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Date : 20051209

Dossier : IMM-638-05

Référence : 2005 CF 1673

Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

                                                                 AMAR SINGH

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(Prononcés oralement à l'audience et rendus ensuite par écrit pour plus de précision et de clarté)


[1]                 Amar Singh (le demandeur) a porté en appel le rejet de l'agente des visas de Citoyenneté et Immigration Canada de la demande parrainée de visa permanent déposée par sa femme, Geeta Rani. Le demandeur est arrivé au Canada en 1977, en provenance de l'Inde. Son premier mariage, contracté en 1996, a été dissous en 1997, soit sept mois après l'arrivée de sa première femme au Canada. Le 17 mars 2002, le demandeur s'est marié à Geeta Rani (Geeta) en Inde. Il a fait la connaissance de Geeta deux semaines avant le mariage, qui était arrangé par leurs familles. Il avait 28 ans et était divorcé, et sa future femme avait 18 ans et célibataire. Le 20 août 2002, Geeta a déposé une demande afin dtre parrainée par le demandeur pour devenir une résidente permanente du Canada.

[2]                Les dispositions applicables qui régissent la conduite de l'agente des visas font partie du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2004-167.

4.    Pour l'application du présent règlement, l'étranger n'est pas considéré comme étant l'époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l'enfant adoptif d'une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l'adoption n'est pas authentique et vise principalement l'acquisition d'un statut ou d'un privilège aux termes de la Loi.

[3]                Le 2 avril 2003, l'agente des visas a conclu que le mariage n'était pas authentique parce que, selon elle, le couple était incompatible au vu de la norme indienne (grande différence d'âge et divorce du demandeur), que l'intéressée connaissait très peu le demandeur, que leurs contacts depuis le mariage s'étaient faits rares, et que son témoignage était artificiel et vague. L'agente a laissé les notes suivantes dans le CAIPS :

[TRADUCTION]

-               Bien que le répondant soit supposément resté en Inde pendant un mois après le mariage, aucune photo prise après le mariage n'a été déposée.

-               Aucune lettre, aucune carte.

-                Bien que des factures de téléphone du Canada aient été soumises, compte tenu du manque évident de connaissances que l'intéressée possède sur le répondant, je ne peux pas donner de force probante aux factures de téléphone.


[4]                Le demandeur a porté cette décision en appel devant la Section d'appel de l'immigration (SAI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Dans une décision datée du 18 janvier 2005, rendue à la suite d'une audition de novo, la SAI a confirmé la décision de l'agente des visas.

[5]                La SAI a cité les préoccupations de l'agente des visas, et a conclu que l'agente des visas avait mal évalué la différence d'âge. Sinon, la décision de l'agente des visas a été confirmée, le demandeur n'ayant pas répondu de façon acceptable à ses préoccupations. Celles-ci étaient centrées sur le manque de connaissances que possédait Geeta au sujet de son mari, sur l'absence d'explication permettant de comprendre pourquoi elle avait accepté d'épouser un homme divorcé et sur le fait que Geeta n'avait pas témoigné. La SAI n'a pas fait de commentaires sur les nouvelles preuves. Le demandeur demande donc un contrôle judiciaire de la décision de la SAI.

[6]                La norme de contrôle judiciaire pour les cas de mariages dont la légitimité est contestée est la décision manifestement déraisonnable (voir Ly c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1184; Jaglal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 685; Dang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1090).

[7]                En plus des preuves déjà déposées devant l'agente des visas, le demandeur a présenté dans son appel les éléments suivants :


1.         Des copies de lettres et d'enveloppes portant le cachet d'oblitération, que Geeta avait envoyées au demandeur. Cet élément comprenait huit lettres et enveloppes et comptait au total 25 pages.

2.         Des copies de cartes de voeux et d'enveloppes portant le cachet de la poste, que Geeta avait envoyées au demandeur. Cet élément comprenait cinq lettres et enveloppes, et comptait au total 24 pages.

3.         Des copies de cartes d'appel interurbain utilisées par le demandeur pour téléphoner à Geeta en Inde.

4.         Une copie d'un mandat de la CIBC, daté du 31 octobre 2003, d'un montant de 500 $. Ce mandat porte le nom d'Amar Sing et est établi à l'ordre de Geeta Rani.

5.         Des copies en couleur de photographies du demandeur et de Geeta lors de leurs noces, du couple lors d'une sortie, et plusieurs photographies de Geeta qu'elle avait envoyées à son mari depuis son retour au Canada.

6.                   Des billets d'avion montrant que le demandeur s'était rendu en Inde en septembre 2004.


[8]                Les parties conviennent que, d'après Kahlon c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 7 Imm. L.R. (2d) 91 (C.A.F.), un appel instruit en vertu de l'article 63(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés entraîne une audition de novo. À l'issue d'une telle audition, la SAI n'a pas à commenter chacun des nouveaux éléments de la preuve présentés, mais doit s'exprimer sur les éléments qui contredisent directement, ou au moins, qui ont trait aux préoccupations du décideur initial.

[9]                La SAI ne l'a pas fait dans le cas présent. La SAI ne mentionne aucun des nouveaux éléments de preuve. Il est possible que la SAI ait examiné les nouveaux éléments de preuve et qu'elle ait conclu qu'ils étaient eux aussi insuffisants. Cependant, elle ne mentionne aucun des nouveaux éléments de preuve et ne donne, encore moins, aucun motif expliquant pourquoi ils ne l'ont pas convaincue. Étant donné que la preuve répond aux préoccupations mêmes de l'agente des visas, ce défaut d'analyser les éléments de preuve pertinents ayant trait à des conclusions-clés constitue une erreur justifiant l'infirmation de la décision (voir Kocak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1288). Par conséquent, la décision de la SAI devra être infirmée.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la décision du 18 janvier 2005 soit infirmée et que l'affaire soit renvoyée devant la SAI afin d'être entendue à nouveau par un tribunal différemment constitué, qui devra examiner particulièrement les éléments de preuve mentionnés au paragraphe 7 des motifs de la présente ordonnance.

« Konrad W. von Finckenstein »

Juge             

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              IMM-638-05

INTITULÉ :                             AMAR SINGH

                                                                                                                       

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :        TORONTO (ONTARIO)

DATES DE L'AUDIENCE : LE 7 DÉCEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :             LE JUGE VON FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :             LE 9 DÉCEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Ricardo Aguirre                                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Alexis Singer                                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jaswinder Gill                                                                            POUR LE DEMANDEUR

Gill Law Office

Brampton (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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