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Date : 20040119

Dossier : IMM-10292-03

Référence : 2004 CF 77

Toronto (Ontario), le 19 janvier 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

ENTRE :

PARARAJASINGAM THAMBIRAJAH

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE SHORE

INTRODUCTION

[1]                 Il s'agit d'une requête en sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi. Le demandeur doit être renvoyé du Canada le 22 janvier 2004.

[2]                 Le demandeur sollicite une ordonnance de certiorari annulant la décision de l'agent d'immigration.

[3]                 Le demandeur a fait l'objet d'un ERAR.

[4]                 Le demandeur sollicite également une ordonnance de mandamus enjoignant au défendeur de lui fournir une évaluation exhaustive et équitable des risques auxquels il serait exposé s'il retournait au Sri Lanka.

LES FAITS

[5]                 Le demandeur est un Tamoul du Sri Lanka. Il semble que le demandeur est arrivé au Canada à la fin de l'année 1999 ou au début de l'année 2000. Il a demandé le statut de réfugié, mais sa demande a été rejetée. L'ERAR dont il a fait l'objet lui a été défavorable.

[6]                 Le demandeur allègue avoir une conjointe de fait. Sa conjointe de fait a une fille de sept ans très malade, souffrant de déficit immunitaire mixte et de lymphome. Le demandeur allègue qu'il soutient financièrement sa conjointe de fait et la fille de celle-ci.

LA QUESTION EN LITIGE

[7]                 Doit-on surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi?


ANALYSE

[8]                 Pour pouvoir accorder un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi, la Cour doit être convaincue :

a)          que le demandeur a soulevé une question sérieuse à trancher;

b)         que le demandeur subirait un préjudice irréparable s'il était renvoyé du Canada;

c)          que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur.

Le demandeur doit satisfaire aux trois volets du critère (voir Toth c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1998), 86 N.R. 302 (C.A.F.)).


[9]                 Avant d'étudier le critère quant au fond, il convient de noter qu'il existe une contradiction possible dans les documents présentés par le demandeur. Le demandeur affirme qu'il a une conjointe de fait et que sa conjointe a une fille de sept ans. Toutefois, la lettre émanant de l'hôpital pour enfants énonce que la fillette malade est la [traduction] « nièce » du demandeur (page 61 du dossier). Il s'agit peut-être d'une erreur de traduction du tamoul. Si cette contradiction était résolue ou s'il s'agissait d'une simple erreur de traduction, il semblerait alors que c'est la conjointe de fait du demandeur et la fille de celle-ci, et non pas nécessairement le demandeur, qui subiraient un préjudice irréparable du fait du renvoi du demandeur du Canada, et ce, parce que la conjointe de fait bénéficie du soutien émotionnel et financier du demandeur. La prépondérance des inconvénients semblerait également jouer en leur faveur. Toutefois, le critère de l'arrêt Toth doit être appliqué dans sa totalité. On a invoqué la décision Zolotareva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 F.C.J. no 1596, qui revêt une importance cruciale pour les besoins de la présente requête en sursis, et dans laquelle l'accent a été mis sur les considérations d'ordre humanitaire et non pas sur la décision de l'agent d'ERAR. Les paragraphes 47 et 48 de la décision Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 3 C.F. 682, ont également été mentionnés.

[10]            Même si la requête en sursis était accordée, il n'y aurait pas de question sérieuse à trancher.


[11]            Le demandeur soutient que l'agent d'immigration était tenu de lui donner la possibilité de contrer la conclusion selon laquelle il ne risquait pas d'être persécuté s'il était renvoyé au Sri Lanka, et il invoque la décision Yang c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1989] A.C.F. no 218, à l'appui de sa prétention. La décision Yang ne s'applique pas en l'espèce étant donné qu'il y était question d'un visa. Dans cette affaire, une entrevue avait eu lieu, mais l'agente avait omis de s'acquitter de son devoir de poser des questions pertinentes. Or, en l'espèce, le demandeur n'a pas prouvé qu'une entrevue devait obligatoirement avoir lieu aux fins de communication de renseignements supplémentaires. De plus, dans les affaires touchant la délivrance d'un visa, le fardeau de démontrer que les critères de sélection ont été remplis incombe toujours au demandeur. Lorsqu'il s'agit d'un ERAR, le demandeur doit démontrer qu'il serait exposé à un risque s'il était renvoyé du Canada. L'agent d'immigration n'est pas tenu d'informer le demandeur des critères auxquels il doit satisfaire pour que l'ERAR lui soit favorable. Comme l'argument avancé par le demandeur revient essentiellement à dire que l'agent d'immigration a une telle obligation, il doit être rejeté.

[12]            Le demandeur fait valoir que l'agent d'immigration aurait dû étudier la question de savoir si la conjointe de fait du demandeur et la fille de celle-ci allaient subir un préjudice irréparable si le demandeur était renvoyé du Canada. Toutefois, en vertu des articles 96 à 98 de la LIPR, l'agent n'est tenu d'évaluer que le préjudice que pourrait subir la personne qui doit être renvoyée. La portée d'un ERAR ne s'étend pas au préjudice irréparable que subiraient les membres de la famille du demandeur qui resteraient au Canada après l'expulsion de celui-ci.

[13]            Le demandeur semble soutenir que l'agent d'immigration était tenu de vérifier si le demandeur pourrait être parrainé par sa conjointe. Toutefois, le demandeur ne mentionne aucune décision à l'appui de cette prétention. Un agent d'immigration chargé de mener un ERAR n'est pas tenu de vérifier si le demandeur pourrait obtenir un autre statut au pays.


[14]            En dernier lieu, le demandeur affirme que l'agent d'immigration a commis une erreur lors de son évaluation de la preuve documentaire. Cet argument n'est pas convaincant. L'agent a mentionné qu'il y avait eu un ralentissement dans l'amélioration de la situation politique au Sri Lanka (page 49 du dossier), et que des exécutions sommaires, des disparitions et l'existence d'une discrimination institutionnelle contre les Tamouls avaient été rapportées (page 54). L'agent a soupesé les renseignements favorables et défavorables au sujet des événements qui se sont produits au Sri Lanka, et il a conclu que la situation s'était suffisamment améliorée pour que le demandeur ne subisse pas de préjudice s'il était renvoyé du Canada au Sri Lanka.

CONCLUSION

[15]            Le critère énoncé dans l'arrêt Toth est un critère conjonctif, et l'on doit satisfaire à ses trois volets. Pour ce seul motif, la demande d'un sursis doit être rejetée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête en sursis soit rejetée.                 

           « Michel M. J. Shore »           

Juge

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska , LL.B.


COUR FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                  IMM-10292-03

INTITULÉ :                                                 PARARAJA THAMBIRAJA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                         TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                       LE 19 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                               LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :                               LE 19 JANVIER 2004

                                                                                   

COMPARUTIONS :

Helen P. Luzius                                               POUR LE DEMANDEUR

Martin Anderson                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Helen P. Luzius                                               POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                                       

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