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Date : 20011121

Dossier : IMM-5964-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1275

ENTRE :

ZHU, RUI RONG

demanderesse

et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL

[1]                  En août 1999, la demanderesse, une citoyenne de la province de Fujin, en Chine, est arrivée dans les eaux canadiennes à bord d'un navire de pêche décrépit. La GRC et des fonctionnaires de l'Immigration l'ont sortie du navire et placée sous garde en compagnie de 190 autres personnes. Toutes ces personnes ont par la suite été transportées par autocar de Gold River, en Colombie-Britannique, jusqu'à la base des Forces canadiennes d'Esquimalt, où leur cas a été étudié par les autorités de l'immigration sur une période de quatre jours.

[2]                  Il est acquis aux débats, dans la présente instance en contrôle judiciaire, qu'après avoir été placée sous garde, la demanderesse n'était plus libre de ses mouvements. En conséquence, un des principaux arguments que la demanderesse a fait valoir devant la SSR était qu'elle était en état d' « arrestation » ou en « détention » au sens de l'article 10 de la Charte et que ses droits avaient été violés alors qu'elle était détenue.

[3]                  Le principal moyen tiré de la Charte qui était invoqué devant la SSR concernait le pouvoir exact en vertu duquel la demanderesse avait été arrêtée et détenue. Je conclus que la réponse à cette question constitue un aspect essentiel de l'analyse qui doit être effectuée sous le régime de la Charte parce que ce n'est que lorsqu'on aura répondu à cette question qu'on pourra décider si l'article 10 de la Charte s'applique.

[4]                  Voici les conclusions que la SSR a tirées au sujet de cette analyse essentielle :

[TRADUCTION][...] Les commissaires saisis de l'affaire ont demandé à l'avocat de leur citer l'article de la Loi sur l'immigration qui confère aux fonctionnaires de l'Immigration le pouvoir de prendre en charge des personnes ayant pénétré au Canada sans passer par un point d'entrée désigné. L'avocat a cité l'alinéa 27(2)f) de la Loi, qui confère dans les termes les plus nets aux fonctionnaires de l'Immigration le pouvoir de prendre en charge les personnes qui pénètrent au Canada sans passer par un point d'entrée en vue d'établir leur admissibilité au Canada ou leur droit de présenter des observations sur certaines questions, dont celle de la reconnaissance de leur statut de réfugié au sens de la Convention.

[...]


Les fonctionnaires de l'Immigration avaient le droit, en vertu de l'alinéa 27(2)f) de la Loi sur l'immigration, de prendre en charge des personnes ayant pénétré au Canada sans passer par un point d'entrée désigné ou d'une façon qui laissait penser qu'elles se dérobaient aux contrôles et aux formalités normales d'entrée. Les commissaires estiment que les mesures prises par les agents du CIC, de la Garde côtière canadienne, des Forces armées ou de la GRC pour escorter jusqu'à un point d'entrée désigné les personnes qui avaient pénétré illégalement au Canada ne constituaient ni une détention ni une arrestation pas plus qu'un comportement abusif de leur part.

[...]

Les commissaires ne pensent pas que l'article 103 s'appliquerait. Il n'existait aucun motif valable de procéder à une arrestation parce qu'aucun fait n'avait été recueilli au sujet de la revendicatrice ou des autres personnes se trouvant à bord du navire. La revendicatrice était tout simplement parvenue sur les rives du Canada. Les commissaires reconnaissent par ailleurs les difficultés et la logistique complexe qu'impliquait le déplacement de presque 200 personnes d'un lieu isolé de la côte jusqu'à un point d'entrée désigné, de même que le fait de laver, nourrir et vêtir ces personnes et de les loger en attendant leur entrevue au sujet de leur admissibilité au Canada. Un délai de trois jours ne constitue pas un temps d'attente déraisonnable. À cet égard, l'arrêt Dehghani peut être appliqué. Dans cette affaire, le délai normal dans le cas d'une personne qui se présente à un point d'entrée a été fixé à quelques heures.

[5]                  Après avoir examiné attentivement les mots employés au cours de l'audience sur le contrôle judiciaire, je conclus que le raisonnement de la SSR est entaché d'une erreur fondamentale. Au cours de l'audience, l'avocat du défendeur a reconnu sans peine que la conclusion tirée au sujet de l'applicabilité de l'alinéa 27(2)f) de la Loi sur l'immigration constituait une erreur de droit. Comme cette erreur constitue le point de départ de toute analyse fondée sur la Charte, je ne puis l'ignorer et je conclus en conséquence qu'il s'agit d'une conclusion qui est entachée d'une erreur fondamentale.


ORDONNANCE

[6]                  En conséquence, j'annule la décision de la SSR et je renvoie la présente affaire à un tribunal différemment constitué pour qu'il statue à nouveau sur l'affaire et rende une nouvelle décision.

   

« Douglas R. Campbell »

                                                                                                                           Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 21 novembre 2001

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                      COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-5964-00

INTITULÉ :                                        Rui Rong Zhu c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :              20 novembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE LA COUR : LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                      21 novembre 2001

COMPARUTIONS:

Me Adrian D. Huzel                                POUR LA DEMANDERESSE

Me Peter Bell                                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Larson Boulton Sohn Stockholder        POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

Sous-procureur général du Canada                                               POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie-Britannique)

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