'un cas qui attirerait normalement de la sympathie mais, contrairement à ce qui était le cas dans l'arrêt Baker, nous n'examinons pas ici les critères qui s'appliquent lorsqu'il s'agit de déterminer quels sont les intérêts des enfants étant donné que la demanderesse n'est pas mariée et qu'elle n'a pas d'enfants. Dans l'arrêt Baker, il a également été statué que si la demanderesse avait été refoulé en Jamaïque, elle serait probablement tombée malade encore une fois et qu'elle avait quatre enfants qui dépendaient d'elle sur le plan moral ou émotionnel. Dans l'arrêt Baker, la Cour a dit que le pouvoir discrétionnaire avait été exercé d'une façon non appropriée compte tenu de l'approche adoptée aux fins de l'examen des intérêts des enfants.

[15]      En règle générale, les demandes de résidence permanente doivent être présentées à l'étranger. Il peut y avoir des exceptions lorsqu'il est déterminé qu'il y a des raisons d'ordre humanitaire. Il s'agit d'une dispense d'application du Règlement ou de la Loi. Il est certain que l'agent est tenu d'examiner minutieusement l'affaire sous tous ses aspects et qu'il doit faire preuve de jugement; comme il a été dit dans l'arrêt Baker, il doit se demander « ce qu'une personne sensée ferait dans une telle situation » . Il devrait également être noté que les lignes directrices selon lesquelles il est tenu compte des divers facteurs que l'agente ici en cause semble avoir pris en considération prévoient également qu'il y a des raisons d'ordre humanitaire si [TRADUCTION] « des difficultés inhabituelles, non méritées ou disproportionnées seraient causées à la personne concernée si elle devait quitter le Canada » .

[16]      Je suis convaincu qu'en l'espèce, l'agente d'immigration a examiné les questions qui se posaient et qu'elle en a tenu compte d'une façon pleine et juste.

[17]      Comme je l'ai déjà dit, si la Cour est convaincue que la décision est raisonnable, elle ne devrait substituer son opinion à celle de l'agent d'immigration que si celui-ci a apprécié les faits de l'affaire d'une façon inéquitable.

[18]      En l'espèce, on n'a pas réussi à me convaincre; la demande est rejetée.


                             « P. ROULEAU »

                         ___________________________

                             JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

le 30 mai 2000.

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-1776-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      PAMELA WILLIAMS c. MCI

.

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 16 mai 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Rouleau en date du 30 mai 2000


ONT COMPARU :

Roger Rowe                  POUR LA DEMANDERESSE

Ann Margaret Oberst                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Roger Rowe                  POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada              POUR LE DÉFENDEUR

__________________

1 [1999] 174 D.L.R. (4th ) 193.

2 [2000] A.C.F. no 5.

3 Ibid à la p. 55.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.