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Date : 19991110


Dossier : T-2235-98


OTTAWA (Ontario), le 10 novembre 1999


DEVANT : MONSIEUR LE JUGE MacKAY


ENTRE :



DAVID IAIN TENCH



demandeur



et



LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA



défendeur



     Le demandeur ayant présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission de la fonction publique avait rejeté, le 29 octobre 1998, la demande qu"il avait présentée en vue du réexamen d"un rapport d"enquête daté du 24 août 1998 et le demandeur sollicitant les réparations ci-après énoncées :

1.      Une réparation à l"égard de la décision de la Division d"appel et un redressement à l"égard des dommages-intérêts adjugés au défendeur dans la plainte, devant être déterminés par un actuaire ou par une entreprise indépendante impartiale désignés à cette fin, ayant un effet obligatoire comme s"ils étaient accordés par la Cour;
2.      Une indemnisation, en ce sens que le montant des amendes disciplinaires doit être remis et les lettres enlevées du dossier du personnel du demandeur et que le dossier de rendement du demandeur doit être remis dans son état antérieur;

3.      Une promotion correspondant à deux pleins niveaux de classification, conformément aux compétences et connaissances du demandeur telles qu"elles sont démontrées par les tests ministériels;

4.      Toute modification des réparations susmentionnées que la Cour juge appropriée.

     Le demandeur, qui agissait pour son propre compte, et l"avocate du défendeur, ayant été entendus à Halifax (Nouvelle-Écosse) le 14 septembre 1999, et le demandeur ayant alors demandé à être autorisé à poursuivre la présente instance et à réclamer des dommages-intérêts à Sa Majesté la Reine;

     Ma décision ayant été reportée et les arguments présentés à l"audience ayant par la suite été examinés;


ORDONNANCE

IL EST ORDONNÉ CE QUI SUIT :

1.      La demande est rejetée.

2.      Chaque partie prendra ses frais en charge.





                         W. Andrew MacKay
                                     JUGE

Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.




Date : 19991110


Dossier : T-2235-98


ENTRE :



DAVID IAIN TENCH



demandeur



et



LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA



défendeur



MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE MacKAY

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission de la fonction publique (la Commission) a décidé, le 29 octobre 1998, de ne pas réexaminer un rapport d"enquête dans lequel il était conclu que le demandeur, M. Tench, n"avait pas droit à la priorité à cause de son handicap conformément à l"article 40 du Règlement sur l"emploi dans la fonction publique1 (le Règlement).

[2]      La demande de contrôle judiciaire soulève trois questions. Premièrement, il s"agit de savoir si la réparation sollicitée par le demandeur peut être accordée dans cette instance, à savoir dans une demande de contrôle judiciaire. Deuxièmement, il s"agit de savoir si la question du droit à la priorité que posséderait le demandeur à l"égard de son handicap n"a plus qu"un intérêt théorique. Troisièmement, il s"agit de savoir si la Commission a commis une erreur de droit en décidant que le demandeur n"avait pas droit à la priorité à l"égard de son handicap lorsqu"il ne travaillait pas, du mois de juin 1993 au mois de juin 1995.

Les faits

[3]      Le demandeur travaillait pour le Service correctionnel du Canada (le SCC) au pénitencier de Joyceville, en Ontario. À la suite d"une maladie, il a pris un congé non rémunéré le 1er avril 1993.

[4]      Le demandeur s"est presque immédiatement installé en Nouvelle-Écosse; il affirme qu"il a commencé à chercher du travail au sein de la fonction publique fédérale, dans cette province. Par la suite, le demandeur a commencé à être traité par un psychiatre, le docteur Hirsch, pendant l"automne 1993.

[5]      Par la suite, au mois de mai 1994, le SCC a reçu de Sun Life du Canada (l"assureur qui s"occupait de l"assurance-invalidité des employés fédéraux) des renseignements selon lesquels des prestations d"invalidité seraient rétroactivement versées au demandeur à compter du 10 juin 1993. Ces prestations ont été versées jusqu"au 9 juin 1995, pendant que le demandeur était en congé de maladie. On a alors cessé de verser les prestations parce que M. Tench n"avait pas fourni le rapport médical complet demandé par l"assureur avant que l"on détermine si les prestations devaient continuer à être versées. Le demandeur a reçu une lettre du SCC (le demandeur affirme qu"elle a été envoyée le 21 octobre 1995 alors que le SCC affirme qu"elle a été envoyée le 3 août 1995), disant qu"étant donné qu"il avait eu un congé non rémunéré pendant plus de deux ans, il devait songer aux choix dont il disposait, à savoir retourner au travail ou démissionner. Jusqu"alors, le demandeur n"avait jamais été informé de son droit à la priorité.

[6]      Le demandeur a alors communiqué avec les établissements de Springhill et de Dorchester pour y chercher du travail. Il a également communiqué avec le pénitencier de Joyceville pour essayer d"être muté dans la région de l"Atlantique. Il a échoué, de sorte qu"il est retourné à l"établissement de Joyceville le 4 mars 1996. Dans son affidavit, le demandeur relate la multitude de problèmes qu"il a eus avec d"autres membres du personnel de l"établissement après son retour.

[7]      La situation s"est détériorée et le demandeur allègue qu"un certain nombre de mesures d"enquête et de mesures disciplinaires ont été prises contre lui, à son avis, [TRADUCTION] " en vue d"établir son inconduite, afin de fonder une demande de licenciement motivé ". Les enquêtes ont donné lieu à des amendes et à des lettres de réprimande.

[8]      Au mois de février 1997, le demandeur a pris un [TRADUCTION] " bref congé " et une entente a été conclue, l"autorisant à être muté à l"établissement de Springhill, en Nouvelle-Écosse. Les rapports du demandeur avec ses collègues, à Springhill, étaient bien meilleurs qu"à Joyceville, mais le demandeur affirme qu"il a continué à ressentir les effets secondaires physiques du stress que lui avait causé son ancien poste. Il a cessé de travailler et a recommencé à voir le psychiatre qu"il avait consulté la dernière fois qu"il était en Nouvelle-Écosse. Au mois d"octobre 1997, le demandeur a déposé auprès de la Commission de la fonction publique une plainte dans laquelle il alléguait qu"il n"avait pas été informé de son droit à la priorité et qu"on aurait dû lui accorder la priorité lorsqu"il était en congé de maladie, de 1993 à 1995.

[9]      Le 24 août 1998, un enquêteur de la Direction générale des recours, à la Commission de la fonction publique, après avoir entendu le demandeur et l"employeur, a conclu que la plainte du demandeur n"était pas fondée. Le demandeur a interjeté appel contre cette décision le 26 août 1998, et le directeur des opérations, Direction générale des recours, Commission de la fonction publique, y a répondu le 29 octobre 1998, en refusant de réexaminer la décision de l"enquêteur. La demande de contrôle judiciaire découle de cette dernière décision.

Première question : La réparation sollicitée par le demandeur

[10]      Dans son avis modifié de demande, le demandeur demande à cette cour de lui accorder les réparations suivantes :

1.      Une réparation à l"égard de la décision de la Division d"appel et un redressement à l"égard des dommages-intérêts adjugés au défendeur dans la plainte, devant être déterminés par un actuaire ou par une entreprise indépendante impartiale désignés à cette fin, ayant un effet obligatoire comme s"ils étaient accordés par la Cour;
2.      Une indemnisation, en ce sens que le montant des amendes disciplinaires doit être remis et les lettres enlevées du dossier du personnel du demandeur et que le dossier de rendement du demandeur doit être remis dans son état antérieur;
3.      Une promotion correspondant à deux pleins niveaux de classification, conformément aux compétences et connaissances du demandeur telles qu"elles sont démontrées par les tests ministériels;
4.      Toute modification des réparations susmentionnées que la Cour juge appropriée.

[11]      Lorsque cette demande a été entendue, le demandeur, qui agissait pour son propre compte, sans préavis, a déclaré que la Cour devrait permettre la continuation de l"instance à titre d"action en dommages-intérêts, soit une action qui, selon lui, est visée par la clause 4 de la demande de réparation, telle qu"elle est énoncée au paragraphe précédent. À son avis, il devrait être autorisé à poursuivre l"instance en vue de recouvrer des dommages-intérêts compensatoires et en vue de recouvrer le montant des amendes imposées à la suite des mesures disciplinaires qui ont été prises à Joyceville après qu"il fut retourné travailler à cet endroit, en 1996.

[12]      Dans les arguments qu"elle a présentés à l"audience, l"avocate du défendeur a cité la décision Zubi c. Canada2 rendue par Monsieur le juge Cullen de cette cour. Dans cette affaire-là, le demandeur sollicitait le contrôle judiciaire et des dommages-intérêts à la suite d"une décision selon laquelle il devait être transféré d"un établissement à sécurité minimale à un établissement à sécurité moyenne. Voici ce que le juge Cullen a dit, au paragraphe 9 :

Dans sa déclaration, le demandeur recherche un jugement déclaratoire contre la décision de le transférer dans un établissement à sécurité moyenne, il veut être déclaré un détenu à sécurité minimale et aussi, obtenir des dommages-intérêts s'élevant à 5 000,00 $. Il ressort clairement de la déclaration que la réparation recherchée est de celles qui sont prévues à l'article 18, et non simplement des dommages-intérêts de la part de la Couronne, comme le prétend l'avocate du demandeur. Ainsi donc, le demandeur devrait déposer une demande de contrôle judiciaire conformément aux articles 18 et 18.1 et ensuite, s'il obtient gain de cause, intenter une action en dommages-intérêts.

[13]      Il est bien établi que des dommages-intérêts peuvent uniquement être demandés au moyen d"une action; la Cour n"est pas autorisée à accorder des dommages-intérêts dans le cadre d"un contrôle judiciaire. La réparation qui peut être accordée dans une instance visant à faire examiner une décision prise par un office fédéral est limitée aux formes de réparations prévues à l"article 18 de la Loi sur la Cour fédérale3 et aux ordonnances énoncées au paragraphe 18.1(3) de la Loi. En outre, la Cour n"est pas autorisée à transformer la présente instance en une action.

[14]      Parmi les réparations sollicitées par le demandeur, seule [TRADUCTION] " la réparation à l"égard de la décision de la Division d"appel " peut être obtenue devant cette cour dans un cas approprié, à la suite d"une demande de contrôle judiciaire. L"octroi de dommages-intérêts, ou l"" indemnisation " comme demandeur l"appelle, la remise du dossier de rendement dans son état antérieur ou encore l"octroi d"une promotion ne constituent pas des réparations que cette cour peut accorder dans la présente instance.

Question II : La question du droit à la priorité a-t-elle encore un intérêt pratique?

[15]      La demande de contrôle a été présentée le 30 novembre 1998. Auparavant, au moyen d"une entente conclue entre le demandeur et le SCC, apparemment pendant que le demandeur s"était encore une fois absenté de son travail pour cause de maladie, après qu"il eut travaillé un certain temps à Springhill, le demandeur était considéré comme admissible à la priorité pour un travail disponible dans le secteur public, pour la période allant du 14 avril 1998 au 13 avril 2000. Cette période a commencé à courir avant que la décision ici en cause ait été prise et elle continuera à courir après l"audience et le prononcé de la présente décision.

[16]      Le défendeur soutient que la question du droit du demandeur à la priorité n"a plus qu"un intérêt théorique. Il est soutenu que cela est d"autant plus le cas que le demandeur s"est vu accorder pareille priorité pour la période allant du mois d"avril 1998 au mois d"avril 2000. Le défendeur cite un arrêt faisant autorité de la Cour suprême, Borowski c. Canada (P.G.)4. Dans cette affaire-là, Monsieur le juge Sopinka a rendu jugement au nom de la Cour :

La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu"un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu"une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s"applique quand la décision du tribunal n"aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l"affaire [...]
La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s"il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l"affaire. [...] Pour être précis, je considère qu"une affaire est " théorique " si elle ne répond pas au critère du " litige actuel ". Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s"il estime que les circonstances le justifient.

[17]      En l"espèce, après être devenu handicapé en 1993, M. Tench est retourné travailler au mois de mars 1996. Il est retourné travailler pendant la période où il aurait eu priorité si son admissibilité avait été reconnue. À mon avis, en retournant travailler, le demandeur a renoncé à tout droit qu"il aurait pu invoquer compte tenu de l"obligation de lui offrir un emploi qui incombait à son employeur.

[18]      À mon avis, il n"y a pas de [TRADUCTION] " litige actuel " entre les parties au sujet du droit à la priorité que posséderait le demandeur par suite du handicap dont il a été atteint de 1993 à 1995. Si le contrôle judiciaire avait pour effet d"infirmer la décision qui a été prise, lorsqu"on a refusé d"examiner la demande relative à la priorité pour la période allant de 1993 à 1995, la réparation accordée pourrait tout au plus être une ordonnance de réexamen et, si le demandeur avait gain de cause, on pourrait maintenant lui accorder priorité. M. Tench bénéficie maintenant de cette priorité. Une décision modifiant son droit pour la période antérieure ne pourrait avoir aucun effet sur l"une ou l"autre partie à ce stade.

[19]      Cela étant, j"estime que la doctrine relative au caractère théorique s"applique et que la Cour devrait refuser d"examiner l"affaire.

Question III : Le contrôle judiciaire de la décision de la Commission

[20]      Même si je devais conclure que la demande de réparation relative à la décision rendue en appel n"était pas dénuée d"intérêt pratique à ce stade, je ne suis pas convaincu, en ce qui concerne la troisième question qui est ici en cause, que la Commission ait commis une erreur en décidant que le demandeur n"avait pas droit à la priorité en vertu du Règlement sur l"emploi dans la fonction publique5. La priorité est établie par les dispositions suivantes :

40. (1) Subject to subsection (2) and section 43, where a person becomes disabled at the time the person is an employee and as a result of the disability is no longer able to carry out the duties of the person's position, the person is entitled, for a period of two years beginning on the day on which the person is ready to return to work, in accordance with a certification by a competent authority, where that day is within two years after the person became disabled, to be appointed without competition and, subject to sections 29, 30 and 39 of the Act, in priority to all other persons, to a position in the Public Service for which, in the opinion of the Commission, the person is qualified.

40. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et de l'article 43, la personne qui est devenue handicapée alors qu'elle était fonctionnaire et qui, de ce fait, n'est plus en mesure d'exercer les fonctions de son poste a le droit, pendant une période de deux ans à compter du jour où elle est prête à retourner au travail selon l'attestation d'une autorité compétente, si ce jour est compris dans les deux ans suivant la date où elle est devenue handicapée, d'être nommée sans concours et, sous réserve des articles 29, 30 et 39 de la Loi, en priorité absolue à un poste de la fonction publique pour lequel la Commission la juge qualifiée.

(2) A person referred to in subsection (1) who is appointed or deployed for an indeterminate period or declines an appointment for an indeterminate period without good and sufficient reason ceases to be entitled to be appointed to a position pursuant to that subsection.

(2) La personne visée au paragraphe (1) perd le droit de nomination conféré par ce paragraphe si elle est nommée ou mutée pour une période indéterminée ou refuse une nomination pour une période indéterminée sans motifs valables et suffisants.

(3) For the purposes of this section, a person is considered to be disabled where the person qualifies for disability compensation under the Canada Pension Plan, the Quebec Pension Plan, the Public Service Superannuation Act, the Government Employees Compensation Act or a Public Service group disability insurance plan.

(3) Pour l'application du présent article, une personne est considérée comme handicapée si elle est admissible à une indemnité d'invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada, du Régime de rentes du Québec, de la Loi sur la pension de la fonction publique, de la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État ou d'un régime collectif d'assurance-invalidité de la fonction publique.

[21]      Pour être admissible en vertu de ces dispositions, le fonctionnaire handicapé doit être en mesure de retourner travailler dans un délai de deux ans conformément au paragraphe 40(1), et la priorité s"applique alors pendant la période de deux ans qui suit la date à laquelle une autorité compétente a attesté que la personne concernée est prête à retourner travailler. Il s"agit de savoir de quelle façon cette période de deux ans est calculée.

[22]      Le paragraphe 40(1) exige une attestation par une " autorité compétente ", qui n"est pas désignée. Le demandeur soutient que Sun Life est une autorité compétente et que la lettre que Sun Life a envoyée à l"employeur le 3 février 1995 constitue une attestation efficace. Dans cette lettre, Sun Life dit que le demandeur cessera de toucher des prestations après une période de 24 mois et que, s"il n"est pas en mesure de démontrer qu"il a continuellement été atteint d"une invalidité totale au point qu"il ne pourrait exercer presque aucun emploi, les prestations ne lui seront plus versées. À mon avis, à part la question contestable de savoir si Sun Life est une " autorité compétente " pour attester l"état de santé du demandeur, cette lettre ne constitue pas une attestation de l"aptitude à travailler du demandeur.

[23]      Le demandeur signale également une lettre que son médecin a envoyée à Sun Life et une télécopie qu"il a lui-même envoyée à l"établissement de Joyceville. De l"avis du défendeur, ces deux documents ne satisfaisaient pas à l"exigence selon laquelle l"attestation doit être délivrée par une autorité compétente. Dans son rapport, l"enquêteur fait notamment les remarques suivantes :

[TRADUCTION]
[...] M. Tench a touché des prestations d"invalidité pour la période allant du 10 juin 1993 au 9 juin 1995, mais il ne satisfait pas au deuxième critère, à savoir la remise d"un avis disant qu"il était en mesure de retourner travailler, comme l"a attesté une autorité médicale compétente, mais en exerçant des fonctions autres que celles de son poste d"attache.
Ni la lettre du 4 mai 1994 ni la participation du demandeur à un concours, en septembre 1994, ne montrent que celui-ci était en mesure de retourner travailler immédiatement ou qu"il ne pouvait pas continuer à occuper son poste d"attache d"agent de correction. Ces deux conditions doivent être remplies pour que le demandeur ait priorité à l"égard de son handicap. Quant à la lettre du 15 janvier 1995 du médecin de M. Tench, elle a été envoyée à Sun Life et non au ministère. La personne responsable de la gestion des sinistres chez Sun Life, Mme Charland, n"a pas transmis ce renseignement au ministère étant donné que M. Tench n"avait pas autorisé la compagnie à le faire. Partant, le ministère ne savait pas que M. Tench était en mesure de retourner travailler ou n"était pas au courant de la recommandation que le médecin avait faite, à savoir qu"il exerce un autre emploi. Par conséquent, le ministère ne pouvait pas informer la CFP du droit à la priorité étant donné que les autorités compétentes ne lui avaient pas confirmé que le fonctionnaire était en mesure de retourner travailler. Enfin, la télécopie que M. Tench a envoyée à M. Burke le 15 novembre 1995 a été envoyée en dehors de la période pendant laquelle M. Tench avait touché des prestations d"invalidité. Cela étant, M. Tench ne satisfait plus au premier critère applicable au droit à la priorité. Cela étant, M. Tench n"a jamais satisfait aux critères d"admissibilité au cours de la période de deux ans prévue par le Règlement.
M. Tench a également dit que le ministère ne lui avait jamais expliqué les choix dont il disposait en vertu du paragraphe 40(1) du Règlement. La chose a été confirmée au moyen des déclarations de Mme Johnston et de M. Morrin et d"un examen du dossier du personnel de M. Tench. En général, le ministère est tenu d"informer de la façon appropriée des conditions applicables le fonctionnaire qui prend un congé d"invalidité. Dans ce cas-ci, cela n"a pas été fait, mais il n"y a pas eu de conséquences, parce que le plaignant n"était pas prêt à retourner travailler au cours de la période de deux ans prévue par le Règlement.

[24]      À mon avis, la décision de ne pas examiner le rapport de l"enquêteur, et en fait de confirmer la conclusion selon laquelle les autorités compétentes n"avaient pas informé l"employeur que M. Tench était en mesure de retourner travailler au cours de la période d"invalidité de deux ans en cause, était fondée sur les faits et elle était raisonnable. Il n"existait tout simplement pas de preuve contraire. La lettre du médecin n"a pas été transmise à l"employeur et la télécopie qui a été envoyée à l"établissement de Joyceville le 15 novembre 1995 n"a pas été envoyée dans le délai imparti.

[25]      Il serait possible de soutenir, compte tenu des lignes directrices adoptées par l"employeur le 20 décembre 1996 aux fins de l"administration des cas prioritaires, que le demandeur a obtenu le droit à la priorité au moyen de sa lettre du mois de novembre, étant donné que la lettre a été reçue dans les deux ans qui ont suivi la date où le handicap a été reconnu par Sun Life, lorsque cette dernière a décidé de lui verser des prestations d"invalidité. Toutefois, étant donné que les lignes directrices ont été adoptées après que la période d"invalidité de 1993 à 1995 eut pris fin, du fait que le demandeur était retourné travailler en mars 1996, il n"a jamais été admissible pendant qu"il était atteint d"un handicap. Ce n"est qu"en rétrospective, en établissant un rapport entre les lignes directrices et la période précédant leur adoption qu"il est possible de soutenir que M. Tench était admissible. En l"espèce, aucun argument n"a été présenté en ce qui concerne l"application rétroactive des lignes directrices, et celles-ci ne constituent pas la loi, relativement à leur application. Rien ne permet de déterminer que la décision ici en cause, à savoir ne pas examiner le rapport de l"enquêteur, est erronée.

[26]      Les parties s"entendent sur un point, sur lequel le présent contrôle n"est pas fondé. Elles s"entendent pour dire que le SCC ne s"est pas acquitté des obligations qu"il avait envers M. Tench. Il est concédé que le SCC n"a jamais informé M. Tench qu"il avait peut-être priorité à cause de son handicap lorsqu"il était incapable de travailler, de 1993 à 1995. Il semble qu"on venait à peine de mettre en oeuvre le programme accordant la priorité à l"égard d"un autre emploi aux membres du personnel qui devenaient handicapés pendant qu"ils travaillaient. Néanmoins, lorsqu"il est devenu clair que le demandeur s"absenterait pour une période prolongée à cause d"une maladie couverte par l"assureur, le SCC aurait dû informer celui-ci qu"il avait peut-être priorité à l"égard d"un autre emploi.

[27]      L"omission d"informer le demandeur ne constitue pas ici un fondement permettant d"infirmer la décision de ne pas examiner le rapport de l"enquêteur. Le demandeur s"était plaint qu"on ne considérait pas qu"il avait droit à la priorité; or, comme nous l"avons vu, il n"a pas fourni dans le délai imparti l"attestation d"une autorité compétente selon laquelle il était en mesure de retourner travailler. Il ne remplissait donc pas les conditions d"admissibilité.

Conclusion

[28]      Pour les motifs susmentionnés, je suis d"avis que la question du droit du demandeur à la priorité à l"égard de la période allant de 1993 à 1995 n"a plus qu"un intérêt théorique. Pourtant, même si ce n"était pas le cas, je ne suis pas convaincu que l"employeur ait commis une erreur en l"espèce en décidant que les conclusions du rapport que l"enquêteur avait rédigé au sujet de la plainte ne devraient pas être examinées.

[29]      La seule réparation que la Cour aurait pu accorder en l"espèce, à supposer que la preuve du demandeur ait été convaincante, aurait consisté à infirmer la décision et à renvoyer la plainte pour réexamen. Étant donné que je ne suis pas convaincu qu"une réparation doive être accordée, une ordonnance rejetant la demande de contrôle judiciaire sera rendue.



                         W. Andrew MacKay
                                     JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 10 novembre 1999


Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :                  T-2235-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          David Iain Tench c. le procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :              Halifax

DATE DE L"AUDIENCE :              le 14 septembre 1999


MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE MacKAY EN DATE DU 10 NOVEMBRE 1999.


ONT COMPARU :

David Iain Tench                  POUR SON PROPRE COMPTE

Kathryn Keilly                  POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

__________________

1      DORS/93-286.

2      (1993), 17 F.T.R. 168, [1993] A.C.F. no 168 (QL), 21 Admin. L.R. (2d) 291.

3      L.R.C. (1985), ch. F-7, dans sa forme modifiée.

4      [1989] 1 R.C.S. 342, 57 D.L.R. (4th) 231.

5      Supra, note 1, art. 40.

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