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     Date: 19980622

     Dossier: T-748-96

OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI 22 JUIN 1998

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE McGILLIS

         AFFAIRE INTÉRESSANT un appel interjeté                 
         en vertu des articles 56 et 59 de la Loi sur les         
         marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13

     et

         L'OPPOSITION de la Becker Milk Company Limited à la
         demande canadienne no 656,918 présentée par
         l'Interstate Brands Company - Licensing Co. et visant à
         l'enregistrement de la marque de commerce et au dessin
         DOLLY MADISON BAKERY

E n t r e

     INTERSTATE BRANDS COMPANY - LICENSING CO.,

     appelante

     (requérante),

     et

     THE BECKER MILK COMPANY LIMITED,

     intimée

     (opposante),

     JUGEMENT

     L'appel est rejeté avec dépens.

     Juge

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.

     Date: 19980622

     Dossier: T-748-96

         AFFAIRE INTÉRESSANT un appel interjeté                 
         en vertu des articles 56 et 59 de la Loi sur les         
         marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13

     et

         L'OPPOSITION de la Becker Milk Company Limited à la
         demande canadienne no 656,918 présentée par
         l'Interstate Brands Company - Licensing Co. et visant à
         l'enregistrement de la marque de commerce et au dessin
         DOLLY MADISON BAKERY

E n t r e

     INTERSTATE BRANDS COMPANY - LICENSING CO.,

     appelante

     (requérante),

     et

     THE BECKER MILK COMPANY LIMITED,

     intimée

     (opposante),

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE McGILLIS

INTRODUCTION

[1]      L'appelante Interstate Brands Company-Licensing Co. (Interstate) interjette appel en vertu des articles 56 et 59 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C (1985), ch. T-13, modifiée, d'une décision par laquelle le registraire des marques de commerce a, le 30 janvier 1996, refusé d'enregistrer la marque de commerce et le dessin DOLLY MADISON BAKERY1.

LES FAITS

[2]      L'Interstate et ses prédécesseurs sont des sociétés américaines qui emploient les marques de commerce DOLLY MADISON aux États-Unis d'Amérique depuis 1912. L'Interstate est titulaire, par suite d'une cession, d'onze marques de commerce qui ont été enregistrées aux États-Unis entre 1940 et 1987 relativement au nom DOLLY MADISON, qui est utilisé en liaison avec des produits de boulangerie et des amuse-gueule. Plus précisément, Interstate possède et utilise la marque de commerce et le dessin DOLLY MADISON BAKERY aux États-Unis depuis 1987.

[3]      L'Interstate vend des produits de boulangerie DOLLY MADISON à des épiceries et à des dépanneurs. Le chiffre de ventes de l'Interstate, pour la période de 1988 à 1993, dépasse les deux milliards de dollars US. Ses marques de commerce DOLLY MADISON sont bien connues aux États-Unis, où elles sont utilisées en liaison avec des produits de boulangerie. Dolly Madison est un personnage historique: c'était la femme de James Madison, le quatrième président des États-Unis. Elle a vécu de 1768 à 1849.

[4]      Le 24 mars 1931, une autre société américaine, la Philadelphia Dairy Products Company, Inc., est devenue propriétaire enregistrée aux États-Unis de la marque de commerce DOLLY MADISON utilisée en liaison avec de la crème glacée. Dans le certificat d'enregistrement délivré par le bureau américain des brevets, il était mentionné que cette compagnie utilisait la marque de commerce en question sans interruption depuis novembre 1930. Le droit de propriété sur cette marque de commerce appartient maintenant aux États-Unis à la Seligco Food Corporation (Seligco). La marque de commerce DOLLY MADISON détenue par la Seligco relativement à de la crème glacée coexiste aux États-Unis avec les marques de commerce DOLLY MADISON dont l'Interstate est titulaire relativement à des produits de boulangerie.

[5]      Le 21 décembre 1979, The Becker Milk Company Limited (Becker), une société canadienne, a présenté une demande en vue de faire enregistrer la marque de commerce DOLLY MADISON au Canada pour l'utiliser en liaison avec de la crème glacée. La Becker exploite des dépanneurs et vend une large gamme de produits alimentaires, notamment de la crème glacée, des produits de boulangerie et des gâteaux congelés. En raison de l'espace limité dont elle dispose dans ses magasins, tous les produits alimentaires sont vendus les uns près des autres.

[6]      La Seligco s'est opposée à la demande présentée par la Becker en vue de faire enregistrer la marque de commerce DOLLY MADISON au Canada en liaison avec de la crème glacée.

[7]      Le 19 janvier 1982, la Seligco a présenté au Canada une demande en vue de faire enregistrer la marque de commerce DOLLY MADISON pour l'utiliser en liaison avec de la crème glacée, du lait glacé et du yogourt glacé. La Becker s'est opposée à cette demande.

[8]      En 1984, le registraire des marques de commerce a rejeté l'opposition formée à l'encontre de la demande de la Becker au motif que la Seligco n'avait pas réussi à démontrer que sa marque de commerce était connue au Canada et que la marque de commerce de la Becker n'avait pas un caractère distinctif suffisant2.

[9]      Avant 1984, la Becker avait vendu des briques de crème glacée offertes en des parfums traditionnels sous la marque de commerce BECKER'S. En 1984, la Becker a adopté la marque de commerce DOLLY MADISON pour identifier une crème glacée de qualité supérieure vendue en une large gamme de parfums, et elle emploie depuis lors cette marque au Canada. La Becker a lancé la crème glacée DOLLY MADISON sur le marché pour offrir un plus vaste choix au consommateur et pour livrer concurrence à certaines crèmes glacées de marques renommées. Bien que la Becker soit désignée sur l'emballage comme étant le fabricant de la crème glacée, son nom ne figure nulle part ailleurs sur l'emballage. En conséquence, les consommateurs associent le nom DOLLY MADISON à une crème glacée de marque renommée. En raison de la popularité de sa crème glacée préemballée de marque DOLLY MADISON, la Becker a installé des réfrigérateurs à crème glacée dans bon nombre de ses magasins et a commencé à vendre des cornets de crème glacée sous la marque DOLLY MADISON. La Becker utilise la marque de commerce DOLLY MADISON et en fait la promotion en tant que " marque maison " en liaison avec les produits de crème glacée de qualité supérieure qu'elle fabrique et vend dans plus de 650 de ses magasins en Ontario.

[10]      Le 4 décembre 1986, la Seligco s'est désistée de sa demande d'enregistrement de la marque de commerce DOLLY MADISON destinée à être utilisée en liaison avec de la crème glacée, du lait glacé et du yogourt glacé.

[11]      Le 11 décembre 1987, la Becker est devenue la titulaire au Canada de la marque de commerce DOLLY MADISON enregistrée sous le numéro 335,075 pour l'utiliser en liaison avec de la crème glacée. Le 5 février 1988, la Seligco a été enregistrée à titre d'usager inscrit de la marque de commerce DOLLY MADISON à la suite d'un contrat qu'elle avait négocié avec la Becker.

[12]      Au cours de la période de 1988 à 1991, le chiffre de ventes réalisé par la Becker en ce qui concerne sa crème glacée DOLLY MADISON s'établissait à environ 10 800 000 $. La Becker avait également annoncé abondamment la vente de sa crème glacée DOLLY MADISON dans les journaux et à la radio.

[13]      Le 9 mai 1990, l'Interstate a présenté au Canada une demande d'enregistrement de la marque de commerce et du dessin DOLLY MADISON BAKERY pour les utiliser en liaison avec des produits de boulangerie. L'Interstate fondait sa demande sur l'utilisation et l'enregistrement de cette marque aux États-Unis. Le 26 juin 1991, l'Interstate a renoncé au droit exclusif de dissocier le mot " bakery " du reste de la marque de commerce. Le 27 novembre 1991, la demande d'enregistrement a été annoncée dans le Journal des marques de commerce.

[14]      Le 27 mars 1992, la Becker a déposé une déclaration d'opposition au motif que la marque de commerce et le dessin DOLLY MADISON BAKERY créaient de la confusion avec la marque DOLLY MADISON et qu'ils n'étaient donc pas enregistrables aux termes de l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce. Elle alléguait également que l'Interstate n'avait pas droit à l'enregistrement aux termes du paragraphe 16(2), étant donné que sa marque de commerce créait de la confusion avec la marque de commerce préalablement utilisée et révélée de la Becker, et que la marque de commerce de l'Interstate ne permettait pas de distinguer ses marchandises de celles d'autres compagnies.

[15]      L'Interstate a déposé une déclaration reconventionnelle dans laquelle elle a nié les allégations formulées par la Becker dans sa déclaration d'opposition. L'Interstate et la Becker ont chacune soumis des affidavits et une audience s'est déroulée devant la Commission des oppositions des marques de commerce.

[16]      Le 30 janvier 1996, le registraire a rejeté la demande présentée par l'Interstate en vue de faire enregistrer la marque de commerce et le dessin DOLLY MADISON BAKERY destinées à être utilisées en liaison avec des produits de boulangerie.

[17]      Dans sa décision, le registraire a souligné que la question centrale était celle de savoir si la marque de commerce et le dessin DOLLY MADISON BAKERY que l'Interstate se proposait d'utiliser en liaison avec des produits de boulangerie créaient de la confusion avec la marque de commerce DOLLY MADISON utilisée par la Becker relativement à de la crème glacée. Dans son analyse de cette question, le registraire a notamment déclaré ce qui suit:

         [TRADUCTION] C'est à la requérante qu'il incombe, légalement, de démontrer que sa marque de commerce et son dessin DOLLY MADISON BAKERY ne seraient pas susceptibles de créer de la confusion, au sens du paragraphe 6(2), avec la marque DOLLY MADISON de l'opposante. L'imposition de ce fardeau de preuve au requérant signifie que, si l'on ne peut tirer de conclusion décisive une fois que tous les éléments de preuve ont été produits, la question doit être tranchée à l'encontre du requérant (voir le jugement John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., (1990), 30 C.P.R. (3d) 293, aux pages 297 et 298 (C.F. 1re inst.)). Pour décider s'il existe un risque raisonnable de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, notamment de celles qui sont énumérées au paragraphe 6(5), à savoir:                 
         6(5)      En décidant si des marques de commerce [...] créent de la confusion, [...] le registraire [...] tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris:                 
             a)      le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;                 
             b)      la période pendant laquelle les marques de commerce [...] ont été en usage;                 
             c)      le genre de marchandises, services ou entreprises;                 
             d)      la nature du commerce;                 
             e)      le degré de ressemblance entre les marques de commerce [...] dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'[elles] suggèrent.                 
             La marque de commerce DOLLY MADISON [de la Becker] possède un caractère distinctif inhérent relativement faible, étant donné que le nom et le prénom qui la composent ont un caractère distinctif faible. Les caractéristiques du dessin de la marque de commerce DOLLY MADISON BAKERY améliorent le caractère distinctif de la marque [d'Interstate], mais, dans l'ensemble, la marque demeure relativement faible. Le mot BAKERY, auquel la requérante a renoncé dans la demande à l'examen, n'ajoute rien au caractère distinctif de la marque visée par la demande d'enregistrement. Qui plus est, le caractère distinctif inhérent des marques des parties est diminué en raison du fait que les Canadiens reconnaîtraient le nom de Dolly Madison comme un personnage historique américain. Il est indubitable que la marque [de la Becker] avait acquis une solide réputation au Canada à la date pertinente la plus ancienne, à savoir le 9 mai 1990 [...]                 

[18]      Après avoir examiné la preuve administrée par la Becker pour s'opposer à la demande, le registraire s'est penché sur les éléments de preuve soumis par l'Interstate. Il a fait remarquer que [TRADUCTION] " [...] À toute l'époque en cause, la marque de commerce et le dessin DOLLY MADISON BAKERY jouissaient aux États-Unis d'une solide réputation relativement à des produits de boulangerie ". Il a également fait remarquer que la marque de commerce et le dessin DOLLY MADISON BAKERY [TRADUCTION] " [...] étaient peut-être connus au Canada au niveau de minimis à l'époque en cause en raison du fait que des Canadiens qui voyageaient aux États-Unis avaient pu les voir là-bas ". Toutefois, pour ce qui est de l'utilisation, le registraire a conclu que [TRADUCTION] " [...] la durée de l'utilisation des marques en litige au Canada favorise la thèse de [la Becker], qui affirme employer sa marque DOLLY MADISON depuis au moins 1987, alors que [l'Interstate] n'a pas réussi à démontrer qu'elle employait sa marque et son dessin DOLLY MADISON BAKERY au Canada ". Le registraire a également conclu, relativement au genre des marchandises, que celles-ci étaient [TRADUCTION] " assez étroitement liées " et qu'il existait un [TRADUCTION] " risque de chevauchement " pour ce qui était de la nature du commerce. En ce qui concerne l'alinéa 6(5)e) de la Loi sur les marques de commerce, le registraire a conclu que les marques se ressemblaient [TRADUCTION] " [...] beaucoup à tous égards ". En particulier, il a fait remarquer que [TRADUCTION] " la marque d'[Interstate] est constituée de la marque de [la Becker] en son entier, ainsi que d'un dessin assez peu distinctif et d'un mot qui n'a aucun caractère distinctif (le mot BAKERY) ".

[19]      Le registraire a également examiné, dans son analyse, la thèse de l'Interstate suivant laquelle la coexistence et l'utilisation simultanée aux États-Unis de sa marque de commerce en liaison avec des produits de boulangerie et de la marque de commerce utilisée par la Seligco en liaison avec de la crème glacée n'avaient créé aucune confusion. À cet égard, voici ce qu'écrit le registraire:

         [TRADUCTION] [L'Interstate] cherche à étayer sa thèse en se fondant sur l'affidavit souscrit par M. Joseph Vangreen et sur le témoignage de M. Sutton. Ainsi que je l'ai déjà souligné, l'affidavit de M. Vangreen a été produit pour le compte de la Seligco (l'opposante) dans le cadre de l'opposition entre Seligco et la Becker. Bien que le contenu de l'affidavit puisse être pertinent dans le cadre d'une instance à laquelle Seligco est partie, l'affidavit n'est pas recevable en l'espèce pour établir la véracité de son contenu (et ne saurait nuire à la Becker). On trouve au paragraphe 11 de l'affidavit de M. Sutton d'autres éléments de preuve à l'appui de la thèse de [l'Interstate] suivant laquelle les marques DOLLY MADISON utilisées en liaison avec de la crème glacée et des produits de boulangerie coexistent aux États-Unis sans créer de confusion:                 

     [...]

         Dans son affidavit, M. Sutton ne précise pas le chiffre d'affaires que la Seligco a réalisé aux États-Unis grâce à ses marques. Il ne fournit pas non plus de précisions au sujet du circuit commercial utilisé par la Seligco aux États-Unis. De plus, M. Sutton n'affirme pas explicitement qu'il aurait été informé de cas de confusion véritable entre les marques de la Seligco et celles de l'Interstate ou que son entreprise est dotée d'un mécanisme qui permet de signaler les cas de confusion à la haute direction. Même si j'étais disposé à accepter telle quelle l'affirmation de M. Sutton selon laquelle aucune confusion n'a été créée aux États-Unis entre les marques de la Seligco et les marques de l'Interstate, les éléments de preuve qu'il a présentés à cet égard ne sont pas suffisants pour me permettre de tirer des inférences au sujet des risques de confusion au Canada.                 

[20]      Pour trancher la question de la confusion, le registraire a appliqué le critère de " la première impression et du vague souvenir " et a conclu que la marque de commerce et le dessin DOLLY MADISON BAKERY de l'Interstate créaient de la confusion avec la marque de commerce DOLLY MADISON de la Becker. En conséquence, il a rejeté la demande présentée par l'Interstate en vue de faire enregistrer sa marque de commerce et son dessin DOLLY MADISON BAKERY.

[21]      Le 1er avril 1996, l'Interstate a interjeté appel de la décision du registraire. À l'appui de son appel, l'Interstate a déposé de nouveaux éléments de preuve, à savoir les affidavits de Mme Nancy Montague et de M. Ray Sandy Sutton.

[22]      Dans son affidavit, Mme Montague a déclaré sous serment qu'elle travaillait pour l'Information Resources, Inc. (I.R.I.), une société américaine d'études de marché reconnue à l'échelle du pays qui calcule des données sur les parts de marché à l'aide d'appareils de contrôle électronique qui enregistrent les ventes effectuées dans les épiceries. L'Interstate a demandé à l'I.R.I. [TRADUCTION] " [...] de calculer le nombre de marchés représentatifs des États-Unis dans lesquels les petits gâteaux Dolly Madison et la crème glacée Dolly Madison sont vendus ". Pour obtenir les renseignements que l'Interstate lui demandait, l'I.R.I. a consulté sa banque de données, qui renferme des données recueillies en [TRADUCTION] " [...] retraçant les produits portant le code universel des produits en répertoriant les épiceries inscrites sur la liste des magasins représentatifs de l'I.R.I. [...] " L'annexe A jointe à l'affidavit exposait les ventes de gâteaux DOLLY MADISON et de crème glacée DOLLY MADISON effectuées dans certains magasins sur les marchés échantillons au cours d'une période de treize semaines. On a constaté que de la crème glacée DOLLY MADISON avait été vendue dans les mêmes quarante marchés où des gâteaux DOLLY MADISON avaient été vendus. Dans son affidavit, Mme Montague a formulé la dénégation suivante au sujet de l'exactitude des données de l'I.R.I.:

         [TRADUCTION] Les méthodes InfoScan" de l'IRI reposent, dans toute la mesure du possible, sur une théorie d'échantillonnage scientifique. Ces méthodes consistent notamment à recueillir un échantillon des renseignements désirés et de projeter les résultats observés sur une plus large échelle. Elles sont donc sujettes à une marge d'erreur statistique. De plus, les sources de renseignements utilisées par l'IRI pour compiler les données et pour établir les rapports sont diverses; ainsi, l'IRI se sert de données provenant de points de vente au détail de tiers. Certaines sources échappent au contrôle de l'IRI. Bien qu'elle estime que ces sources sont fiables, l'IRI n'est pas en mesure de vérifier directement les renseignements qu'elle obtient de ces sources. De plus, bien qu'elle ait pour politique de faire tout en son pouvoir pour remettre des rapports fiables et exacts en utilisant des techniques modernes qui respectent les normes reconnues en matière d'études de marché, l'IRI ne fait aucune déclaration et ne donne aucune garantie expresse ou implicite quant à l'exactitude, la valeur commerciale ou la convenance à une fin déterminée des données ou des résultats obtenus à partir des données en question.                 

[23]      Dans l'affidavit qu'il a souscrit au soutien du présent appel, M. Sutton mentionne l'annexe A de l'affidavit de Mme Montague et déclare sous serment que [TRADUCTION] " [...] on n'a jamais signalé aux États-Unis de cas de confusion entre la marque de commerce DOLLY MADISON [de l'Interstate] employée en liaison avec des petits gâteaux et la marque de commerce DOLLY MADISON employée pour de la crème glacée, malgré le fait qu'il arrive fréquemment que ces produits se retrouvent dans les mêmes marchés ". M. Sutton affirme en outre que toute confusion lui aurait été signalée à son bureau en sa qualité de conseiller général, vu les fonctions qu'il exerce pour tout ce qui concerne les marques de commerce. Finalement, il déclare que l'Interstate [TRADUCTION] " [...] n'était pas au courant de cas signalés de confusion entre les marques ou d'indice permettant de croire que les consommateurs croyaient que les produits pouvaient provenir de la même source ".

[24]      Il n'y a pas eu de contre-interrogatoire au sujet des affidavits qui ont été déposés en appel.

QUESTION EN LITIGE

[25]      La question à trancher dans le présent appel est celle de savoir si le registraire a commis une erreur en concluant que la marque de commerce et le dessin DOLLY MADISON BAKERY de l'Interstate créaient de la confusion avec la marque de commerce DOLLY MADISON de la Becker. En particulier, la Cour doit décider si son intervention est justifiée au motif que les nouveaux éléments de preuve qui ont été présentés en appel sont importants ou très pertinents.

ANALYSE

[26]      Dans le cas d'un appel interjeté en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, c'est à l'appelant qu'il incombe de démontrer que le registraire a commis une erreur [voir les arrêts Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192 et Beverly Bedding and Upholstery Ltd., (1982), 60 C.P.R. (2d) 70 (C.A.F.)]. Bien que la décision du registraire mérite qu'on lui accorde beaucoup de poids et qu'on ne doive pas l'annuler à la légère à moins que le registraire n'ait commis une erreur, le juge saisi de l'appel doit trancher la question en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes [voir l'arrêt Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp., précité et le jugement Calumet Manufacturing Ltd. c. Mennen Canada Inc., (1992), 40 C.P.R. 76, à la page 84 (C.F. 1re inst.)]. La charge qui incombe à l'appelant est lourde et la Cour ne peut remplacer l'opinion du registraire par sa propre opinion [voir le jugement Polysar Ltd. c. Gesco Distributing Ltd., (1985), 6 C.P.R. (3d) 289 (C.F. 1re inst.)]. Toutefois, lorsque de nouveaux éléments de preuve importants sont présentés en appel, la Cour peut exercer un contrôle plus serré [voir, par exemple, les jugements Danjaq, S.A. c. Zervas, (1997), 75 C.P.R. (3d) 295, à la page 299 (C.F. 1re inst.), Hugo Boss AG c. Paragon Clothing Ltd., (1994), 58 C.P.R. (3d) 504, à la page 511 (C.F. 1re inst.) et Haskett c. Queenswear International Ltd., (1997), 74 C.P.R. (3d) 472 (C.F. 1re inst.)].

[27]      Les avocats des parties ont convenu, pour le présent appel, que la coexistence et l'utilisation simultanée des marques de commerce aux États-Unis constituent un facteur pertinent pour évaluer la question de la confusion au Canada [voir le jugement Kellogg Co. et al. v. Imperial Oil Ltd., (1996), 67 C.P.R. (3d) 426 (C. Ont., Div. gén.)]. D'ailleurs, le registraire ne s'est pas inscrit en faux contre cette proposition, mais a plutôt conclu que les éléments de preuve portés à sa connaissance au sujet de la question de la confusion aux États-Unis n'étaient pas [TRADUCTION] " [...] suffisants pour qu'on puisse tirer des inférences au sujet des risques de confusion au Canada ".

[28]      Pour décider si le registraire a commis une erreur en concluant qu'il y avait un risque de confusion entre les deux marques, il y a lieu d'examiner les incidences, s'il en est, des nouveaux éléments de preuve qui ont été produits lors de l'appel.

[29]      Les avocats des parties ont fait valoir des points de vue opposés au sujet de la valeur et de l'importance à accorder aux nouveaux éléments de preuve présentés en appel.

[30]      Pour ce qui est de l'affidavit de Mme Montague, l'avocat de l'intimée a fait valoir que les éléments de preuve contenus dans cet affidavit étaient [TRADUCTION] " sans valeur " pour diverses raisons. Il a d'abord affirmé que les éléments de preuve étaient de la nature d'un témoignage d'expert, alors que Mme Montague avait déclaré tout simplement qu'elle [TRADUCTION] " travaillait pour " l'I.R.I. sans préciser les titres et qualités, s'il en est, qu'elle possédait et qui lui permettaient de communiquer les données et l'analyse. Il a en outre fait remarquer que l'affidavit ne renfermait aucun élément de preuve au sujet de l'échantillon qui avait été retenu ou de la signification des chiffres reproduits à l'annexe A. Il a ajouté qu'il était impossible de comprendre les renseignements qui étaient reproduits dans cette annexe. Finalement, il a fait remarquer que, non seulement il n'y avait pas de déclaration ou de garantie au sujet de l'exactitude des renseignements, mais qu'il y avait plutôt une dénégation complète à cet égard. Il a fait valoir qu'il s'en suivait que les éléments de preuve contenus dans l'affidavit de Mme Montague constituaient soit une preuve par ouï-dire inadmissible ou une preuve à laquelle il ne fallait accorder aucune valeur en raison de son manque de fiabilité inhérent.

[31]      Au sujet de l'affidavit souscrit par M. Sutton en appel, l'avocat de l'intimée a allégué que les paragraphes dans lesquels M. Sutton mentionnait des éléments de preuve contenus dans l'affidavit de Mme Montague et se fondait sur ces éléments étaient inadmissibles ou ne méritaient qu'on leur accorde que peu de valeur, sinon aucune. Au sujet des autres paragraphes de cet affidavit, il a affirmé que les éléments de preuve présentés étaient pour l'essentiel identiques à ceux qui avaient été portés à la connaissance du registraire. Il a notamment fait remarquer que M. Sutton n'avait pas précisé si l'Interstate avait un mécanisme de dénonciation des cas de confusion, une question qui préoccupait le registraire. L'avocat de l'intimée a en conséquence affirmé qu'on n'avait pas présenté suffisamment de nouveaux éléments de preuve en appel pour justifier de modifier la décision du registraire.

[32]      L'avocat de l'appelante a soutenu en réponse que l'affidavit de Mme Montague n'avait pas été soumis à titre de témoignage d'expert et qu'il était invoqué uniquement pour établir que les deux produits étaient vendus sur les territoires visés. Il a ajouté que M. Sutton avait déclaré dans les termes les plus nets dans son affidavit que tout cas de confusion lui aurait été signalé à son bureau et qu'il n'était au courant d'aucun cas de confusion.

[33]      J'ai attentivement examiné les éléments de preuve contenus dans les affidavits, ainsi que les observations formulées par les avocats. Même si je devais présumer que les éléments de preuve contenus dans l'affidavit de Mme Montague sont admissibles et qu'ils ne constituent pas un témoignage d'expert, je suis d'avis qu'on ne doit leur accorder que peu de valeur " sinon aucune " pour toutes les autres raisons invoquées par l'avocat de l'intimée. De même, les extraits de son affidavit dans lequel M. Sutton se fonde sur les éléments de preuve contenus dans l'affidavit de Mme Montague ne doivent se voir accorder que peu de valeur " sinon aucune " dans la présente instance.

[34]      Il ressort des autres éléments de preuve contenus dans l'affidavit de M. Sutton qu'il n'y a eu aucun cas de confusion véritable. Toutefois, lors de l'audience qui s'est déroulée devant le registraire, l'Interstate précisait, dans sa preuve, qu'il n'y avait eu [TRADUCTION] " [...] aucune confusion [...] " aux États-Unis entre son gâteau vendu sous la marque de commerce DOLLY MADISON et la crème glacée de marque DOLLY MADISON de la Seligco. Bien que M. Sutton affirme, dans l'affidavit qu'il a souscrit en appel, qu'il n'y a eu aucun cas de confusion véritable, la portée de cette preuve est restreinte par le fait qu'il a omis d'indiquer l'existence d'un mécanisme visant à faciliter la dénonciation des cas de confusion à son bureau. Dans ces conditions, je ne suis pas convaincue que les nouveaux éléments de preuve qui ont été présentés en appel sont assez pertinents ou convaincants pour justifier l'intervention de la Cour.

[35]      Vu l'ensemble des éléments de preuve versés au dossier et toutes les circonstances de l'espèce, y compris les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, je ne suis pas persuadée que le registraire a commis une erreur en concluant que la marque et le dessin DOLLY MADISON de l'Interstate créaient de la confusion avec la marque de commerce DOLLY MADISON de la Becker. J'en conclus donc que l'appelante ne s'est pas déchargée du fardeau qui lui incombait, dans le cadre du présent appel, de démontrer qu'il n'y a aucun risque de confusion entre les deux marques de commerce en question.



DISPOSITIF

[36]      L'appel est rejeté avec dépens.

OTTAWA     

Le 22 juin 1998.                                      Juge

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE:              T-748-96
INTITULÉ DE LA CAUSE:      INTERSTATE BRANDS COMPANY-LICENSING CO. c.

                     THE BECKER MILK CO. LTD.

LIEU DE L'AUDIENCE:          TORONTO
DATE DE L'AUDIENCE:          16 JUIN 1998

MOTIFS DU JUGEMENT prononcés par Mme le juge McGillis le 22 juin 1998

ONT COMPARU:

     Robert A. MacDonald                  pour l'appelante
     Brian W. Gray                      pour l'intimée
     Kathleen Murphy

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

     Gowling, Strathy & Henderson              pour l'appelante
     Ottawa (Ontario)
     Blake, Cassels & Graydon                  pour l'intimée
     Toronto (Ontario)
__________________

     1      Becker Milk Co. c. Interstate Brands Co. - Licensing Co., (1996), 67 C.P.R. (3d) 76 (C.O.M.C.).

     2      Seligco Food Corporation c. Becker Milk Co. Ltd., (1984), 3 C.P.R. (3d) 506 (C.O.M.C.).

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