Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20051025

Dossier : T-1957-04

Référence : 2005 CF 1444

Ottawa (Ontario), le 25 octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

GLAXOSMITHKLINE INC.

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit du refus du ministre de la Santé (le ministre) d'inscrire le brevet canadien no 2,391,111 de la demanderesse (le brevet 111) au registre des brevets établi sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement AC), au titre des drogues ADVAIR, ADVAIR DISKUS, FLOVENT HFA et VENTOLIN HFA.

LE CONTEXTE GÉNÉRAL RELATIF AU RÈGLEMENT AC

[2]                Les fabricants de drogues qui souhaitent faire la publicité ou pratiquer la vente d'une nouvelle drogue au Canada doivent d'abord obtenir un avis de conformité (AC) les y autorisant. Pour obtenir un AC, le fabricant dépose une présentation de drogue nouvelle (PDN) auprès du ministre sous le régime du titre 8, partie C, du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870.

[3]                Une fois qu'un AC lui a été délivré, le fabricant doit déposer un supplément à la présentation de drogue nouvelle (SPDN) pour faire approuver tout changement important apporté à la drogue. En général, il est exigé un SPDN relativement à tout changement susceptible d'influer sur l'innocuité ou l'efficacité de la drogue.

[4]                Sous le régime du Règlement AC, le fabricant qui dépose une PDN pour obtenir un AC, ou à qui on a déjà délivré un AC, peut soumettre au ministre une liste de brevets admissibles pour inscription au registre des brevets à l'égard de la drogue pour laquelle il demande ou a obtenu un AC. Le ministre tient le registre des brevets sous le régime de l'article 3 du Règlement AC. Le paragraphe 3(1) du Règlement AC permet au ministre de refuser d'inscrire au registre les listes de brevets soumises par les fabricants dans le cas où les brevets en question ne sont pas conformes aux exigences de ce règlement. Les critères d'admissibilité des listes de brevets à l'inscription au registre des brevets sont énoncés à l'article 4 du Règlement AC. Le brevet figurant dans la liste des brevets doit, entre autres conditions, comporter une revendication pour le médicament, ou pour l'utilisation du médicament, contenu dans la drogue à l'égard de laquelle l'AC en question est demandé ou a été délivré.

[5]                Conformément au paragraphe 3.3.3 de la Ligne directrice à l'intention de l'industrie - Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), on procède, au moment de la réception de la liste de brevets, à une vérification initiale (dite vérification de brevets) afin de s'assurer qu'elle est admissible à l'inscription. Si la vérification révèle que la liste de brevets ne remplit pas les conditions énoncées à l'article 4 du Règlement AC, on envoie au fabricant une lettre spécifiant les motifs apparents d'inadmissibilité. Le fabricant dispose d'un délai de 30 jours pour soumettre au ministre des observations écrites expliquant pourquoi le brevet ne devrait pas être rejeté. Ces observations sont prises en considération dans la décision finale touchant l'admissibilité du brevet en question à l'inscription au registre des brevets.

LES DROGUES ET LE BREVET

[6]                ADVAIR, un aérosol pour inhalation dont les ingrédients médicamenteux sont le xinafoate de salmétérol (un bronchodilatateur) et le propionate de fluticasone (un corticostéroïde), est utilisé dans le traitement de la maladie pulmonaire obstructive chronique et des troubles connexes. ADVAIR DISKUS, une préparation de xinafoate de salmétérol et de propionate de fluticasone en poudre sèche pour inhalation, est aussi autorisé au Canada. Quatre présentations concernant ADVAIR, toutes des SPDN autorisés, sont à prendre en considération dans cette affaire.

[7]                FLOVENT HFA, un aérosol pour inhalation dont l'ingrédient médicamenteux est le propionate de fluticasone (un corticostéroïde), est utilisé dans le traitement de l'asthme et des troubles connexes. Deux présentations concernant FLOVENT HFA, toutes deux des SPDN, sont à prendre en considération dans cette affaire.

[8]                VENTOLIN HFA, un aérosol pour inhalation dont l'ingrédient médicamenteux est le sulfate de salbutamol, est un bronchodilatateur utilisé dans le traitement des bronchospasmes. VENTOLIN HFA a d'abord été autorisé en vertu d'une PDN. Une PDN administrative a été soumise ultérieurement pour faire approuver un changement de nom pour le fabricant.

[9]                La demande relative au brevet 111 a été déposée le 23 décembre 1997. Le brevet a été délivré le 22 juin 2004 et comporte 22 revendications. La revendication 1 se rapporte à l'invention alors que la revendication 15 concerne l'utilisation de l'invention. Toutes les autres revendications découlent des deux revendications susmentionnées.


La revendication 1 est libellée comme suit :

[traduction]

Une formulation pharmaceutique comportant une suspension en aérosol d'un médicament du groupe qui comprend le salbutamol, le salmétérol, le propionate de fluticasone, le dipropionate de béclométhasone, la terbutaline, n'importe quel sel, ester et solvate de chacun de ceux-ci et n'importe quel mélange de chacun de ceux-ci dans un propulseur, ladite préparation comportant aussi une bombe aérosol dotée d'une valve destinée à l'administration de la suspension aérosol, ladite valve comportant un corps doté d'au moins un orifice permettant à une quantité donnée de la suspension de passer de la bombe à l'intérieur de la valve, cette dernière étant caractérisée par un anneau l'encerclant au niveau du corps et servant de creux autour du corps, ledit creux étant situé au-dessous d'au moins un orifice de sorte à réduire le volume de la suspension pouvant être contenu dans la bombe sous le niveau de cet orifice quand la bombe est orientée la valve vers le bas.

La revendication 15 est libellée comme suit :

[traduction]

L'utilisation d'une formulation pharmaceutique comportant une suspension en aérosol d'un médicament du groupe qui comprend le salbutamol, le salmétérol, le propionate de fluticasone, le dipropionate de béclométhasone, la terbutaline, n'importe quel sel, ester et solvate de chacun de ceux-ci et n'importe quel mélange de chacun de ceux-ci dans un propulseur pour le traitement de troubles respiratoires, ladite préparation comportant aussi une bombe aérosol dotée d'une valve et la suspension en aérosol étant dispersée dans la bombe, ladite valve comportant un corps doté d'au moins un orifice permettant à une quantité donnée de la suspension de passer de la bombe à l'intérieur de la valve, cette dernière étant caractérisée par un anneau l'encerclant au niveau du corps et servant de creux autour du corps, ledit creux étant situé au-dessous d'au moins un orifice de sorte à réduire le volume de la suspension pouvant être contenu dans la bombe sous le niveau de cet orifice quand la bombe est orienté la valve vers le bas.


LES FAITS

[10]            Le 20 juillet 2004, le déposant, GlaxoSmithKline (Glaxo), conformément au paragraphe 4(3) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), a déposé une liste de brevets se rapportant au brevet 111 concernant les produits suivants :

(a)         ADVAIR (xinafoate de salmétérol/propionate de fluticasone), préparations pour inhalation de 25/50 mg, 25/125 mg et 25/250 mg;

(b)         FLOVENT HFA (propionate de fluticasone), préparations pour inhalation de 50 mg, 125 mg et 250 mg; et

(c)         VENTOLIN HFA (sulfate de salbutamol), préparation pour inhalation de 100 mg.                     

Le 31 août 2004, Glaxo a déposé une liste de brevets concernant :

(d)         ADVAIR DISKUS (xinafoate de salmétérol/propionate de fluticasone), préparations pour inhalation de 50/100 mg, 50/250 mg et 50/500 mg.

[11]            Par lettre en date du 3 août 2004, le directeur des Produits thérapeutiques au Bureau des médicaments brevetés et de la liaison, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé, a avisé Glaxo que la vérification de la première liste de brevets soumise à l'égard des produits ADVAIR, FLOVENT HFA et VENTOLIN HFA avait révélé que le brevet, contrairement à la condition énoncée à l'alinéa 4(2)b), ne comportait pas de revendication pour les médicaments en soi ou pour l'utilisation des médicaments. Le directeur des Produits thérapeutiques invitait Glaxo à présenter des observations à ce sujet dans les 30 jours. Une autre lettre en date du 17 septembre 2004 portait le même message à propos des drogues ADVAIR et DISKUS.

[12]            Glaxo a présenté les observations que le directeur avait demandées dans les deux lettres susdites. Le directeur a adressé à Glaxo une autre lettre, en date du 26 octobre 2004, l'avisant de ce qui suit :

[traduction]Le brevet 111 contient des revendications pour un dispositif d'administration qui pourrait être utilisé avec toutes sortes de médicaments, mais il ne comporte aucune revendication pour aucun des médicaments en soi contenus dans les produits susdits [ADVAIR, ADVAIR DISKUS, FLOVENT HFA et VENTOLIN HFA] ou pour leur utilisation, contrairement aux conditions que prévoit l'alinéa 4(2)b) du Règlement sur les MB (AC).

LA QUESTION EN LITIGE

[13]            La seule question en litige est celle de savoir si le directeur, soit le délégataire du ministre, a commis une erreur en concluant que le brevet 111 n'est pas admissible à l'inscription au registre des brevets au motif de sa non-conformité aux conditions que prévoit l'article 4 du Règlement AC.

LA NORME DE CONTRÔLE

[14]            Les parties sont d'accord pour dire, et je le suis aussi, que la norme applicable de contrôle judiciaire est celle de la décision correcte : Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2003] 3 C.F. 140 (C.A.).

LES ALLÉGATIONS D'ERREUR

[15]            La thèse de Glaxo repose sur l'interprétation des revendications. Elle soutient que le ministre a interprété le brevet 111 de manière illégitime et contraire aux principes énoncés par la Cour suprême du Canada et la Cour d'appel fédérale.

[16]            Glaxo fait valoir que le ministre interprète la revendication 1 de manière à établir seulement si le brevet comporte une revendication pour le médicament en soi et néglige d'établir s'il comporte une revendication pour une formulation. Cette interprétation, selon Glaxo, enfreint directement le principe formulé par Monsieur le juge Binnie à la page 147 de l'arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc. (2000), 9 C.P.R. (4th) 129 (C.S.C.) (Whirlpool), selon lequel les revendications de brevet doivent recevoir une seule et même interprétation à toutes les fins. En outre, le juge Binnie déclare à la même page que les revendications de brevet doivent être interprétées du point de vue de la personne versée dans l'art.

[17]            Le ministre, d'après Glaxo, n'est pas une personne versée dans l'art, de sorte qu'il est tenu de se faire conseiller par une telle personne pour interpréter une revendication. En ne le faisant pas, il enfreint les règles de l'interprétation des brevets.

[18]            La société Glaxo soutient que le brevet 111 aborde le problème de l'instabilité physique des formulations pharmaceutiques en suspension qui rend difficile l'inhalation de tels produits par le patient et/ou l'administration d'une dose appropriée. Selon elle, les revendications présentées dans le brevet 111 se rapportent à une formulation pharmaceutique comportant une suspension aérosol d'un médicament, y compris une bombe aérosol dotée d'une valve destinée à l'administration de la suspension, et à l'utilisation de la formulation pharmaceutique. Glaxo nie catégoriquement que le brevet 111 comporte une revendication concernant le « dispositif » qui sert à administrer la formulation.

[19]            Glaxo attire l'attention sur les preuves, jusqu'ici non contestées, fournies par son spécialiste, le Dr Christopher T. Rhodes, et s'appuie sur celles-ci pour soutenir que le brevet 111 se rapporte à une « formulation » . Elle note que le Dr Rhodes définit une formulation comme étant un mélange de composantes actives et inactives, les composantes inactives ayant pour rôle d'assurer l'administration adéquate des composantes actives au patient. La bombe aérosol et la valve mentionnées dans le brevet 111 constituent tout simplement une composante mécanique de la préparation, conçue pour faire en sorte que les gouttelettes d'aérosol soient de la bonne grosseur et que le médicament soit administré à la dose voulue. La conclusion du Dr Rhodes, qui est compétent dans le domaine, se résume comme suit : [traduction] « À la lumière de ma compréhension des formulations pharmaceutiques, le brevet 111 présente des revendications se rapportant à une formulation qui comprend les éléments suivants : un médicament, un propulseur et un contenant. »

[20]            Glaxo soutient que le brevet 111 est analogue à celui visé dans Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 62 C.P.R. (3d) 58 (C.F. 1re inst.) conf. par (1995), 70 C.P.R. (3d) 206 (CAF) (Hoffmann-La Roche). Dans cette affaire, la Cour d'appel fédérale a reconnu qu'on doit généralement combiner un principe actif avec un agent stabilisant ou un véhicule d'absorption pour en faciliter l'ingestion. Une substance ne cesse pas d'être un médicament lorsqu'on la combine avec une autre substance. Dans la présentation de Glaxo, ce raisonnement devrait s'appliquer au brevet 111. Le fait qu'on inclue le contenant et la valve dans la revendication n'enlève rien au fait que le xinafoate de salmétérol/propionate de fluticasone, le propionate de fluticasone et le sulfate de salbutamol sont des médicaments.

[21]            Dans l'ensemble, selon Glaxo, la nature ou la raison d'être de l'invention ne devrait pas entrer en ligne de compte quand on veut interpréter les revendications aux fins de l'application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Le fait de tenir compte de la nature de l'invention mène à une fausse interprétation. C'est là où le Ministre a erré. Glaxo prétend que celui-ci a mal interprété la revendication en dirigeant principalement son attention sur le fait que la composante mécanique faisait partie de la formulation alors qu'elle n'était clairement pas revendiquée dans le brevet 111. Glaxo soutient qu'il convient de répéter que le but du Règlement est de prévenir la contrefaçon d'un brevet. Glaxo vend les produits mentionnés dans le brevet 111. En s'abstenant de l'inclure dans le registre des brevets, le Ministre prive le brevet 111 de la protection que lui assure le Règlement.

LES DISPOSITIONS APPLICABLES

[22]            L'alinéa 4(2)b) du Règlement AC est libellé comme suit :

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/1993-133

4(2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants :

[...]

b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament, et qu'elle souhaite voir inscrit au registre;

Patented Medicines (Notice of Compliance) Regulations, SOR/1993-133

4(2) A patent list submitted in respect of a drug must

[...]

(b) set out any Canadian patent that is owned by the person, or in respect of which the person has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list, that contains a claim for the medicine itself or a claim for the use of the medicine and that the person wishes to have included on the register;

[23]            Le terme « médicament » et les expressions « revendication pour le médicament en soi » et « revendication pour l'utilisation du médicament » sont définis à l'article 2 :

2. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent règlement.

« revendication pour le médicament en soi » S'entend notamment d'une revendication, dans le brevet, pour le médicament en soi préparé ou produit selon les modes du procédé de fabrication décrits en détail et revendiqués ou selon leurs équivalents chimiques manifestes.

« revendication pour l'utilisation du médicament » Revendication pour l'utilisation du médicament aux fins du diagnostic, du traitement, de l'atténuation ou de la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal, ou de leurs symptômes.

« médicament » Substance destinée à servir ou pouvant servir au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal, ou de leurs symptômes.

[...]

2. In these Regulations,

"claim for the medicine itself" includes a claim in the patent for the medicine itself when prepared or produced by the methods or processes of manufacture particularly described and claimed or by their obvious chemical equivalents;

"claim for the use of the medicine" means a claim for the use of the medicine for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or the symptoms thereof;

"medicine" means a substance intended or capable of being used for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or the symptoms thereof;

[...]

ANALYSE

[24]            Malgré les arguments convaincants avancés par Glaxo, je ne puis conclure que le ministre ait commis une erreur en refusant d'inscrire le brevet 111 au registre des brevets. Depuis la promulgation du Règlement AC, la Cour a été appelée à en interpréter les dispositions, notamment celles qui sont ici en question.

[25]            La Cour d'appel fédérale a déjà statué que le Règlement AC ne protège que les substances qui sont administrées aux patients; il ne protège pas les dispositifs servant à administrer ces substances : Glaxo Group Ltd. c. Novopharm Ltd. (1999), 87 C.P.R. (3d) 525 (C.A.F.), autorisation d'interjeter appel refusée, [2000] 1 R.C.S. xii (Glaxo Group). La Cour a conclu dans l'arrêt Glaxo Groop qu'un inhalateur utilisé pour administrer un médicament aux patients ne comportait pas de revendications pour le médicament en soi ni pour l'utilisation de ce médicament.

[26]            Dans un certain nombre d'affaires qui ont suivi, la Cour a dû établir si une revendication d'un brevet visant un médicament donné constituait une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation de ce médicament. Dans Novartis Pharmaceuticals Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2002) 22 C.P.R. (4th) 361 (C.F. 1re inst.), le juge MacKay a établi que les brevets se rapportant aux timbres d'oestrogènes visaient le système d'administration du médicament, et non le médicament lui-même. La juge Heneghan est parvenue à la même décision pour ce qui est des brevets concernant un timbre transdermique utilisé pour administrer des analgésiques de façon continue dans Janssen-Ortho Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2003), 24 C.P.R. (4th) 438 (C.F. 1re inst.). De même, dans Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Procureur général) (2003), 26 C.P.R. (4th) 360 (C.F. 1re inst.), la juge Dawson a conclu, à la lumière de son interprétation du brevet concernant une capsule insérée dans l'estomac (le rumen) de la patiente (une vache), que l'invention ne constituait pas un médicament, mais qu'elle servait à administrer un médicament.

[27]            La décision du juge MacKay dans Novartis, précité, a été confirmée en appel. Dans Novartis Pharmaceuticals Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2003), 28 C.P.R. (4th) 1 (CAF), au paragraphe 18, la Cour d'appel fédérale a exposé clairement le critère à appliquer afin de déterminer si la revendication du brevet devait être interprétée comme comprenant des allégations relatives au médicament. Le critère qui s'impose pour « établir si les timbres sont des médicaments au sens du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) consiste à savoir s'ils sont administrés aux patient[s] ou s'ils administrent des substances à [ces derniers]. » À propos de l'allégation de l'appelant selon laquelle la décision du juge MacKay était en contradiction avec le raisonnement dans l'affaire Glaxo Group, précité, la Cour a déclaré :

Le juge saisi de la demande n'a pas statué que seuls des principes actifs peuvent constituer un médicament. La théorie sous-jacente à sa décision est que les timbres ne sont pas administrés eux-mêmes, mais qu'ils servent plutôt à administrer un médicament, et il s'agit d'une application directe du jugement Glaxo.

[28]            J'ai examiné, comme le demandait Glaxo, les brevets en cause dans Hoffman-La Roche, précité, (brevet canadien no 1,083,963 - le brevet 963) et dans Glaxo Group, aussi précité, (brevet canadien no 1,272,917 - le brevet 917). À mon sens, l'objet du brevet 111 se rapproche plus de celui du brevet 917 (Glaxo Group) que de celui du brevet 963 (Hoffman-La Roche).

[29]            Le brevet dans Hoffman-La Roche, précité, avait pour objet une « composition » , c'est-à-dire un mélange de substances dans un contenant. Les ingrédients actifs et inactifs étaient physiquement mélangés dans une préparation, celle-ci constituant ainsi un « médicament » au sens du Règlement. Le brevet dans la décision Glaxo Group, précité, avait pour objet le dispositif utilisé pour administrer un médicament. Je réaffirme que la Cour a statué qu'à ce titre, le brevet en question ne contenait aucune revendication concernant le médicament en soi au sens du Règlement.

[30]            Selon moi, l'objet de la revendication 1 du brevet 111 concerne un système d'administration de médicaments; le brevet ne contient aucune revendication portant sur le médicament en soi. Le système comprend un médicament, un propulseur bien distinct et un contenant séparé muni d'une valve spéciale. Il ne s'agit pas d'une composition (ou préparation) de principes clairement actifs ou inactifs physiquement mélangés comme dans Hoffmann-La Roche. À première vue, la revendication vise principalement une valve liée à une bombe aérosol dotée de caractéristiques rendant plus efficace l'administration d'une préparation en aérosol. À cet égard, le fait que la revendication porte sur une « formulation » n'est pas déterminant. Le Dr Rhodes n'aborde pas cette question dans son affidavit. Par conséquent, les preuves qu'il présente ne sont d'aucune aide.

[31]            D'après mon interprétation de la revendication, celle-ci ne concerne pas un médicament (ni, par le fait même, l'utilisation du médicament) selon la définition et les conditions énoncées dans le Règlement. Même si je trouve inutile de me reporter à la divulgation du brevet 111 pour tirer cette conclusion, je trouve toutefois que le fait de m'y être reporté donne du poids à ma conclusion. Le brevet 111 a pour titre en français « Valve pour bombe aérosol » tandis que son titre en anglais est « Pharmaceutical Formulation and Use » .

[32]            L'un des deux schémas représentant le brevet illustre la valve spéciale décrite dans la revendication 1 :

[33]            À la page 1 de la divulgation, on décrit l'invention comme suit :

[traduction]

Cette invention concerne une valve pour bombe aérosol servant à libérer une quantité du contenu de la bombe. Bien qu'elle serve à libérer des aérosols en général, l'invention sert plus particulièrement à administrer des doses mesurées de médicaments.

[34]            À la page 2, la description de l'invention est formulée comme suit :

[traduction]

L'invention en question comprend une valve pour bombe aérosol servant à libérer une substance en suspension dans un propulseur liquide, le tout étant contenu dans ladite bombe, la valve comportant un corps doté d'au moins un orifice permettant à une quantité donnée de la suspension de passer de la bombe à l'intérieur de la valve [...].

[35]            On trouve de telles mentions à maintes reprises dans l'ensemble de la divulgation, sans compter les revendications elles-mêmes. L'invention en question n'est pas un médicament. Il s'agit plutôt d'un système comportant une valve spéciale qui a été conçue pour libérer ou administrer des médicaments. Interpréter le brevet comme le suggère Glaxo serait faire fi de l'autorité de la cour d'appel. Ce choix n'est pas possible pour moi puisque je suis liée par cette autorité.

[36]            Le ministre n'a donc pas commis d'erreur, comme il est allégué, et était fondé à refuser d'inscrire le brevet 111 au registre des brevets établi sous le régime du Règlement AC. En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée, avec dépens au défendeur. Si les parties ne peuvent s'entendre sur la question des dépens (comme je les invite à essayer de le faire), chacune pourra déposer à ce sujet des observations écrites de deux pages à double interligne au maximum, au plus tard le 1er novembre 2005. Je garde compétence sur la question des dépens pour le cas où elle serait contestée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée avec dépens.

                                                                           « Carolyn A. Layden-Stevenson »               

                                                                                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-1957-04

INTITULÉ :                                        GLAXOSMITHKLINE INC.

                                                            c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

                                                            LE MINISTRE DE LA SANTÉ

LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 3 OCTOBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                       LE 25 OCTOBRE 2005

COMPARUTIONS :

James Mills

Chantal Saunders                                                                       POUR LA DEMANDERESSE

F.B. Woyiwada                                                                        POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)                                                                       POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                                       POUR LES DÉFENDEURS

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.