Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                                 Date : 20050516

                                                                                                                           Dossier : T-1629-03

                                                                                                                  Référence : 2005 CF 694

ENTRE :

                                                     JEAN-VICTOR LAROCQUE

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                  SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

                                                               représentée par le

                                            MINISTRE DES PÊCHES ET OCÉANS

                                                                                                                                      défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE de MONTIGNY

[1]                Le demandeur cherche à obtenir, par le biais du présent contrôle judiciaire, l'annulation d'un permis de pêche à des fins scientifiques octroyé par le Ministère des pêches et des océans (MPO), au motif que le Ministre aurait outrepassé sa compétence en allouant 50 tonnes métriques de crabes des neiges en échange des services rendus par le détenteur du permis dans le cadre de la recherche scientifique entreprise par le Ministère.


FAITS

[2]                Le demandeur, Jean-Victor Larocque, est l'unique propriétaire de la compagnie Pêcheries J.V.L. Ltée., qui est détentrice d'un permis de crabe des neiges. Il appert que depuis 1990, les pêcheurs de crabe des neiges de la flottille traditionnelle ont volontairement participé à l'élaboration et à la mise en place de plusieurs mesures de conservation et protection du crabe des neiges avec le Ministère des Pêches et des Océans. En 1997, les détenteurs de permis de pêche au crabe des neiges de la zone 12 ont conclu une entente de cogestion avec le MPO dans laquelle était incluse des mesures de conservation et de protection de la ressource. Cette zone couvre un secteur situé du côté ouest du golfe du Saint-Laurent, comprenant des personnes résidant sur les côtes du Nouveau-Brunswick, du Québec et de Terre-Neuve, en bordure du golfe.

[3]                Malgré le fait que cette entente n'ait pas été renouvelée à son expiration en 2001, les dispositions de cette entente ont été suivies en 2002 et les crabiers ont continué d'en partager les coûts avec le Ministère, comme ils l'avaient fait au cours des années où l'entente était en vigueur, entre 1997 et 2001.


[4]                Après la saison de pêche de 2002, le Ministère a entrepris des négociations avec la flottille traditionnelle pour élaborer une nouvelle approche de cogestion. Ces négociations ont échoué, et il semble que la cause principale de cet échec a été la volonté exprimée par le Ministère d'augmenter l'effort de pêche en allouant un quota aux pêcheurs de homard et de poisson de fond sur une base permanente. Les pêcheurs crabiers traditionnels se sont opposés à cette idée d'un nouveau partage permanent de la ressource en alléguant que cela mettrait en péril la durabilité de cette pêche et risquait d'entraîner l'effondrement des stocks.

[5]                Étant donné l'échec de ces négociations, le MPO a annoncé un plan de gestion triennal pour la pêche du crabe des neiges dans le golfe du Saint-Laurent le 2 mai 2003. Le contingent global, qui était de 22 000 tonnes en 2002, a été ramené à 17 148 tonnes métriques. Ce quota a été fixé dans un contexte où il n'existait pas d'entente entre le MPO et les flottilles traditionnelles relativement aux mesures de gestion et de conservation. Dans une offre écrite faite aux pêcheurs le 11 mai 2003, le MPO se disait cependant ouvert à établir un total admissible des captures (TAC) plus élevé, à la condition qu'une entente de cogestion intervienne permettant la mise en place de la recherche scientifique et le suivi qui fourniront la confiance que les objectifs de conservation seront atteints.

[6]                Une telle entente ne pouvant être conclue, les représentants du MPO en sont néanmoins arrivés à la conclusion qu'il serait important de continuer à faire de la recherche scientifique relativement à cette pêche, pour en assurer la viabilité à long terme. Or, il n'est pas contesté que le Ministère n'avait pas les ressources financières requises pour assumer seul les coûts de certaines activités de recherche, notamment les dépenses d'opération reliées à un relevé au chalut. Ce genre de relevé est particulièrement utile pour évaluer la biomasse du stock, et de tels relevés avaient d'ailleurs été effectués depuis 1990.


[7]                Les pêcheurs traditionnels de crabe des neiges reconnaissaient également l'utilité d'une telle recherche scientifique, et ils ont donc décidé de retenir les services d'une firme de recherche privée pour effectuer un relevé au chalut et de défrayer les coûts associés à cette activité. Cette firme a présenté une demande au MPO le 7 juillet 2003 pour l'obtention d'un permis de pêche à des fins scientifiques, mais les fonctionnaires du MPO ont jugé que de l'information supplémentaire était requise avant de pouvoir évaluer cette demande de permis.

[8]                Entre-temps, le Ministère avait procédé à l'évaluation des coûts d'opérations du relevé au chalut et avait estimé que 50 tonnes de crabe, au prix du marché à l'époque, suffiraient pour couvrir les coûts d'opérations de l'éventuel détenteur du permis qui procéderait à ce relevé. La décision d'émettre un tel permis fut donc prise le 20 juin 2003 par le directeur régional général de la région du golfe au nom du MPO.

[9]                Afin d'identifier l'éventuel détenteur de permis, un processus public de demande de soumission a été utilisé. Dans un avis aux pêcheurs en date du 23 juillet 2003, le MPO décrit dans les termes suivants l'opération qu'il s'apprête à mener :

Le ministère des Pêches et Océans (MPO) désire annoncer qu'il mènera un relevé du crabe des neiges au chalut et aux casiers en 2003 pour les zones 12, 18, 25 et 26 du crabe des neiges. Le relevé sera exécuté en vertu d'un permis délivré en application du Règlement de pêches (dispositions générales); le détenteur d'un tel permis aura le droit de vendre jusqu'à 50 tonnes de crabe de taille réglementaire pour couvrir les coûts du relevé. Ces 50 t seront puisées dans le TAC établi pour 2003, qui est de 17 148 t.


Les objectifs du relevé sont d'évaluer l'état du stock, d'établir un indice d'abondance, de valider les données sur la pêche, de comparer la composition du stock selon le relevé au chalut et le relevé aux casiers, et d'étudier le cycle biologique du crabe des neiges et sa migration saisonnière (étiquetage de mâles et de femelles). Les renseignements prélevés pendant le relevé seront utilisés pour l'évaluation du stock et l'élaboration du plan de gestion de la pêche de 2004. Le MPO a l'intention de commencer le relevé bientôt.

[10]            Par ailleurs, les critères de sélection accompagnant cet avis décrivent le travail à effectuer de la façon suivante :

Partie A : Relevé au casier :

À effectuer un relevé au casier avec transectes dans deux endroits prédéterminés dans le sud-ouest du golfe du Saint-Laurent (portion de la zone 12, zones 25, 26 et 18) selon un protocole établi par le ministère de Pêches et Océans (MPO) afin que les représentants des Océans et Science du MPO puissent récolter les informations pour l'évaluation de stocks de crabe des neiges et conduire des analyses biologiques sur le cycle de vie et le mouvement saisonnier du crabe des neiges dans le sud-ouest du golfe du Saint-Laurent.

Partie B : Relevé au chalut :

À compléter avec succès un trait de chalut par station pour 230 stations prédéterminées selon un protocole établi par le MPO, à l'aide d'un chalut à langoustine de 20 mètres fourni par le MPO, afin que les représentants des Océans et Science du MPO puissent récolter les informations pour l'évaluation de la condition de stocks de crabe des neiges dans le sud-ouest du golfe du Saint-Laurent (portion de la zone 12, zones 25, 26 et 18).

[11]            Le permis de recherche scientifique a été émis le 7 août 2003, après la fin de la saison de pêche. La quantité de crabes des neiges qui avait alors été pêchée était de 300 tonnes inférieures au TAC.


[12]            Le 5 septembre 2003, la présente demande de contrôle judiciaire a été déposée. Cette demande vise à obtenir une déclaration à l'effet que le ministre a outrepassé sa compétence et a agi illégalement en prenant la décision d'émettre un permis de pêche aux fins scientifiques en échange d'une allocation de 50 tonnes métriques de crabes des neiges. On demande aussi, par voie de conséquence, une déclaration à l'effet que la décision du ministre soit annulée, et une prohibition pour le futur d'émettre un permis de pêche à des fins scientifiques en échange d'une allocation de toute espèce visée par la Loi sur les pêches.

QUESTIONS EN LITIGE

[13]            La question qu'il nous faut trancher dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, consiste essentiellement à déterminer si le Ministre peut, lorsqu'il émet un permis de pêche à des fins scientifiques, utiliser une portion de la ressource qu'il gère pour financer certaines activités de son Ministère.

[14]            Dans son mémoire, le demandeur a également soulevé deux autres questions, à savoir : 1) Le Ministre a-t-il abusé de son pouvoir ou a-t-il agi de façon contraire aux principes de justice naturelle relativement aux conditions exigées dans l'appel d'offres?; 2) Est-ce que la décision prise par un fonctionnaire du MPO d'émettre le permis aux fins scientifiques attaché d'une allocation de 50 tonnes métriques de crabe des neiges en échange de services demandés par le MPO constitue une délégation illégale du pouvoir conféré au ministre?

[15]            La défenderesse s'est objectée à ce que ces deux autres questions soient abordées, au motif qu'elles n'avaient pas été soulevées dans l'avis de demande de contrôle judiciaire. Lors de l'audition, le demandeur a renoncé à son deuxième motif. Quant au troisième motif, il n'a pas été plaidé par le procureur du demandeur et je n'en traiterai donc que de façon très sommaire dans le cadre de mon analyse.


PRÉTENTIONS DES PARTIES

[16]            Tout en reconnaissant que la Loi sur les pêches confère au Ministre un pouvoir discrétionnaire considérable relativement à l'émission de permis de pêche, le demandeur soutient que ce pouvoir ne va pas jusqu'à autoriser le Ministre à utiliser la ressource pour financer une recherche scientifique. Le pouvoir discrétionnaire octroyé au Ministre à l'article 7 de la Loi et à l'article 52 du Règlement de pêche (dispositions générales) lui permet d'émettre des permis de pêche dans l'unique but de gérer les pêches; en d'autres termes, le Ministre ne pourrait émettre des permis que pour autoriser l'activité de pêcher tout en s'assurant que cette activité sera contrôlée pour ne pas nuire à la protection et la conservation des stocks.

[17]            En agissant comme il l'a fait, le Ministre aurait déguisé un contrat de service en permis de pêche à des fins scientifiques, ce qui va au-delà des pouvoirs que lui confèrent la Loi et le Règlement. C'est au Conseil du Trésor qu'il revient d'allouer les fonds nécessaires au Ministère pour lui permettre de financer ses activités; le manque de ressources financières du Ministère ne saurait être comblé par l'utilisation des ressources qu'il a pour mission pour gérer.


[18]            Le demandeur s'est également appuyé sur la décision de cette Cour dans l'affaire Aucoin c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [2002 A.C.F. no. 1157 (QL). Cette affaire portait sur la légalité de la décision du MPO d'imposer une redevance aux titulaires de permis traditionnels de pêche au crabe en sus des droits exigibles pour leur permis. La redevance additionnelle devait servir à la réalisation de projets de création d'emplois destinés aux personnes travaillant dans les usines de traitement du crabe qui étaient mises à pied. Le juge Rouleau en est arrivé à la conclusion qu'un tel régime destiné à apporter de l'aide financière aux employés saisonniers travaillant dans les usines de traitement du poisson qui ne sont plus admissibles aux prestations d'assurance-emploi excédaient les pouvoirs du Ministre.

[19]            L'avocate du Ministère a soutenu pour sa part que les véritables questions auxquelles il faut répondre sont les suivantes : 1) La pêche à des fins scientifiques prévue dans le permis en litige est-elle en accord avec la gestion et la surveillance judicieuse des pêches? 2) La décision du Ministre est-elle en accord avec son obligation de gérer, conserver et développer les pêches au nom des Canadiens et dans l'intérêt public? 3) Le Ministre a-t-il fondé sa décision sur des considérations pertinentes, évité l'arbitraire, et agi de bonne foi?

[20]            S'appuyant sur la jurisprudence, en vertu de laquelle le Ministre doit utiliser son pouvoir d'émettre des permis en vue de gérer, conserver et développer les pêches au nom des Canadiens et dans l'intérêt public, la défenderesse a plaidé que la réalisation d'activités de recherche scientifique qui permettent l'évaluation des stocks s'inscrivait parfaitement dans la poursuite de cet objectif. Conséquemment, le relevé au chalut, partie importante du permis en litige, était une activité tout à fait en accord avec une gestion et une surveillance judicieuse des pêches.


[21]            Quant à savoir si le permis en litige constituait en quelque sorte un moyen déguisé de financer les activités du Ministère, la défenderesse rétorque dans un premier temps que le MPO n'a pas l'obligation spécifique d'entreprendre un relevé au chalut, et qu'il est donc erroné de prétendre que l'émission du permis visait à remplir une obligation ou une activité essentielle du MPO prescrite par la Loi. D'autre part, l'avocate du Ministère ajoute que l'allocation de crabe n'avait pas pour objet de procurer au détenteur du permis un bénéfice mais bien une compensation adéquate pour ses dépenses d'opérations, incluant son salaire de capitaine. Cette allocation ne constituait donc pas une fin dominante du permis mais n'en constituait tout au plus qu'un accessoire; dans la mesure où l'objectif principal du permis consistait à effectuer de la recherche scientifique, il faut considérer que le Ministre a agi dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[22]            La solution de la présente demande de contrôle judiciaire passe par l'application des dispositions législatives et réglementaires suivantes :



7.(1)    En l'absence d'exclusivité du droit de pêche conférée par la loi, le ministre peut, à discrétion, octroyer des baux et permis de pêche ainsi que des licences d'exploitation de pêcherie - ou en permettre l'octroi -, indépendamment du lieu de l'exploitation ou de l'activité de pêche.

   (2)    Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l'octroi de baux, permis et licences pour un terme supérieur à neuf ans est subordonné à l'autorisation du gouverneur général en conseil.

. . . .

43.    Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements d'application de la présente loi, notamment :

a) concernant la gestion et la surveillance judicieuses des pêches en eaux côtières et internes;

b) concernant la conservation et la protection du poisson;

c) concernant la prise, le chargement, le débarquement, la manutention, le transport, la possession et l'écoulement du poisson;

d) concernant l'exploitation des bateaux de pêche;

e) concernant l'utilisation des engins et équipements de pêche;

e.1) concernant le marquage, l'identification et l'observation des bateaux de pêche;

e.2) concernant la désignation des observateurs, leurs fonctions et leur présence à bord des bateaux de pêche;

f) concernant la délivrance, la suspension et la révocation des licences, permis et baux;

g) concernant les conditions attachées aux licences, permis et baux;

g.1) concernant les registres, documents comptables et autres documents dont la tenue est prévue par la présente loi ainsi que la façon de les tenir, leur forme et la période pendant laquelle ils doivent être conservés;

g.2) concernant la façon dont les registres, documents comptables et autres documents doivent être présentés et les renseignements fournis sous le régime de la présente loi;

h) concernant l'obstruction et la pollution des eaux où vivent des poissons;

i) concernant la conservation et la protection des frayères;

j) concernant l'exportation de poisson;

k) concernant la prise ou le transport interprovincial de poisson;

l) prescrivant les pouvoirs et fonctions des personnes chargées de l'application de la présente loi, ainsi que l'exercice de ces pouvoirs et fonctions;

m) habilitant les personnes visées à l'alinéa l) à modifier les périodes de fermeture, les contingents ou les limites de taille ou de poids du poisson fixés par règlement pour une zone ou à les modifier pour un secteur de zone.

                                    * * * * * * * * * *

35.(1) Le présent article ne s'applique pas aux mammifères marins.

     (2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit d'acheter, de vendre, d'échanger, de troquer, d'offrir d'acheter ou d'offrir pour la vente, l'échange ou le troc des poissons à moins qu'ils n'aient été pris et gardés en vertu d'un permis délivré à des fins de pêche commerciale, d'un permis délivré aux termes de la partie VII, d'un permis délivré aux termes du Règlement sur les permis de pêche communautaire des Autochtones qui porte la mention que le ministre a autorisé la vente des poissons ou d'un permis de pêche du saumon en surplus des besoins en géniteurs délivré en vertu du Règlement de pêche du Pacifique (1993).

     (3) Le paragraphe (2) ne s'applique pas si l'achat, la vente, l'échange ou le troc est effectué conformément à la convention définie à l'article 2 de la Loi sur le règlement des revendications des Inuvialuit de la région de l'Arctique ou la convention définie à l'article 2 de la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois.

. . . .

50 Dans la présente partie, « permis » s'entend d'un permis autorisant la pêche à des fins expérimentales, scientifiques, éducatives ou pour exposition au public.

51. Il est interdit de pêcher à des fins expérimentales, scientifiques, éducatives ou pour exposition au public à moins d'y être autorisé par un permis.

52. Malgré les dispositions des règlements énumérés au paragraphe 3(4), le ministre peut délivrer un permis si la pêche à des fins expérimentales, scientifiques, éducatives ou pour exposition au public est en accord avec la gestion et la surveillance judicieuses des pêches.

7.(1)    Subject to subsection (2), the Minister may, in his absolute discretion, wherever the exclusive right of fishing does not already exist by law, issue or authorize to be issued leases and licences for fisheries or fishing, wherever situated or carried on.

   (2)    Except as otherwise provided in this Act, leases or licences for any term exceeding nine years shall be issued only under the authority of the Governor in Council.

. . . .

43.    The Governor in Council may make regulations for carrying out the purposes and provisions of this Act and in particular, but without restricting the generality of the foregoing, may make regulations

(a) for the proper management and control of the sea-coast and inland fisheries;

(b) respecting the conservation and protection of fish;

(c) respecting the catching, loading, landing, handling, transporting, possession and disposal of fish;

(d) respecting the operation of fishing vessels;

(e) respecting the use of fishing gear and equipment;

(e.1) respecting the marking, identification and tracking of fishing vessels;

(e.2) respecting the designation of persons as observers, their duties and their carriage on board fishing vessels;

(f) respecting the issue, suspension and cancellation of licences and leases;

(g) respecting the terms and conditions under which a licence and lease may be issued;

(g.1) respecting any records, books of account or other documents to be kept under this Act and the manner and form in which and the period for which they shall be kept;

(g.2) respecting the manner in which records, books of account or other documents shall be produced and information shall be provided under this Act;

(h) respecting the obstruction and pollution of any waters frequented by fish;

(i) respecting the conservation and protection of spawning grounds;

(j) respecting the export of fish or any part thereof from Canada;

(k) respecting the taking or carrying of fish or any part thereof from one province to any other province;

(l) prescribing the powers and duties of persons engaged or employed in the administration or enforcement of this Act and providing for the carrying out of those powers and duties; and

(m) where a close time, fishing quota or limit on the size or weight of fish has been fixed in respect of an area under the regulations, authorizing persons referred to in paragraph (l) to vary the close time, fishing quota or limit in respect of that area or any portion of that area.

                                    * * * * * * * * * *

35(1) This section does not apply in respect of marine mammals.

        (2) Subject to subsection (3), no person shall buy, sell, trade, barter or offer to buy, sell, trade or barter any fish unless it was caught and retained under the authority of a licence issued for the purpose of commercial fishing, a licence issued under Part VII, a licence issued under the Aboriginal Communal Fishing Licences Regulations in which the Minister has authorized the sale of fish or an Excess Salmon to Spawning Requirement Licence issued under the Pacific Fishery Regulations, 1993.

        (3) Subsection (2) does not apply if the buying, selling, trading or bartering is carried out in accordance with the terms of the Agreement defined in section 2 of the Western Arctic (Inuvialuit) Claims Settlement Act or the Agreement defined in section 2 of the James Bay and Northern Quebec Native Claims Settlement Act.

. . . .

50. In this Part, "licence" means a licence to fish for experimental, scientific, educational or public display purposes.

51. No person shall fish for experimental, scientific, educational or public display purposes unless authorized to do so under a licence.

52. Notwithstanding any provisions of any of the Regulations listed in subsection 3(4), the Minister may issue a licence if fishing for experimental, scientific, educational or public display purposes would be in keeping with the proper management and control of fisheries.


ANALYSE


[23]            L'argumentation développée par le demandeur dans ses représentations écrites et orales s'articule autour de deux idées maîtresses : le permis à des fins scientifiques octroyé par le Ministère le 7 août 2003 constitue un contrat de service déguisé dans la mesure où il vise essentiellement à rémunérer le détenteur de permis pour des tâches dont le Ministre doit s'acquitter au terme de la Loi. Dans la mesure où cette rémunération prend la forme d'une allocation de ressources, il est allégué que le Ministre excède les pouvoirs que lui sont dévolus puisque rien ne l'autorise à se servir ainsi de la ressource qu'il gère pour financer ses activités.

[24]            Pour évaluer le bien-fondé de ces prétentions, il convient de se pencher sur les dispositions législatives et réglementaires pertinentes. Il n'est pas contesté que la source du pouvoir que possède le Ministre d'octroyer des permis de pêche se trouve à l'article 7 de la Loi sur les pêches. À sa face même, ce pouvoir est discrétionnaire et ne confère aucun droit à ceux qui en font la demande d'obtenir un permis de pêche. Pourtant, il est bien établi qu'un pouvoir discrétionnaire n'est pas illimité et ne doit pas ouvrir la porte à l'arbitraire. Il doit toujours être exercé dans le respect des principes de justice naturelle et conformément aux objectifs fixés par la loi.

[25]            S'agissant plus particulièrement des permis de pêche à des fins expérimentales ou scientifiques, l'article 52 du Règlement de pêche (dispositions générales) reprend cette idée en précisant que le Ministre peut délivrer de tels permis si la pêche « est en accord avec la gestion et la surveillance judicieuses des pêches » . La question qui se pose est donc celle de savoir si le Ministre a agi conformément aux fins prévues par la Loi et le Règlement en octroyant le permis qui fait l'objet des présentes procédures.


[26]            Une simple lecture de la description du travail à effectuer et des objectifs visés (reproduits plus haut) permet de se convaincre que le permis octroyé avait essentiellement pour but d'évaluer les stocks de crabes des neiges pour en assurer la conservation et l'exploitation responsable. Je vois d'ailleurs mal comment le demandeur pourrait contester cette constatation, étant donné que les pêcheurs traditionnels de crabe des neiges ont eux-mêmes retenu les services d'une firme spécialisée pour obtenir un permis de pêche afin d'effectuer des relevés semblables.

[27]            Ce n'est donc pas l'activité elle-même dont on conteste la légalité, mais la façon de la financer. En permettant au détenteur de permis de retenir et de vendre 50 tonnes de crabe, on se serait trouvé à transformer le permis de pêche en un contrat de service puisque l'émission du permis ne serait à toutes fins pratiques qu'une façon déguisée de financer les activités du ministère.

[28]            J'ai de la difficulté à me convaincre que la décision d'octroyer 50 tonnes de crabe au détenteur de permis plutôt que de le rémunérer à partir des budgets du Ministère suffit pour transformer le permis de pêche en contrat de service. J'estime au contraire que la façon de rémunérer le détenteur de permis pour sa contribution aux analyses scientifiques du Ministère est purement accessoire au véritable objet du permis.


[29]            Il aurait pu en aller autrement si l'on avait réussi à faire la preuve que l'allocation de crabes consentie au détenteur de permis se traduisait par des bénéfices nets importants; dans cette hypothèse, le caractère scientifique des opérations autorisées par le permis aurait pu être remise en question. En l'occurrence, le Ministère a soutenu que le produit de la vente des 50 tonnes de crabe ne couvrirait que les frais d'exploitation du détenteur de permis; malgré les doutes exprimés par le demandeur à cet égard, cette évaluation me paraît tout à fait réaliste compte tenu des exigences prévues dans l'appel d'offres.

[30]            Je note au passage que l'article 35 du Règlement semble prévoir explicitement la possibilité que du poisson recueilli sous l'autorité d'un permis de pêche à des fins scientifiques puisse être vendu. Cette activité commerciale ne suffit pas, à elle seule, à transformer la nature du permis. Ce qui importe, c'est la nature principale des opérations pour lesquelles le permis a été délivré, et non ses aspects accessoires.

[31]            Bref, à moins que la Loi n'interdise par ailleurs au Ministre d'allouer un quota de crabes des neiges à un pêcheur en contrepartie des relevés effectués pour le compte du ministère à des fins scientifiques, je ne vois rien dans le permis comme tel qui puisse en rendre l'émission illégale ou ultra vires.

[32]            Puisque la Loi est muette sur cette question, il faut en rechercher l'esprit pour tenter de déterminer les considérations pertinentes dont le Ministre peut s'inspirer lorsqu'il octroie des permis de pêches. Comme on l'a vu plus haut, un pouvoir discrétionnaire n'est jamais absolu et doit toujours s'exercer en tenant compte des objectifs visés par le législateur.


[33]            L'arrêt Comeau Sea Foods c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), [1997] 1 R.C.S. 12, fournit une bonne illustration de ce principe dans le contexte des pêches et apporte un éclairage crucial sur les motifs qui peuvent guider le Ministre dans l'exercice des pouvoirs que lui confère la Loi. Appelée à déterminer si le MPO pouvait révoquer une autorisation de délivrer un permis de pêche après en avoir autorisé la délivrance (mais avant qu'il soit effectivement émis), la Cour suprême a dû examiner l'étendue du pouvoir discrétionnaire du Ministre prévu par l'article 7 de la Loi. Se prononçant au nom de la Cour, le juge Major a écrit (aux paras. 36-37) :

Je suis d'avis que le pouvoir discrétionnaire d'autoriser la délivrance de permis, qui est conféré au Ministre par l'art. 7, est, à l'instar de son pouvoir discrétionnaire de délivrer des permis, restreint seulement par l'exigence de justice naturelle, étant donné qu'il n'y a actuellement aucun règlement applicable. Le Ministre doit fonder sa décision sur des considérations pertinentes, éviter l'arbitraire et agir de bonne foi. Il en résulte un régime administratif fondé principalement sur le pouvoir discrétionnaire du Ministre : [¼].

Cette interprétation de la portée du pouvoir discrétionnaire du Ministre est conforme à la politique globale de la Loi sur les pêches. Les ressources halieutiques du Canada sont un bien commun qui appartient à tous les Canadiens. En vertu de la Loi sur les pêches, le Ministre a l'obligation de gérer, conserver et développer les pêches au nom des Canadiens et dans l'intérêt public (art. 43). Les permis sont un outil dans l'arsenal de pouvoirs que la Loi sur les pêches confère au Ministre pour gérer les pêches. Ils permettent de restreindre l'accès à la pêche commerciale, de limiter le nombre de pêcheurs et de navires et d'imposer des restrictions quant aux engins de pêche utilisés et à d'autres aspects de la pêche commerciale. [C'est moi qui souligne].

[34]            La question que l'on doit se poser est donc celle de savoir si le Ministre, en décidant d'octroyer un permis autorisant un pêcheur qui collabore aux activités scientifiques du ministère à conserver 50 tonnes de crabes des neiges pour couvrir ses frais d'opération, était mû par son obligation de « gérer, conserver et développer les pêches au nom des Canadiens et dans l'intérêt public » . Posée en ces termes, la question ne peut faire l'objet que d'une réponse affirmative.


[35]            Il ne fait aucun doute que les relevés effectués par le détenteur du permis ont pour objet d'évaluer l'état du stock, d'établir un indice d'abondance, de valider les données sur la pêche et d'étudier le cycle biologique du crabe des neiges et sa migration saisonnière. La preuve indique d'ailleurs que l'on procède à de tels relevés depuis une quinzaine d'années, et le demandeur n'a jamais contesté l'utilité d'une telle opération.

[36]            Nous sommes donc bien loin de la situation qui avait été portée à l'attention de cette Cour dans l'arrêt Aucoin. Dans cette affaire, à laquelle nous avons déjà fait allusion au paragraphe 18 des présents motifs, le Ministre avait alloué vingt pour cent du contingent traditionnel alloué à chaque pêcheur à une société sans but lucratif (Partenariat du crabe des neiges Inc.), qui ne possédait pas et n'exploitait pas de bateaux de pêche, et qui ne se livrait pas à des activités de pêche. Sur paiement par chaque pêcheur au Partenariat d'une somme d'argent, qui était fonction du contingent total du pêcheur par livre, le Partenariat avisait le ministère que le pêcheur en question avait contribué la somme due sur sa prise par livre, et les représentants du ministère libéraient en faveur du pêcheur les vingt pour cent qui avaient été retenus sur le contingent.

[37]            Appelé à se prononcer sur la validité de ce programme, voici comment le juge Rouleau s'est exprimé :


Le ministre possède un pouvoir discrétionnaire absolu, mais il est précisé qu'il peut octroyer des permis de pêche et des licences d'exploitation; il n'est pas dit qu'il peut aider à mettre sur pied un programme de prestations d'assurance-chômage et percevoir des redevances additionnelles. La conduite du ministre à cet égard n'est fondée sur aucun pouvoir et elle n'est pas conforme à aucune fin prévue par la loi. La Loi sur les pêches vise à protéger et à réglementer les pêches, et les mesures prises par le ministre excédaient sans aucun doute le pouvoir discrétionnaire qui lui était conféré.

(¼)

Un régime visant à apporter de l'aide financière aux employés saisonniers travaillant dans les usines de traitement du poisson de la région qui ne sont plus admissibles aux prestations d'assurance-emploi n'a absolument rien à voir avec l'octroi de baux ou de licences aux fins de la gestion et du contrôle des pêches et de la conservation et de la protection du poisson. (paras. 43 et 46)

[38]            Il ressort clairement de cet extrait que ce qui posait problème dans cette affaire, ce n'était pas le mécanisme mis en place pour financer le Partenariat, mais bien l'objectif même poursuivi par cet organisme dont le financement provenait des redevances sur les permis de pêche. Il en va bien différemment dans la présente affaire. En effet, la légitimité des fins visées par le Ministère et leur conformité à l'esprit de la Loi ne saurait être remise en question. La créativité dont on a fait preuve pour pallier l'insuffisance des fonds dont disposait le ministère n'entache pas la légalité de l'objectif recherché et ne dénature pas le moyen retenu pour y parvenir. Il m'est d'autant plus facile d'en arriver à cette conclusion que la modalité du permis de pêche dont on conteste la légalité (l'octroi de 50 tonnes de crabes des neiges) ne représente qu'une infime proportion du total admissible des captures, qui n'avait d'ailleurs pas été atteint pour l'année en cause.


[39]            Quant à l'argument de la sous-délégation illégale, il ne me paraît pas pouvoir être retenu pour les raisons suivantes. D'abord, le paragraphe 24(2) de la Loi d'interprétation (L.R.C.1985, ch. I-21) énonce explicitement que « la mention d'un ministre par son titre ou dans le cadre de ses attribution, que celles-ci soient d'ordre administratif, législatif ou judiciaire, vaut mention (¼) d) indépendamment de l'alinéa c), de toute personne ayant, dans le ministère ou département d'État en cause, la compétence voulue » .

[40]            L'émission d'un permis et la détermination des modalités y afférentes constitue manifestement un acte de nature administrative. Or, la jurisprudence a maintes fois reconnu que la sous-délégation de tels pouvoirs était implicitement permise, étant entendu que le ministre ne pourrait personnellement examiner toutes les demandes de permis que la Loi l'autorise à délivrer (voir notamment Ahmad c. Commission de la Fonction publique, [1974] 2 C.F. 644; La Reine c. Harrison, [1977] R.C.S. 238).

[41]            Pour tous ces motifs, j'en arrive donc à la conclusion que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

                                                                                                                      (s) « Yves de Montigny »          

Juge


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER:                                          T-1629-03

INTITULÉ:                                         JEAN-VICTOR LAROCQUE c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, représentée par le MINISTRE DES PÊCHES ET OCÉANS

LIEU DE L'AUDIENCE:                   Fredericton (Nouveau Brunswick)

DATE DE L'AUDIENCE:                 Le 13 avril 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE:    Le Juge de Montigny

DATE DE L'ORDONNANCE:         16 mai 2005

COMPARUTIONS:

Me Brigitte Sivret                                                                                          POUR LE DEMANDEUR

Me Ginette Mazerolle                                                                              POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:


McInnes Cooper

Moncton (Nouveau-Brunswick)                                                                   POUR LE DEMANDEUR

Me John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                                                    POUR LA DÉFENDERESSE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.