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Date : 20010803

Dossier : IMM-3749-00

Référence neutre : 2001 CFPI 855

ENTRE :

                                           HELEN IYEKEORETIN OSAROGIAGBON

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[Mise en forme des motifs exposés à l'audience

à Toronto (Ontario), le jeudi 26 juillet 2001]

LE JUGE LEMIEUX

[1]                 Les présents motifs confirment les motifs exposés à l'audience à Toronto le jeudi 26 juillet 2001, par lesquels j'ai accueilli la présente demande de contrôle judiciaire de Helen Iyekeoretin Osarogiagbon (la demanderesse), une citoyenne du Nigéria âgée de 28 ans, qui est entrée au Canada le 10 février 1997 et qui a revendiqué le statut de réfugiée au motif qu'elle aurait été arrêtée le 3 octobre 1996 par la police militaire, laquelle recherchait son ami de coeur, évadé de prison et accusé en mars 1995 d'avoir pris part à un complot de coup d'État visant le renversement du régime militaire d'Abacha.

[2]                 Le 19 juin 2000, un tribunal de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, composé de Khaled L. Mouammar et de Marcelle Bourassa (le tribunal), a rejeté la revendication de la demanderesse, concluant à l'absence de crédibilité et de fiabilité de son témoignage selon lequel elle a été détenue pendant quatre mois de même que torturée et agressée sexuellement presque à chaque jour pendant cette période.

[3]                 Le tribunal a fondé sa conclusion relative à la crédibilité uniquement sur les deux conclusions d'absence de plausibilité qu'elle a tirées.

[4]                 Le tribunal a formulé ainsi sa première conclusion d'absence de plausibilité :

Aucun élément de preuve crédible n'a été déposé pour montrer qu'elle aurait tenté d'obtenir des soins médicaux pour ses blessures prétendues avant son départ du Nigéria, ou après son arrivée au Canada. En outre, il n'existe aucun élément de preuve crédible indiquant que, pendant son long séjour au Canada, elle aurait demandé de l'aide psychologique à la suite de l'expérience traumatisante qu'elle aurait vécue au Nigéria. Le tribunal trouve peu plausible que la revendicatrice, qui aurait été battue et aurait subi des agressions sexuelles presque quotidiennement pendant quatre mois, ne se soit pas fait traiter pour les blessures qu'elle aurait subies et qu'elle n'ait pas cherché à obtenir une aide psychologique peu après son arrivée au Canada.

[5]                 Le tribunal a exprimé sa seconde conclusion d'absence de plausibilité dans les termes qui suivent :

Aucun élément de preuve n'a été produit pour montrer que sa mère ou l'un ou l'autre de ses sept frères et soeurs auraient eu des problèmes graves depuis son départ du Nigéria. Le tribunal trouve peu plausible que la revendicatrice puisse avoir été persécutée parce que son ami se serait évadé de prison et que les membres de sa famille n'aient connu aucun problème grave à la suite de son évasion présumée de la prison.

[6]                 En accueillant la présente demande de contrôle judiciaire, j'avais à l'esprit ce que le juge Décary a dit dans l'arrêt Aguebor c. Ministre de l'emploi et de l'immigration (1993), 160 N.R. 315, à la page 316 :

[4] Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier.

[7]                 Je suis d'avis que le caractère déraisonnable de la seconde conclusion d'absence de plausibilité tirée par le tribunal est manifeste. Le fait que les proches parents de la demanderesse n'aient eu aucun problème sérieux après l'évasion de prison de cette dernière ne peut pas fonder la conclusion que celle-ci n'a jamais été torturée en prison. Qui sait pourquoi les autorités militaires ne s'en sont pas pris à la famille de la demanderesse? Le tribunal a fait des hypothèses à cet égard.

[8]                 Le caractère déraisonnable de la première conclusion d'absence de plausibilité est un peu moins manifeste. Quant au fait qu'elle n'a pas sollicité de soins médicaux au Nigéria, la demanderesse a témoigné qu'après s'être évadée de prison, elle s'est cachée pendant quatre jours et a ensuite immédiatement quitté le pays en direction du Canada.

[9]                 La demanderesse a témoigné qu'elle avait consulté un médecin deux jours après son arrivée au Canada. Ce médecin lui a prescrit des médicaments parce qu'elle avait de la difficulté à dormir et qu'elle éprouvait continuellement des maux de têtes en raison de ce qui lui serait arrivé. Le médecin qui l'a examinée n'était pas psychologue, mais il l'a conseillée relativement à son état de santé. En outre, la demanderesse a montré les cicatrices qu'elle portait aux mains et aux cuisses, cicatrices qu'elle a attribuées aux raclées à répétition qu'elle a subies.

[10]            J'ai conclu que cette première conclusion d'absence de plausibilité devait être écartée car elle était contraire à la preuve.

[11]            Ce qui est également troublant dans cette décision, c'est l'analyse par le tribunal des raisons impérieuses en vertu du paragraphe 2(3) de la Loi sur l'immigration. Dans cette analyse, le tribunal a conclu « [qu'i]l se peut que la revendicatrice ait été détenue et maltraitée pendant une courte période » . Cette déclaration est contraire à la conclusion que le tribunal a auparavant tirée dans sa décision et selon laquelle la crainte de persécution de la demanderesse n'était pas fondée.

[12]            C'est pour ces motifs que j'ai accueilli la demande de contrôle judiciaire.

                                                                                  « François Lemieux »

                                                                                                                                                                         

                                                                                                       J U G E         

OTTAWA (ONTARIO)

LE 3 AOÛT 2001

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                 IMM-3749-00

INTITULÉ :                                HELEN IYEKEORETIN OSAROGIAGBON c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :         TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :       LE 26 JUILLET 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

EN DATE DU :                          3 AOÛT 2001

ONT COMPARU

M. M. HAMALENGWA                                                              POUR LA DEMANDERESSE

M. S. GOLD                                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. M. HAMALENGWA                                                              POUR LA DEMANDERESSE

M. Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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