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Date : 19980811

Dossier : T-347-97

ENTRE :

                                                          DELBERT R. WEARE,

                                                                                                                                          demandeur,

                                                                             et

                                       LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                                                                                                            défendeur.

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                 La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) datée du 23 janvier 1997. Par un avis de requête introductive d'instance, en date du 3 mars 1997, le demandeur cherche à obtenir une ordonnance annulant la décision du Tribunal et ordonnant de lui octroyer une pension d'invalidité conformément à la version modifiée de la Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6.

Contexte


[2]         Le demandeur, qui est né le 19 janvier 1941, a servi dans la Force régulière des Forces armées canadiennes du 14 octobre 1958 au 24 décembre 1959. En décembre 1958, le demandeur s'est blessé aux pieds en faisant une chute de 35 pieds, d'une corde, pendant un exercice d'entraînement à la base militaire de Gagetown. Il a été placé en service réduit, mais de janvier à avril 1959, il a dû passer plus de temps que d'habitude au stand de tir parce qu'il avait des difficultés à établir sa compétence à titre de carabinier ordinaire. Il n'y avait pas de protège-oreilles. Le demandeur a passé un examen médical avant sa libération des forces armées en décembre 1959, libération qui n'était apparemment pas reliée à aucune blessure résultant du service. Pendant l'examen, il relate que l'officier examinateur s'est montré exaspéré à son égard. À l'époque, le demandeur était âgé de 18 ans.

[3]             À la suite de sa démobilisation, le demandeur est entré dans une école de métiers. Alors qu'il était apprenti dans la réparation de véhicules automobiles, on prétend qu'il a ressenti de la douleur dans la colonne lombaire quand il soulevait des objets lourds. Il a finalement travaillé comme mécanicien. En 1970, le demandeur s'est blessé au genou en heurtant un bloc moteur et ce genou a été opéré à deux reprises, en 1971 et en 1988.

[4]             En 1986, le demandeur a appris que des pensions étaient disponibles pour les anciens combattants ayant servi dans les Forces armées en temps de paix. Par suite de la demande du demandeur, le comité d'examen lui a accordé une pension des trois cinquièmes pour la partie de l'affection primaire de pied plat bilatéral découlant de la chute de 1958.


[5]             En 1994, le demandeur a cherché à obtenir le droit à une pension pour de l'arthrose dans ses genoux et dans sa colonne lombaire et également pour la perte d'audition. Sa demande de droit à une pension pour ces affections a été rejetée, d'abord par la Commission canadienne des pensions, le 11 octobre 1994, et ensuite par le comité d'appel, le 15 février 1996. L'affaire a été portée en appel devant le Tribunal, où le demandeur a soutenu que ses blessures aux genoux et au bas du dos étaient imputables à sa chute en 1958 et que sa perte d'audition résultait de ses nombreux tirs au fusil dans les premiers mois de 1959, sans protège-oreilles.

[6]             Or, le Tribunal n'a pas estimé, contrairement au demandeur, que les blessures aux genoux étaient imputables à son service militaire. Il a précisé que la cause pouvait tout aussi bien être l'accident de travail survenu en 1970, quand le demandeur s'est cogné à un bloc moteur. En outre, le Tribunal a été incapable de conclure qu'une partie de la perte d'audition du demandeur était imputable aux tirs de fusils dans le stand de tir au début de 1959 ni qu'il y avait un lien de causalité entre le service du demandeur et sa perte d'audition. Sa blessure à la colonne vertébrale devait, selon le demandeur, être imputable directement à son service dans la Force régulière ou être une conséquence de son affection ouvrant droit à pension préexistante de pied plat bilatéral. Toutefois, le Tribunal a conclu que la preuve médicale n'était pas suffisante pour étayer la conclusion que l'affection relative à la colonne lombaire était imputable au service dans la Force régulière ou qu'il y avait un lien entre l'affection dorsale et l'affection ouvrant droit à pension préexistante de pied plat bilatéral.

Argumentation des parties


[7]    Si je comprends bien le demandeur, il conteste essentiellement les conclusions du Tribunal fondées sur la preuve contradictoire d'un lien entre ses affections et son service militaire. Il insiste sur le fait que le Tribunal n'a pas correctement appliqué les dispositions législatives l'obligeant à tirer des conclusions en sa faveur. Le demandeur a également fait part de sa préoccupation relativement à la qualité de l'examen médical qu'on lui a fait passer en 1959, au moment de démobilisation. De plus, il soutient que l'omission dans ses dossiers de démobilisation de toute mention de ses troubles médicaux ne doit pas être reconnue comme une preuve de leur non-existence à l'époque, surtout si l'on tient compte de son témoignage sous serment et de l'attente raisonnable que sa chute de 35 pieds porterait atteinte à ses genoux et à sa colonne vertébrale.

[8]             Le défendeur s'oppose à une grande partie de la preuve présentée par le demandeur, faisant valoir que ces éléments de preuve et de nombreux faits allégués n'avaient jamais été à la disposition du Tribunal et que, par conséquent, la Cour ne pouvait pas en tenir compte dans le présent contrôle judiciaire. Le procureur avance que l'examen médical ayant précédé la démobilisation du demandeur en 1959 n'est pas pertinent au présent contrôle judiciaire. Le défendeur insiste sur le fait que le demandeur n'a pas réussi à démontrer que le Tribunal a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire. Il soutient également que le Tribunal, conscient de ses obligations statutaires, a mené l'instance et le processus décisionnel en conformité avec elles.

[9]             Selon le défendeur, le demandeur n'a pu présenter suffisamment de preuves crédibles au Tribunal pour établir un lien entre ses maladies actuelles et son service militaire en 1958 et en 1959. Bien que le Tribunal soit tenu par la loi de tirer toute conclusion raisonnable en faveur du demandeur, cette obligation statutaire ne confère pas à une simple possibilité la qualité de fait acquis. La preuve présentée par le demandeur était rare et était, dans tous ses aspects importants, mise en doute par les opinions reçues des Services de consultation médicale en matière de pensions. Par conséquent, le défendeur affirme que les conclusions du Tribunal pouvaient être étayées par la preuve dont il disposait.


Analyse

[10]         Quant à M. Weare, il est bien établi en droit que dans une demande de contrôle judiciaire la seule preuve dont la Cour peut tenir compte, en évaluant si le décideur administratif a commis une erreur, est celle dont disposait ce dernier. Dans une demande de contrôle judiciaire, le bien-fondé de la décision contestée ne peut être débattu de nouveau à l'aide d'une nouvelle preuve dont le décideur ne disposait pas. Pour ce motif, je ne peux tenir compte, en rendant la présente décision, d'aucune preuve invoquée par le demandeur postérieure à la décision du Tribunal, et notamment de différentes lettres échangées par les médecins spécialistes qui appuieraient la cause du demandeur. À ce sujet, je signale simplement que conformément au paragraphe 32(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. (1995), ch.18 (la Loi), le Tribunal conserve le pouvoir de réexaminer sa décision en raison de nouveaux éléments de preuve fournis par le demandeur. Ce paragraphe prévoit :

32. (1) Par dérogation à l'article 31, le comité d'appel peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) ou du présent article et soit la confirmer, soit l'annuler ou la modifier s'il constate que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si l'auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées ou si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés.

32.(1) Notwithstanding section 31, an appeal panel may, on its own motion, reconsider a decision made by it under subsection 29(1) or this section and may either confirm the decision or amend or rescind the decision if it determines that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law, or may do so on application if the person making the application alleges that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law or if new evidence is presented to the appeal panel.

[11]         À mon avis, la seule question en litige en l'espèce est de savoir si l'importance que le Tribunal a accordé à la preuve dont il disposait, relativement à la causalité des affectations du demandeur, était manifestement déraisonnable, compte tenu de ses diverses obligations statutaires. J'entreprends la revue de ces obligations.


[12]         Le Parlement a créé le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le TACRA ou le Tribunal) en 1995 par la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), qui remplace l'ancien Tribunal d'appel des anciens combattants, l'ancien Conseil de révisions des pensions et l'ancienne Commission des allocations aux anciens combattants, agit à présent comme la seule autorité en matière de révision et d'appel pour les pensions des anciens combattants.

[13]         Conformément à l'article 39 de la Loi, lorsqu'une preuve crédible est présentée pendant une instance, le Tribunal a le devoir de l'évaluer et de la soupeser, tirant toute conclusion raisonnable en faveur du demandeur. Le juge Teitelbaum, dans la décision Mackay c. Canada (Procureur général)[1], a conclu que les articles 3 et 39 de la Loi mettent en place des directives libérales et intentionnelles pour les réclamations des pensions des anciens combattants compte tenu de la grande dette morale du pays envers ceux qui l'ont servi. Ces articles prévoient :

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

[...]

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

...

39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

[14]         En vertu de l'article 38 de la Loi, le Tribunal peut chercher à obtenir des avis médicaux indépendants quant à toute affaire dont il est saisi. Le juge Heald, dans l'arrêt Moar c. Canada (Procureur général)[2], qui commentait une disposition semblable, le paragraphe 10(3) de l'ancienne Loi sur le Tribunal d'appel des anciens combattants, à présent abrogée, et son importance quant à la retenue dont la Cour doit faire preuve à l'égard de la décision du Tribunal, a fait la remarque suivante :

Il est indiscutable que l'affaire en instance met en jeu des questions médicales. Le paragraphe 10(3) de la Loi sur le Tribunal d'appel des anciens combattants habilite celui-ci à requérir l'avis d'un expert médical indépendant dans toute matière soumise à sa juridiction. J'en conclus que le Tribunal ne bénéficie pas de la retenue dont les instances judiciaires font habituellement preuve à l'égard des tribunaux spécialisés en raison de leur expertise dans leur domaine de compétence.


[15]         Cette décision doit s'interpréter compte tenu de l'arrêt Tonner c. Canada[3], dans lequel la Cour d'appel fédérale a conclu que la clause privative figurant dans l'ancienne Loi sur le Tribunal d'appel des anciens combattants donnait droit à ce Tribunal à la retenue. Une disposition semblable figure à présent à l'article 31 de la Loi actuelle. Je conclus que la Cour doit faire preuve de retenue à l'égard des décisions du TACRA, à l'exception de celles portant sur la compétence du Tribunal, à moins qu'elles ne soient manifestement déraisonnables[4].

[16]         Le juge Heald, dans la décision Moar, a également évalué l'importance du paragraphe 10(5) de l'époque de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants, une disposition analogue à l'article 39 de la Loi actuelle. Il a fait la remarque suivante :

L'alinéa 10(5)b) supra est particulièrement pertinent en l'espèce puisqu'il fait au Tribunal l'obligation d'accepter « tout élément de preuve non contredit que lui présente l'appelant et qui lui semble vraisemblable ou digne de foi en l'occurrence » .

[17]         Comme l'ancien paragraphe 10(5), l'article 39 de la Loi actuelle doit s'interpréter conjointement avec le paragraphe 21(3) de la Loi sur les pensions.[5] Le paragraphe 21(3) de la Loi sur les pensions crée la présomption qu'une affection est consécutive au service militaire si la blessure la causant est survenue au cours de ce service. Le paragraphe prévoit :


21.(3) Pour l'application du paragraphe (2), une blessure ou maladie - ou son aggravation - est réputée, sauf preuve contraire, être consécutive ou rattachée directement au service militaire visé par ce paragraphe si elle est survenue au cours :

...

f) d'une opération, d'un entraînement ou d'une activité administrative militaires, soit par suite d'un ordre précis, soit par suite d'usages ou pratiques militaires établis, que l'omission d'accomplir l'acte qui a entraîné la maladie ou la blessure ou son aggravation eût entraîné ou non des mesures disciplinaires contre le membre des forces

21.(3) For the purposes of subsection (2), an injury or disease, or the aggravation of an injury or disease, shall be presumed, in the absence of evidence to the contrary, to have arisen out of or to have been directly connected with military service of the kind described in that subsection if the injury or disease or the aggravation thereof was incurred in the course of

...

(f) any military operation, training or administration, either as a result of a specific order or established military custom or practice, whether or not failure to perform the act that resulted in the disease or injury or aggravation thereof would have resulted in disciplinary action against the member

[18]            L'arrêt de la Cour d'appel fédérale Chenier c. Canada[6], traitant de l'article 108 de la Loi sur les pensions, qui était pratiquement identique sur tous les points importants à l'article 39 de la Loi actuelle, étaie la proposition que le Tribunal doit tirer toute conclusion raisonnable en faveur du demandeur. Le Tribunal n'exerce pas proprement sa compétence, en concluant sommairement que le membre n'était pas en train de se livrer à une activité ouvrant droit à pension sans « avoir invoqué directement les preuves et témoignages dont il aurait pu tirer une déduction favorable à la requérante » . L'arrêt Moar laisse aussi entendre qu'en l'absence de preuve contraire, c'est à tort que le Tribunal écarte les preuves médicales produites par le demandeur, l'erreur ainsi commise équivalant à un vice de compétence.


[19]         Or, le Tribunal peut rejeter la preuve médicale du demandeur quand il dispose d'une preuve médicale contradictoire, comme le mentionne le juge Cullen dans la décision Hornby[7]. En outre, il ne faut pas entendre par les articles 3 et 39 de la Loi que quelle que soit l'allégation que fait un ancien combattant, les membres du Tribunal doivent automatiquement l'accepter. La preuve doit être crédible et doit être raisonnable[8]. Enfin, l'ancien combattant est tenu de présenter une preuve dénotant un lien de causalité entre son service dans les Forces et l'affection dont il se plaint. Comme l'a remarqué le juge Reed dans la décision Hall c. Canada (Procureur général)[9] :

Bien que le demandeur affirme à juste titre que les éléments de preuve non contredits qu'il soumet doivent être acceptés à moins que l'on conclue à une absence de vraisemblance et que les conclusions qui lui sont les plus favorables doivent être tirées et que toute incertitude quant au bien-fondéde sa demande doit être tranchée en sa faveur, le demandeur est quand même tenu de démontrer que le trouble médical dont il souffre présentement découle de son service militaire ou y est rattaché. En d'autres termes, il doit faire la preuve d'un lien de causalité.

[20]         En l'espèce, ayant examiné le dossier dont le Tribunal disposait, bien qu'il n'y ait aucun doute que le demandeur souffre d'affections aux genoux et de troubles d'audition, je ne peux trouver dans la preuve qu'il a présentée que peu ou point d'éléments qui établissent un lien de causalité entre son service militaire et ces affections. D'autre part, le rapport préparé par le Service de consultation médicale indique que la perte d'audition du demandeur n'est pas imputable à son service militaire et qu'aucune preuve n'étaie la conclusion que les problèmes que lui causent ses genoux découlent de son service dans les forces armées.


[21]         Pour ces motifs, j'estime qu'on ne peut pas dire que le Tribunal est parvenu à une conclusion manifestement déraisonnable ou qu'il n'a pas tenu compte de la preuve médicale d'une façon appropriée relativement aux prétentions de M. Weare à l'égard de ses genoux et de son audition. Comme le demandeur n'a pas établi de lien de causalité, le Tribunal ne peut pas conclure qu'il en existe un quand les rapports médicaux qu'il a demandés indiquent le contraire. Dans ces circonstances, le Tribunal ne peut pas simplement conclure que les affections qui se sont développées de nombreuses années après la démobilisation de M. Weare étaient causées par sa chute pendant l'entraînement en 1958.

[22]         Quant aux problèmes de dos du demandeur, la lettre d'un certain Dr. Côté, datée du 4 décembre 1995, semble faire état d'un lien de causalité possible entre les blessures qu'il a subies aux pieds, imputables au service militaire, et ses problèmes de dos croissants. Les passages importants de cette lettre sont les suivants :

[TRADUCTION] [...] à mon avis, tout état médical préexistant des membres inférieurs contribue à l'évolution de l'arthrose dans la colonne lombaire et en accélère l'évolution. En particulier, son problème de pied plat bilatéral, qui consiste en un valgus excessif de l'arrière-pied, un metatarsus valgus excessif et un léger varus de l'avant-pied, donne lieu à une démarche du pied plat. Cette anomalie physique, qui est apparemment survenue suite à la chute qu'il a faite alors qu'il était dans les forces armées, pourrait certainement contribuer à une pression mécanique plus grande sur la colonne lombaire donnant lieu à une évolution croissante de l'arthrose. Par conséquent, à mon avis, ses problèmes de pieds peuvent certainement contribuer à son problème de dos.

[23]         Cet avis est directement contredit par le rapport préparé par le Service de consultation médicale, qui prévoit :

[TRADUCTION] Rien ne fait état d'arthrose de la colonne lombaire pendant toute la période de son service dans la Force régulière. À son examen médical du 27 novembre 1959 lors de sa libération, il a nié être ou avoir été blessé et à l'examen, aucune anomalie de la colonne vertébrale n'a été signalée.

La preuve médicale disponible n'étaye pas la conclusion selon laquelle l'arthrose de la colonne lombaire est directement reliée au service dans la Force régulière.

L'ancien militaire reçoit une pension pour pied plat. D'après l'opinion médicale, les affections des pieds telles que les pieds plats n'aggravent pas l'arthrose de la colonne lombaire.


La preuve médicale disponible n'étaye pas la conclusion que l'arthrose de la colonne lombaire dont souffre M. Weare est consécutive à l'affection de pied plat bilatéral pour laquelle il reçoit une pension.

Le 24 septembre 1990, le médecin principal de district qui l'a examiné n'a pas signalé le raccourcissement d'une jambe par rapport à l'autre.

D'après l'opinion médicale, une démarche modifiée, en l'absence de raccourcissement, ne contribue pas en elle-même de façon importante à la dégradation de la région lombo-sacrée de la colonne vertébrale.

La preuve médicale disponible n'étaye pas la conclusion que l'arthrose de la colonne lombaire est consécutive aux affections ouvrant droit à pension présumées d'arthrose du genou droit et d'arthrose du genou gauche.

Il n'y a pas suffisamment de preuve au dossier pour faire une évaluation.

[24]         Le Tribunal a le droit de reconnaître la preuve qu'il estime la plus forte pourvu qu'il tienne compte des règles spéciales énoncées à l'article 39 de la Loi actuelle et n'ait pas recours à un raisonnement imparfait en évaluant la preuve[10]. Je ne suis pas convaincu que le Tribunal a commis de telles erreurs en l'espèce en évaluant la preuve contradictoire. Dans sa décision, le Tribunal a mentionné que :

[TRADUCTION] En conformité avec les articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le Tribunal a interprété de façon libérale la preuve et en a évalué l'importance, tranchant tout doute en faveur de l'appelant.

En tirant sa conclusion concernant la blessure à la colonne lombaire, le Tribunal qui a examiné la lettre du Dr Côté, en date du 4 décembre 1995, a statué :

[TRADUCTION] Le comité a revu la preuve présentée pour étayer l'affection prétendue et a tenu compte du témoignage et de la déclaration de l'appelant. Malheureusement, le comité conclut que la preuve médicale est insuffisante pour étayer la conclusion que la maladie de la colonne lombaire est imputable au service de l'appelant dans la Force régulière et sera donc rejetée en vertu du paragraphe 21(2). De même, compte tenu d'éléments de preuve d'ordre médical, le comité conclut qu'il n'y a aucun lien entre l'affection prétendue de la colonne lombaire et l'affection préexistante de pied plat bilatéral, ayant ouvert droit à pension et est donc incapable de trouver une relation de cause à effet pour décider de l'affaire en vertu du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions.


[25]         Je ne suis pas convaincu que la conclusion du Tribunal relativement à l'affection de la colonne vertébrale du demandeur était manifestement déraisonnable. En outre, je ne suis pas convaincu que le TACRA a commis une erreur en appliquant les règles spéciales prévues par la Loi.

[26]         Je remarque que dans son argumentation écrite, le demandeur a vivement souligné le fait que l'officier qui a rédigé le rapport médical préparé à sa démobilisation en 1959 avait fait preuve de partialité envers lui et qu'en conséquence le rapport médical, et l'absence de mention de ses blessures dans celui-ci, devrait être traité avec circonspection. Bien que les circonstances entourant la production de ce rapport puissent mettre en question le crédit à lui accorder, dans une demande de contrôle judiciaire d'une décision du TACRA, pour que la Cour conclue que ce dernier a accordé au rapport une importance non justifiée, le demandeur doit étayer son point de vue sur la prise en considération irrégulière du rapport à l'aide d'une preuve dont le Tribunal disposait. Le dossier certifié des éléments de preuve présentés au Tribunal ne permet pas de croire qu'une preuve concernant la partialité ou l'injustice de l'officier qui a procédé à l'examen médical a été présentée au Tribunal ou que ce point a même été soulevé devant celui-ci. Rien ne permet à la Cour de conclure que le TACRA a commis une erreur en examinant le rapport médical, rendu il y a près de 40 ans. Quoi qu'il en soit, ce rapport n'en était qu'un parmi d'autres et rien ne permet d'estimer qu'il a eu plus d'importance que les autres dans la décision du Tribunal.

[27]         Pour ces motifs, je ne suis pas convaincu que la Cour est justifiée d'intervenir et d'annuler la décision du Tribunal. Une ordonnance est rendue rejetant la demande de contrôle judiciaire.


[28]         Cette ordonnance ne porte évidemment pas atteinte aux droits éventuels de M. Weare de demander au Tribunal de rééxaminer son affaire compte tenu de toute nouvelle preuve qui étayerait sa demande de droit à pension.

W. Andrew MacKay

                                                     

Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 11 août 1998.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


Date : 19980811

Dossier : T-347-97

OTTAWA (Ontario), le mardi 11 août 1998.

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

                   DELBERT R. WEARE,

                                            demandeur,

                          et

            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                            défendeur.

Vu la demande présentée par le demandeur en vue d'obtenir le contrôle judiciaire d'une décision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), datée du 23 janvier 1997, et en vue d'obtenir l'annulation de ladite décision par laquelle il a été décidé qu'il n'avait pas droit aux prestations de pension pour certaines affections, et notamment l'arthrose dans les genoux droit et gauche et la colonne lombaire, et la perte d'audition, qui découleraient prétendument du service du demandeur dans la Force régulière des Forces armées canadiennes en 1958 et en 1959;

Après avoir entendu le demandeur qui a comparu en son propre nom et avoir entendu l'avocat du défendeur, à Halifax le 9 mars 1998, date à laquelle la décision a été remise à plus tard, et compte tenu des arguments présentés;


                  O R D O N N A N C E

IL EST ORDONNÉ que la demande soit rejetée.

W. Andrew MacKay

                                                     

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


                COUR FÉDÉRALE DU CANADA

             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                 T-347-97

INTITULÉ DE LA CAUSE : DELBERT R. WEARE

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :           HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DATE DE L'AUDIENCE :           LE 9 MARS 1998

MOTIFS DU JUGEMENT PAR LE JUGE MACKAY

EN DATE DU :                   11 AOÛT 1998

ONT COMPARU :

DELBERT WEARE                                    POUR LE DEMANDEUR

DAVID HANSEN                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MORRIS ROSENBERG                           POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

OTTAWA (ONTARIO)



     [1]       (1997), 129 F.T.R. 286.

     [2]       (1995), 103 F.T.R., pages 314 à 316.

     [3]       (12 juin 1996), no du greffe A-263-95, [1996] A.C.F. no 825 (C.A.F.).

     [4]       Voir MacLeod c. Canada (Tribunal des anciens combattants (révision et appel) ( 3 avril 1998), no du greffe T-2863-96, [1998] A.C.F.    no 428 (C.F. 1re inst.); Henderson c. Canada (Procureur général) (13 janvier 1998), no du greffe T-29-97, [1998] A.C.F. no 85 (C.F. 1re inst.).

     [5]       Voir Hunt c. Canada (Ministre des Anciens combattants), (20 mars 1998), no du greffe T-217-97, [1998] A.C.F. no 377 (C.F. 1re inst.).

     [6]       (1991), 136 N.R. 377 (C.A.F.).

     [7]       (1993), 63 F.T.R. 188.

     [8]       Voir Tonner c. Canada (Ministre des Anciens combattants) (1995), 94 F.T.R. 146, confirmée par l'arrêt précité (C.A.F.), traitant du Tribunal d'appel des anciens combattants.

     [9]       (22 juin 1998), no du greffe T-2267-97, [1998] A.C.F. n o 890 (C.F. 1re inst.).

     [10]     La décision Hornby, précitée note 7.


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