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Date : 20020219

Dossier : T-1792-00

OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 19 FÉVRIER 2002

En présence de : MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

                                                                ARTHUR ROSS

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                                                ORDONNANCE

Pour les motifs exposés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucuns dépens ne sont adjugés.

« François LEMIEUX »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


Date : 20020219

Dossier : T-1792-00

Référence neutre : 2002 CFPI 183

ENTRE :

                                                                ARTHUR ROSS

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

[1]                Arthur Ross, détenu du pénitencier de la Saskatchewan à Prince Albert, sollicite, en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, le contrôle judiciaire de la décision, en date du 6 juin 2000, par laquelle le commissaire du Service correctionnel du Canada (le SCC) a rejeté son grief au troisième et dernier palier de la procédure de règlement de grief prévue à l'article 90 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la Loi) et au Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (le Règlement).


[2]                M. Ross purge actuellement une peine de 16 ans relativement à des déclarations de culpabilité pour avoir, à deux reprises, eu des relations sexuelles avec des jeunes filles de 12 ans.    Les déclarations de culpabilité du demandeur ont été maintenues par la Cour d'appel de la Saskatchewan et la demande d'autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada a été rejetée. M. Ross a proclamé son innocence devant la Cour, alors qu'il a été démontré qu'il était un délinquant dangereux.

[3]                La décision du commissaire est rédigée comme suit :

[TRADUCTION]

J'ai examiné, au troisième palier, votre grief visant l'opinion exprimée par un surveillant de liberté conditionnelle dans un rapport d'enquête communautaire daté du 24 novembre 1999.

Vous avez reçu les réponses appropriées à votre grief à tous les paliers antérieurs. On vous a informé que le surveillant de liberté conditionnelle s'était fondé sur les « renseignements versés au dossier » et vous avez réclamé qu'on vous donne ces renseignements. En réponse à votre plainte, on vous a informé que le surveillant de liberté conditionnelle s'était fondé, pour effectuer son évaluation, sur les renseignements figurant dans votre rapport sur le profil criminel et dans votre évaluation initiale. On a répondu à votre réclamation au sujet des « renseignements versés au dossier » puisque vous avez reçu la réponse à votre plainte.

De plus, comme mentionné dans la réponse donnée par le deuxième palier, vous avez été déclaré coupable d'agression sexuelle à l'endroit de deux enfants de 12 ans et vous purgez en conséquence une peine de 16 ans. Si vous ne l'avez pas encore fait, je vous propose de demander l'accès à votre dossier, en application de la Loi sur la protection des renseignements personnels, pour obtenir plus de renseignements sur la déclaration de culpabilité prononcée contre vous et sur votre peine.

L'opinion du surveillant de liberté conditionnelle est valide. Votre grief est rejeté.

[4]    M. Ross a présenté un grief en raison d'une déclaration à son sujet contenue dans un rapport d'enquête communautaire daté du 11 novembre 1999. Ernie Otway, du bureau de libération conditionnelle de Lethbridge, a écrit ce rapport.


[5]                Selon M. Ross, la déclaration du surveillant de liberté conditionnelle (M. Otway), figurant au rapport d'enquête communautaire dans une section titrée [TRADUCTION] « Évaluation globale » , est offensante, fausse et diffamatoire. Je reproduis, plus bas, l' « Évaluation globale » de M. Otway. J'ai souligné les phrases qui choquent M. Ross :

[TRADUCTION]

L'auteur note que le délinquant a été déclaré, à quatre reprises, coupable d'agressions sexuelles entre 1981 et les déclarations de culpabilité actuelles. Les déclarations de culpabilité visent des actes perpétrés à l'endroit de jeunes filles et le délinquant se sert de son expérience de vie pour amener les jeunes à avoir des activités sexuelles. Le délinquant a été condamné à purger de nombreuses peines d'emprisonnement et à subir des traitements, mais il a récidivé. L'auteur note que le délinquant nie avoir commis les dernières infractions et son point de vue général au sujet des activités sexuelles avec de jeunes personnes est qu'il estime que cela ne constitue ni un problème ni une infraction. L'auteur croit que le délinquant risque grandement de commettre de nouvelles infractions, à moins qu'il ne change de point de vue. L'auteur estime que le délinquant est très intelligent et qu'il se sert de ce qu'il apprend pour arriver à ses fins et perturber les personnes qui oeuvrent dans le système judiciaire. L'auteur croit que le délinquant continuera à s'en prendre aux jeunes filles et qu'il faut se demander s'il ne causera pas plus qu'un préjudice psychologique à ses futures victimes. [...]

[Non souligné dans l'original.]

[6]                M. Ross invoque l'article 24 de la Loi à l'appui de la réparation principale - la suppression des phrases offensantes - qu'il sollicite dans la présente demande de contrôle judiciaire.

[7]                L'article 24 de la Loi est rédigé comme suit :



24(1) Exactitude des renseignements

(1) Le Service est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu'il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets.24(2) Correction des renseignements

(2) Le délinquant qui croit que les renseignements auxquels il a eu accès en vertu du paragraphe 23(2) sont erronés ou incomplets peut demander que le Service en effectue la correction; lorsque la demande est refusée, le Service doit faire mention des corrections qui ont été demandées mais non effectuées.

24(1) Accuracy, etc., of information

(1) The Service shall take all reasonable steps to ensure that any information about an offender that it uses is as accurate, up to date and complete as possible.

24(2) Correction of information

(2) Where an offender who has been given access to information by the Service pursuant to subsection 23(2) believes that there is an error or omission therein,

(a) the offender may request the Service to correct that information; and

(b) where the request is refused, the Service shall attach to the information a notation indicating that the offender has requested a correction and setting out the correction requested.


[8]                Deux questions sont soulevées dans la présente instance judiciaire : premièrement, comment faut-il qualifier la déclaration de M. Otway qu'Arthur Ross prétend être fausse et, deuxièmement, existe-t-il un fondement en droit qui appuie la réparation sollicitée par le demandeur?

[9]                M. Ross qualifie les phrases offensantes de déclaration ou de conclusion de fait. Je ne suis pas d'accord avec lui. L'opinion exprimée par le commissaire et les fonctionnaires du SCC au sujet du grief de M. Ross est correcte. Ce que M. Otway a exprimé était une conclusion ou une opinion qui se basait sur le rapport sur le profil au criminel du demandeur et sur l'évaluation initiale de ce dernier.

[10]            La suppression que M. Ross sollicite est d'une nature et d'une qualité différentes de celles qui ont été demandées dans Tehrankari c. Canada (Service correctionnel), [2000] A.C.F. no 495.


[11]            Dans la décision Tehrankari, précitée, la Cour a énoncé, dans les termes suivants, la norme de contrôle applicable aux décisions des commissaires pour les griefs se rapportant à l'article 24 de la Loi :

[44]     Pour conclure sur ce point, je suis d'avis qu'il faut appliquer la norme de la décision correcte si la question porte sur la bonne interprétation de l'article 24 de la Loi, mais la norme de la décision raisonnable simpliciter si la question porte soit sur l'application des principes juridiques appropriés aux faits soit sur le bien-fondé de la décision de refus de corriger les renseignements dans le dossier du délinquant. La norme de la décision manifestement déraisonnable s'applique aux pures questions de fait.

[12]            Le demandeur prétend que l'opinion exprimée par le surveillant de liberté conditionnelle Otway n'a pas de fondement factuel, et c'est pourquoi il la conteste. Il n'y a pas de preuve pour appuyer cette prétention. Comme je l'ai mentionné plus tôt, cette opinion du surveillant constitue pas une simple conclusion de fait. La norme de contrôle est, dans les circonstances de l'espèce, la décision raisonnable. La présente décision, comme toute réparation résultant de la présente instance judiciaire, doit tenir compte du fait que le contexte carcéral est particulier. (Voir Cardinal c. Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643)


[13]            L'examen du rapport sur le profil criminel du demandeur et de son évaluation initiale m'amène à conclure que M. Otway avait suffisamment d'éléments de preuve pour pouvoir émettre l'opinion en cause. Celle-ci comprenait deux aspects : le déni de culpabilité du délinquant quant à ses dernières infractions et son point de vue général. Les éléments de preuve sur lesquels le surveillant de liberté conditionnelle s'est fondé ont été énoncés en détail dans un document intitulé « Présentation d'un grief par un détenu » , qu'on trouve aux pages 65 à 69 du dossier de demande du demandeur.

[14]            Je conclus que le demandeur n'a pas démontré que la Cour serait justifiée d'intervenir à l'égard de la décision du commissaire (troisième palier de règlement des griefs) selon laquelle l'opinion du surveillant de liberté conditionnelle était valide. La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[15]            Le demandeur a aussi sollicité des mesures de réparation accessoires : une ordonnance par laquelle la Cour enjoindrait à M. Otway de subir un interrogatoire et une ordonnance dans laquelle la Cour énoncerait les accusations devant être portées contre lui. Les mesures de réparation accessoires que le demandeur sollicite ne sont pas fondées. Ces aspects de la demande de contrôle judiciaire sont aussi rejetés. Le défendeur a réclamé des dépens. J'estime que les circonstances de la présente demande ne justifient pas que la Cour condamne le demandeur aux dépens.

« François LEMIEUX »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

LE 19 FÉVRIER 2002

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-1792-00

INTITULÉ :                                                    ARTHUR ROSS c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              SASKATOON (SASKATCHEWAN)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 13 FÉVRIER 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :             LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                   LE 19 FÉVRIER 2002

COMPARUTIONS :

ARTHUR ROSS                                               AGISSANT EN SON PROPRE NOM

GLENNYS BEMBRIDGE                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ARTHUR ROSS                                               AGISSANT EN SON PROPRE NOM

PRINCE ALBERT (SASKATCHEWAN)

MORRIS ROSENBERG                                  POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

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