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Date : 20050301

Dossier : T-1453-04

Référence : 2005 CF 306

Entre :

                                                         SAMEH NASSR

                                                                                                                          Demandeur

Et :

                               SOCIÉTÉTÉLÉ-MOBILE (TÉLUS MOBILITÉ)

                                                                                                                      Défenderesse

                                               MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[1]                Cette demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'art. 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales vise l'annulation d'une sentence arbitrale rendue par Me Nathalie Faucher agissant en qualité d'arbitre désignée conformément à l'art.242 du Code canadien du travail (le « Code » ).


[2]                La décision contestée rejetait la plainte pour congédiement injuste logée par M. Sameh Nassr, le « requérant » , suite à la terminaison de son emploi chez Telus Mobilité, la « compagnie intimée » .

FAITS

[3]                Le requérant a commencé à travailler pour la compagnie intimée en avril 1999. Il a occupé divers postes au sein de la compagnie avant d'être promu spécialiste national de la formation en janvier 2000.

[4]                Il possédait encore ce titre au moment d'être remercié, le 12 septembre 2002.

Le contexte

[5]                En janvier 2001, la compagnie intimée a terminé l'acquisition de la compagnie de téléphonie mobile Clearnet. Suite à cette transaction, deux équipes de formation travaillaient en parallèle et il est devenu impératif de restructurer le département de formation afin d'unifier les équipes et de rendre le tout efficient.


[6]                À cette fin, le 19 juin 2002, la directrice du département de formation continue et supérieure immédiate du requérant, Mme Susan Antonopoulos, a reçu d'un cadre de Telus, M. David Wells, un courriel l'avisant que la compagnie désirait maîtriser l'expansion de sa section « G & A » (General & Administrative) et précisant que « the objective [is] a 10% reduction of headcount » .

[7]                Pour satisfaire à ces exigences, Mme Antonopoulos a modifié la structure des divers départements de formation continue à l'échelle du Canada en créant une Direction nationale de formation continue à laquelle se rattachaient quatre départements : National Design Specialist, Delivery East (auquel le requérant appartenait), Delivery West et National Online.

[8]                Une fois cette nouvelle structure mise en place, Mme Antonopoulos a constaté qu'un employé supplémentaire devait être affecté au département de National Design Specialist.

[9]                Toutefois, compte tenu des restrictions budgétaires, elle ne pouvait embaucher un nouvel employé dans ce département sans avoir préalablement repositionné un employé actuel, ou alors, avoir aboli un poste ailleurs dans l'équipe nationale de formation continue.


[10]            Après un affichage de poste à l'interne infructueux, il fut décidé d'engager une personne de l'externe. Toutefois, pour ce faire, il était nécessaire, de l'avis de Mme Antonopoulos, d'abolir un poste dans le département de Delivery East, soit le département auquel le requérant était affecté.

[11]            Suite à cette détermination, Mme Antonopoulos a procédé à la révision des dossiers d'employés du département de Delivery East pour les deux dernières années.

[12]            Suite à cette révision, elle affirme avoir constaté qu'un seul employé, soit le requérant, avait reçu un Coaching Action Plan ( « CAP » ); qu'un seul employé, soit le requérant, n'avait jamais atteint ses objectifs de rendement trimestriels et qu'en outre, un seul employé, soit le requérant, n'avait pas eu d'augmentation salariale depuis février 2000.

[13]            Considérant que ces facteurs étaient des indicateurs de performance, Mme Antonopoulos a conclu que le requérant était le moins performant de son département et l'a licencié.


[14]            Il ressort de la preuve que le requérant n'était pas le seul employé du département à cette époque à avoir reçu un CAP dans les deux dernières années, et qu'il n'était pas non plus le seul employé du département à ne pas avoir atteint ses objectifs de rendement lors d'évaluations trimestrielles.

Sameh Nassr

[15]            Les tâches du requérant consistaient principalement à enseigner divers cours aux représentants du Service à la clientèle de la compagnie intimée basés à Montréal et à Toronto.

[16]            Entre janvier 2000 et septembre 2002, le requérant a eu quatre différents supérieurs immédiats, soit Mme Susan Antonopoulos, M. Mike Aoki, M. Gus Mezinis et M. David Letourneau.

[17]            La preuve révèle que le requérant a reçu un premier Plan de mesures d'encadrement, un Coaching Action Plan ( « CAP » ), de type « 1er avis écrit » , le 24 juillet 2001, alors que M. Gus Mezinis était son supérieur immédiat. Ce CAP a été levé le 6 septembre 2001.


[18]            En novembre 2001, le requérant a obtenu de son supérieur immédiat, M. Mezinis, une autorisation écrite de prendre deux semaines de vacances en janvier 2002. Toutefois, ce dernier a omis d'en informer la personne responsable des horaires, ce qui a résulté en un conflit d'horaire, le requérant étant en vacances au moment où on avait prévu qu'il enseignerait.

[19]            Le requérant a informé son nouveau supérieur, M. David Letourneau, de ce conflit d'horaire à la fin du mois de décembre 2001.

[20]            De plus, la preuve démontre que le requérant a reçu un deuxième CAP, cette fois-ci de type « Avis final » , le 18 février 2002. À cette époque, son supérieur immédiat était M. Letourneau.

[21]            Comme il semble que l'attribution d'un CAP a joué un rôle important dans le choix de la personne à licencier, il est utile d'examiner brièvement en quoi ces Plans consistent.

[22]            Les CAP sont utilisés à l'interne chez la compagnie intimée pour évaluer la performance, le comportement et la fiabilité de ses employés et sont attribués en cas de manquements à certaines obligations d'ordre disciplinaire. L'employé est évalué par son supérieur immédiat, qui détermine, suite à une discussion avec lui, s'il y a lieu d'imposer un CAP.

[23]            Les CAP sont complémentaires aux évaluations trimestrielles évaluant le rendement auxquelles sont sujets les employés de la compagnie intimée.


[24]            Le CAP auquel le requérant était assujetti du 18 février 2002 au 28 mai 2002 décrit plusieurs points qu'il devait améliorer. Entre autres, le requérant devait porter une attention particulière aux éléments suivants: Description of Performance/Behaviour : Accountability; Communication; Trust, Credibility, Professionalism; Breach of Trust; Respect. Il est clair que l'épisode du conflit d'horaire décrit plus haut a contribué à l'émission de ce CAP.

[25]            La rubrique finale, « Consequences and Next Steps » , du CAP se lit comme suit :

These expectations will form a significant part of your Q1 objectives. These will be further determined, developed and weighted in collaboration between you and me.

Sam, please be advised that your performance as a whole is under review. As this Coaching Action Plan is being delivered to you as a "Final Notice" any other performance issue(s), different from, or related to, the issue outlined above, will lead us to re-evaluate your employment status with TELE-MOBILE COMPANY (TELUS Mobility).

[26]            Le 28 mai 2002, M. Letourneau a avisé le requérant que son « Final Written Notice for performance, professionalism and teamwork » établi dans le CAP du mois de février précédent était maintenant fermé.

[27]            Les passages pertinents de cette lettre se lisent ainsi :


During the past 90 days you have shown improvement in your performance, professionalism and teamwork with increased collaboration, better time management skills and more responsibility & ownership for your success and role within the team.

Please be aware that going forward, you are not exempt should any other issues arise with regards to your performance. It will once again be under review, however, not qualifying to begin at the first stage of the Performance Management Continuum. Depending on the severity of the issue, it may be escalated to the next level of the Continuum, up to and including the re-evaluation of your employment with TELUS Mobility.

[28]            Le 28 juillet 2002, M. Letourneau a enlevé 10 points à l'évaluation trimestrielle du requérant, tout en ne pouvant préciser quel aspect précis de la conduite ou du rendement de celui-ci avait motivé ce calcul.

[29]            En outre, une autre évaluation a été faite à partir d'un nouvel outil, le « Competency Model Assessment » , combinant auto-évaluation et évaluation par les supérieurs. Il ressort des divers témoignages que le requérant et ses supérieurs ne s'entendaient pas sur cette évaluation; le requérant reprochant à ses supérieurs de l'avoir sous-évalué et ses supérieurs considérant qu'il s'était systématiquement surévalué.

[30]            Par ailleurs, trois événements survenus postérieurement à cette évaluation trimestrielle ont définitivement mis fin à la carrière du requérant chez la compagnie intimée.


[31]            Premièrement, au cours de l'été 2002, une directrice de projets au département de la formation continue, Mme Yvena Henry, a demandé l'aide du requérant pour réviser un cours s'étalant sur 8 jours. La révision des journées 7 et 8 de ce cours a été confiée au requérant, qui devait mettre à jour le contenu du cours et refaire le gabarit des documents remis aux étudiants dans un court laps de temps. Il ressort du témoignage de Mme Henry que le requérant n'a remis que le jour 8 en temps utile et que le travail relatif au jour 7 a été confié à un de ses collègues par la suite.

[32]            Deuxièmement, un collègue du requérant rapporte avoir été insulté par un commentaire désobligeant du requérant à son égard. Ainsi, il soumet l'avoir entendu dire à une de leurs collègues qu'il « scratch yourself while working » . Suite à cet incident, que le requérant nie, une rencontre aurait eu lieu entre le collègue insulté, le requérant et leur supérieur immédiat, M. Letourneau.

[33]            Troisièmement, le requérant a travaillé pour une collègue du Centre d'appel sans obtenir préalablement l'autorisation de son supérieur.

[34]            Le 12 septembre 2002, le requérant a reçu une lettre de la compagnie intimée l'avisant de la terminaison immédiate de son emploi, pour cause de « restructuring within the Continuous Learning Department » .


[35]            Soupçonnant un congédiement déguisé sous le prétexte d'une restructuration corporative, le requérant a déposé une plainte pour congédiement injuste en vertu de l'article 240 (1) du Code auprès de Développement des Ressources humaines Canada le 21 octobre 2002.

[36]            Le 20 octobre 2003, lors de la première audience devant l'arbitre, la compagnie intimée a soulevé une objection préliminaire relative à la compétence du tribunal, en vertu du par. 242 (3.1) a) du Code.

[37]            À cet égard, la compagnie intimée alléguait que la terminaison de l'emploi du requérant résultait de la suppression de son poste suite à une restructuration en bonne et due forme au sein de l'entreprise.

[38]            Après une longue et minutieuse analyse de la preuve présentée, l'arbitre a conclu que la suppression du poste du requérant n'était pas la seule cause de sa terminaison d'emploi, et qu'il avait été licencié pour motifs mixtes de manque de travail et de motifs disciplinaires. (sur la notion de congédiement pour motifs mixtes, voir Roe c. Rogers Cablesystems Ltd., [2000] A.C.F. no 1457)


[39]            Conséquemment, en date du 15 mars 2004, l'arbitre a déclaré que l'art. 242 (3.1) a) du Code ne s'appliquait pas en l'espèce et qu'elle avait juridiction pour entendre le dossier au mérite.

DÉCISION ATTAQUÉE

[40]            Le 12 juillet 2004, statuant sur le mérite de la cause, l'arbitre a rejeté la plainte, considérant que la compagnie intimée avait réussi à démontrer une cause juste de terminaison d'emploi dans le contexte de la réorganisation de l'entreprise.

[41]            Appliquant la théorie de la gradation des sanctions et de l'événement culminant, elle a conclu que les trois événements survenus postérieurement à l'avertissement écrit, formel et final (le CAP de février 2002) donné au requérant constituent ensemble un événement culminant justifiant la terminaison de son emploi.

QUESTIONS EN LITIGE

[42]            Le présent dossier soulève trois questions en litige :


L'arbitre a-t-il révisé sa décision préliminaire; si oui, a-t-il excédé sa juridiction?

L'arbitre a-t-il commis une erreur de droit en appliquant erronément la théorie de l'incident culminant?

L'arbitre a-t-il commis une erreur de droit en exigeant de l'employeur le mauvais fardeau de preuve pour justifier un congédiement disciplinaire?

PRÉTENTIONS DU REQUÉRANT

[43]            Le requérant soumet que l'arbitre a commis une erreur manifestement déraisonnable en révisant sa décision du 15 mars 2004. En effet, le requérant soutient que l'arbitre a illégalement revu les conclusions auxquelles elle était arrivée.

[44]            Le requérant soutient que les événements retenus par l'arbitre pour conclure que le congédiement était motivé par des facteurs de décision justes ne lui ont jamais été reprochés avant l'audition.

[45]            Le requérant allègue que l'arbitre a mal appliqué la théorie de l'incident culminant car les trois incidents auxquels elle a fait référence n'avaient pas fait l'objet de sanctions auparavant.


[46]            Le requérant soumet que l'arbitre s'est servi de la restructuration corporative comme prétexte pour minimiser le fardeau de preuve incombant à la compagnie intimée.

PRÉTENTIONS DE LA COMPAGNIE INTIMÉE

[47]            La compagnie intimée soumet que l'arbitre a rendu sa décision après une analyse détaillée et méticuleuse de la preuve présentée.

[48]            La compagnie intimée prétend que la question à laquelle l'arbitre doit répondre est celle-ci : « whether the subsequent events constitute serious faults that are the culmination of a series of similar faults and that therefore can justify the dismissal from employment » (Respondent's Memorandum of Fact and Law, par. 23) et qu'elle y a précisément répondu.

[49]            Finalement, la compagnie intimée soutient que l'arbitre n'a pas commis d'erreur manifestement déraisonnable.


ANALYSE

La norme de contrôle

[50]            La clause privative contenue à l'art. 243 du Code commande un haut niveau de retenue judiciaire, tel que l'a énoncé le juge Rouleau dans la décision Kelowna Flightcraft Air Charter Ltd. c. Ladislav Kmet, [1998] A.C.F. no 740. Conséquemment, plusieurs décisions de cette Cour ont indiqué que la norme de contrôle concernant une question de fait et de droit déterminée par un tribunal en droit du travail est celle de la décision manifestement déraisonnable (Canada (Procureur général) c. Cleary, [1998] A.C.F. no 1920; Frezza c. Canadien Pacifique Ltée, [1999] A.C.F. no 105; Teeluck c. Canada (Conseil du Trésor), [1999] A.C.F. No. 1544; Gauthier c. Banque du Canada, [2000] A.C.F. no 1453; Lamontagne c. Climan Transportation Services (2747-7173 Québec Inc.), [2000] A.C.F. no 2063; Bauer c. Seaspan International Ltd., [2004] A.C.F. No. 1749.)

[51]            Ainsi, pour faire casser la décision de l'arbitre en l'espèce, il faudra que le requérant démontre que le tribunal a commis une erreur manifestement déraisonnable, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de fondement rationnel appuyant ses conclusions.


[52]            L'arbitre a-t-il révisé sa décision préliminaire; si oui, a-t-il excédé sa juridiction?

[53]            La décision rendue le 15 mars 2004 visait précisément à déterminer si l'arbitre nommé en vertu de l'art. 242 du Code avait compétence pour être saisi de la plainte de congédiement injuste logée par le requérant en l'espèce. Ainsi, si l'arbitre déterminait que la terminaison d'emploi du requérant était uniquement attribuable à un manque de travail ou à la suppression de son poste, elle devait se déclarer sans compétence.

[54]            En effet, l'art. 242 du Code est libellé comme suit :



242. (1) Sur réception du rapport visé au paragraphe 241(3), le ministre peut désigner en qualité d'arbitre la personne qu'il juge qualifiée pour entendre et trancher l'affaire et lui transmettre la plainte ainsi que l'éventuelle déclaration de l'employeur sur les motifs du congédiement.

Pouvoirs de l'arbitre

(2) Pour l'examen du cas dont il est saisi, l'arbitre :

a) dispose du délai fixé par règlement du gouverneur en conseil;

b) fixe lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d'une part, et de tenir compte de l'information contenue dans le dossier, d'autre part;

c) est investi des pouvoirs conférés au Conseil canadien des relations industrielles par les alinéas 16a), b) et c).

Décision de l'arbitre

(3) Sous réserve du paragraphe (3.1), l'arbitre :

a) décide si le congédiement était injuste;

b) transmet une copie de sa décision, motifs à l'appui, à chaque partie ainsi qu'au ministre.

Restriction

(3.1) L'arbitre ne peut procéder à l'instruction de la plainte dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a) le plaignant a été licencié en raison du manque de travail ou de la suppression d'un poste;

b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours.

Cas de congédiement injuste

(4) S'il décide que le congédiement était injuste, l'arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l'employeur :

a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu'il aurait normalement gagné s'il n'avait pas été congédié;

b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;

c) de prendre toute autre mesure qu'il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.

242.(1) The Minister may, on receipt of a report pursuant to subsection 241(3), appoint any person that the Minister considers appropriate as an adjudicator to hear and adjudicate on the complaint in respect of which the report was made, and refer the complaint to the adjudicator along with any statement provided pursuant to subsection 241(1)

(2) An adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1)

(a) shall consider the complaint within such time as the Governor in Council may by regulation perscribe;

(b) shall determine the procedure to be followed, but shall give full opportunity to the parties to the complaint to present evidence and make submissions to the adjudicator and shall consider the information relating to the complaint; and

(c) has, in relation to any complaint before the adjudicator, the powers conferred on the Canada Industrial Relations Board, in relation to any proceeding before the Board, under paragraph 16(a), (b) and (c).

(3) Subject to subsection (3.1), an adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1) shall

(a) consider whether the dismissal of the person who made the complaint was unjust and render a decision thereon; and

(b) send a copy of the decision with the reasons therefor to each party to the complaint and to the Minister.

Limitation on complaints

(3.1) No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where

(a) That person has been laid off because of lack of work or because of the discontinuance of a function; or

(b) a procedure for redress has been provided elsewhere in or under this or any other Act of Parliament.

(4) Where an adjudicator decides pursuant to subsection (3) that a person has been unjustly dismissed, the adjudicator may, by order, require the employer who dismissed the person to

(a) pay the person compensation not exceeding the amount of money that is equivalent to the remuneration that would, but for the dismissal, have been paid by the employer to the person;

(b) reinstate the person in his employ; and

(c) do any other like thing that it is equitable to require the employer to do in order to remedy or counteract any consequence of the dismissal.


L.R. (1985), ch. L-2, art. 242; L.R. (1985), ch. 9 (1er suppl.), art. 16; 1998, ch. 26, art. 58

[55]            Afin de déterminer si « le manque de travail ou la suppression de poste est la cause réelle, effective et principale du licenciement du plaignant ou si l'employeur a plutôt utilisé le prétexte d'une réorganisation corporative pour se débarrasser d'un employé indésirable » (par. 89 Décision du 15 mars 2004), l'arbitre a procédé à un examen relativement complet de la preuve, particulièrement de la preuve de l'employeur puisque c'est à celui-ci qu'incombe le fardeau de prouver de façon prépondérante que la terminaison de l'emploi était justifiée économiquement (voir par.29 et 51 de Thomas c. Bande indienne Crie d'Enoch, [2003] A.C.F. no 153, affirmé en Cour d'appel : [2004] A.C.F. no. 3).

[56]            Lors de l'audition au mérite, l'arbitre devait déterminer si le congédiement était injuste. Pour ce faire, il devait bien évidemment évaluer le contexte dans lequel le requérant avait été congédié, i.e. une restructuration corporative. À cet égard, elle devait examiner si la compagnie intimée avait fourni une explication raisonnable justifiant le choix de l'employé à licencier (voir Thomas c. Bande indienne Crie d'Enoch, [2003] A.C.F. no 153, par. 55).


[57]            Le fait que l'arbitre ait tenu compte de la restructuration à l'étape de l'évaluation du caractère juste ou injuste du licenciement n'équivaut pas à une réévaluation de la motivation sous-jacente au licenciement du requérant, tel qu'il le prétend. Il s'agit plutôt du processus d'évaluation que la jurisprudence a élaboré en cette matière : Thomas c. Bande indienne Crie d'Enoch, [2003] A.C.F. no 153.

[58]            L'arbitre a-t-il commis une erreur de droit en appliquant erronément la théorie de l'incident culminant?

[59]            La juge Tremblay-Lamer s'est penchée brièvement sur la théorie de l'incident culminant dans la décision Abénakis of Wôlinak Band (Council) c. Bernard, [2000] A.C.F. No. 327. Elle s'exprime en ces mots :

10       Le demandeur soutient qu'il s'agit d'une erreur de droit.    Il souligne qu'en vertu de la doctrine de l'incident culminant, il pouvait à titre d'employeur, invoquer au moment du congédiement des motifs d'inconduite à l'égard desquels il y avait déjà eu sanction, en autant que d'autres faits se seront ajoutés par la suite.

¶ 11       Je suis d'avis que le demandeur a raison. L'arbitre a erré en fait et en droit en appliquant la théorie de la "double sanction" pour les mêmes faits.    En l'occurrence il ne s'agissait pas des mêmes faits mais d'incidents subséquents de même nature.

¶ 12       L'arbitre devait déterminer si l'incident culminant était assez important pour permettre au demandeur d'invoquer les incidents antérieurs.    En d'autres mots, s'agissait-il de fautes sérieuses, lesquelles étaient l'aboutissement d'une série de fautes similaires et qui pouvaient alors justifier le congédiement.    L'arbitre n'a pas suivi cette démarche.    Il s'agit d'une erreur manifestement déraisonnable justifiant l'intervention de cette cour.


[60]            À la lumière de ces indications, je ne crois pas que l'arbitre ait erré lorsqu'elle a conclu que les événements postérieurs au CAP imposé au requérant étaient des événements de même nature, indiquant qu'il ne démontrait pas d'intention ou de désir d'amender sa conduite professionnelle de façon générale.

[61]            Au paragraphe 50 de la décision contestée, l'arbitre indique ceci :

[¼] Le plaignant connaissait la gravité du CAP qui lui avait été imposé puisqu'il s'agissait d'un CAP final. Il a d'ailleurs admis avoir eu peur de perdre son emploi à ce moment. L'employeur lui reprochait son manque de fiabilité et de professionnalisme, ses relations difficiles avec ses collègues de travail notamment en raison d'un maqnue de respect face à ces derniers. Or, à peine quelques semaines après la levée du CAP, le plaignant ne remet pas un travail qui lui est confié, effectue du travail qui ne lui était pas demandé, ce qui démontre à nouveau un manque de fiabilité et de professionnalisme et il est partie à deux incidents où son collègue de travail, M. Joseph, est insulté et/ou vexé. De toute évidence, le plaignant n'a pas compris le message de son employeur qui en était un, rappelons le [sic], final.

[62]            En outre, rappelons que le CAP imposé au plaignant ainsi que la lettre de M. Letourneau l'avisant de la fermeture de ce CAP en mai 2002 font tous deux mention du fait que le requérant est en probation et que son emploi au sein de la compagnie intimée ne tient qu'à un fil.

[63]            L'arbitre a-t-il commis une erreur de droit en exigeant de l'employeur le mauvais fardeau de preuve pour justifier un congédiement disciplinaire?


[64]            Compte tenu de ce qui précède, on ne peut raisonnablement affirmer que l'arbitre a abaissé le fardeau de preuve exigible de l'employeur.

[65]            L'arbitre était visiblement satisfaite de la preuve présentée par la compagnie intimée à l'effet que le requérant avait commis certains actes répréhensibles justifiant la terminaison de son emploi après maintes mises en garde. (voir Bell Canada c. Hallé (C.A.F.), [1989] A.C.F. No 555 et Gauthier c. Banque du Canada, [2000] A.C.F. no 1453)

[66]            Je tiens à réitérer que cette Cour n'infirmera une sentence arbitrale en matière de droit du travail que lorsque celle-ci est manifestement déraisonnable.

[67]            La Cour ne peut intervenir simplement parce celle-ci aurait pu, se basant sur les faits, conclure autrement que ne l'a fait le tribunal administratif, et je ne dis pas que j'aurais tranché différemment.

[68]            L'arbitre avait devant elle suffisamment de preuve pour conclure tel qu'elle l'a fait.

[69]            Il m'est impossible de déterminer que la décision est manifestement déraisonnable.


CONCLUSION

[70]            Pour toutes les raisons précitées, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les dépens sont accordés à la défenderesse.

      Max M. Teitelbaum

      JUGE

OTTAWA, Ontario

Le 1er mars 2005


                                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                       

DOSSIER :                                 T-1453-04                   

INTITULÉ:                                 SAMEH NASSR c. Société Télé-Mobile (Télus Mobilité)

LIEU DE L'AUDIENCE :         Montréal, Québec        

DATE DE L'AUDIENCE :       Le 17 février 2005

MOTIFS :                                    L'honorable juge Teitelbaum

DATE DES MOTIFS :               Le 1er mars 2005

COMPARUTIONS:                 

Me William de Merchant            POUR LE DEMANDEUR

Me Robert Finta                          POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Ouellet, Nadon & Associés

Montréal, Québec                        POUR LE DEMANDEUR

Me Robert Finta

Contentieux, Télus Mobilité        POUR LA DÉFENDERESSE


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