Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                                           Date : 20020513

                                                                                                                             Dossier : IMM-4464-01

OTTAWA (ONTARIO), le 13 mai 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

Entre :

                                       CHANG, WEN-PIN, a/s Lo & Wong Investment

                                      Consultants Ltd, Unit 2007 Emperor Group Centre,

                                              288 Hennessy Road, Wanchai, Hong Kong

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                  ET DE L'IMMIGRATION, a/s ministère de la Justice,

                                     Complexe Guy Favreau, 200, René-Lévesque ouest,

                                    Tour de l'est, 5e étage, Montréal (Québec), H2Z 1X4

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire concernant la décision de Pascal Laurin, agent des visas auprès du Haut-commissariat canadien de Singapour, datée du 17 août 2001, selon laquelle le demandeur ne répond pas aux conditions l'autorisant à immigrer au Canada dans la catégorie des investisseurs est rejetée.

                      « Yvon Pinard »                     

     JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                                                                                           Date : 20020513

                                                                                                                             Dossier : IMM-4464-01

                                                                                                           Référence neutre : 2002 CFPI 531

Entre :

                                       CHANG, WEN-PIN, a/s Lo & Wong Investment

                                      Consultants Ltd, Unit 2007 Emperor Group Centre,

                                             288 Hennessy Road, Wanchai, Hong Kong,

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                  ET DE L'IMMIGRATION, a/s ministère de la Justice,

                                     Complexe Guy Favreau, 200, René-Lévesque ouest,

                                    Tour de l'est, 5e étage, Montréal (Québec), H2Z 1X4

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

        Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire concernant la décision de Pascal Laurin, agent des visas (l'agent) auprès du Haut-commissariat du Canada à Singapour datée du 17 août 2001, selon laquelle le demandeur ne répond pas aux conditions l'autorisant à immigrer au Canada dans la catégorie des investisseurs.


        La demande présentée par le demandeur dans cette catégorie ne pouvait être acceptée parce que celui-ci avait fourni des renseignements contradictoires et tenté d'éluder les questions au cours de l'entrevue. En outre, le demandeur n'a pas été en mesure de démontrer à l'agent qu'il remplissait les conditions établies par la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) et le Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement). L'agent a noté ceci dans sa décision :

[Traduction] Vous m'avez mentionné au cours de l'entrevue que vous aviez vendu une des propriétés dont vous aviez hérité en 1995 pour la somme de 20 millions de dollars de Taïwan. Je vous ai par conséquent demandé de fournir des documents établissant la vente de cet immeuble. Par la suite, votre consultant a répondu pour votre compte, dans une lettre datée du 12 juin 2001, selon laquelle vous n'aviez jamais vendu les propriétés dont vous aviez hérité. Ce fait ne correspond pas à ce que vous m'avez déclaré au cours de l'entrevue. En raison de ces éléments et des réponses fournies à mes questions au cours de l'entrevue, je suis obligé de conclure que vous avez délibérément refusé de répondre sincèrement à certaines de mes questions.

En outre, après avoir examiné en détail les documents fournis et d'après les renseignements que vous avez communiqués à l'entrevue, je ne suis pas convaincu que vos fonds proviennent de sources légales et légitimes. Par exemple, vous affirmez que votre entreprise ne déclarait pas votre salaire et votre prime qui s'élevaient à près de 2,7 millions de dollars de Taïwan par an. Vous avez également ajouté qu'à Taïwan, les affaires ne se font pas de la même façon.

Compte tenu des renseignements contradictoires que vous m'avez communiqués à l'entrevue et du fait que vous avez tenté d'éluder les questions que je vous ai posées à l'entrevue, je ne peux conclure que vos fonds proviennent de sources légales et légitimes. Vous n'êtes pas admissible à émigrer au Canada parce que vous n'avez pas rendu compte de la légalité des origines de votre avoir net personnel.

[. . .]

Vous ne m'avez pas convaincu que vous remplissiez les conditions prévues par la Loi et le règlement, tels que cités plus haut, et je dois donc rejeter votre demande.

        Dans Chiu Chee To c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (22 mai 1996), A-172-93, la Cour d'appel fédérale a énoncé la norme d'examen des décisions discrétionnaires prises par les agents d'immigration en matière de demande d'immigration. Cette norme est la même que celle qu'a adoptée la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et al., [1982] 2 R.C.S. 2, dans lequel le juge McIntyre a déclaré aux pages 7 et 8 :

. . . C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si l'on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision...


        Le demandeur soutient pour l'essentiel que l'agent a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée à laquelle il est arrivé de façon capricieuse, sans tenir compte des preuves présentées. Après avoir examiné les faits et les éléments de preuve concernant cette affaire, j'estime que l'agent était justifié d'interroger le demandeur au sujet de l'origine de son avoir net personnel et de conclure que les renseignements fournis n'étaient pas satisfaisants.

        Le paragraphe 8(1) de la Loi énonce clairement que le fardeau d'établir que l'admission au Canada n'est pas contraire à la Loi et le Règlement incombe à la personne qui demande l'entrée au Canada. Après avoir examiné les éléments se rapportant à ce dossier ainsi que les observations des parties, j'estime que le demandeur ne s'est pas acquitté du fardeau d'établir qu'il était admissible à entrer au Canada.

        D'après les notes versées par l'agent dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI) ainsi que d'après son affidavit, l'agent a donné au demandeur l'occasion de présenter des renseignements concernant l'origine de son avoir net personnel. Au cours de l'entrevue, le demandeur a déclaré avoir hérité de 150 millions de dollars taïwanais et a ensuite modifié cette affirmation. Il a également expliqué que la société de construction dont il est propriétaire ne déclare pas son salaire, ni sa prime de 2,7 millions de nouveaux dollars taïwanais par an.

        Les faits de l'espèce sont analogues à ceux de l'affaire Biao c. Canada (M.C.I.), [2000] 2 C.F. 348 (1re inst.), dans laquelle le demandeur souhaitait s'établir au Québec, et avait présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des « investisseurs » . Le demandeur n'avait pas fourni d'éléments satisfaisants concernant l'origine de ses fonds, malgré les demandes formulées sur ce point par l'agent des visas conformément au paragraphe 9(3) de la Loi. Le juge Nadon s'est exprimé de la façon suivante :


[21]          L'agent des visas était autorisé à demander ces pièces en vertu du paragraphe 9(3) de la Loi et il incombait au demandeur de prouver que son admission au Canada ne contreviendrait pas à la Loi. Le demandeur ne s'est pas acquitté de l'obligation qui lui incombait en vertu du paragraphe 9(3) et il ne s'est pas non plus acquitté de l'obligation qui lui incombait en vertu de l'article 8 de la Loi. L'agent des visas ne pouvait donc pas être convaincu que l'admission du demandeur ne contreviendrait pas à la Loi et il était donc autorisé à rejeter la demande...

[22]          Cette Cour a statué que l'agent des visas a le droit et l'obligation d'exiger que le demandeur produisent les pièces qui, selon lui, sont nécessaires à l'examen de la demande. Dans la décision Kaur c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et al. (1995), 98 F.T.R. 91 (C.F. 1re inst.), à la page 92, le juge Rothstein a fait remarquer ce qui suit :

Lorsque l'agent des visas demande à juste titre d'obtenir diverses pièces et que ces dernières ne sont pas produites, le requérant ne peut obtenir son admission, car il ne s'est pas conformé à une demande faite légitimement en vertu de la Loi sur l'immigration.

        En outre, dans Hao c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (7 décembre 2000), IMM-3466-99, [2000] A.C.F. no 2013 (1re inst.) (QL), j'ai formulé le commentaire suivant dans cette affaire où le demandeur avait présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des « investisseurs » mais n'avait pas fourni des éléments permettant à l'agent des visas d'en arriver à une conclusion favorable à son endroit :

[10]          À mon avis, la prétention de l'agent des visas était correcte et il a refusé le visa pour des motifs appropriés, à savoir que, en l'absence de la documentation qu'il avait demandée, il ne pouvait pas vérifier l'admissibilité du demandeur conformément à l'article 19 de la Loi.

        J'estime que l'agent était tout à fait justifié de conclure que la source de l'avoir net personnel du demandeur n'était pas légale ni légitime. La lettre datée du 12 juin 2001 fournie par le consultant du demandeur indique clairement que le demandeur n'avait en fait jamais vendu les terrains dont il avait hérité de son père. Cela vient contredire les déclarations déjà confuses et contradictoires que le demandeur avait faites au cours de l'entrevue. J'estime donc que le demandeur n'a pas fourni d'explication satisfaisante et que l'agent était, par conséquent, justifié de rejeter sa demande de résidence permanente conformément aux paragraphes 9(3) et 9(4) de la Loi.


      J'en viens maintenant à une autre question qu'a soulevée le demandeur qui, dans son mémoire écrit, soutient que l'agent a agi de façon inéquitable au cours de l'entrevue parce qu'il a suscité une crainte raisonnable de partialité.

      En l'espèce, l'agent des visas a évalué la capacité du demandeur de s'établir avec succès au Canada et il a découvert, ce faisant, que le demandeur n'était pas disposé à collaborer avec lui, qu'il évitait de répondre aux questions et fournissait des réponses contradictoires. Les notes du STIDI de l'agent reflètent l'impression que lui a faite le demandeur au cours de l'entrevue. Il n'est pas possible d'accuser un agent des visas d'avoir violé les principes de la justice naturelle et de l'équité procédurale pour le motif qu'il a consigné dans les notes du STIDI l'impression que lui donnait effectivement le demandeur. Il n'existe aucun élément indiquant que l'agent n'ait pas donné à l'entrevue au cours de laquelle le demandeur tentait de prouver qu'il répondait aux critères de sélection un ton favorisant un échange ouvert et équitable (voir Jiang c. Canada (M.C.I.) (1997), 138 F.T.R. 230). J'estime qu'une personne avisée, qui examinerait le dossier de façon réaliste et concrète, et qui aurait réfléchi à la question, ne conclurait pas, d'après les preuves qui m'ont été présentées, que l'agent a fait preuve de partialité (voir Committee for Justice and Liberty et al. c. Office national de l'énergie et al., [1978] 1 R.C.S. 369, p. 386).

      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                      « Yvon Pinard »                     

     Juge

OTTAWA (ONTARIO)

le 13 mai 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-4464-01

INTITULÉ :                                                        Chang, Wen-Pin c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 9 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                                     le 13 mai 2002

COMPARUTIONS :

M. Jean-François Bertrand                                                            POUR LE DEMANDEUR

M. Michel Synnott                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Bertrand, Deslauriers                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

M. Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.