Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Date : 20060712

Dossier : T‑1309‑05

Référence : 2006 CF 873

OTTAWA (ONTARIO), le 12 juillet 2006

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge von Finckenstein

ENTRE :

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

demanderesse

 

et

 

TOMASZ WINNICKI

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande d’ordonnance pour outrage au tribunal. Le 7 septembre 2003, Richard Warman (M. Warman) a présenté une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP), alléguant que Tomasz Winnicki (M. Winnicki) faisait de la discrimination fondée sur la religion en transmettant sur Internet des messages susceptibles d’exposer les Juifs à la haine ou au mépris, en violation du paragraphe 13(1)de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 [la Loi].

 

[2]               Le Tribunal canadien des droits de la personne (le TCDP) a instruit les plaintes les 8 et 9 août 2005 et le 12 décembre 2005, et il a rendu sa décision le 13 avril 2006 (Warman c. Winnicki, 2006 TCDP 20).

 

[3]               Le 4 octobre 2005, le juge de Montigny, de la Cour fédérale, a accordé une injonction interlocutoire en attendant la décision définitive du Tribunal. Il a alors déclaré que M. Winnicki devait

s’abstenir de transmettre, au moyen de l’Internet, des messages susceptibles de susciter la haine ou le mépris à l’égard de certaines personnes en raison de leur race, origine ethnique ou nationale, couleur ou religion, en violation du paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

[4]               Soutenant que M. Winnicki continuait de publier des messages sur Internet en violation de l’ordonnance du juge de Montigny, la demanderesse a présenté une requête pour outrage au tribunal en application de l’article 367 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles).

 

[5]               Le 21 avril 2006, la juge Gauthier a conclu qu’une preuve suffisante lui avait été présentée pour satisfaire aux exigences de la première étape d’une demande d’ordonnance pour outrage et qu’on pouvait s’engager dans la deuxième partie du procès pour outrage. Par ordonnance du 5 juin 2006 et avec le consentement des parties, j’ai ajourné l’audience au 29 juin 2006 pour que M. Winnicki, qui s’était jusqu’alors représenté lui‑même, puisse tenter d’obtenir de l’aide juridique et les services d’un avocat.

 

[6]               Lors de l’audience du procès pour outrage le 29 juin 2004, M. Winnicki était accompagné de M. Dominic Lamb, dont il venait tout juste de retenir les services comme avocat. À la demande de M. Lamb et malgré l’objection de la CCDP, j’ai ordonné l’ajournement de l’affaire jusqu’au 4 juillet 2006 pour donner à M. Lamb l’occasion de prendre connaissance du dossier. L’audience a repris le 4 juillet 2006 comme prévu.

 

La question en litige

[7]               M. Winnicki a‑t‑il refusé d’obéir à l’ordonnance du juge de Montigny pendant la période s’étendant du 4 octobre 2005 (la date de l’ordonnance) jusqu’au 13 avril 2006 (la date de la décision du TCDP)?

 

LE DROIT DE L’OUTRAGE

[8]               Le juge Teitelbaum a dressé un excellent résumé des principes pertinents du droit de l’outrage dans Télé‑Direct (Publications) Inc. c. Canadian Business Online Inc. (1998), 151 F.T.R. 271, paragraphe 20 :

Je ne pourrais mieux présenter l’état de la jurisprudence sur la question de l’outrage au tribunal qu’en citant le mémoire de la demanderesse

 

[traduction]

LA CHARGE DE LA PREUVE

 

69.  Il incombe à la partie qui allègue la violation d’une ordonnance de prouver la désobéissance. Les instances en outrage au tribunal ayant une dimension quasi criminelle, le défendeur n’a pas à présenter de preuve.

 

[…]

 

LE FARDEAU DE LA PREUVE

 

71.  Une allégation d’outrage au tribunal a une dimension criminelle (ou du moins quasi criminelle). C’est donc dire que le demandeur doit démontrer les éléments constitutifs de l’outrage hors de tout doute raisonnable.

 

LA CONNAISSANCE

 

72.  La connaissance de l’existence de l’injonction suffit pour obliger à l’obéissance.

 

73.  Bien qu’une instance en outrage au tribunal s’apparente à une instance criminelle, il n’est pas nécessaire que la mens rea ait été prouvée pour que le tribunal conclue qu’il y a eu outrage. L’intention d’enfreindre une ordonnance n’est pas essentielle; la connaissance de l’injonction suffit pour entraîner la responsabilité en cas de désobéissance, qu’il y ait eu ou non intention de la défier.

 

[…]

 

VIOLATION DE L’INJONCTION

 

79.  Est coupable d’outrage au tribunal quiconque désobéit à un bref ou une ordonnance de la Cour.

 

80.  Il y a contravention à une ordonnance, telle une injonction, lorsque la partie qui y est visée y désobéit.

 

[…]

 

L’ENTRAVE À LA JUSTICE

 

[…]

 

89.  Les pouvoirs de la cour en matière d’outrage ont pour but général d’assurer le fonctionnement harmonieux du système judiciaire. Par conséquent, bien qu’une personne non liée personnellement à une injonction ne peut, techniquement, y contrevenir, elle peut quand même commettre un outrage au tribunal si elle a connaissance de l’injonction et si elle agit d’une façon qui tend à entraver le cours de la justice. Il peut également y avoir outrage lorsqu’une personne prête assistance à des actes défiant l’ordonnance de la Cour et traite délibérément cette ordonnance comme si elle n’était pas digne d’être prise en considération.

 

[Renvois omis]

 

 

Analyse

[9]               Les articles 466 et 467 des Règles prévoient ce qui suit :

466. Sous réserve de la règle 467, est coupable d’outrage au tribunal quiconque :

 

466. Subject to rule 467, a person is guilty of contempt of Court who:

 

a)  étant présent à une audience de la Cour, ne se comporte pas avec respect, ne garde pas le silence ou manifeste son approbation ou sa désapprobation du déroulement de l’instance;

 

(a)  at a hearing fails to maintain a respectful attitude, remain silent or refrain from showing approval or disapproval of the proceeding;

 

b)  désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour;

 

(b)  disobeys a process or order of the Court;

 

c)  agit de façon à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l’autorité ou à la dignité de la Cour;

 

(c)  acts in such a way as to interfere with the orderly administration of justice, or to impair the authority or dignity of the Court;

 

d)  étant un fonctionnaire de la Cour, n’accomplit pas ses fonctions;

 

(d)  is an officer of the Court and fails to perform his or her duty; or

 

e)  étant un shérif ou un huissier, n’exécute pas immédiatement un bref ou ne dresse pas le procès‑verbal d’exécution, ou enfreint une règle dont la violation le rend passible d’une peine.

 

(e)  is a sheriff or bailiff and does not execute a writ forthwith or does not make a return thereof or, in executing it, infringes a rule the contravention of which renders the sheriff or bailiff liable to a penalty.

 

 

467. (1) Sous réserve de la règle 468, avant qu’une personne puisse être reconnue coupable d’outrage au tribunal, une ordonnance, rendue sur requête d’une personne ayant un intérêt dans l’instance ou sur l’initiative de la Cour, doit lui être signifiée. Cette ordonnance lui enjoint :

 

467. (1) Subject to rule 468, before a person may be found in contempt of Court, the person alleged to be in contempt shall be served with an order, made on the motion of a person who has an interest in the proceeding or at the Court’s own initiative, requiring the person alleged to be in contempt:

 

a)  de comparaître devant un juge aux date, heure et lieu précisés;

 

(a)  to appear before a judge at a time and place stipulated in the order;

 

b)  d’être prête à entendre la preuve de l’acte qui lui est reproché, dont une description suffisamment détaillée est donnée pour lui permettre de connaître la nature des accusations portées contre elle;

 

(b)  to be prepared to hear proof of the act with which the person is charged, which shall be described in the order with sufficient particularity to enable the person to know the nature of the case against the person; and

 

c)  d’être prête à présenter une défense.

 

(c)  to be prepared to present any defence that the person may have.

 

(2) Une requête peut être présentée ex parte pour obtenir l’ordonnance visée au paragraphe (1).

 

(2) A motion for an order under subsection (1) may be made ex parte.

 

(3) La Cour peut rendre l’ordonnance visée au paragraphe (1) si elle est d’avis qu’il existe une preuve prima facie de l’outrage reproché.

 

(3) An order may be made under subsection (1) if the Court is satisfied that there is a prima facie case that contempt has been committed.

 

(4) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l’ordonnance visée au paragraphe (1) et les documents à l’appui sont signifiés à personne.

 

(4) An order under subsection (1) shall be personally served, together with any supporting documents, unless otherwise ordered by the Court.

 

[10]           Dans une instance en outrage, la Cour se trouve être, à toutes fins utiles, à la fois l’accusateur et le juge. Le juge Marceau en a expliqué les conséquences avec verve dans Valmet Oy c. Beloit Canada Ltée (1988), 20 C.P.R. (3d) 1, page 17 :

On a du mal à trouver une affaire portant sur le droit de l’outrage où la Cour n’a pas pris grand soin de mettre l’accent sur le principe fondamental selon lequel il s’agit d’une question qui doit être examinée et tranchée selon le droit très strict (strictissimi juris). Bien entendu, c’est que l’outrage au tribunal est une infraction à caractère pénal punissable par voie d’incarcération et de séquestration. Mais c’est aussi, je pense, que les tribunaux ont toujours senti le besoin de réaffirmer constamment, et de soutenir dans la mesure du possible, leur complète objectivité dans des situations où ils cumulent les fonctions de législateur, de juge et de punisseur. Quoi qu’il en soit, si je comprends bien les jugements, des règles strictes et sévères ont été élaborées sur la base de ce principe […]

 

[11]           Par conséquent, toutes les conditions doivent être rigoureusement remplies pour qu’une personne soit reconnue coupable d’outrage au tribunal.

 

[12]           Voici en l’espèce les parties pertinentes de l’ordonnance de la juge Gauthier :

[traduction]

2.      Ce dont M. Winnicki est accusé, c’est d’avoir, par son comportement plus amplement décrit ci‑dessous, désobéi à une ordonnance de la Cour et d’être ainsi coupable d’outrage au tribunal.

 

                                                            a)      Par ordonnance datée du 4 octobre 2005, le juge de Montigny a ordonné que

 

l’injonction interlocutoire soit accordée, jusqu’à ce que le Tribunal canadien des droits de la personne ait prononcé une décision finale dans l’affaire dont il est saisi. Le défendeur, Tomasz Winnicki, devra donc s’abstenir de transmettre, au moyen de l’Internet, des messages susceptibles de susciter la haine ou le mépris à l’égard de certaines personnes en raison de leur race, origine ethnique ou nationale, couleur ou religion, en violation du paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

                                                            b)      M. Winnicki ne s’est pas conformé à l’ordonnance datée du 4 octobre 2005 du juge de Montigny puisqu’il a continué à transmettre sur Internet des messages susceptibles de susciter la haine ou le mépris à l’égard de certaines personnes en raison de leur race, origine ethnique ou nationale, couleur ou religion, en violation du paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Des exemples de tels messages figurent aux paragraphes 7 et 8 de l’affidavit du 14 mars 2006 de M. Warman.

 

[13]           Pour avoir gain de cause dans le cadre de la présente requête, la demanderesse doit prouver à la fois la connaissance de l’ordonnance par le défendeur et la violation de l’ordonnance.

 

La connaissance

[14]           Jusqu’au présent procès, le demandeur s’était représenté lui‑même. Il en était ainsi lors de l’audience de justification devant la juge Gauthier. Conformément à la pratique et aux règles de la Cour, on a transmis par la poste à M. Winnicki une copie de la décision de la juge Gauthier. M. Winnicki a en outre demandé à la Cour (et obtenu) un ajournement lui permettant de retenir les services d’un avocat pour assurer sa défense. Finalement, le huissier Michael Collins a signifié l’ordonnance du juge de Montigny à M. Winnicki le 14 octobre 2005, par l’entremise de Maria Winnicki, un membre du ménage de M. Winnicki (se reporter à l’affidavit de signification de Michael Collins, au besoin, onglet 3).

 

[15]           L’avocat de M. Winnicki soutient que cela ne suffit pas. Sauf ordonnance contraire de la Cour, l’ordonnance devait être signifiée à personne en vertu du paragraphe 467(4) des Règles. Comme il n’y a pas eu une telle ordonnance en l’espèce et que le huissier n’a pas été assigné à témoigner, on n’a pas fait la preuve de la signification.

 

[16]           Cet argument, selon moi, ne peut tenir. M. Winnicki se représentait lui‑même lors de l’audience de justification devant la juge Gauthier et on lui a transmis copie de l’ordonnance de cette dernière. Il n’a jamais fait valoir devant la juge Gauthier qu’il n’avait pas connaissance de l’ordonnance, ce qui constituerait un moyen de défense logique et complet (si on y faisait droit) à une audience de justification. De plus, les divers articles de discussion sur Internet, sur lesquels je reviendrai, démontrent la connaissance de l’ordonnance. Aux onglets F et V de l’affidavit de M. Winnicki (respectivement les pièces A‑2 et A‑18), il est fait référence par M. Winnicki à l’injonction de la Cour fédérale à son encontre et, à l’onglet K (pièce A‑7), celui‑ci fait allusion nommément au juge de Montigny.

 

[17]           L’obligation prévue au paragraphe 467(4) de signifier à personne vise à assurer que nul ne soit déclaré coupable d’outrage au tribunal sans avoir connaissance de l’infraction qui lui est reprochée. Je suis d’avis, pour les motifs susmentionnés, que la demanderesse a démontré hors de tout doute raisonnable la connaissance par M. Winnicki de l’ordonnance; ce dernier en a d’ailleurs reconnu lui‑même l’existence. Je conclus par conséquent que M. Winnicki avait connaissance de l’existence de l’ordonnance et qu’il n’était pas nécessaire de présenter d’autres éléments de preuve pour se conformer aux dispositions du paragraphe 467(4).

 

La preuve relative à la violation de l’ordonnance

[18]           Au présent procès il n’y avait qu’un témoin, M. Richard Warman, qui a déclaré avoir déposé la plainte initiale contre M. Winnicki. Il a également vérifié sur Internet si l’ordonnance du juge de Montigny était bel et bien respectée. Il a plus précisément surveillé un site Web désigné Vanguard News Network (www.vnnforum.com), une sorte de cybersalon de droite et pour néo‑nazis. N’importe quel membre du public peut le visiter et y présenter des articles. Les articles peuvent soient être liés à un sujet de discussion déjà en cours, soit entamer un tout nouveau sujet. Chaque sujet de discussion constitue ce qu’on appelle un fil conducteur et les divers articles portent des numéros consécutifs. Dans son témoignage, M. Warman a dit avoir pu observer la publication de 31 articles de discussion sur le site pendant la période allant du 9 octobre 2005 au 6 mars 2006.

 

[19]           Chacun de ces messages est extrêmement méprisant à l’endroit des personnes de couleur, des Juifs, des immigrants et du multiculturalisme. On y transmet avec persistance un message dégradant dont la teneur est essentiellement la suivante :

                                                            a)      il existe un complot sioniste;

 

                                                            b)      les Juifs dominent les gouvernements à tous les échelons;

 

                                                            c)      les Noirs sont paresseux, atteints du sida et criminels et ils fraudent le système d’aide sociale;

 

                                                            d)      tous les immigrants de couleur sont de même acabit;

 

                                                            e)      la politique du multiculturalisme a été conçue par les sionistes (également désignés sous le sigle de GOS [Zionist Order of Government, gouvernement de l’Ordre sioniste, en français]) pour que se poursuive l’immigration des gens de couleur.

 

[20]           Dans chaque article de discussion figure clairement ce qui suit :

i)                   le nom de Tomasz Winnicki, de London, en Ontario;

 

ii)                   l’image d’un robot qu’on a déclaré constituer, dans la décision du 13 avril 2006 du TCDP, un élément caractéristique des messages de M. Winnicki;

 

iii)                 la phrase signature de M. Winnicki : [traduction] « JOIGNEZ‑VOUS À NOUS, JE VOIS DE LA PASSION DANS VOS YEUX ».

 

[21]           Finalement, M. Warman a déclaré dans son témoignage, qu’il a fait personnellement l’objet de harcèlement et de menaces de la part de néo‑nazis et qu’il vit maintenant caché et n’ose pas divulguer sa profession ou son adresse de crainte que lui‑même ou des membres de sa famille fassent l’objet de harcèlement.

 

[22]           Lors du contre‑interrogatoire de M. Warman, on a principalement abordé les questions de savoir s’il existait une preuve démontrant

                                                            a)      que le Tomasz Winnicki mentionné dans le site de Vanguard News Network (VNN) était la même personne que le défendeur;

 

                                                            b)      que M. Winnicki avait publié les fils conducteurs sur le site Web de VNN;

 

                                                            c)      que les articles de discussion sur le site Web de VNN n’avaient pas été modifiés ou révisés.

 

[23]           M. Warman a répondu sans détours. M. Winnicki avait admis devant le TCDP, en sa présence, qu’il était bien le Tomasz Winnicki mentionné sur le site Web de VNN. M. Warman a par ailleurs concédé ne pas être un technicien et ne pas pouvoir ainsi démontrer par un moyen électronique si les messages en cause provenaient ou non de l’ordinateur de M. Winnicki à London (Ontario).

 

[24]           M. Warman a également déclaré que sa surveillance du site Web de VNN ne lui avait permis de constater aucune révision ou modification de messages. Je suis à cet égard d’avis que, si des messages avaient été modifiés ou révisés, leurs auteurs auraient protesté et ces protestations se seraient ensuite trouvées affichées sur le site Web.

 

La position du défendeur

[25]           L’avocat du défendeur soutient qu’on n’a pas démontré la violation de l’ordonnance car

                                                            a)      il n’y a aucune preuve du fait que M. Winnicki et le Tomasz Winnicki du site Web de VNN sont une seule et même personne;

 

                                                            b)      la preuve de l’aveu fait devant le TCDP est inadmissible parce qu’il s’agit de ouï‑dire et en raison de l’article 13 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [la Charte];

 

                                                            c)      quelqu’un d’autre prétendant être M. Winnicki aurait pu afficher un message sur le site Web de VNN;

 

                                                            d)      même si les messages provenaient bien de M. Winnicki, ils auraient pu être modifiés ou révisés.

 

 

[26]           J’estime qu’aucun de ces arguments n’est soutenable, et je vais maintenant traiter de chacune des questions en jeu l’une après l’autre.

 

a) La preuve du fait que M Winnicki est bien le Tomasz Winnicki du site Web de VNN

[27]           Tout au long de la présente procédure, notamment devant les juges de Montigny et Gauthier, M. Winnicki n’a jamais soutenu ne pas être le Tomasz Winnicki qui affiche des messages sur le site Web de VNN. S’il s’agissait effectivement d’une personne différente, ce serait assurément là un moyen de défense de premier ordre et il serait difficile de concevoir pourquoi il n’aurait jamais été invoqué.

 

[28]           La pièce A‑2, d’ailleurs, est un article en date du 29 octobre 2005 de Tomasz Winnicki affiché sur le site de WNN où il déclare ce qui suit :

[traduction]

Je fais l’objet d’une injonction de la cour fédérale qui m’interdit de dire la vérité sur Internet.

 

[29]           La pièce A‑7 est un article du 20 novembre 2005 de Tomasz Winnicki affiché sur le site de WNN où il déclare cette fois ceci :

[traduction]

Selon le juge de Montigny, les messages visant les Noirs « sont certainement aussi dégradants que l’on peut l’imaginer; ils ne sont pas seulement discriminatoires mais également menaçants pour les victimes [ET QUOI ENCORE!!! DES VICTIMES!?!?!?!?!?] ciblées ».

 

Considère‑t‑on aussi ces sauvages déchaînés en France comme des victimes? Je ne vois pas comment on pourrait trouver mes messages menaçants (j’aimerais bien que l’un d’entre eux m’explique ce qu’ils ont de menaçant), mais je crois sans aucun doute possible que nos civilisations blanches, elles, sont menacées par des gens comme eux. Peut‑être est‑ce que je réagis outre mesure, je veux dire, ils essaient de se comporter un peu mieux […] ils n’ont incendié QUE DEUX écoles dimanche dernier.

 

 

[30]           La pièce A‑18 est un article daté du 2 janvier 2006 de Tomasz Winnicki affiché sur le site où il déclare enfin :

[traduction]

J’aimerais beaucoup lancer des injures contre certaines minorités responsables de cette MERDE mais, étant donné le système judiciaire canadien COMPLÈTEMENT FOUTU, je n’en ai pas le droit. La foutue cour fédérale a prononcé une injonction qui m’interdit de le faire.

 

 

[31]           Il ne fait aucun doute selon moi, à la lecture de chacun de ces trois messages, que l’expéditeur Tomasz Winnicki mentionné sur le site Web de VNN et M. Winnicki à l’encontre duquel le juge de Montigny a décerné une injonction sont une seule et même personne.

 

b) La preuve de l’aveu devant le TCDP est inadmissible parce qu’il s’agit de ouï‑dire ou en raison de l’article 13 de la Charte

[32]           L’ancienne avocate de M. Winnicki a fait l’aveu qui suit devant le TCDP :

[traduction]

Mme MAILLET : […] En ce qui concerne maintenant cette question, l’avocate de l’intimé a dit que M. Winnicki n’a pas nié avoir communiqué ou affiché les messages faisant l’objet de la présente plainte; cela n’a toutefois pas été expressément admis.

 

J’aimerais peut‑être que l’avocate de l’intimé me précise s’ils sont en fait prêts à la concéder; dans la négative, je poursuivrais mon argumentation.

 

Mme SHI : Nous ne contestons pas que mon client a affiché ces messages.

 

Je devrais peut‑être donner des précisions. Pour ce qui est de savoir s’il s’agit là de communications et de communications répétées, c’est la question qui est en litige et que le Tribunal devra trancher.

 

LA PRÉSIDENTE : Ça va. Pour être bien clair, l’intimé ne conteste pas avoir affiché les messages en cause, mais il y a encore litige quant à savoir si c’était là une communication répétée?

 

Mme SHI : La communication, la communication répétée aux fins du paragraphe 13(1) de la Loi, c’est une question en litige.

 

Mais a‑t‑il affiché les messages dans les faits? Oui, il l’a fait.

 

Mme MAILLET : Sous le nom à la fois de Tomasz Winnicki et de Thexder 3D.

 

Mme SHI : C’est exact.

 

LA PRÉSIDENTE : Merci.

 

Mme MAILLET : Cela abrège mon argumentation, madame la présidente.

 

[33]           L’avocat actuel de M. Winnicki soutient que je devrais rejeter cette preuve à titre de ouï‑dire. J’ai toutefois admis cette preuve comme pièce A‑32 pour les motifs qui vont suivre. M. Warman non seulement était présent à l’audience et a entendu l’aveu, mais il était également une partie lors de l’audience. Il existe en outre une transcription officielle de l’aveu et le membre instructeur Jensen y a fait référence dans sa décision du 13 avril 2006. M. Warman a fait état dans son témoignage de l’aveu fait par l’accusé devant le TCDP. Cet aveu touchait M. Warman personnellement, en sa qualité de coplaingnant.

 

[34]           Le membre instructeur Jensen a conclu comme suit dans le jugement du TCDP :

[31]      Par l’entremise de son avocat, l’intimé a admis avoir diffusé les messages figurant dans les plaintes initiales qui ont fait l’objet d’une enquête de la part de la Commission canadienne des droits de la personne et qui ont par la suite été soumises au Tribunal. Ces messages comprenaient ceux qui ont été découverts par le plaignant sur le site Web de la Northern Alliance et sur le site Web Winnicki, ainsi que certains messages provenant du groupe de discussion du VNN.

 

[32]      Toutefois, on ne savait pas si l’aveu de l’intimé qu’il avait diffusé les messages contestés valait pour les documents postérieurs au renvoi. J’ai donc examiné ces documents et j’ai conclu, pour les motifs qui suivent, que l’intimé était, en fait, la personne qui a diffusé les documents postérieurs au renvoi qui ont été déposés en preuve durant l’instruction de la présente cause.

 

[33]      Dans les messages qui faisaient partie des plaintes initiales, l’intimé utilisait parfois le pseudonyme « Thexder 3D » et parfois le nom « Tom Winnicki ». Lorsque le pseudonyme était utilisé, il était accompagné de l’image d’un robot.

 

[34]      La personne qui a diffusé les messages postérieurs au renvoi mentionne parfois son nom comme étant « Thexder 3D », parfois comme étant « Tomasz Winnicki ». Dans l’un de ces messages, Tomasz Winnicki a corrigé une faute d’orthographe de son pseudonyme en déclarant ce qui suit :

 

            [traduction]

            C’est « Thexder » et non pas « Thexter », mais cela n’a pas beaucoup d’importance. À partir de maintenant, servez‑vous de mon véritable nom, « Tomasz Winnicki ». En polonais, « Tomasz » est l’équivalent officiel de « Tom », alors vous pouvez m’appeler comme ça.

 

[35]      Par conséquent, la preuve révèle que l’intimé, qui se faisait appeler Tom Winnicki et Tomasz Winnicki, et qui utilisait le pseudonyme « Thexder 3D » accompagné de l’image d’un robot, était la personne qui a diffusé les documents postérieurs au renvoi.

 

[35]           Puisqu’en l’espèce, a) le témoignage de M. Warman qui était partie dans l’instance, b) la transcription officielle de l’audience et c) les motifs de la décision du membre instructeur constituent des preuves de l’aveu, je ne vois pas comment on pourrait considérer qu’il s’agit là de ouï‑dire.

 

[36]           L’avocat de M. Winnicki a également laissé entendre que je ne peux utiliser aucun de ces éléments de preuve en raison de l’article 13 de la Charte et de l’arrêt R c. Noël, [2002] 3 R.C.S. 433.

 

[37]           L’article 13 de la Charte prévoit ce qui suit :

Chacun a droit à ce qu’aucun témoignage incriminant qu’il donne ne soit utilisé pour l’incriminer dans d’autres procédures, sauf lors de poursuites pour parjure ou pour témoignages contradictoires.

A witness who testifies in any proceedings has the right not to have any incriminating evidence so given used to incriminate that witness in any other proceedings, except in a prosecution for perjury or for giving contradictory evidence.

 

 

[38]           Il n’est pas facile de discerner comment l’article 13 peut être invoqué en l’espèce. Cet article concerne les droits d’un témoin qui a témoigné dans une instance antérieure. Or, M. Winnicki n’a pas témoigné devant le TCDP. S’exprimant au nom de la Cour suprême du Canada dans R. c. Henry, [2005] 3 R.C.S. 609, le juge Binnie a procédé à une analyse du droit concernant l’article 13 de la Charte qui peut nous éclairer. Dans cet arrêt où ont notamment été analysées des décisions antérieures de la Cour suprême au sujet de l’article 13, y compris Noël, précité, le juge Binnie a déclaré ce qui suit, au paragraphe 2 :

Le droit de ne pas s’incriminer est, bien sûr, l’une des pierres angulaires de notre droit criminel. Le droit de garder le silence devant les accusations de l’État tire ses origines historiques de la répugnance générale suscitée par les méthodes de la Chambre étoilée et, de nos jours, il est étroitement lié à notre système contradictoire de justice criminelle et à la présomption d’innocence. L’article 13 de la Charte octroie une protection constitutionnelle à un privilège plus spécifique protégeant contre l’auto‑incrimination testimoniale. Dans Dubois c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 350, la Cour a dit ce qui suit, à la p. 358 :

 

… l’objet de l’art. 13, lorsqu’il est interprété dans le contexte des al. 11c) et d), est de protéger les individus contre l’obligation indirecte de s’incriminer, pour veiller à ce que la poursuite ne soit pas en mesure de faire indirectement ce que l’al. 11c) interdit. [Je souligne.]

 

 

[39]           Aucun de ces facteurs n’entre en jeu en l’espèce. Nous n’avons pas affaire à un témoignage mais plutôt à l’aveu d’un avocat. L’aveu a été fait pour gagner du temps lors du plaidoyer final de l’avocat adverse. Il était implicite dans l’aveu que celui‑ci allait de soi et qu’il n’était pas nécessaire de perdre de temps à ce sujet. Cela est fort différent de l’auto‑incrimination d’un accusé par le témoignage présenté dans une autre instance. Par conséquent, ni l’article 13 ni l’arrêt Noël ne sont applicables en l’espèce.

 

c) Quelqu’un d’autre aurait pu afficher les messages sous le nom de M. Winnicki et d) quelqu’un d’autre, subsidiairement, aurait pu modifier ces messages

[40]           L’avocat de M. Winnicki a soulevé l’un et l’autre de ces moyens de défense pour la première fois pendant l’instance pour outrage. On n’a toutefois présenté aucune preuve quelle qu’elle soit pour étayer ces allégations. On n’a jamais fait valoir pareil moyen de défense devant le TCDP ou lors de l’audience de justification devant la juge Gauthier.

 

[41]           Il existe par contre une importante preuve circonstancielle quant au fait que les messages provenaient bien de M. Winnicki, à savoir :

                                                            a)      dans les messages sur le site Web de VVN figurent

 

i)     le nom de Tomasz Winnicki, de London, en Ontario,

ii)    l’image d’un robot, un élément caractéristique des messages de M. Winnicki et

iii)    la phase signature de M. Winnicki : [traduction] « JOIGNEZ‑VOUS À NOUS, JE VOIS LA PASSION DANS VOS YEUX »;

 

                                                            b)      les messages font voir que leur auteur avait connaissance de l’ordonnance du juge de Montigny (se reporter à la pièce A‑2 mentionnée au paragraphe 28);

 

                                                            c)      le fait que l’auteur des messages a tenté de contourner l’ordonnance du juge de Montigny en s’en prenant au multiculturalisme plutôt qu’à l’objet véritable de sa haine et de son mépris. Cela est très bien illustré par la pièce A‑18, qui renferme le message suivant :

 

[traduction]

C’ÉTAIT UNE BLANCHE!!!

Jane Creba, une belle blonde et [je présume] aux yeux bleus.

 

[…]

 

ALLEZ VOUS FAIRE FOUTRE LE MULTICULTURALISME ET LES LIBÉRAUX!!! LE MULTICULTURALISME, C’EST DE LA MERDE!!! DE LA MERDE, DE LA MERDE, DE LA MERDE!!! JE NE PEUX ASSEZ INSISTER : … DE LA MERDE!!! MORT AU GOS

 

[…]

 

J’aimerais beaucoup lancer des injures contre certaines minorités responsables de cette MERDE mais, étant donné le système judiciaire canadien COMPLÈTEMENT FOUTU, je n’en ai pas le droit. La foutue cour fédérale a prononcé une injonction qui m’interdit de le faire.

 

ALLEZ VOUS FAIRE FOUTRE LA CCDP, LE TCDP, LES COURS FÉDÉRALES, LA COUR SUPRÊME DU CANADA, LES JUGES ET LES AVOCATS!!! ALLEZ TOUS VOUS FAIRE FOUTRE, VOUS AUTRES SACRÉS BOUSEUX COMMUNISTES!!!

 

JOIGNEZ‑VOUS À NOUS, JE VOIS LA PASSION DANS VOS YEUX.

 

[42]           Une simple allégation qu’aucune preuve ne vient étayer ne soulève pas un doute raisonnable quant au fait que M. Winnicki est bien l’auteur des messages en cause. Par contre, la preuve circonstancielle fait voir irréfutablement que M. Winnicki est bel et bien l’auteur de ces messages.

 

Violation de l’ordonnance

Les messages affichés par M. Winnicki violent‑ils l’ordonnance du juge de Montigny, du fait qu’ils seraient susceptibles de susciter la haine ou le mépris à l’égard de certaines personnes en raison de leur race, origine ethnique ou nationale, couleur ou religion, en violation du paragraphe 13(1) de la Loi?

[43]           Dans les motifs de son ordonnance d’injonction, le juge de Montigny mentionne (au paragraphe 7) le type de messages que M. Winnicki affichait. Leur style et leur teneur sont très semblables à ceux en cause en l’espèce. Le juge fait ensuite remarquer ce qui suit (au paragraphe 41) :

Après avoir examiné l’ensemble de ces messages dans leur contexte, je suis convaincu qu’ils risquent d’exposer les personnes de confession juive à la haine ou au mépris, comme ces notions ont été définies dans Nealy, précité, et approuvées dans Taylor, précité. La même affirmation vaut pour les messages qui visent les personnes de race noire. Ils sont certainement aussi dégradants que l’on peut l’imaginer; ils ne sont pas seulement discriminatoires mais également menaçants pour les victimes ciblées. Un des thèmes sous‑jacents aux messages de M. Winnicki est que les Noirs et les autres personnes de couleur détruisent le pays et devraient faire l’objet de ségrégation. Ils constituent une menace pour notre civilisation et ne devraient pas être admis dans une société blanche. Ce sont des animaux, des criminels et des sous‑hommes. Ces personnes sont également inférieures sur le plan intellectuel et dangereuses.

 

[44]           Le TCDP a examiné avec soin les messages ayant fait l’objet de la plainte initiale de M. Warman puis a tiré la conclusion suivante au paragraphe 101 :

Je conclus que les messages affichés dans le livre des visiteurs de la Northern Alliance, le site Web Winnicki et le groupe de discussion du site Web VNN sont susceptibles d’exposer à la haine et au mépris les Juifs, les Noirs, les autres personnes qui ne sont pas de race blanche et les personnes d’origine africaine. Je fonde cette affirmation sur les conclusions suivantes : les messages décrivent les membres du groupe cible comme étant des déchets inférieurs qui ne méritent rien de plus que le plus grand dégoût et le plus grand mépris; ils véhiculent l’idée que les membres des groupes cibles sont dangereux, méchants et constituent une menace pour les Canadiens de race blanche; ils expriment une haine virulente envers les membres des groupes cibles en des termes violents et menaçants; ils exhortent les autres à adopter la même position que l’intimé; ils tentent de justifier, de motiver et de légitimer les actes de violence commis contre des membres des groupes cibles. Il en résulte que les groupes cibles peuvent très facilement être victime de haine, de mépris, voir même de violence, à la suite de la diffusion de ces messages.

 

 

[45]           J’ai joint à titre d’annexe A aux présentes une comparaison en deux colonnes de cinq messages jugés par le TCDP contraires à l’article 13 de la Loi et de six messages qu’on m’a présentés en preuve.

 

[46]           Il est manifeste que dans l’un et l’autre cas, les messages sont les mêmes, aux plans de la forme et du fond. Ils sont de même teneur dégradante et on s’acharne à y communiquer de la haine envers les Juifs et du mépris envers les personnes de race noire et les immigrants. Le subterfuge manifeste utilisé en parlant de « multiculturalisme » plutôt que de « Juifs » ou de « J(émoticône)(émoticône)Z », ou de « GOS » plutôt que de « Juifs » ne trompe personne.

 

[47]           Les messages enfreignent à ce titre l’ordonnance du juge de Montigny puisqu’ils sont « susceptibles de susciter la haine ou le mépris à l’égard de certaines personnes en raison de leur race, origine ethnique ou nationale, couleur ou religion, en violation du paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne ». Je conclus par conséquent qu’il a été établi hors de tout doute raisonnable que M. Winnicki a affiché tous les messages en cause et que les six messages reproduits à l’annexe A, à tout le moins, violent l’ordonnance du juge de Montigny.

 

Sanction

[48]           Je conclus que M. Winnicki a désobéi à l’ordonnance en date du 4 octobre 2005 du juge de Montigny. En vue d’établir la sanction opportune, il convient d’examiner les facteurs pertinents. Comme l’a déclaré le juge Lemieux dans Lyons Partnership, L.P. c. MacGregor (2000), 186 F.T.R. 241, les facteurs à prendre en compte sont les suivants :

1.      la gravité de l’outrage, appréciée en fonction des faits particuliers de l’espèce relatifs à l’administration de la justice;

 

2.      la question de savoir si l’infraction d’outrage constitue une première infraction;

 

3.      la présence de facteurs atténuants tels la bonne foi ou des excuses;

 

4.      la dissuasion d’un comportement semblable.

 

 

[49]           En l’espèce, M. Winnicki a publié sans relâche des messages enfreignant l’ordonnance du juge de Montigny. Il a en outre affiché des messages totalement irrespectueux à l’endroit du système judiciaire canadien, pour ne pas mentionner la Cour fédérale elle‑même. Les messages sont intentionnels, méprisants et répétitifs et on y manque totalement de respect envers la Cour. Il n’a fait montre d’aucun remords quant à cet outrage. Cela étant, je conclus que le comportement de M. Winnicki justifie qu’on lui inflige une peine d’emprisonnement de neuf mois.

 

[50]           Me fondant sur Mayflower Transit, Inc. c. Bedwell Management Systems Inc. (2003), 27 C.P.R. (4th) 429, en outre, j’attribue à la demanderesse les dépens avocat‑client.

 

 

 

 


JUGEMENT

 

1.      Je reconnais Tomasz Winnicki coupable de l’infraction qui lui est reprochée à l’alinéa 2 b) de l’ordonnance datée du 21 avril 2006 de la juge Gauthier :

[traduction]

M. Winnicki ne s’est pas conformé à l’ordonnance en date du 4 octobre 2005 du juge de Montigny puisqu’il a continué à transmettre sur Internet des messages susceptibles de susciter la haine ou le mépris à l’égard de certaines personnes en raison de leur race, origine ethnique ou nationale, couleur ou religion, en violation du paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Des exemples de tels messages figurent aux paragraphes 7 et 8 de l’affidavit du 14 mars 2006 de M. Warman.

 

 

2.      Comme peine opportune pour le présent outrage au tribunal, la Cour inflige à Tomasz Winnicki une peine d’emprisonnement de neuf mois.

 

3.      La Cour ordonne en outre que Tomasz Winnicki paie à la demanderesse ses dépens avocat‑client.

 

 

« Konrad W. von Finckenstein »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


ANNEXE A

 

 

Décision du TCDP

 

Pièces

Paragraphe 69

Pièces A‑12 et A‑15

Puis, la phrase suivante, écrite en petits caractères, figurait en dessous de l’image de robot :

 

[traduction]

 L’HOLOCANULAR DÉMYSTIFIÉ. POUR DE L’HISTOIRE IMPARTIALE, ALLEZ À L’ADRESSE SUIVANTE : WWW.ihr.org. SI VOUS VOULEZ DES NOUVELLES POUR LES BLANCS, OUBLIEZ CNN. ALLEZ À L’ADRESSE SUIVANTE : WWW.GOVNN.COM

 

Pièce A‑12:

  • Tomasz Winnicki
  • Image d’un robot
  • Phrase signature

 

[traduction]

JE NIE L’HOLOCAUSTE® 6 MILLIONS™ DE JUIFS NE SONT PAS MORTS

[en gros caractères]

 

Voici d’autres façons d’épeler « Holocauste » : « Holocoût$ », « Hollo Coût$ », « Holotoux », « Holocanular »… n’hésitez pas à y aller de votre cru.

 

Pièce A‑15:

  • Tomasz Winnicki
  • Image d’un robot
  • Phrase signature

 

[traduction]

Je me demande quelle peine d’emprisonnement ils auraient rajoutée s’il avait nié le SAINT HOLOCAUSTE®?  L’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle? (émoticône) En passant J(émoticône) (émoticône)Z, JE NIE L’HOLOCHAUSTE®. Je suis si heureux de vivre au Canada (émoticône), où nier l’HOLOCAU$TE® et LES CHAMBRES À GAZ (marque en instance?) et 6 MILLIONS© est toujours légal.  Oh, et c’est toujours légal d’assimiler le MULTICULTURALISME à de la MERDE.

 

Paragraphe 73

 

Pièce A‑2

Dans un message intitulé [traduction] « Les ghettos de Toronto se déplacent vers les banlieues » figurant dans le groupe de discussion du VNN, l’intimé fait des commentaires sur un article paru dans le National Post au début de 2004 concernant l’augmentation de la pauvreté à Toronto. Il cite des parties de l’article qui font état que les quartiers plus pauvres, qui étaient autrefois confinés au centre‑ville, s’étendent maintenant aux banlieues comme North York et Scarborough. L’intimé déclare ce qui suit entre parenthèses :

 

[traduction]

Ce que ces idiots sont en train de nous dire, c’est que North York et Scarborough sont infestés de nègres paresseux, sauvages et sans aucune valeur ainsi que d’autres déchets de race non identifiée. Les membres de ma famille ont mis moins d’une année à devenir des membres productifs de la société canadienne. Combien de temps faut‑il à une peau couleur merde du tiers monde pour devenir un membre productif d’une société blanche? Une éternité, en effet. Sur la CBC communiste, on attend parler de ces entrepreneurs asiatiques qui réussissent dans la terre promise - le Canada. Évidemment, la CBC communiste ne tient compte que de quelques arbres et oublie le reste de la forêt. Pour chacun de ces hommes d’affaires à la peau couleur merde dont les entreprises sont contaminées par l’argent des contribuables blancs, il y des milliers de déchets sans valeur.

 

  • Tomasz Winnicki
  • Image d’un robot
  • Phrase signature

 

[…]

 

Un taux d’infection par VIH de 40%!! L’Afrique est un merdier parce que c’est plein de ______ (à compléter chacun pour soi). Une injonction de la cour fédérale m’empêche de dire la vérité sur Internet. C’est ce qui arrive quand en tant que AB vous tentez de parler publiquement au Canada = Absurdistan. Vous connaissez le dicton : « La vérité fait mal ». Au Canada, plutôt, « Dire la vérité, c’est haïr », et c’est pour ça qu’il ne faut jamais en parler et que des « lois » (imposées par vous savez qui) existent qui vous empêchent de le faire, faute de quoi vous payez une lourde amende ou vous vous retrouvez en prison. Dieu merci, nous avons ces « lois », hein? (émoticône) Au diable la civilisation, quelqu’un pourrait être offensé. Je sais […] attrapons tous le SIDA et alors nous serons tous ékaux (émoticône). Je sens que je vais déblatérer, alors je vais terminer par un message adressé uniquement aux moutons.

 

VOULEZ‑VOUS QUE CE SOIT L’AFRIQUE ICI, HOMMES BLANCS, FEMMES BLANCHES? PENSEZ‑Y UN PEU, ÇA NE FERA PAS MAL.

[en gros caractères]

 

 

Paragraphe 77

 

Pièce A‑10

L’intimé a lancé un fil de discussion intitulé [traduction] « Une autre fusillade audacieuse à Toronto la multiculturelle ». Le fil de discussion comprend un certain nombre de liens URL menant à de nouvelles histoires. L’intimé va d’un lien à l’autre et fait des commentaires. Il présume que c’est une personne de race noire qui a été impliquée dans la fusillade à Toronto. Voici ce qu’il dit :

 

Je parie 1 000 $ que c’est un nègre ou quelque chose de semblable de couleur merde [...] eee, c’est‑à‑dire un être inférieur. Les nègres sont‑ils vraiment de si mauvais tireurs? Je veux dire, il tirait sur une voiture alors qu’il se trouvait à courte distance et, malgré cela, il a atteint deux passants. Con de nègre. Comment aimez‑vous Toronto la multiculturelle? C’est bon? Et Brad Love, un Canadien qui travaille dur qui a vu sa ville transformée en merde en quelques décennies est actuellement en prison parce qu’il a envoyé à des députés des lettres tout à fait légales (c’est‑à‑dire des lettres ne comprenant aucune menace) dans lesquelles il dénonçait l’immigration de gens de couleur. Je veux qu’on me redonne mon pays.

 

  • Tomasz Winnicki
  • Image d’un robot
  • Phrase signature

 

 

9 chances sur 10 que ça ait été un crime « multiculturel ». http://www.pulse24.com/News/Top_Sto...10-001/page.asp

 

Mary McLean, Carol Taylor et Ruby Thompson, on dirait bien de bons vieux noms anglo‑saxons. Réveillez‑vous les Saxons endormis. Y aurait‑il des plus âgés ici? Faites‑vous entendre! Dites‑nous comment c’était au Canada (ou encore aux États‑Unis, d’ailleurs) dans les années 40, 50, 60 […] vous savez, avant que le GOS ne nous donne le multiculturalisme, la diversité et l’intégration. Y avait‑il plus de 70 meurtres par année à Toronto? Ou plus de 600 par année à Chicago? Un nombre sans fin de voies de fait, de coups de feu, de coups de couteau […] S’ils‑vous‑plaît, racontez‑nous comment c’était.

 

Paragraphe 94

 

Pièce A‑25

Dans un autre message qu’il a affiché, l’intimé fait part de son opinion que l’Holocauste est un canular visant à extorquer des trillions de dollars à des pays comme l’Allemagne. Il déclare ce qui suit :

 

[traduction]

Et qu’est‑ce que c’est que toute cette merde que j’ai entendue concernant les abat‑jour et le savon dans mon cours d’histoire à l’école secondaire? Je cherche toujours des renseignements détaillés sur la manière qui a été employée pour transformer un Juif en pain de savon. Ils étaient et sont toujours des gens très créatifs, donc, s’il avait existé une manière, je suis certain qu’ils l’auraient trouvée. S’ils ont vraiment transformé des cadavres de Juifs en savon, j’aimerais qu’on me montre comment ils ont fait.

 

  • Tomasz Winnicki
  • Image d’un robot
  • Phrase signature

 

[…] vieil hymne allemand

 

http://www.cbc.ca/cp/world/060216/w02162

2.html

 

 

http://www.cbc.ca/story/world/nation...del

060216.html

 

Y a‑t‑il ici des Allemands qui voudraient bien nous citer ce vers interdit, nous le traduire? Merci.

 

Félicitations à Mme Sylvia Stolz qui se tient debout pour son peuple, pour la vérité et pour la justice.

 

NOUS NIONS L’HOLOCAUST™ NOUS NIONS LES 6 000 000® NOUS NIONS LE SAVON ET LES ABAT‑JOUR [gros caractères]

 

Paragraphe 98

 

Pièce A‑11

En effets, dans l’un des messages qu’il a affichés, l’intimé fait part de sa colère au sujet d’une déclaration selon laquelle les travailleurs étrangers volent des emplois aux Américains. Il déclare ce qui suit :

 

[traduction]

À quand le bain de sang? Je suis relativement aisé, j’occupe un emploi stable à temps plein, j’ai peu de dépenses, je paie toutes mes factures en temps sans grandes difficultés, toutefois, je m’en fais pour tous ces Américains, Canadiens et Européens de race blanche qui perdent leur vie sur l’ordre du GOS. Ça ne me dérangerait pas que la guerre sainte raciale commence dès demain. [Non souligné dans l’original.]

 

  • Tomasz Winnicki
  • Image d’un robot
  • Phrase signature

 

En autant que je m’en souvienne, j’avais écrit : « Ça ne me DÉRANGERAIT pas que la guerre sainte raciale commence dès demain ». En ce qui me concerne, la guerre raciale se déroule déjà, et ce, depuis des décennies. (Des milliers de fermiers blancs tués au Zimbabwe et en Afrique du Sud. Des millions de crimes colorés visant les Blancs à travers le monde). Tout ce qui arrive, c’est que les Blancs n’ont pas le droit de se protéger. (Les Australiens ont toutefois commencé à bouger.)

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑1309‑05

 

 

INTITULÉ :                                       LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

                                                            c.

                                                            TOMASZ WINNICKI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 4 JUILLET 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE von FINCKENSTEIN

 

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                             LE 12 JUILLET 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joy Noonan                                                                              POUR LA DEMANDERESSE

Judith Parisien

 

Dominic Lamb                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Heenan Blaikie s.r.l.                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

55, rue Metcalfe, bureau 300

Ottawa (Ontario)

 

Dominic Lamb                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Avocat

309‑185, rue Somerset Ouest

Ottawa (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.