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Date : 20051014

Dossier : IMM-1727-05

Référence : 2005 CF 1406

OTTAWA (Ontario), ce 14ième jour d'octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :

IMED ADHERRAHAMA KAWECH

Demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision d'évaluation de risques avant renvoi (ERAR) rendue le 21 février 2005 par une agente d'immigration (l'agente), qui a déterminé que Imed Abderrahma Kawech (le demandeur) ne risquait pas d'être torturé ou persécuté, de subir des traitements ou peines cruels et inusités ou de voir sa vie menacée advenant un renvoi vers la Tunisie.

[2]                 Le demandeur est un citoyen tunisien et est marié à une citoyenne canadienne. Il est venu au Canada le 10 août 2000. Le 7 août 2001, il a revendiqué le statut de réfugié, mais cette demande fut rejetée le 14 mai 2002. Le demandeur a donc déposé une demande d'ERAR et une demande de dispense du visa de résident permanent en vertu de considérations humanitaires.

[3]                 Le 21 février 2005, avant de recevoir la réponse de sa demande pour considérations humanitaires, la demande d'ERAR fut rejetée et le demandeur fut convoqué à une réunion afin de faire des arrangements de départ du Canada.

[4]                 Le 5 juillet 2005, le demandeur a reçu une lettre d'un agent de Citoyenneté et immigration Canada, indiquant qu'une nouvelle politique publique à l'intention des époux et des conjoints de fait (la nouvelle politique) avait été introduite le 18 février 2005. L'effet de cette nouvelle politique serait de dispenser le demandeur de l'obligation d'avoir un statut d'immigration (Règle 124 b) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002-227) (le Règlement), et des exigences prévues au paragraphe 21(1) de la Loi et de la Règle 72(1)e)(i) du Règlement.

[5]                 Le demandeur soumet avoir rempli les obligations en vertu de la nouvelle politique, et donc, que la décision d'ERAR devrait être annulée, vu qu'elle n'aurait plus d'application à son cas.

[6]                 La décision contestée est le rejet d'une demande d'ERAR à l'encontre du demandeur. L'agente a trouvé que le demandeur n'avait apporté aucun nouvel élément de preuve, et que toutes ses allégations avaient été traitées dans sa demande de réfugié. L'agente mentionne aussi plusieurs extraits de la preuve documentaire sur la Tunisie dans sa décision, en notant qu'elle se fie sur ceux-ci à l'encontre du témoignage du demandeur, qu'elle trouve non crédible.

[7]                 Le demandeur soumet que l'agente est en totale contradiction avec la preuve documentaire portant sur la situation prévalent en Tunisie.

[8]                 Deuxièmement, le demandeur allègue que l'agente avait été négligente parce qu'elle n'a pris en considération le fait qu'il avait déposé une demande de considérations humanitaires qui était toujours pendante.

[9]                 Troisièmement, la décision de l'agente est en violation de la nouvelle politique, car d'une part, le demandeur serait autorisé a resté au Canada, mais d'une autre, on essaye de le faire sortir du Canada.

[10]            Finalement, le présent litige est devenu académique car le demandeur rencontre tous les critères sous la nouvelle politique. Donc, le défendeur devrait consentir à la demande de contrôle judiciaire.

[11]            Le défendeur soumet que la décision d'ERAR de l'agente en est une prise par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) et non pas une décision de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Donc, la décision d'ERAR et l'exécution d'un renvoi sont complètement distinctes.

[12]            De plus, si le litige est devenu académique, il revient au demandeur de se désister, vu le fait que c'est lui qui a présenté la demande de contrôle judiciaire.

[13]            Pour ce qui est de la décision de l'agente, le demandeur demande simplement à la Cour de substituer son opinion à celle de l'agente, ce qui n'est pas son rôle.

[14]            Les questions en litige sont les suivantes :

1. La décision de l'agente d'ERAR, est-elle déraisonnable?

2. La décision ERAR, est-elle encore valide, vu le fait que le demandeur a présenté une demande sous la nouvelle politique de parrainage des époux?

La décision de l'agente d'ERAR, est-elle déraisonnable?

[15]            Bien que le demandeur allègue que l'agente a rendue une décision « purement arbitraire, contraire au faits, et motivée simplement par le désir de fermer le dossier du demandeur, de façon prématurée » , après une lecture attentive des motifs de sa décision, je ne trouve pas qu'elle soit déraisonnable.

[16]            La norme applicable a une décision d'ERAR a été examinée récemment par mon collègue le juge Martineau dans l'affaire Figurado c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. no 458 au paragraphe 51 :

À mon avis, en appliquant l'approche pragmatique et fonctionnelle, lorsque la décision ERAR contestée est examinée dans sa totalité, la norme de contrôle applicable devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter (Shahi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1826, au paragraphe 13 (C.F. 1re inst.) (QL); Zolotareva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1274, [2003] A.C.F. no 1596 (C.F.) (QL), au paragraphe 24; Sidhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 39, [2004] A.C.F. no 30 (C.F.) (QL), au paragraphe 7). Cela dit, lorsque l'agent ERAR tire une conclusion de fait, la Cour ne devrait pas substituer sa décision à celle de l'agent ERAR sauf si le demandeur a établi que l'agent a tiré la conclusion de fait d'une manière abusive ou arbitraire et sans égard aux éléments de preuve dont il était saisi (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, modifiée; Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CAF 39, [2003] A.C.F. no 108 (C.A.F.) (QL), au paragraphe 14).

[17]            Dans sa décision, l'agente a souligné que le demandeur avait présenté une demande d'asile et que celle-ci avait été rejetée en raison de son absence de crédibilité. En l'espèce, au soutien de sa demande ERAR, le demandeur a réitéré les mêmes faits et craintes que ceux préalablement présenté dans sa demande d'asile. Or, l'alinéa 113a) de la Loi circonscrit la preuve qui peut être présentée dans le cadre d'une demande ERAR :

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

a) le demandeur d'asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n'étaient alors pas normalement accessibles ou, s'ils l'étaient, qu'il n'était pas raisonnable, dans les circonstances, de s'attendre à ce qu'il les ait présentés au moment du rejet;

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

[18]            L'agente a donc proprement analysé les nouveaux éléments de preuve soumis par le demandeur à l'appui de sa demande, et a conclu que :

The applicant's PRRA submission did not provide a satisfactory explanation to clarify the inconsistencies and contradictions found by the IRB. Therefore, I take into consideration the findings of the IRB, which had an opportunity to hear the applicant and verify the veracity of the allegations. Problematic with the applicant's claim is that he has failed to provide documentary evidence to satisfy why he is personally at risk and why someone in the same position would face the same risk. As new evidence he submitted an extract from the police authorities in Tunisia, which also confirms that he has no criminal record. Although his father alleged, in the letter submitted as new evidence, that his son is wanted by the police, I give little weight to this document as it is not from an objective source, and does not objectively confirm the risk alleged.

(Voir page 6 des motifs de l'agent ERAR en date du 21 février 2005.)

[19]            De plus, en ce qui concerne la preuve documentaire ainsi que la nouvelle preuve soumise par le demandeur, l'agent a mentionné, entre autre, que :

·          The applicant was not an organizer, speaker of leader in the UGET. He has not participated in any activities to oppose the Tunisian government since arriving in Canada. He is a very minor player in the Tunisian human rights movement. Documentary evidence shows that those students being targeted are militants and executive members of student organizations, not the applicant.

·          The applicant obtained his passport in March 2000 without any problems with the Tunisians government, which could have refused him this request. According to US Country Report 2003, the Tunisian authorities use denial of passports against citizens who criticize the government.

·          The applicant waited one year before making his refugee claim, which is inconsistent with his subjective fear of persecution.

·          The panel noted a number of contradictions, omissions and implausibilities in the applicant's testimony which led the panel to find the applicant not credible. The panel concluded that the applicant's allegations and evidence submitted in support were all fabricated. The applicant's PRRA submissions did not provide a satisfactory explanation to clarify the inconsistencies and contradictions found by the IRB.

(Voir page 6 des motifs de l'agent ERAR en date du 21 février 2005.)

[20]            Dans la décision Bilquees c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 157, [2004] A.C.F. no 205, mon collègue le juge Pinard a réitéré le fait qu'une évaluation de crédibilité est une question de fait et il n'appartient pas à cette Cour d'intervenir dans celle-ci à moins d'être déraisonnable :

L'agent ERAR a conclu, comme le Tribunal avant elle, que les demandeurs n'étaient pas crédibles. L'évaluation de la crédibilité est une question de fait et il n'appartient pas à cette Cour de se substituer à la décision de l'agent ERAR à moins que le demandeur puisse démontrer que sa décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition (voir l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7). L'agent ERAR possède une connaissance spécialisée et a le pouvoir d'apprécier la preuve dans la mesure où ses inférences ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et ses motifs sont énoncés de façon claire et compréhensible (Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 15 Imm.L.R. (2d) 199 (C.A.F.)).

[21]            Vue le fait que l'agent a motivé sa décision avec des faits concrets du dossier du demandeur, je suis d'avis qu'il n'existe aucune erreur de la part de l'agente, et que la décision ERAR a été prise après une analyse complète de la preuve devant elle.

La décision ERAR, est-elle encore valide, vu le fait que le demandeur a présenté une demande sous la nouvelle politique de parrainage des époux?

[22]            Le demandeur allègue aussi que le dépôt de son application sous la nouvelle politique pour faciliter le traitement des demandes de dispense présentées par des époux au Canada devrait faire échec à la décision ERAR.

[23]            Or, le simple fait d'avoir présenté cette demande n'assure pas que le demandeur sera admissible et pourra donc bénéficier de la nouvelle politique, ni qu'il aura le droit de demeurer au Canada jusqu'à ce que celle-ci soit déterminée. Au contraire, l'effet d'être admis sous la nouvelle politique est de dispenser le demandeur de l'obligation d'avoir un statut d'immigration au Canada. Elle n'assure pas que le demandeur ne sera pas renvoyé en Tunisie.

[24]            Une personne qui fait demande sous la nouvelle politique mais qui est visée par une mesure de renvoi exécutoire pourrait bénéficier d'un sursis administratif; le cas échéant, cette personne devra quitter le Canada et attendre de recevoir une réponse à sa demande à partir de l'extérieur du Canada.

[25]            Dans le cas présent, l'évaluation de l'application du demandeur sous la nouvelle politique est à faire. Ce ne sera seulement si le demandeur répond aux exigences de cette nouvelle politique qu'il serait accepté au Canada et que la demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision ERAR deviendrait académique. Donc, il devient claire à savoir qu'une application sous la nouvelle politique est distincte d'une décision ERAR.

[26]            Il semble que le demandeur soit entrain de confondre une évaluation des risques avant renvoi avec l'exécution d'une mesure de renvoi. Comme l'allègue le demandeur il me semblerait curieux qu'il soit accepté au Canada sous la nouvelle politique, mais qu'en même temps, une mesure de renvoi soit exécuté contre lui. Tel n'est toutefois pas le cas, et une analyse de cette situation serait prématurée.

[27]            Pour toutes les raisons ci hauts mentionnées, je suis d'avis que la décision ERAR de l'agente n'est pas déraisonnable. De plus, le fait qu'une décision ERAR soit rendue en même temps qu'une décision sous la nouvelle politique de parrainage des époux soit en suspens, est tout a fait conciliable. Cette demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

ORDONNANCE

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n'ont soumis aucune question pour certification.

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-1727-05

INTITULÉ :                                        Imed Abderrahma Kawech c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal, Québec

DATE DE L'AUDIENCE :               7 octobre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE TEITELBAUM

DATE DES MOTIFS :                      14 octobre 2005

COMPARUTIONS:

Me Pierre Langlois                                        POUR LE DEMANDEUR

Me Gretchen Timmins                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Pierre Langlois

Saint-Lambert, Québec                                             POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                        POUR LE DÉFENDEUR

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