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Date : 20040416

Dossier : IMM-6324-03

Référence : 2004 CF 575

Ottawa (Ontario), le 16 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN                                

ENTRE :

                                                               HLALO NDLOVU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 29 juillet 2003 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n'était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, et ce, en raison de l'absence de toute preuve crédible.


FAITS

[2]                Le demandeur est un citoyen du Zimbabwe âgé de 27 ans, qui prétend craindre avec raison d'être persécuté par les partisans de la Zimbabwe African National Union - Patriotic Front (la ZANU-PF), les anciens combattants, la police du Zimbabwe et la Central Intelligence Organization (CIO) en raison de ses opinions politiques. Le 24 juillet 2001, le demandeur a présenté une demande d'asile à son arrivée à l'aéroport de Dorval à Montréal.

[3]                Le demandeur prétend qu'il est membre du Liberty Party of Zimbabwe (le LPZ), qui s'oppose à la ZANU-PF au pouvoir. Il fait les allégations suivantes :

1.         en mai 2001, pendant que le demandeur assistait à une réunion du LPZ à Bulawayo, le demandeur ainsi que huit autres membres du LPZ ont été arrêtés, interrogés et détenus pendant environ une journée par la police anti-émeutes;

2.         le 3 juin 2001, pendant que le demandeur assistait à une réunion du LPZ, des anciens combattants sont arrivés sur les lieux, armés de bâtons de baseball, de bâtons, de massues et de haches. Ils se sont mis à brutaliser les membres du LPZ, y compris le demandeur. Ayant été suivi par certains de ses agresseurs jusque chez ses parents, le demandeur s'est enfui chez son oncle dans un autre township. Ses parents l'ont informé que quelqu'un avait appelé et avait menacé de le tuer, et aussi qu'un inconnu surveillait la maison familiale; et,


3.         le 9 juin 2001, ses parents l'ont informé que la police le recherchait pour l'interroger. En outre, les autorités gouvernementales ont communiqué avec la femme pour qui il travaillait et lui ont dit qu'elle devait le renvoyer, faute de quoi elle subirait des conséquences fâcheuses.

Le 21 juillet 2001, après ces incidents, le demandeur s'est enfui du Zimbabwe, en passant par l'Afrique du Sud et la France.

[4]                La Commission a conclu que le demandeur était membre du LPZ et qu'il craignait d'être persécuté en raison de ses opinions politiques. Toutefois, la Commission a décidé que le demandeur n'avait pas fourni suffisamment d'éléments de preuve crédibles à l'appui de sa demande, et ce, pour les motifs suivants :

1.         l'explication fournie par le demandeur quant aux raisons pour lesquelles il n'avait pas revendiqué le statut de réfugié pendant les deux jours qu'il avait passés en Afrique du Sud était déraisonnable et ne s'appuyait pas sur la preuve documentaire;

2.         l'explication fournie par le demandeur quant aux raisons pour lesquelles il n'avait pas revendiqué le statut de réfugié alors qu'il était en France était également déraisonnable et ne s'appuyait ni sur la preuve documentaire ni sur le propre témoignage du demandeur;

3.         les lettres corroborantes envoyées par le LPZ étaient de simples copies et étaient de nature suspecte;


4.         la preuve documentaire indique que le LPZ se livrait à la vente de fausses cartes d'identité et de lettres pour les besoins des demandes du statut de réfugié à l'étranger;

5.         la lettre d'appui de ZimRights, datée du 13 juin 2001, a été établie 2 mois avant le départ du demandeur du Zimbabwe, mais le demandeur ne l'a pas apportée au Canada et n'a pas réussi à expliquer la contradiction qu'il y avait dans son témoignage quant à savoir comment il avait reçu la lettre;

6.         la présence politique effacée du demandeur ne correspond pas à celle d'un activiste politique de l'opposition qui serait vraisemblablement persécuté s'il retournait au Zimbabwe; et

7.         le témoignage de la soeur du demandeur était vague et ne corroborait pas le récit du demandeur quant à la persécution.

ANALYSE

[5]                La Cour modifie une conclusion relative à la crédibilité lorsque celle-ci est fondée sur une conclusion de fait manifestement déraisonnable. Voir Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), et De (Da) Li Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 49 Imm. L.R. (2d) 161 (C.A.F.).

[6]                La Commission a largement fondé sa conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur sur la conclusion de fait erronée suivante, qui se trouve à la page 7 de sa décision :


[...] Il soutient que le LPZ s'est scindé en deux factions après la date de la correspondance mentionnée dans la preuve documentaire précitée de juin 2001, et qu'après la scission, le secrétaire général a signé toutes les lettres d'attestation. Cependant, la preuve documentaire dont j'ai été saisi concernant le LPZ corrobore que le LPG s'est scindé en deux factions politiques distinctes après juin 2001 [sic]. Au contraire, cette preuve documentaire indique que selon deux articles de journaux, soit un article du Zimbabwe Mirror du 16 juin 2000 et un article du journal The Daily News du 22 mai 2000, des dissensions au sein du LPG ont débouché sur la formation de deux groupes rivaux. Selon le Zimbabwe Mirror, l'un des groupes est dirigé par Canaan Moyo, et l'autre par Jubulani Ndlovu [...] Compte tenu de cela, on lui a demandépourquoi le secrétaire général du parti qui stait séparé, le Liberty Party, aurait signéla lettre du 5 janvier 2003 en son nom. Le demandeur n'a cependant pas pu répondre à cette question. [Non souligné dans l'original.]

Il s'agit là d'une citation erronée de la preuve documentaire parce que, selon l'article du Zimbabwe Mirror sur lequel s'appuie la Commission, le deuxième groupe est dirigé par Twoboy Jubane, et non par Jabulani Ndlovu. La preuve documentaire indique également que le secrétaire général, Jabulani-Ndlovu, était autorisé à signer les lettres d'attestation, et c'est son nom qui figure sur la lettre d'attestation datée du 5 janvier 2003 qu'a produite le demandeur. Je crois que la Commission a commis cette erreur tout au long de son analyse des lettres corroborantes du demandeur et qu'elle a donc tiré une conclusion défavorable quant à sa crédibilité en partie en raison de cette erreur quant à un fait important.

[7]                Contrairement à la Commission, je conclus que le demandeur et sa soeur ont tous deux témoigné que celle-ci avait quitté le Zimbabwe en 2002. En conséquence, le demandeur ne pouvait avoir fondé sa décision de 2001 quant à savoir s'il revendiquerait ou non le statut de réfugié en Europe sur un fait qui ne s'était pas encore produit. Le demandeur a quitté le Zimbabwe en 2001.


[8]                La preuve documentaire indique que les jeunes partisans du LPZ étaient victimes d'agressions, même si ce parti n'était pas un parti important d'opposition au ZANU-PF. La Commission a conclu le contraire. De plus, la Commission n'a pas fait référence au dossier d'hospitalisation daté du 9 juin 2001, que le demandeur a soumis à l'appui de son exposé des faits. Il s'agit d'une preuve corroborante importante qui aurait dû être prise en considération.

[9]                La lettre de ZimRights datée du 13 juin 2001 n'a pas été prise en considération, et ce, parce qu'elle avait été obtenue pour le demandeur par la même personne que celle qui avait obtenu les lettres du LPZ. La décision de la Commission de rejeter les lettres du LPZ étant manifestement déraisonnable, il me faut, à mon avis, annuler la présomption de la Commission suivant laquelle la lettre de ZimRights n'était pas crédible.

[10]            Je ne puis accepter la décision de la Commission de rejeter la demande pour cause de retard. Il n'y a eu aucun retard et le demandeur a expliqué de façon raisonnable et sensée pourquoi il n'avait pas revendiqué le statut de réfugié en Afrique du Sud et en France.

[11]            En conséquence, j'estime que la présente demande devrait être accueillie.

[12]            Les parties et la Cour conviennent que la présente demande ne soulève aucune question grave de portée générale à certifier.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu'il rende une nouvelle décision.

« Michael A. Kelen »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-6324-03

INTITULÉ :                                        HLALO NDLOVU

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                 EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE : LE 6 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                      LE 16 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Simon K. Yu                                        POUR LE DEMANDEUR

W. Brad Hardstaff                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Simon K. Yu, avocat                            POUR LE DEMANDEUR

Edmonton (Alberta)

Morris Rosenberg                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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