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Date : 20000331

                    

ENTRE :

     Dossier : T-492-96

     Donald I. Clarke,

     demandeur,

     - et -

     Sa Majesté la Reine,

     défenderesse.


     Dossier : T-493-96

     Clarence J. Dwyer,

     demandeur,

     - et -

     Sa Majesté la Reine,

     défenderesse.


     Dossier : T-494-96

     Fraser H. Edison,

     demandeur,

     - et -

     Sa Majesté la Reine,

     défenderesse.



     Motifs des jugements

LE JUGE MacKAY


[1]      Il s"agit de trois appels, chacun ayant été interjeté par un des contribuables demandeurs, d"un jugement de la Cour canadienne de l"impôt1accueillant en partie l"appel de chacun des contribuables tout en confirmant leur cotisation de base en application du paragraphe 227.1(1) de la Loi de l"impôt sur le revenu1(la Loi). Ces appels portant sur des faits analogues, ils ont été instruits ensemble sur preuve commune, dont le témoignage de l"un des demandeurs, M. Dwyer, qui a été accepté à titre de preuve dans les trois appels devant la Cour, comme ce fut le cas devant la Cour canadienne de l"impôt.

[2]      Les demandeurs étaient tous administrateurs d"une société qui a omis, contrairement aux dispositions de l"article 153 de la Loi, de remettre des retenues d"impôt effectuées sur le salaire versé aux employés. La société a fait faillite en mars 1988 et, par la suite, soit à l"automne 1989, les administrateurs ont fait l"objet de cotisations établies en application du paragraphe 227.1(1) les tenant solidairement responsables, avec la société, des sommes non remises relativement aux années d"imposition 1984 à 1988, des intérêts et des pénalités. Les cotisations ont fait l"objet d"une opposition puis d"un appel.

[3]      Par suite des appels interjetés devant la Cour canadienne de l"impôt, de nouvelles cotisations ont été établies à l"égard de chacun des demandeurs, qui ont reçu un avis daté du 25 septembre 1995. Les cotisations antérieures ont été diminuées. Selon les demandeurs, il est difficile de savoir si, pour fixer leurs nouvelles cotisations respectives, on a déduit les montants correspondant aux paiements versés à Revenu Canada par l"administrateur-séquestre de la société ou, plus tard, par le syndic conformément aux directives formulées par le juge Rip de la Cour canadienne de l"impôt, ou le montant initialement établi à l"égard des retenues d"impôt à la source non remises exigibles à la mi-février 1988, montants qui devaient tous être exclus ainsi que l"a admis l"avocat de la défenderesse par ses déclarations faites devant la Cour canadienne de l"impôt. Les appels de novo dont la Cour est saisie se fondent sur les nouvelles cotisations de septembre 1995 conformément aux dispositions de la Loi qui permettaient d"interjeter appel devant la Section de première instance de la Cour fédérale d"une décision rendue par la Cour canadienne de l"impôt à l"égard d"appels relatifs à des cotisations engagés avant 1991.

Questions en litige

[4]      Les appels soulèvent quatre questions, dont la dernière relève de la preuve et de la procédure. Les points litigieux sont les suivants :

(i)      savoir si les demandeurs exerçaient une maîtrise suffisante sur la société au cours de la période de " mise sous séquestre mitigé ", de janvier 1985, ou du 15 février 1985, au 5 août 1985, pour être tenus responsables des retenues d"impôt à la source non remises qui étaient exigibles pour cette période;
(ii)      savoir si, dans l"éventualité où les demandeurs étaient responsables des retenues d"impôt à la source non remises, peu importe la période, ils ont agi avec le degré de soin, de diligence ou d"habileté pour prévenir l"omission de remettre les retenues qu"une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables. Dans l"affirmative, ils n"étaient pas responsables, suivant le paragraphe 227.1(3) de la Loi, du manquement de la société à son obligation de remettre ces retenues;
(iii)      savoir si les demandeurs étaient responsables des retenues d"impôt à la source non remises exigibles après le 5 février 1988, date de la nomination d"un administrateur-séquestre et, plus particulièrement, d"une somme non remise au mois d"octobre 1987, qui n"a été décelée que lors d"une vérification effectuée en mars 1988, ainsi que des sommes impayées en février 1988 sur deux billets à ordre datés du 5 août 1985 et remis à ministère du Revenu national qui a accepté de différer les versements exigibles des retenues à la source payables en date du 30 juin 1985 (date précisée dans la déclaration des demandeurs et non contestée par la défenderesse).
(iv)      La dernière question en litige, qui n"aura finalement pas une grande importance en l"espèce, concerne l"effet d"une demande de reconnaissance de l"authenticité de documents dont le délai expire durant une audience sans avoir fait l"objet d"aucune réponse sous forme d"objection.

Les faits

[5]      MM. Clarke, Dwyer et Edison étaient administrateurs d"Easteel Industries (1984) Limited (la société), entreprise établie à St. John"s (Terre-Neuve), de 1984 à 1988. En 1984, les trois demandeurs ont pris la direction de la société, qui fabriquait des produits en métal et de l"acier de charpente semi-ouvré, croyant qu"elle connaîtrait un vif succès en raison de la forte expansion du secteur de la construction que devait entraîner l"exploitation de réserves pétrolières situées au large de la côte de Terre-Neuve. M. Dwyer, qui a témoigné lors de l"audition des présents appels, agissait en qualité de président et de directeur général de la société au cours de la période en cause. Les autres demandeurs étaient également des investisseurs et des administrateurs actifs, et tous les trois participaient à l"exploitation courante de l"entreprise.

[6]      L "expansion attendue ne s"est pas produite aussi tôt que prévu et la société a connu des difficultés. Celles-ci ont atteint un point critique quand, au mois de janvier 1985, le principal créancier et banquier de la société, la Banque Mercantile du Canada (la banque), a demandé certains renseignements sur la situation financière de la société. À la demande de la banque, la société a, le 14 janvier 1985, retenu les services de Thorne Riddell, cabinet de comptables agréés de Halifax, pour qu"il rende compte à la banque de la situation financière de la société et de la façon dont elle était exploitée. Dans l"intervalle, la société avait pris du retard en ce qui concerne la remise des impôts qu"elle avait retenus sur le salaire de ses employés. La banque a retourné un chèque établi en date du 15 janvier 1985 à l"ordre du receveur général du Canada parce qu"il était sans provision. Ce chèque constituait le paiement, par la société au ministre du Revenu national, des impôts retenus sur les salaires de décembre 1994 versés aux employés de la société.

[7]      Selon le témoignage de M. Dwyer et celui de M. Brian Vallis, qui, à cette époque, s"occupait du dossier pour Thorne Riddell, le cabinet de comptables agréés a présenté une recommandation détaillée à la banque. Les options examinées comprenaient notamment la faillite et la liquidation immédiate des éléments d"actif de la société. Ces mesures n"étaient pas recommandées par Thorne Riddell. Dans son rapport, le cabinet concluait que la société était susceptible d"avoir du succès si elle réussissait à se restructurer et à se redresser en réglant ses problèmes financiers. La banque a avalisé ce rapport et procédé à ce qui a été appelé une " mise sous séquestre mitigé "de la société. Les services de Thorne Riddell Inc., société représentée par M. Vallis, ont été retenus par la banque pour protéger ses intérêts dans la société. Thorne Riddell a envoyé à M. Dwyer une lettre datée du 15 février 1985 qui énonçait les conditions de l"arrangement et qui mentionnait notamment ce qui suit :

[TRADUCTION] Comme vous le savez, le banquier de votre entreprise, la Banque Mercantile du Canada, a demandé à ce que Thorne Riddell Inc. agisse en son nom expressément pour surveiller et suivre de près la liquidation, en bon ordre, des éléments d"actifs et du matériel excédentaire existants de votre société. Notre mission nous oblige à agir pratiquement en qualité de gérant, en consultation avec les membres de la haute direction de votre entreprise. À cet égard, nous avons l"intention d"établir des rapports étroits avec vous-même pour la majorité des décisions de gestion.

Il ressort de la mission que nous a confiée la banque que nous devons assurer un contrôle rigoureux de tous les aspects liés aux rentrées et aux sorties de fonds, aux ventes, aux achats et aux autres activités de gestion en général.

La lettre énumère ensuite de façon très détaillée les obligations d"information et de collaboration qu"assume la direction envers Thorne Riddell à qui, essentiellement, il appartient de trancher toutes les questions concernant l"exploitation, y compris les comptes clients, la vente des stocks et du matériel, les contrats, les achats, les comptes fournisseurs et les paiements, le personnel ainsi que les changements et les prévisions touchant l"exploitation. Cette lettre comportait en outre une condition particulière applicable aux comptes fournisseurs exigibles avant la nomination de Thorne Riddell :

[TRADUCTION] Thorne Riddell Inc. et la direction doivent s"entendre sur tout paiement devant être versé relativement à des comptes fournisseurs antérieurs au 14 février 1985, le cas échéant. Tous les chèques et paiements relatifs à des comptes fournisseurs ou d"autres services devant être acquis selon la comptabilité de caisse doivent être approuvés par Thorne Riddell Inc. avant leur distribution.

Le représentant sur place de Thorne Riddell avait le contrôle ultime des paiements que devait effectuer la société, et la garde du chéquier de cette dernière était assurée par Thorne Riddell. De plus, la banque décidait, en fin de compte, des chèques qu"elle entendait accepter.

[8]      Dans son témoignage, M. Vallis, représentant sur place de Thorne Riddell, a affirmé qu"il avait le contrôle ultime de l"entreprise après le 15 février. Les membres de la direction sont demeurés en place pour fournir leur expertise touchant le secteur du métal et de l"acier de charpente, mais Thorne Riddell assurait la surveillance des rentrées et des sorties de fonds de même que des éléments d"actif. MM. Vallis et Dwyer travaillaient ensemble à la rationalisation de l"exploitation dans l"espoir de sauver l"entreprise au profit de ses créanciers, et plus particulièrement de la banque, laquelle avait confié la protection de ses intérêts comme mission prioritaire de Thorne Riddell et de M. Vallis.

[9]      Outre la banque, il y avait un certain nombre d"autres créanciers, notamment les fournisseurs. Le gouvernement de Terre-Neuve ainsi que Revenu Canada étaient des créanciers privilégiés au titre des retenues d"impôt à la source non remises. Selon les dépositions faites lors de l"audience, tant la banque que la société craignaient au début de 1985 que l"un ou l"autre des créanciers ne présente une requête de mise en faillite de l"entreprise. La banque voulait que la société soit exploitée de manière à protéger sa créance active et à en favoriser le recouvrement. MM. Vallis et Dwyer ont déployé des efforts considérables pour examiner avec les créanciers d"éventuels arrangements qui permettraient à la société de régler ses difficultés financières. Une proposition concordataire a ensuite été présentée aux créanciers ordinaires conformément aux dispositions de la Loi sur la faillite alors applicables. Ces créanciers ont accepté la proposition et, comme ni la banque, en qualité de créancier garanti, ni les créanciers privilégiés, c.-à-d. Revenu national et le gouvernement de Terre-Neuve, n"ont formulé d"objection, la Cour suprême de Terre-Neuve a approuvé cette proposition le 6 août 1985.

[10]      Avant la présentation de la proposition concordataire aux créanciers, Revenu Canada avait consenti à ce que la dette antérieure au 14 février 1985 soit remboursée par versements selon les modalités prévues par deux billets datés du 5 août 1985, tous deux intitulés [TRADUCTION] " Billet non productif d"intérêt ". Le premier billet, pièce portant la cote P-9 à l"audience, stipule que la société s"engage à payer la somme de 81 764,78 $ en versements mensuels égaux de 2 271,25 $ à compter du 1er juillet 1987. Suivant le second billet, la pièce P-10, la société promet de payer une somme identique de 81 764,78 $, sur demande, à compter du 1er juillet 1988. Le second billet était annexé à une entente détaillée prévoyant que Revenu Canada invoquerait sa qualité de créancier privilégié pour recouvrer les sommes dues si la société faisait faillite. Il importe de se rappeler que les billets établis en faveur de Revenu Canada ne visaient que les sommes exigibles antérieurement au 14 février 1985. Pour la période postérieure à cette date, Revenu Canada s"attendait à ce que les paiements mensuels au titre des retenues d"impôt à la source soient intégralement versés à l"échéance, ce qui n"a pas toujours été le cas.

[11]      La société a rempli ses obligations envers les créanciers ordinaires conformément à la proposition concordataire de 1985, mais elle a continué à éprouver des difficultés financières. Elle a en outre eu d"épineux problèmes de main d"oeuvre qui ont atteint un point culminant lorsque les employés ont fait la grève en juin 1987. Les membres de la direction ont tenté d"en poursuivre l"exploitation d"abord par eux-mêmes, puis en embauchant des travailleurs suppléants. Au cours de cette période, la société a éprouvé d"autres difficultés. À la fin de 1987, elle n"a pas réussi à obtenir un important contrat à l"université Memorial, et les pressions financières exercées sur elle ont augmenté. Après le début de la grève, la société a pris du retard dans le versement des remises courantes à Revenu Canada et, pendant un certain temps, dans celui des paiements en vertu du premier billet.

[12]      À la fin de septembre 1987, Revenu Canada et la société ont conclu une entente afin de régler la question des remises exigibles mais impayées depuis le début de la grève. Conformément à cette entente, la société a, dans un délai d"un mois, réussi à rembourser les arriérés courants de même que les sommes exigibles en vertu du premier billet. Les remises pour la période allant de septembre à décembre 1987 ont été versées, mais par la suite, une vérification effectuée par Revenu Canada en mars 1988 a révélé l"existence, pour l"année d"imposition 1987, d"une insuffisance de 38 132,36 $ qui a finalement été rapportée au mois d"octobre 1987.

[13]      Au début de 1988, comme la grève traînait en longueur et que la situation de la société ne semblait pas s"améliorer, la banque s"est prévalue de sa garantie et elle a nommé un administrateur-séquestre le 5 février 1988. Ce dernier a alors pris l"entière direction de la société, les administrateurs n"ayant plus aucun pouvoir.
[14]      Plus de dix-huit mois après la faillite, les demandeurs ont reçu un avis de cotisation daté du 21 novembre 1989 au motif que les administrateurs étaient solidairement responsables avec la société des retenues d"impôt effectuées sur la paie des employés avant la faillite de l"entreprise, mais non remises à Revenu Canada. Les demandeurs se sont opposés à la cotisation.
[15]      Après la ratification de la cotisation, les demandeurs ont interjeté appel et l"affaire a été instruite par le juge Rip de la Cour canadienne de l"impôt en avril 1995. Le premier jour de l"audience, l"avocat du Ministre a informé les demandeurs et la Cour du fait que les sommes dues par les administrateurs suivant la cotisation allaient être réduites à deux égards. La première réduction correspondait au montant des retenues d"impôt à la source non remises pour janvier 1988 (36 432,54 $), somme qui n"était pas exigible avant le 15 février 1988, soit après la nomination de l"administrateur-séquestre. La seconde réduction reflète les deux sommes payées à Revenu Canada par l"administrateur-séquestre ou le syndic, pour le compte de la société. Ces deux sommes s"élèvent respectivement à 43 887,03 $ et à 40 336,57 $.
[16]      Le juge Rip de la Cour canadienne de l"impôt a accueilli les appels des demandeurs, mais uniquement dans la mesure où l"administrateur-séquestre et le syndic avaient effectué des paiements, à l"égard des présumées sommes en souffrance, après l"établissement de la cotisation. Par conséquent, les demandeurs demeuraient responsables des retenues à la source non remises qui n"avaient pas encore été payées à ce moment. L"affaire a été déférée au Ministre pour nouvelle cotisation. Les demandeurs ont reçu des avis de nouvelle cotisation datés du 25 septembre 1995, et payé les impôts et pénalités, alors établis à 108 121,52 $, conformément à la Loi. Ils ont ensuite porté cette cotisation en appel, et dans la mesure où cette cotisation est susceptible de refléter le jugement rendu par le juge Rip de la Cour canadienne de l"impôt, l"appel vise la décision de ce dernier. L"appel consiste donc en un procès de novo.
Analyse
Responsabilité des anciens administrateurs quant aux retenues non remises
[17]      En vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi, les administrateurs d"une société sont responsables des retenues non remises effectuées sur les salaires ou les traitements des employés de cette société :

227.1(1) Where a corporation has failed to deduct or withhold an amount as required by subsection 135(3) or section 153 or 215, has failed to remit such an amount or has failed to pay an amount of tax for a taxation year as required under Part VII or VIII, the directors of the corporation at the time the corporation was required to deduct, withhold, remit or pay the amount are jointly and severally liable, together with the corporation, to pay that amount and any interest or penalties relating thereto.

227.1(1) Lorsqu'une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu au paragraphe 135(3) ou à l'article 153 ou 215, ou a omis de remettre cette somme ou a omis de payer un montant d'impôt en vertu de la partie VII ou VIII pour une année d'imposition, les administrateurs de la société, au moment où celle-ci était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s'y rapportant.

Le paragraphe (3) offre un moyen de défense aux administrateurs qui, autrement, seraient responsables selon le paragraphe (1) :.

(3) A director is not liable for a failure under subsection (1) where the director exercised the degree of care, diligence and skill to prevent the failure that a reasonably prudent person would have exercised in comparable circumstances.

(3) Un administrateur n'est pas responsable de l'omission visée au paragraphe (1) lorsqu'il a agi avec le degré de soin, de diligence ou d'habileté pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

[18]      Les parties ne s"entendent pas sur le montant des sommes que doit la société à Revenu Canada, mais elles ne contestent pas le fait que certaines retenues effectuées sur le salaire des employés n"ont pas été remises. Les sommes réclamées par ladéfenderesse visent les dernières années critiques de la société. La première période pertinente est celle précédant le 15 février 1985, moment où la banque a mis la société sous séquestre mitigé. Au cours de cette période, la société a été exploitée de façon autonome sous la direction de ses administrateurs, dont les demandeurs, jusqu"au 14 janvier 1985. Du 14 janvier au 14 février, la société a poursuivi ses activités sous la direction de ses propres administrateurs, sauf que M. Vallis de Thorne Riddell était sur place pour surveiller la situation en vue d"en rendre compte à la banque. Du 15 février au 5 août 1985, M. Vallis, qui était toujours sur place, contrôlait dans une large mesure l"exploitation de la société, mais avec l"aide des administrateurs. Du 5 août 1985 au 5 février 1988, la société a été exploitée par ses seuls administrateurs, mais après cette dernière date, c"est l"administrateur-séquestre nommé par la banque qui a assumé la responsabilité des administrateurs.

[19]      Les administrateurs soutiennent qu"ils ne devraient pas être tenus responsables des retenuesd"impôt à la source non remises et invoquent essentiellement trois raisons. Premièrement, ils affirment avoiragi avec le degré de soin, de diligence ou d"habileté visé au paragraphe 227.1(3) de la Loi de sorte qu"ils seraient exonérés de toute responsabilité. Deuxièmement, ils font valoir que, pendant la période de " mise sous séquestre mitigé ", ils n"avaient plus le contrôle de la société au sens où celui-ci est habituellement exercé par les administrateurs, d"une part, et qu"à la suite de la nomination de l"administrateur-séquestre en février 1988, ils n"avaient plus qualité pour gérer la société suivant l"article 161 de la Corporations Act1 de Terre-Neuve, d"autre part. Ils insistent sur le fait qu"ils ne peuvent être tenus responsables d"aucun des versements exigibles après cette date. Troisièmement, ils allèguent que la somme découverte lors d"une vérification effectuée en mars 1988 qui aurait dû être remise pour la période d"octobre 1987, et les sommes en souffrance visées par les billets payables à Revenu Canada ne n"étaient devenues exigibles qu"après le 5 février 1988, date de la nomination de l"administrateur-séquestre, et qu"ils n"assumaient plus aucune responsabilité quant à l"exploitation de la société après cette date.

Effet de la mise sous séquestre mitigé sur la responsabilité des demandeurs à l"égard des retenues non remises
[20]      La preuve présentée m"a convaincu du fait que la nomination de Thorne Riddell pour assurer la " mise sous séquestre mitigé " du 15 février au 5 août 1985 exonère les demandeurs de la responsabilité à l"égard de tout défaut de remettre les retenues exigibles pour cette période. Dans son témoignage, M. Vallis a d"ailleurs affirmé qu"à titre de séquestre de la mise sous séquestre mitigé, il avait le contrôle ultime des chéquiers de la société et que la banque avait le dernier mot quant aux chèques et aux paiements faits par la société qu"elle choisissait d"accepter. Par ailleurs, les administrateurs n"ont pas été relevés de toutes leurs fonctions dans la société; de fait M. Vallis a déclaré que les administrateurs étaient demeurés en place afin d"assurer la continuité de l"exploitation de la société. Leur expertise était essentielle pour conserver et maintenir la clientèle de la société, pour en poursuivre l"activité et pour élaborer la proposition concordataire " et convaincre les créanciers de l"accepter " qui a permis à la société de continuer en 1985. Aucun élément de preuve n"a été présenté relativement au partage des responsabilités de gestion. Les tâches confiées aux administrateurs ne se limitaient pas à travailler aux projets d"expansion de l"entreprise et à veiller au respect des obligations contractuelles; ils continuaient de participer aux opérations financières de la société. Ils étaient présents lorsque des négociations ont été entamées avec Revenu Canada. Dans son témoignage, M. Dwyer a mentionné que les administrateurs avaient conservé le pouvoir de signer des chèques, même s"il était nécessaire de les faire autoriser ou contresigner par Thorne Riddell avant de les émettre.
[21]      Bien que les administrateurs aient continué de participer activement à l"exploitation de la société, à mon sens il ressortait sans équivoque des modalités afférentes à la " mise sous séquestre mitigé " que la responsabilité ultime de toutes les décisions financières essentielles incombait à Thorne Riddell, qui avait le mandat de protéger les intérêts de la banque, et non à la société, à ses actionnaires ou à d"autres créanciers, même si le plan élaboré en vue de permettre à la société de régler ses difficultés financières avec l"appui des autres créanciers servait également leurs intérêts. Dans sa lettre du 15 février 1985 à la société Easteel, Thorne Riddell Inc. précisait notamment qu"elle se chargerait de ramasser et d"ouvrir tout le courrier adressé à Easteel ainsi que de déposer tous les chèques reçus; qu"elle devrait préalablement approuver tout le courrier envoyé à des débiteurs; qu"elle examinerait avec la direction les ventes éventuelles, lesquelles devaient obligatoirement être conclues avec l"autorisation de Thorne Riddell Inc., de tout stock ou matériel excédentaire; que les bons de commandes visant des biens à ajouter au stock devraient recevoir son approbation préalable au même titre que tous les octrois de crédit à de nouveaux clients, tous les bons de commande ainsi que tous leschèques et paiements relatifs à des comptes fournisseurs ou à des services devant être acquis selon la comptabilité de caisse; enfin, que Thorne Riddell Inc. devrait préalablement approuver tous les changements visant l"effectif ou l"exploitation de la société, notamment en matière de marketing ou de production.
[22]      En l"absence d"éléments de preuve directs sur la question, je déduis que la période de " mise sous séquestre mitigé " s"est poursuivie jusqu"au 6 août 1985, date à laquelle la Cour suprême de Terre-Neuve a approuvé la proposition concordataire présentée par la société aux créanciers. Par la suite, bien que la proposition ait stipulé que Touche Ross agirait en qualité de syndic pour le compte des créanciers, les fonctions de ce syndic étaient différentes de celles incombant à Thorne Riddell Inc. du 15 février au 6 août 1985. En effet, si je comprends bien les arrangements pris aux termes de la proposition approuvée par la Cour, Touche Ross n"assumait aucune obligation exclusivement envers la banque et n"avait pas à participer aux opérations courantes de la société.
[23]      Selon le témoignage de M. Vallis, Thorne Riddell autorisait le paiement des salaires lors de la période de mise sous séquestre mitigé. Il ne fait aucun doute que les chèques visant des créances exigibles pour la période antérieure au 15 février 1985 n"étaient pas autorisés. Ces créances constituaient le fondement et le principal objet de la proposition acceptée par les créanciers en août 1985. Les sommes dues à Revenu Canada pour la période antérieure au 15 février 1985 faisaient l"objet des deux billets signés en sa faveur par la société en août 1985. Comme les demandeurs l"ont précisé dans la déclaration, ces billets portaient sur la totalité des sommes en souffrance au titre des retenuesd"impôt à la source non remises et exigibles en date du 30 juin 1985, ce qui n"est pas contesté. Dans la mesure où ces billets reflétaient des retenues impayées pour janvier 1985 " lesquelles n"étaient pas exigibles avant le 15 février 1985 " ou pour les mois de février à juin 1985, les demandeurs n"en sont pas responsables en qualité d"administrateurs puisque, à mon avis, au cours de cette période, ils ne jouissaient pas intégralement et librement du pouvoir d"exploiter la société.
[24]      À la lumière de la preuve, j"arrive à la conclusion que, pendant la période de mise sous séquestre mitigé, soit du 15 février 1985 au 6 août 1985, les administrateurs ne jouissaient pas de la liberté de gérer la société qui était essentielle pour que soit engagée leur responsabilité en application du paragraphe 227.1(1) à l"égard des retenuesd"impôt à la source non remises au cours de cette période. Comme le juge Addy l"a déclaré dans l"affaire Robitaille c. La Reine1, " [l]a responsabilité personnelle de l"administrateur ne saurait être engagée que s"il jouit d"une pleine et entière liberté de choix ".
L"administrateur-séquestre, en 1988, et la responsabilité des demandeurs
[25]      Quant à la situation postérieure à la nomination de l"administrateur-séquestre le 5 février 1988, je conclus qu"on ne peut tenir les demandeurs responsables, en leur qualité d"administrateurs de la société, de sommes reflétant des retenuesd"impôt à la source qui devaient être effectuées sur le salaire des employés, mais qui ne devaient être remises à Revenu Canada qu"après le 5 février 1988. Par exemple, les retenues salariales de janvier 1987 devaient être remises au plus tard le 15 février 1987 et n"ont pas été payées avant que les administrateurs n"aient effectivement été remplacés le 5 février par la nomination de l"administrateur-séquestre. Les demandeurs ne peuvent être responsables en vertu du paragraphe 227(1) des retenues de janvier non remises. La Corporations Act1 de Terre-Neuve prévoit que le terme administrateur s"entend [TRADUCTION] " [...] d"une personne agissant en qualité d"administrateur d"une personne morale peu importe le nom qui lui est donné [...] ", et l"article 161 porte ce qui suit :
[TRADUCTION] Lorsqu"un administrateur-séquestre est nommé par un tribunal judiciaire ou au moyen d"un instrument, les pouvoirs conférés aux administrateurs de la société que l"administrateur-séquestre est autorisé à exercer ne peuvent être exercés par les administrateurs tant que l"administrateur-séquestre n"est pas libéré de sa charge.
En l"espèce, les administrateurs n"exerçaient plus aucun pouvoir au sein de la société après la nomination de l"administrateur-séquestre le 5 février 1988. Lorsque l"administrateur-séquestre nouvellement nommé ce jour-là est arrivé aux locaux d"Easteel, M. Dwyer lui a remis les clés de l"établissement qui étaient en sa possession. À l"instar des autres administrateurs, il a laissé à l"administrateur-séquestre la responsabilité d"exploiter la société. En mars 1988, la société a fait l"objet d"une requête de mise en faillite.
[26]      À mon avis, les demandeurs ne sont pas responsables en leur qualité d"administrateurs, en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi, des retenues payables mais non remises qui visent la période allant du 15 février au 5 août 1985 ou celle débutant le 5 février 1988. Le reste du temps, soit avant le 14 janvier 1985, puis à partir de ce jour jusqu"au 14 février pendant que Thorne Riddell procédait " pour le compte de la banque " à l"examen de la façon dont la société était exploitée, et après que la proposition concordataire eut été acceptée par les créanciers et approuvée par la Cour de Terre-Neuve le 6 août 1985, jusqu"au 5 février 1988, les administrateurs assumaient l"entière responsabilité liée à l"exploitation d"Easteel et, sous réserve de l"examen des arguments avancés par les demandeurs, ils étaient en leur qualité d"administrateurs, en vertu du paragraphe 227.1(1), responsables des retenues à la source non remises.
Moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable
[27]      Pendant une grande partie de la période pertinente aux réclamations fiscales de la défenderesse les visant à titre d"administrateurs d"Easteel, les demandeurs étaient des administrateurs internes actifs jouissant d"une latitude suffisamment étendue au chapitre de la gestion des affaires de la société pour être solidairement responsables avec la société en application du paragraphe 227.1(1) de la Loi, à moins que la Cour n"estime qu"ils ont fait preuve de diligence raisonnable pour prévenir le défaut de remettre les retenues d"impôt à la source.
[28]      La décision de principe touchant le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable qui permet de se soustraire à la responsabilité prévue à l"article 227.1 est l"arrêt Soper c. Canada (C.A.)1 de la Cour d"appel fédérale. Dans cette affaire, le juge Robertson énonce la norme " objective subjective " applicable au degré de prudence dont les administrateurs doivent faire preuve :
     Le moment convient bien pour résumer mes conclusions au sujet du paragraphe 227.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi est fondamentalement souple. Au lieu de traiter les administrateurs comme un groupe homogène de professionnels dont la conduite est régie par une seule norme immuable, cette disposition comporte un élément subjectif qui tient compte des connaissances personnelles et de l'expérience de l'administrateur, ainsi que du contexte de la société visée, notamment son organisation, ses ressources, ses usages et sa conduite. Ainsi, on attend plus des personnes qui possèdent des compétences supérieures à la moyenne (p. ex. les gens d'affaires chevronnés).
     La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi n'est donc pas purement objective. Elle n'est pas purement subjective non plus. Il ne suffit pas qu'un administrateur affirme qu'il a fait de son mieux, car il invoque ainsi la norme purement subjective. Il est également évident que l'intégrité ne suffit pas. Toutefois, la norme n'est pas une norme professionnelle. Ces situations ne sont pas régies non plus par la norme du droit de la négligence. La Loi contient plutôt des éléments objectifs, qui sont représentés par la notion de la personne raisonnable, et des éléments subjectifs, qui sont inhérents à des considérations individuelles comme la " compétence " et l'idée de " circonstances comparables ". Par conséquent, la norme peut à bon droit être qualifiée de norme " objective subjective ".
La part subjective de la norme de prudence tient compte des compétences particulières de chacun des administrateurs. Cela signifie donc qu"on attend davantage de ceux qui possèdent des compétences, une expérience ou une expertise supérieures. Cet arrêt traite également des conséquences du fait que l"administrateur soit ou non un " administrateur interne " ou un " administrateur externe ". Le premier est un administrateur qui participe aux opérations quotidiennes de l"entreprises, ce que ne fait pas le second.
[29]      Les éléments de preuve dont je suis saisi ne me convainquent pas du fait que les administrateurs de la société ont agi avec " le degré de soin, de diligence ou d"habileté pour prévenir le manquement qu"une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables ". Cette conclusion s"appuie sur un certain nombre de raisons qui se fondent principalement sur le témoignage rendu par M. Dwyer à l"audience. Les demandeurs étaient tous des administrateurs internes. M. Dwyer, président et directeur général de la société, est avocat; il a reconnu que les règles applicables en matière de remise des retenues à la source lui étaient familières et qu"il était responsable des retenues non remises. Il s"agissait d"un homme d"affaires chevronné, tout comme les autres demandeurs. Ces facteurs ont pour effet de rendre la norme plus rigoureuse à leur égard en ce qui a trait aux exigences que leur impose la Loi.
[30]      De plus, facteur essentiel en l"espèce, les administrateurs ont omis de prendre des mesures concrètes suffisantes pour s"assurer que les remises courantes soient intégralement payées à l"échéance. Lorsque la banque a refusé d"accepter le chèque daté du 15 janvier 1985, les administrateurs connaissaient déjà les difficultés financières d"Easteel. Cet incident, de même que la dette due à Revenu Canada après la mi-janvier 1985, auraient dû inciter les administrateurs à mettre en place un mécanisme plus rigoureux pour éviter d"autres manquements à l"obligation de remettre les retenues à la source. Dans son témoignage, M. Dwyer a précisé qu"il se fiait aux employés de la société pour veiller à ce que les sommes appropriées soient remises intégralement et à l"échéance. Dans des circonstances normales, lorsque les remises sont payées comme il se doit, cela pourrait être suffisant. Toutefois, particulièrement dans une situation où le flux de trésorerie est manifestement précaire et où les administrateurs participent aux efforts quotidiens déployés pour sauver la société, un administrateur ne peut s"exonérer de sa responsabilité en disant qu"une autre personne était chargée d"effectuer les remises et qu"il s"en remettait simplement à d"autres pour les questions de comptabilité.
[31]      Les administrateurs ont apparemment tenu ladéfenderesse au courant de la situation de l"entreprise pendant tout ce temps, mais on ne peut en conclure qu"ils ont agi avec diligence quant aux remises des retenuesd"impôt à la source. Bien que Revenu Canada ait joué un certain rôle dans l"appui donné à la proposition visant les créanciers, et qu"il ait accepté que les paiements lui soient versés plus tard conformément aux billets, la société n"a pas respecté de façon constante son engagement à remettre les retenues courantes intégralement à l"échéance. Il semble que Revenu Canada ait souvent été obligé de communiquer avec la société pour lui rappeler qu"une remise était exigible. Les communications régulières avec Revenu Canada et les garanties répétées selon lesquelles les remises courantes seraient effectuées intégralement à l"échéance auraient dû faire en sorte que les remises soient versées en temps utile. Pourtant, particulièrement après le début de la grève en juin 1987, les remises mensuelles, ainsi que les paiements prévus par le premier billet, ont été effectuées en retard. J"arrive à la conclusion que les administrateurs ne se sont pas acquittés de leurs fonctions avec le degré de soin, de diligence ou d"habileté nécessaire pour pouvoir invoquer le moyen de défense prévu au paragraphe 227.1(3) de la Loi. Par conséquent, les demandeurs sont solidairement responsables, avec la société, des retenues non remises qui devaient être versées lorsqu"ils étaient administrateurs de la société et qu"ils jouissaient du degré de latitude suffisant pour donner naissance à la responsabilité liée à l"exploitation de la société, à savoir la période antérieure au 14 février 1985 et celle allant du 6 août 1985 au 5 février 1988.
[32]      J"examinerai maintenant certaines sommes précises, qui ont apparemment déjà été incluses dans la série de cotisations relatives à l"obligation fiscale des demandeurs au titre des retenues non remises. En premier lieu, deux éléments ont vraisemblablement été exclus de la réclamation soit par l"avocat de ladéfenderesse lorsque la présente affaire était devant la Cour canadienne de l"impôt, soit à la suite d"une directive à cet effet donnée par le juge Rip de la C.C.I. Ainsi qu"en a conclu ce dernier, la responsabilité des administrateurs devrait refléter tous les paiements effectués par l"administrateur-séquestre ou le syndic à ladéfenderesse au titre des retenues à la source que la société n"avait pas antérieurement remises, et devrait être réduite d"autant. Ces paiements, qui s"élèvent à 43 887,03 $ et à 40 336,57 $, ont été effectués pour le compte de la société. Il ressort sans équivoque de la Loi que les administrateurs ne sont responsables que des retenues obligatoires qui ne sont pas payées à Revenu Canada au moment prescrit, ni plus tard par ou pour le compte de la société. En outre, ainsi qu"il a été mentionné plus haut, les demandeurs ne sont responsables, en leur qualité d"administrateurs, d"aucun montant de retenues non remises pour janvier 1988 " montant qui s"élèverait à 36 432,54 $, pénalités et intérêts compris " qui est devenu exigible uniquement après que l"administrateur-séquestre eut assumé l"entière responsabilité de l"exploitation d"Easteel. Je mentionne ces sommes parce qu"il est difficile de savoir si elles ont été exclues par le Ministre dans la nouvelle cotisation du 25 septembre 1995. Si elles n"ont pas été exclues, elles devraient l"être.
[33]      Les demandeurs font valoir que deux autres sommes qui, selon eux, seraient comprises dans la nouvelle cotisation du 25 septembre 1995 devraient être exclues de toute cotisation. La première consiste en une somme " 35 530,70 $ selon l"annexe I, 17 822,35 $ selon l"annexe II de la défense et 17 822,35 $ selon la pièce " A " " produite par le Ministre avec de la nouvelle cotisation du 25 septembre 1995. La plus grande partie de la somme en litige a été découverte lors d"une vérification effectuée par Revenu Canada en mars 1988, après la nomination de l"administrateur-séquestre. Selon les demandeurs, comme la somme exigible n"a été décelée qu"au moment d"une vérification effectuée après le remplacement des administrateurs par l"administrateur-séquestre en février 1988, les administrateurs n"étaient pas responsables de son paiement.
[34]      La seconde somme correspond au total, en date du 4 février 1988 (jour précédant la nomination de l"administrateur-séquestre), des paiements en souffrance en vertu des deux billets. Selon les demandeurs, ces sommes en souffrance n"étaient pas exigibles en vertu des billets avant le moment où ils ont cessé d"assumer la responsabilité d"administrateurs. Selon eux, Revenu Canada a pris les arrangements relatifs aux billets dans le cadre d"une entente commerciale en ayant pleinement conscience des difficultés financières de la société, et il a consenti à reporter le remboursement des retenues non remises et à accepter les paiements conformément aux modalités stipulées dans les billets.
[35]      Peu importe comment les règles de droit qui régissent habituellement les rapports entre un créancier et son débiteur sont susceptibles de s"appliquer à ces deux réclamations " savoir quant à l"insuffisance des remises visant le mois d"octobre 1987 qui a été découverte lors de la vérification effectuée en mars 1988, d"une part, et quant aux sommes en souffrance au titre des billets, de l"autre ", la responsabilité des demandeurs envers ladéfenderesse pour les retenues à la source non remises en temps utile découle du paragraphe 227.1(1) de la Loi. Rappelons que cette disposition prévoit notamment ce qui suit :

227.1(1) Where a corporation has failed to deduct or withhold an amount as required by ... section 153 ..., has failed to remit such an amount ..., the directors of the corporation at the time the corporation was required to ... remit or pay the amount are jointly and severally liable, together with the corporation, to pay that amount and any interest or penalties relating thereto.

227.1(1) Lorsqu'une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu ... à l'article 153 ..., ou a omis de remettre cette somme ou a omis de payer un montant ... les administrateurs de la société, au moment où celle-ci était tenue ... de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s'y rapportant.

[36]      À mon sens, il ressort clairement de la loi que la responsabilité des administrateurs est engagée au moment où la société omet de remettre les retenuesd"impôt à la source contrairement à l"article 153 de la Loi. Par conséquent, la responsabilité liée aux sommes non remises avant le 14 février 1985 qui n"ont pas été payées par la suite et dont le paiement a été reporté en application des deux billets, continuait d"être engagée à partir des dates où la société a omis de remettre les sommes en question. L"entente et les paiements effectués en application des billets avaient pour effet de retarder la demande de paiement de Revenu Canada conformément aux conditions de l"entente conclue entre ce dernier et Easteel. Ces conditions prévoyaient notamment que la somme visée par le second billet " le billet payable sur demande " et s"élevant à plus de 81 000 $ [TRADUCTION] " ne sera pas réclamée avant le 1er juillet 1988, sauf si la société fait faillite "; que si les paiements n"étaient pas versés selon les modalités stipulées, [TRADUCTION] " la somme visée par le billet sur demande sera réclamée et toutes les sommes dues deviendront immédiatement exigibles "; et enfin que si la société était déclarée en faillite [TRADUCTION] " Revenu Canada déposera une preuve de réclamation de la façon habituelle et invoquera sa qualité de créancier privilégié ". Les billets ne constituaient pas une opération distincte de la responsabilité incombant aux demandeurs en application de la Loi et il n"existait aucune entente visant la renonciation ou la modification de la réclamation de Revenu Canada à l"égard de l"impôt établi en vertu du paragraphe 227(1) de la Loi.
[37]      La loi s"applique également à la réclamation de ladéfenderesse dans la mesure où celle-ci comprend une somme non remise par Easteel au titre des retenuesd"impôt à la source du mois d"octobre 1987, somme qui aurait été découverte grâce à une vérification effectuée par le Ministère en mars 1988. La responsabilité des administrateurs a pris naissance lorsque Easteel a omis de remettre la somme appropriée correspondant aux retenues d"octobre 1987, soit probablement le 15 novembre 1987, au moment où les administrateurs étaient entièrement responsables de l"exploitation de la société. Le fait que l"insuffisance de la remise visant le mois d"octobre 1987 ait été constatée lors de la vérification de mars 1988 n"a aucune incidence sur la responsabilité des demandeurs à l"égard de la somme non remise pour octobre 1987 en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi.
Effet de la demande de reconnaissance de l"authenticité de documents
[38]      Lors de l"audience, les parties ont soulevé une question préliminaire intéressant la procédure. Cette question a alors été tranchée sommairement, mais l"avocat a insisté pour que j"en traite dans mes motifs écrits. C"est que l"avocat des demandeurs a signifié à ladéfenderesse Une demande de reconnaissance de l"authenticité de documents conformément aux règles 255 et 256 des Règles de la Cour fédérale (1998)1. Voici le texte des règles pertinentes :

255. A party ma, alter pleadings have been closed, request that another party admit a fact or the authenticity of a document by serving a request to admit, in Form 255, on that party.

255. Une partie peut, après clôture des actes de procédure, demander à une autre partie de reconnaître la véracité d'un fait ou l'authenticité d'un document en lui signifiant une demande à cet effet selon la formule 255.

256. A party who is served with a request to admit is deemed to admit a fact or the authenticity of a document set out in the request to admit unless that party serves a response to the request in Form 256 within 20 days after its service and denies the admission, setting out the grounds for the denial.

256. La partie qui reçoit signification d'une demande de reconnaissance est réputée reconnaître la véracité du fait ou l'authenticité du document qui en fait l'objet, sauf si elle signifie une dénégation établie selon la formule 256, avec motifs à l'appui, dans les 20 jours suivant la signification.

[39]      En l"espèce, la demande d"aveux établie selon la formule 255 a été signifiée de sorte que le délai de vingt jours énoncé à la règle 256 a expiré après le premier jour de l"audience sans que ladéfenderesse ne signifie de dénégation. À la clôture de sa preuve, l"avocat des demandeurs a informé la Cour du fait qu"il avait l"intention d"invoquer, au cours du débat, des documents que Revenu Canada avait fournis aux demandeurs et qui étaient énumérés dans la demande d"aveux signifiée par ces derniers. L"avocat a fait valoir ce qui suit :
[TRADUCTION] Le délai de la demande d"aveux a expiré hier à la fermeture des bureaux et aucune réponse n"a été donnée de sorte qu"aujourd"hui, ces documents sont authentifiés et les faits qu"ils énoncent sont admis.

L"avocat de ladéfenderesse a formulé une objection, particulièrement en ce qui concerne la prétention selon laquelle les faits mentionnés dans les documents sont réputés être admis à l"expiration du délai applicable à la demande. Il a également fait valoir qu"une la demande d"aveux qui expire au milieu d"une audience ne constitue pas une demande appropriée. Lors du débat sur cette question, l"avocat de ladéfenderesse a déclaré à la Cour que les documents étaient authentiques, mais il n"a présenté aucune observation quant aux faits qui y étaient mentionnés autrement que pour préciser qu"ils ne devaient pas être réputés admis.
[40]      Bien que les règles soient muettes sur ce point, une demande d"aveux, pour être équitable, doit dans toute la mesure du possible être signifiée plus de vingt jours avant la tenue de l"audience. Dans le cas contraire, la demande d"aveux n"a toutefois pas pour effet de prendre la partie adverse par surprise lors du procès puisqu"elle attire l"attention de cette dernière sur les faits ou les documents auxquels elle se rapporte. En l"espèce, l"audience a duré deux jours. Ce n"est que le second jour, après l"expiration du délai de la demande, que les demandeurs ont invoqué les documents en alléguant qu"ils étaient authentiques et que les faits énoncés dans certains d"entre eux étaient admis puisque ladéfenderesse n"avait pas soulevé d"objection après avoir reçu la demande d"aveux.
[41]      Lorsqu"un élément est réputé admis en vertu des Règles, cela devrait doit normalement être réglé avant le début de l"audience. Or, les Règles sont conçues pour écarter l"exigence parfois rigoureuse et inefficace prévue par le droit de la preuve voulant que, lors des instructions, chaque document soit authentifié par témoignage, à moins d"être admis conformément à une entente ou en application des règles 255 et 256. Je n"exclurais pas la possibilité qu"il y ait une admission réputée conformément aux Règles lorsque la demande d"aveux n"expire pas avant le début de l"instruction. Dans ces cas, le juge présidant l"audience, à la lumière de la règle 31, devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de régler les situations qui ne sont pas expressément prévues par les règles 255 et 256. Le facteur le plus important à considérer a peut-être trait à la question de savoir si l"admission réputée en vertu des Règles causera un préjudice à la partie qui n"a pas répondu à la demande d"aveux. Dans la présente affaire, les documents en cause ont été fournis aux demandeurs par ladéfenderesse, leur authenticité a été admise à l"audience et ladéfenderesse ne subirait aucun préjudice si les documents mentionnés dans la demande d"aveux étaient admis. Par conséquent, j"ai décidé à l"audience qu"il y avait lieu en l"espèce de donner effet, conformément à la règle 256, à la demande qui a été signifiée par les demandeurs et qui n"a fait l"objet d"aucune réponse.
[42]      Les règles 255 et 256 des Règles de 1998 sont sensiblement analogues à l"ancienne règle 468 et aux règles 146 et 147 des Règles et ordonnances générales de la Cour de l"Échiquier. Le juge Noël, alors juge de la Cour de l"Échiquier, a traité des règles de ce tribunal dans l"affaire Hazeldean Farm Company Limited v. Minister of National Revenue1 de la façon suivante :
[TRADUCTION] Lorsqu"un document a été admis à la suite d"un avis donné en application de la règle 146, la partie peut présenter le document comme étant ainsi admis. Les documents, plans ou annexes ayant un lien avec les faits que l"on demande à l"autre partie de reconnaître et qui sont mentionnés dans ces documents, plans ou annexes ou encore dans les précisions relatives aux faits admis que l"avocat qui demande les admissions de faits est également disposé à accepter, devraient aussi être présentés comme étant admis. Dans une telle situation, le document n"a pas à être mis en preuve par un témoin puisqu"une preuve de cette nature entraînerait une augmentation inutile des dépens.
[43]      Il semble que l"objet premier sous-tendant les règles en question est de permettre tant à la Cour qu"aux parties au litige d"épargner le temps et l"argent requis pour établir l"authenticité de documents ou prouver des faits. Dans les actions où il est nécessaire de présenter en preuve un grand nombre de documents écrits par un tout aussi grand nombre de personnes, les frais à engager pour établir l"authenticité de chaque document distinct pourraient être considérables en l"absence d"entente pour en reconnaître le caractère authentique. C"est ce que reflète l"actuelle règle 400(3)j) selon laquelle la Cour peut tenir compte du " défaut de la part d"une partie [...] de reconnaître ce qui aurait dû être admis " pour déterminer le montant des dépens.
[44]      En l"espèce, les demandeurs tentent de s"appuyer sur deux documents que leur a remis Revenu Canada, de même que sur des faits énoncés dans ces documents qui, selon eux, constituent des aveux. Le premier document consiste en une affirmation faite dans un rapport préparé au sein du Ministère suivant laquelle les demandeurs se sont opposés aux cotisations. On y mentionne que, [TRADUCTION] " pour les mois d"octobre, de novembre et de décembre 1987, les remises ont été effectuées à l"échéance tout comme la remise de 2 271,25 $ au titre des billets. Une vérification ultérieure de la paie a établi que seule une partie de la remise d"octobre 1987 a été versée [...] ". Les demandeurs soutiennent que cette affirmation étaye les faits allégués par eux dans leur déclaration et confirme que tout défaut de remettre les retenuesd"impôt à la source pour la période allant d"octobre à décembre 1987 a été découvert etrapporté au mois d"octobre 1987 uniquement grâce à une vérification faite après la nomination de l"administrateur-séquestre.
[45]      Le second aveu invoqué par les demandeurs se trouve dans un autre document, savoir un rapport préparé par James Noseworthy Limited et présenté lors de la première assemblée des créanciers d"Easteel Industries (1984) Limited en 1988. Ce rapport mentionne que, le 17 mai 1985, la société a déposé, en application de la Loi sur la faillite , une proposition concordataire dont les conditions ont subséquemment été respectées et qui visaient à permettre à la société de poursuivre ses activités et d"éviter la faillite à ce moment. Implicitement, cette affirmation étaye la prétention des demandeurs voulant qu"en mars 1988, lorsque la banque a présenté une demande en vue d"obtenir une ordonnance de séquestre " ce qui a mené à la faillite d"Easteel ", il ne s"agissait pas d"une mesure prise en raison de l"échec de la proposition de 1985 puisque les conditions en avaient été remplies par la société, à tout le moins en ce qui a trait aux créanciers ordinaires concernés.
[46]      Les tribunaux peuvent tenir compte d"un document reconnu authentique dans la mesure où aucune autre objection touchant à la preuve n"est formulée à l"égard de ce document ou de son contenu. Il appartient à la Cour de trancher les questions de la valeur probante et de la pertinence en se fondant sur les principes généraux applicables en matière de preuve. En l"espèce, les deux documents qui intéressent les demandeurs, et qui sont tous deux mentionnés dans la demande d"aveux, ont été admis, de même que les faits qui y sont énoncés et qui, suivant les demandeurs, constituent des aveux. À mon avis, lareconnaissance de ces documents, dont l"authenticité a été admise, ou des faits qualifiés d"aveux n"est aucunement préjudiciable à la défenderesse.
Conclusion
[47]      J"arrive donc à la conclusion qu"aux moments où les demandeurs étaient, en leur qualité d"administrateurs, responsables de l"exploitation d"Easteel, ils n"ont pas agi avec le degré de soin, de diligence ou d"habileté pour éviter le défaut de remettre les retenuesd"impôt à la source qu"une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables, et que, partant, les exigences relatives au moyen de défense prévu au paragraphe 227.1(3) ne sont pas remplies en l"espèce. Les demandeurs sont solidairement responsables avec la société, envers Revenu Canada, des retenues à la source non remises qu"il fallait payer avant le 15 février 1985 et au cours de la période allant du 6 août 1985 au 5 février 1988. En revanche, je conclus que les demandeurs, en leur qualité d"anciens administrateurs, n"assument aucune responsabilité quant aux retenues à la source non remises pendant la période du 15 février 1985 au 5 août 1985 ou quant à toute retenue qui devait être remise après le 5 février 1988. À partir de cette dernière date, les demandeurs n"assumaient plus la responsabilité de l"exploitation d"Easteel en qualité d"administrateurs et j"ai conclu qu"ils ne jouissaient pas de la latitude nécessaire pour les rendre responsables, en cette même qualité, de l"exploitation de la société lors de la période antérieure allant du 15 février au 15 août 1985.
[48]      À mon sens, les billets signés par la société en faveur de ladéfenderesse, et l"entente s"y rapportant, n"ont pas pour effet d"éliminer la responsabilité des administrateurs à l"égard des sommes qui y sont visées et qui n"ont pas été payées. Cette responsabilité fondée sur le paragraphe 227.1(1) a pris naissance avant le 14 février 1985, lorsque Easteel a omis de remettre les retenuesd"impôt à la source contrairement à l"article 153. Les demandeurs ont fait valoir que la question de la responsabilité n"est pas importante lorsqu"il est convenu de reporter le paiement, comme cela s"est fait aux termes des billets en l"espèce. Or, la responsabilité découlant de l"article 227.1 continuait d"être engagée malgré l"existence de ces billets. Le fait que des sommes en souffrance qui devaient être payées aux termes des billets sont devenues exigibles après la nomination de l"administrateur-séquestre ne soustrait pas les administrateurs à leur responsabilité à l"égard de ces sommes, desquelles il faut déduire tout paiement subséquent effectué à leur égard par l"administrateur-séquestre ou le syndic.
[49]      Le débat en l"espèce porte sur la question de la responsabilité à l"égard de certaines sommes précises qu"il est difficile d"isoler dans le dossier ou dans les éléments de preuve soumis lors de l"instruction. Par conséquent, je fais droit aux actions des demandeurs et défère la nouvelle cotisation au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation quant à l"obligation fiscale des demandeurs " ou confirmation de la nouvelle cotisation du 25 septembre 1995 le cas échéant, relativement aux sommes qu"Easteel était tenue de remettre, mais qu"elle n"a pas remises, au titre des retenues d"impôt à la source effectuées en application de l"article 153 avant le 14 février 1985, et pendant la période du 6 août 1985 au 5 février 1988, moins les paiements versés aux termes du billet stipulant que les paiements mensuels devaient débuter le 1er juillet 1987, et moins les sommes payées après le 5 février 1988 par l"administrateur-séquestre ou le syndic à l"égard des sommes en souffrance à cette dernière date au titre des retenues non remises.
[50]      Quant aux sommes particulières mentionnées lors des témoignages et du débat, selon moi :
     a)      la cotisation touchant la responsabilité qu"assument les demandeurs en application du paragraphe 227.1(1) devrait comprendre les sommes suivantes :
         i)      les sommes devant être remises, à titre de retenues d"impôt à la source, et devant être payées avant le 15 février 1985, ainsi que les pénalités et les intérêts imposés, dont le paiement a été reporté en accord avec les deux billets datés du 5 août 1985, moins les sommes payées conformément aux stipulations du billet prévoyant des versements mensuels débutant le 1er juillet 1987;
         ii)      les sommes devant être remises à titre de retenues d"impôt à la source, mais non remises, pendant la période du 6 août 1985 au 5 février 1988, y compris les sommes devant être remises, mais non remises, relativement au mois d"octobre 1987 et dont l"existence a été découverte par Revenu Canada lors d"une vérification effectuée en mars 1988;
     b)      la cotisation relative aux demandeurs ne devrait pas comprendre les sommes qui devaient être remises par la société pour janvier 1985, mais qui n"étaient pas exigibles avant le 15 février 1985, ni les sommes devant être remises, mais non remises, pour la période du 15 février au 5 août 1985, ni enfin les sommes payées par l"administrateur-séquestre ou le syndic de la faillite de la société après le 5 février 1988 en raison de l"endettement de la société à cette dernière date au titre des retenues non remises.
[51]      Comme ni la preuve présentée en l"espèce ni le débat ne permettent de déterminer les sommes devant être versées au titre des retenues non remises exigibles lors des périodes où les demandeurs, en leur qualité d"administrateurs, étaient responsables de l"exploitation de la société, ainsi qu"il a déjà été mentionné, je fais droit aux actions des demandeurs et défère l"affaire au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation. La nouvelle cotisation, le cas échéant, ou la confirmation de la nouvelle cotisation du 25 septembre 1995, doit être accompagnée d"une explication des raisons qui l"étayent en regard des périodes où les demandeurs assumaient, en leur qualité d"administrateurs, l"entière responsabilité de l"exploitation de la société.

[52]      Dans les circonstances, les dépens liés aux jugements sont adjugés aux demandeurs sur la base habituelle des frais entre parties. Même si la nouvelle cotisation du 25 septembre 1995 était confirmée et adéquatement expliquée, j"estime que les demandeurs ont droit aux dépens découlant de la présente instance puisque, sans explication appropriée intéressant les préoccupations soulevées par les demandeurs, le présent appel était inévitable, ne serait-ce que pour obtenir des précisions adéquates concernant la somme réclamée aux termes de la nouvelle cotisation.


[53]      Un jugement distinct est déposé dans chacun des dossiers de la Cour T-492-96, T-493-96 et T-494-96, relativement à chacun des demandeurs, et il est ordonné de déposer une copie des présents motifs dans chacun des dossiers susmentionnés.





                             (Signature) W. Andrew MacKay


JUGE


OTTAWA (Ontario)

Le 31 mars 2000





Traduction certifiée conforme


C. Bélanger, LL.L.









Date : 20000331


Dossier : T-492-96

OTTAWA (Ontario), le 31 mars 2000

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge MacKay


ENTRE :


     Donald I. Clarke,

     demandeur,

     - et -

     Sa Majesté la Reine,

     défenderesse.


     VU l"appel interjeté d"un jugement de la Cour canadienne de l"impôt daté du 10 juillet 1995 et de la nouvelle cotisation établie en conséquence par le ministre du Revenu national le 25 septembre 1995 pour ce qui concerne l"obligation fiscale du demandeur, selon le paragraphe 227.1(1) de la Loi de l"impôt sur le revenu, relativement aux retenues d"impôt à la source, pénalités et intérêts qu"Easteel Industries (1984) Limited, société dont le demandeur était administrateur, a omis de remettre pour les années d"imposition 1984 à 1988;

     APRÈS avoir entendu les avocats des parties à St. John's (Terre-Neuve), les 17 et 18 mars 1999 lorsque la présente action a été instruite sur preuve commune en même temps que les actions de la Cour T-493-96 et T-494-96, et mis l"affaire en délibéré; et après avoir examiné les conclusions présentées à ce moment;


     J U G E M E N T


     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

     1.      L"action et l"appel du demandeur sont accueillis;
     2.      La cotisation relative au demandeur est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, ou confirmation de la nouvelle cotisation du 25 septembre 1995, le cas échéant, avec explications quant au fondement de la nouvelle cotisation, en accord avec les directives suivantes.
         a)      La nouvelle cotisation relative au demandeur établie en application du paragraphe 227.1(1) doit comprendre les sommes suivantes :
             i)      les sommes devant être remises à titre de retenues à la source, et devant être payées avant le 15 février 1985, ainsi que les pénalités et les intérêts imposés, dont le paiement a été reporté en accord avec les deux billets datés du 5 août 1985, moins les sommes payées conformément aux stipulations du billet prévoyant des versements mensuels débutant le 1er juillet 1987;
             ii)      les sommes devant être remises à titre de retenues à la source, mais non remises, pendant la période du 6 août 1985 au 5 février 1988, y compris les sommes devant être remises, mais non remises, relativement au mois d"octobre 1987 et dont l"existence a été découverte par Revenu Canada lors d"une vérification effectuée en mars 1988.
         b)      La nouvelle cotisation relative au demandeur ne doit pas comprendre les sommes qui devaient être remises par la société pour janvier 1985, mais qui n"étaient pas exigibles avant le 15 février 1985, ni les sommes devant être remises, mais non remises, pour la période du 15 février au 5 août 1985, ni, enfin, les sommes payées par l"administrateur-séquestre ou le syndic de la faillite de la société après le 5 février 1988 en raison de l"endettement de la société à cette dernière date au titre des retenues non remises.
     3.      Le demandeur a droit aux dépens liés à l"action sur la base habituelle des frais entre parties ainsi qu"aux débours; il doit partager avec les demandeurs visés par les actions qui ont été instruites en même temps que la sienne, c.-à-d. T-493-96 et T-494-96, les frais engagés pour retenir les services d"un avocat principal et d"un avocat en second.

                             (Signature) W. Andrew MacKay


     JUGE

Traduction certifiée conforme


C. Bélanger, LL.L.







Date : 20000331


Dossier : T-493-96

OTTAWA (Ontario), le 31 mars 2000

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge MacKay


ENTRE :



     Clarence J. Dwyer,

     demandeur,

     - et -

     Sa Majesté la Reine,

     défenderesse.



     VU l"appel interjeté d"un jugement de la Cour canadienne de l"impôt daté du 10 juillet 1995 et de la nouvelle cotisation établie en conséquence par le ministre du Revenu national le 25 septembre 1995 pour ce qui concerne l"obligation fiscale du demandeur, selon le paragraphe 227.1(1) de la Loi de l"impôt sur le revenu, relativement aux retenues d"impôt à la source, pénalités et intérêts qu"Easteel Industries (1984) Limited, société dont le demandeur était administrateur, a omis de remettre pour les années d"imposition 1984 à 1988;

     APRÈS avoir entendu les avocats des parties à St. John's (Terre-Neuve), les 17 et 18 mars 1999 lorsque la présente action a été instruite sur preuve commune en même temps que les actions de la Cour T-492-96 et T-494-96, et mis l"affaire en délibéré; et après avoir examiné les conclusions présentées à ce moment;


     J U G E M E N T


     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

     1.      L"action et l"appel du demandeur sont accueillis;
     2.      La cotisation relative au demandeur est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, ou confirmation de la nouvelle cotisation du 25 septembre 1995, le cas échéant, avec explications quant au fondement de la nouvelle cotisation, en accord avec les directives suivantes.
         a)      La nouvelle cotisation relative au demandeur établie en application du paragraphe 227.1(1) doit comprendre les sommes suivantes :
             i)      les sommes devant être remises à titre de retenues à la source, et devant être payées avant le 15 février 1985, ainsi que les pénalités et les intérêts imposés, dont le paiement a été reporté en accord avec les deux billets datés du 5 août 1985, moins les sommes payées conformément aux stipulations du billet prévoyant des versement mensuels débutant le 1er juillet 1987;
             ii)      les sommes devant être remises à titre de retenues à la source, mais non remises, pendant la période du 6 août 1985 au 5 février 1988, y compris les sommes devant être remises, mais non remises, relativement au mois d"octobre 1987 et dont l"existence a été découverte par Revenu Canada lors d"une vérification effectuée en mars 1988.
         b)      La nouvelle cotisation relative au demandeur ne doit pas comprendre les sommes qui devaient être remises par la société pour janvier 1985, mais qui n"étaient pas exigibles avant le 15 février 1985, ni les sommes devant être remises, mais non remises, pour la période du 15 février au 5 août 1985, ni, enfin, les sommes payées par l"administrateur-séquestre ou le syndic de la faillite de la société après le 5 février 1988 en raison de l"endettement de la société à cette dernière date au titre des retenues non remises.
     3.      Le demandeur a droit aux dépens liés à l"action sur la base habituelle des frais entre parties ainsi qu"aux débours; il doit partager avec les demandeurs visés par les actions qui ont été instruites en même temps que la sienne, c.-à-d. T-492-96 et T-494-96, les frais engagés pour retenir les services d"un avocat principal et d"un avocat en second.
                                 (Signature) W. Andrew MacKay

     JUGE

Traduction certifiée conforme


C. Bélanger, LL.L.










Date : 20000331


Dossier : T-494-96

OTTAWA (Ontario), le 31 mars 2000

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge MacKay


ENTRE :



     Fraser H. Edison,

     demandeur,

     - et -

     Sa Majesté la Reine,

     défenderesse.




     VU l"appel interjeté d"un jugement de la Cour canadienne de l"impôt daté du 10 juillet 1995 et de la nouvelle cotisation établie en conséquence par le ministre du Revenu national le 25 septembre 1995 pour ce qui concerne l"obligation fiscale du demandeur, selon le paragraphe 227.1(1) de la Loi de l"impôt sur le revenu, relativement aux retenues d"impôt à la source, pénalités et intérêts qu"Easteel Industries (1984) Limited, société dont le demandeur était administrateur, a omis de remettre pour les années d"imposition 1984 à 1988;

     APRÈS avoir entendu les avocats des parties à St. John's (Terre-Neuve), les 17 et 18 mars 1999 lorsque la présente action a été instruite sur preuve commune en même temps que les actions de la Cour T-492-96 et T-493-96, et mis l"affaire en délibéré; et après avoir examiné les conclusions présentées à ce moment;


     J U G E M E N T


     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

     1.      L"action et l"appel du demandeur sont accueillis;
     2.      La cotisation relative au demandeur est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, ou confirmation de la nouvelle cotisation du 25 septembre 1995, le cas échéant, avec explications quant au fondement de la nouvelle cotisation, en accord avec les directives suivantes.
         a)      La nouvelle cotisation relative au demandeur établie en application du paragraphe 227.1(1) doit comprendre les sommes suivantes :
             i)      les sommes devant être remises à titre de retenues à la source, et devant être payées avant le 15 février 1985, ainsi que les pénalités et les intérêts imposés, dont le paiement a été reporté en accord avec les deux billets datés du 5 août 1985, moins les sommes payées conformément aux stipulations du billet prévoyant des versements mensuels débutant le 1er juillet 1987;
             ii)      les sommes devant être remises à titre de retenues à la source, mais non remises, pendant la période du 6 août 1985 au 5 février 1988, y compris les sommes devant être remises, mais non remises, relativement au mois d"octobre 1987 et dont l"existence a été découverte par Revenu Canada lors d"une vérification effectuée en mars 1988.
         b)      La nouvelle cotisation relative au demandeur ne doit pas comprendre les sommes qui devaient être remises par la société pour janvier 1985, mais qui n"étaient pas exigibles avant le 15 février 1985, ni les sommes devant être remises, mais non remises, pour la période du 15 février au 5 août 1985, ni, enfin, les sommes payées par l"administrateur-séquestre ou le syndic de la faillite de la société après le 5 février 1988 en raison de l"endettement de la société à cette dernière date au titre des retenues non remises.
     3.      Le demandeur a droit aux dépens liés à l"action sur la base habituelle des frais entre parties ainsi qu"aux débours; il doit partager avec les demandeurs visés par les actions qui ont été instruites en même temps que la sienne, c.-à-d. T-492-96 et T-493-96, les frais engagés pour retenir les services d"un avocat principal et d"un avocat en second.

                             (Signature) W. Andrew MacKay


     JUGE

Traduction certifiée conforme


C. Bélanger, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIERS :                  T-492-96, T-493-96 et T-494-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Donald I. Clarke c. Sa Majesté la Reine
                     Clarence J. Dwyer c. Sa Majesté la Reine
                     Fraser H. Edison c. Sa Majesté la Reine
LIEU DE L"AUDIENCE :          St. John"s (Terre-Neuve)

DATE DE L"AUDIENCE :          Le 17 mars 2000

MOTIFS DES JUGEMENTS PRONONCÉS PAR Monsieur le juge MacKay le 31 mars 2000.



ONT COMPARU :

MeJames R. Chalker, c.r.                  POUR LES DEMANDEURS

MeGeneviève M. Dawson

MePeter J. Leslie                      POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chalker, Green & Rowe                  POUR LES DEMANDEURS

Barristers & Solicitors

St. John"s (Terre-Neuve)

MeMorris Rosenberg                  POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

__________________

1      Edison c. Canada (Ministre du Revenu national), [1995] 2 C.T.C. 2470, [1995] A.C.I. no 667 (C.C.I.).

2      S.R.C. 1952, ch. 148, et ses modifications.

3      S.N. 1986, ch. 12.

4      (1990), 90 D.T.C. 6059, à la page 6063 (C.F. 1re inst.).

5      S.N. 1986, ch. 12.

6      (1997), 97 D.T.C. 5407 (C.A.F.)

7      DORS/98-106.

8      La règle 3 facilite l"interprétation des Règles de la Cour fédérale (1998) :

     3. These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits. 3. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

9      (1966), 66 D.T.C. 5397 (C. de l"É.).

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